VUES

DES CORDILLÈRES,

ET MONUMENS

DES PEUPLES INDIGÈNES DE L'AMÉRIQUE.

VUES

DES CORDILLÈRES,

ET MONUMENS

DES PEUPLES INDIGÈNES DE L'AMÉRIQUE.

PAR AL. DE HUMBOLDT.

A PARIS,

Chez F. SCHOELL, rue des Fossés-Saint-Germain-l'Auxerrois, n.° ag.

1810.

INTRODUCTION.

J'ai réuni dans cet ouvrage tout ce qui a rapport à l'origine et aux premiers progrès des arts chez les peuples indigènes de l'Amérique. Les deux tiers des Planches qu'il renferme offrent des restes d'archi- tecture et de sculpture, des talileaux historiques, des hiéroglyphes relatifs à la division du temps et au système du calendrier. A la représentation des monuraens qui intéressent fétude philosophique de l'homme sont jointes les vues pittoresques de diflférens sites, les plus remarquables du nouveau continent. Les raisons qui ont motivé ce mélange se trouvent énoncées parmi les cousidérations générales placées à la (été de cet Essai.

La description de chaque Planche forme , autant que la nature du sujet l'a permis, un mémoire particulier. .l'ai donné plus de déve- loppement à celles qui peuvent répandre quelque jour sur les analogies que l'on observe entre les habitans des deux hémisphères. On est surpris de trouver, vers la fin du quinzième siècle, dans un monde que nous appelons nouveau, ces institutions antiques, ces idées religieuses, ces formes d'édifices qui semblent remonter, en Asie, à la première aurore de la civilisation. Il en est des traits caractéristiques des nations comme de la structure intérieure des végétaux répandus sur la surface du globe. Partout se manifeste l'empreinte d'un type primitif, malgré les différences que produisent la nature des climats, celle du sol et la réunion de plusieurs causes accidentelles.

Au commencement de la conquête de f Amérique , lattention de

ij INTRODUCTION.

l'Europe étoit singulièrement fixée sur les constructions gigantesques du Couzco, les grandes routes tracées au centre des Cordillères, les pyramides à gradins, le culte et l'écriture symbolique des Mexicains. Les environs du port Jackson, dans la Nouvelle-Hollande, et l'île d'Otahiti n'ont pas été décrits plus souvent de nos jours, que ne 1 etoient alors plusieurs contrées du Mexique et du Pérou. 11 faut avoir été sur les lieux pour apprécier cette naïveté , cette teinte vraie et locale qui caractérise les relations des premiers voyageurs espagnols. En étudiant leurs ouvrages^ on regrette qu'ils ne soient pas accompagnés de figures qui puissent donner une idée exacte de tant de monumens détruits par le fanatisme ou tombés en ruine par l'effet d'une coupable insouciance.

L'ardeur avec laquelle on s'étoit livré à des recherches sur l'Amérique, diminua dès le commencement du dix-septième siècle; les colonies espa- gnoles, qui renferment les seules régions jadis habitées par des peuples civilisés, restèrent fermées aux nations étrangères; et récemment, lorsque l'abbé Clavigero publia en Italie son Histoire ancienne du Mexique, on regarda comme très -douteux des faits attestés par une foule de témoins oculaires souvent ennemis les uns des autres. Des écrivains célèbres j plus frappés des contrastes que de l'harmonie de la nature, s étoient plu à dépeindre l'Amérique entière comme un pays marécageux, contraire à la multiplication des animaux, et nouvellement habité par des hordes aussi peu civilisées que les habitans de la mer du Sud. Dans les recherches historiques sur les Américains, un scepticisme absolu avoit été substitué à une saine critique. On confondoit les descriptions déclamatoires de Solis et de quelques autres écrivains qui n'avoient pas quitté l'Europe, avec les relations simples et vraies des premiers voyageurs; il paroissoit du devoir dun philosophe de nier tout ce qui avoit été observé par des missionnaires.

Depuis la fin du dernier siècle, une révolution heureuse s'est opérée dans la manière d'envisager la civilisation des peuples et les causes qui

INTRODUCTION. m en arrêtent ou favorisent les progrès. Nous avons appris à eoinioilre des nations dont les mœurs, les inslilutions et les arts diffèrent presque autant de ceux des Grecs et des Romains, que les formes primitives d'animaux détruits diffèrent de celles des espèces qui sont l'objet de l'histoire naturelle descriptive. La société de Calcutta a répandu une vive lumière sur l'histoire des peuples de l'Asie. Les monumens de l'Égypte, décrits de nos jours avec une admirable exactitude, ont été comparés aux monumens des pays les plus éloignés , et mes recherches sur les peuples indigènes de l'Amérique paroissent à une époque oii l'on ne regarde pas comme indigne d'attentiou tout ce qui s'éloigne du style dont les Grecs nous ont laissé d'ini- mitables modèles.

Il auroit été utile de ranger les matériaux que renferme cet ouvrage, d'après un ordre géographique; mais la difficulté de réunir et de terminer à la fois un grand nombre de Planches gravées en Italie, en Allemagne et en France, m'a empêché de suivre cette méthode. Le défaut d'ordre, compensé, jusqu'à un certain point, par l'avantage de la variété, est d ailleurs moins répréhensible dans les descriptions d'un Atlas pittoresque que dans un discours soutenu. Je tâcherai d'y remédier par une Table dans lacjuelle les Planches sont classées d'après la nature des objets qu'elles représentent.

I. Monumens. A. Mexicains.

Buste d'une prétresse, Pl. i et ii, p. /1-7. Pyramide de Cholula , Pl. vu, p. ^4-36. Fort de Xocliicalco, PL ix, p. S^-Zil.

Bas-relief représentant le triomplie d'un guerrier, Pl. XI, p. 47-5l. .Calendrier et liiéroglyphes des jours. Pl. xxlll, p. 125-194. Vases, Pl. XXXIX, p. 238.

Bas-relief sculpté autour d'une pierre cylindrique. Pl. xxi, p. 118-122. Hache chargée de caractères. Pl. xxviii,p. 214. Maison sépulcrale de Mitia, Pl. xlix et l, p. 270-273.

INTRODUCTION,

peintures liiiiroglypliiqucs ;

Manuscrits du Vatican, Pl. xni, xiv, xxvi et lx, p. 56-8g; 202-311.

de Vcléiri, Pl. XV, xxvii et xxxvii , p. 89-toi; 212; 235-237. de Vienne, PI xlvi, xlvii et xi,viii,p. 2G7-270. de Dresde, Pl. xlv, p. 266,

de Berlin, Pl. xii, xxxvi, xxxviii et lvii, p. 5i-5G; a34; ^S^; 283.

de Paris, Pl. lv et lvi, p. 279-283.

de Mendoza , Pl. lviii et lix, p. 284-291.

de Genielli, Pl. xxxii , p. 223-33o.

B. Péruviens.

Maison de l'Inea au Caiiar, Pl. Inga-Chiingana, Pl. xix, p. 112-114. Eiiines du Callo, Pl. xxiv, p. igS-aoo, Inti giiaicu , Pl. xviii, p. 111-112.

C. Muyscas.

Calendrier, Pl. xliv, p. 243-265. Télés sculptées, Pl. lxvi, p. 297.

XX et LXii, p. 107-:

te

II. Sites.

A. Plateau du Mexique.

Grande place de Mexico, Pl. m, ]i. 7-9. Basaltes de Régla, Pl. xxii, p. 1 22-1 25. ColTre de Perote, Pl. xxxiv, p. a33. Volcan de Jorutio, Pl. XLiii, p. 242-a44- Porphyres colonnaïres du Jacal, Pl. lxv, p. 296. Orgaiios d'Actopan, Pl. lxiv, p. 296.

C. Montagnes de l'Amérique méridionale. Silla de Caracas, Pl. lxviii, p. 298. Volcans d'air de Turbaco, Pl. xli, p. 339-241. Cascade de Teqnendama , Pl. vi, p. 19-23. Lac de Gualavita , Pl. lxvii, ]>. l!97.

Pont naturel d'irononzo. Pl.

Passage de Quindiu, Pl. v, ]>. 13-19. Cascade du Rio Viuagrc, Pl. xxx, p. 220. Chiniborazo, Pl. xvi et xxv, p. 102-107; 200-202. Volcan de Cotopaxi, Pl. x, p. 4i-47- Sommets pyramidaux d'ilinissa. Pl. xxxv, p. 233. Nevado du Corazon, Pl. li, p. 273. Nevado de Cayambe, Pl. xlii, p. 241. Volcan de Picliincha, Pl. lxi, p. 291. ■Pont de cordages de Pcnipe, Pl. xxxiii, p. 23o. Poste de Jaen de liracanioros , Pl. xxxi, p. 221. Radeau de Guayaquil, PI. lxhi, p. 295.

INTRODUCTION. v Jai tâché de donner la plus grande exactitude à la représen- tation des objets qu'offrent ces gravures. Ceux qui s'occupent de la partie pratique des arts savent combien il est difficile de surveiller le grand nombre de Planches qui composent un Atlas pittoresque. Si c[uelques-unes sont moins parfaites que les connoisseiu's ne pour- roient le désirer, celte imperfection ne doit pas être attribuée aux artistes chargés, sous mes yeux, de l'exécution de mon ouvrage, mais aux esquisses que j'ai faites sur les lieux dans des circonstances souvent très-pénibles. Plusieurs piiysages ont été coloriés, parce que, dans ce genre de gravure, les neiges se détachent beaucoup mieux sur le fond du ciel, et que l'imitation des peintures mexicaines rendoit déjà indispensable le mélange de Phuiches coloriées et de Planches tirées en noir. On a senti combien il est difficile de donner aux premières cette vigueur de ton que nous admirons dans les Scènes Orientales de M. Daniel.

Je me suis proposé, dans la description des nionumens de l'Amérique, de tenir un juste milieu entre deux routes suivies par les savans qui ont fait des recherches sur les monumens, les langues et les traditions des peuples. Les uns se livrant à des hypothèses brillantes mais fondées sur des bases peu solides^ ont tiré des résultais généraux dun petit nombre de faits isolés. Ils ont vu en Amérique des colonies chinoises et égyptiennes; ils y ont reconnu des dialectes celtiques et l'alphabet des Phéniciens. Tandis que nous ignorons si les Osques, les Golhs ou les Celles sont des peuples venus d'Asie, on a voulu prononcer sur l'origine de toutes les hordes du nouveau continent. D'autres savans ont accumulé des matériaux sans s'élever à aucune idée générale, méthode stérile dans l'histoire des peuples comme dans les différentes branches des sciences physiques. Puissé-je avoir été assez heureux pour éviter les écarts que je viens de désigner! Un pelit nombre de nations, très-cloignées les unes des autres, les Étrusques, les Égyptiens, les Tibétains et les Aztèques, offrent des analogies

yx INTRODUCTION.

frappantes dans leurs édifices, leurs institutions religieuses, leurs divisions du temps, leurs cycles de régénération et leurs idées mystiques. Il est du devoir de l'historien d'indiquer ces analogies, aussi difficiles à expliquer que les rapports qui existent entre le sanscrit, le persan, le grec et les langues d'origine germanique : mais en essayant de généraliser les idées, il faut savoir s'arrêter au point oii manquent les données exactes. C'est d'après ces principes que j'exposerai ici les résultats auxquels semljlent conduire les notions que j ai acquises jusqu'à ce jour sur les peuples indigènes du nouveau monde.

En examinant attentivement la constitution géologique de lAmé- rique , en réfléchissant sur féquililjre des lluides qui sont répandus sur la surface de la terre, on ne sauroit admettre que le nouveau continent soit sorti des eaux plus tard que lancien. On y oljserve la même succession de couclies pierreuses que dans notre hémisphère, et il est probable que, dans les montagnes du Pérou, les granités, les schistes micacés ou les différentes formations de gypse et de grès ont pris naissance aux mêmes époques que les roches analogues des Alpes de la Suisse. Le globe entier paroit avoir sulji les mêmes catastrophes. A une hauteur qui excède celle du Mont-Blanc, se trouvent suspendues, sur la crête des Andes, des pétrifications de coquilles pélagiques. Des ossemens fossiles d'éléphans sont épars dans les régions équinoxiales, et, ce qui est très-remarquidJe, ils ne se trouvent pas au pied des palmiers dans les plaines l^rûlantes de lOrénoque, mais sur les plateaux les plus froids et les plus élevés des Cordillères. Dans le nouveau monde, comme dans l'ancien, des générations de.spèces détruites ont précédé celles qui peuplent aujourd'hui la terre, l'eau et les airs.

Rien ne prouve que l'existence de l'homme soit beaucoup plus récente en Amérique que dans les autres continens. Sous les tropiques, la force de la végétation, la largeur des fleuves et les inondations partielles ont mis de puissantes entraves aux migrations des peuples.

INTRODUCTION. vu

De vastes contrées de l'Asie boréale sont aussi foiblemeiit peuplées que les savanes du Nouveau-Mexique et du Paraguay, et il n'est pas nécessaire de supposer que les contrées les plus anciennement habitées soient celles qui offrent la plus grande masse d'habitans.

Le problème de la première population de l'Amérique n'est pas plus du ressort de l'histoire, que les questions sur l'origine des plantes et des animaux et sur la distribution des germes organiques ne sont du ressort des sciences naturelles. Lhistoire, en remontant aux époques les plus reculées, nous montre presque toutes les parties du globe occupées par des hommes qui se croient aborigènes, parce quils ignorent leur filiation. Au milieu d'une multitude de peuples qui se sont succédés et mêlés les uns aux autres, il est impossible de reconuoître avec exactitude la première base de la population, cette couche primitive au-delà de laquelle commence le domaine des traditions cosmogoniques.

Les nations de l'Amérique, à l'exception de celles qui avoisinent le cercle polaire, forment une seule race caractérisée par la confor- mation du crâne, par la couleur de la peau, par l'extrême rareté de la barbe et par des cheveux plats et lisses. La race américaine a des rapports très-sensibles avec celle des peuples mongols qui renferme les descendans des Hiong-nu, connus jadis sous le nom de Huns, les Kalkas, les Kalmuks et les Burattes. Des obserxations récentes ont même prouvé que non seulement les habitans d'Unalaska, juais aussi plusieurs peuplades de l'Amérique méridionale, indiquent, par des caractères ostcologiques de la téte, un passage de la race américaine à la race mongole. Lorsqu'on aura mieux étudié les hommes bruns de lAfrique et cet essaim de peuples qui habitent lintérieur et le nord-est de l'Asie, et que des voyageurs systématiques désignent vaguement sous le nom de Tatars et de Tschoudes, les races caucasienne, mongole, américaine, malaye et nègre paroîtront moins isolées, et l'on reconnoîlra, dans celte grande famille du genre

VIII INTRODUCTION.

humain, un seul type organique modifie par des circonstances qui nous resteront peut-être à jamais inconnues.

Quoique les peuples indigènes du nouveau continent soient unis par des rapports intimes, ils offrent, dans leurs traits mobiles, dans leur teint plus ou moins basané, et dans la hauteur de leur (aille, des différences aussi marquantes que les Arabes, les Persans et les Slaves, qui appartiennent tous à la race caucasienne. Les hordes qui parcourent les plaines bridantes des régions équinoxiales n'ont cependant pas la peau d'une couleur plus foncée que les peuples montagnards ou les habitans de la zone tempérée, soit que dans l'espèce humaine et dans la plupart des animaux il y ail une certaine époque de la vie organique au-delà de laquelle l'inllnence du climat et de la nourriture est presc^ue nulle, soit que la déviation du type primitif ne devienne sensible qu'après une longue série de siècles. D'ailleurs, tout concourt à prouver que les Américains, de même que les peuples de race mongole, ont une moindre flexibilité d organisation que les antres nations de l'Asie et de l'Europe.

La race américaine, la moins nombreuse de toutes, occupe cependant le plus grand espace sur le globe. Elle sétend à travers les deux hémisphères, depuis les 68 degrés de latitude nord jusqu'aux 5,5 degrés de latitude sud. Cest la seule de toutes les races qui ait fixé sa demeure dans les plaines bridantes v^oisines de l'Océan, comme sur le dos des montagnes, oli elle sclève à des hauteurs qui excèdent de 200 toises celle du Pic de Ténériffe.

Le nombre des langues qui distinguent les différentes peuplades indigènes paroît encore plus considéralJe dans le nouveau continent qu'en Afrique, oii, daprès les recherches récentes de MM. Seetzen et Vater, il y en a au-delà de cent quarante. Sous ce rapport, l'Amérique entière ressemble au Caucase , à l'Italie, avant la coiiquélc des Romains, à l'Asie -Mineure lorsqu'elle réunissoit^ sur une petite étendue de terrain , les Ciliciens de race sémitique , les Phrygiens

INTRODUCTION. ix d'origine thrace, les Lydiens et les Celles. La configuration du sol, la force de la végétation, la crainte qu'ont, sous les tropiques, les peuples montagnards de s'exposer aux chaleurs des plaines, entravent les communications , et contribuent par à l'étonnante variété des langues américaines. Aussi l'on observe que cette variété est moins grande dans les savanes et les forêts du Nord que les chasseurs peuveitt parcourir librement, sur les rivages des grandes rivières, le long des côles de l'Océan, et partout les Incas ont étendu leur théocratie par la force des armes.

Lorsqu'on avance qu'on trouve plusieurs centaines de langues dans un coiitinent dont la population entière n'égale pas celle de la France , on considèi e comme différentes des langues qui offrent les mêmes rapports entre elles, je ne dirai pas que l'allemand et le hollandols , ou l'italien et l'espagnol, mais que le danois et l'allemand, le chaldéen et l'arabe, le grec et le latin. A mesure que l'on pénètre dans le dédale des idiomes américains, on reconnoît que plusieurs sont susceptibles d'être groupés par familles, tandis qu'un très - grand nombre restent isolés , comme le basque parmi les langues européennes et le japonois parmi les langues asiatiques. Cet isolement n'est peut-être qu'apparent j et ion est fonde à sup- poser que les langues qui semblent résister à toute classification ethnographique, ont des rapports soit avec d'autres qui sont éteintes depuis long-temps, soit avec les idiomes de peuples que les voyageurs n'ont pas encore visites.

La plupart des langues américaines , même celles dont les groupes diffèrent entre eux comme les langues d'origine germanique, celtique et shive, offrent une certaine analogie dans lensemble de leur organisation, par exemple, dans la complication des formes grammati- cales, dans les modifications que subit le verbe selon la nature de son régime et dans la multiplicité des particules additives (^ajjixa et sujjixa). Cette tendance uniforme des idiomes annonce, sinon une

X INTRODUCTION.

communauté d'origine, du moins une analogie extrême dans les dispositions intellectuelles des peuples américains depuis le Groenland jusques aux terres raagellaniques.

Des recherches faites avec un soin extrême et d'après une méthode que l'on ne suivoit pas jadis dans l'étude des élymologies , ont prouvé q«'il y a un petit nomljre de mots communs aux langues des deux continens. Dans quatre-vingt-trois langues américaines examinées par MM. Barton et Vater, on en a reconnu environ cent soixante- dix dont les racines semblent être les mêmes ; et il est facile de se convaincre que cette analogie n'est pas accidentelle, qu'elle ne repose pas simplement sur l'harmonie imitalive, ou sur cette égalité de conformation dans les organes, qui rend presque Identiques les premiers sons articulés par les enfans. Sur cent soixante-dix mots qui ont des rapports entre eux, il y en a trois cinquièmes qui rappellent le mantchou, le tungouse , le mongol et le samojède, et deux ciiiquièmes qui rappellent les langues celtiques et tschoudes, le basque, le copte et le congo. Ces mots ont été trouvés en compa- rant la totalité des langues américaines avec la totalité des langues de fancien monde; car nous ne connoissons jusqu'ici aucuu idiome de l'Amérique qui, plus que les autres, semble se lier à un des groupes nombreux de langues asiatiques, africaines ou européennes. Ce que quelques savans, d'après des théories abstraites, ont avancé sur la prétendue pauvreté de toutes les langues américaines et sur l'extrême imperfection de leur système numérique, est aussi hasardé que les assertions sur la foiblesse et la stupidité de fespèce humaine daus le nouveau continent, sur le rapetissement de la nature vivante, et sur la dégéuération des animaux qui ont été portés d'un hémisphère à l'autre.

Plusieurs idiomes, qui n'appartiennent aujourd'hui qu'à des peuples barbares, semblent être les débris de langues riches, flexibles et annonçant une culture avancée. Nous ne discuterons pas si fétat

INTRODUCTION. .m primitif de l'espèce humaine a été un état d'abrutissement, ou si les hordes sauvages descendent de peuples dont les facultés intellectuelles et les langues dans lesquelles ces facultés se réllétcnt étoient également développées : nous rappellerons seulement que le peu que nous savons de Thistoire des Américains tend à prouver que les tribus dont les migrations ont été dirigées du nord au sud, offraient déjàj dans les contrées les plus septentrionales, cette variété d'idiomes que nous trouvons aujourd'hui sous la zone torride. On peut conclure de là, par analogie, que la ramification^ ou, pour ejnplojer une expression indépendante de tout système, que la mulliplicité des langues est un phéjiomène très-ancien. Peut-être celles que nous appelons américaines n'appartiennent- elles pas plus à 1 Amérique C[ue le madjare ou hongrois et le tschoude ou finnois n appartiennent à TEurope.

On ne sauroit disconvenir que la comparaison entre les idiomes des deux continens n'a pas conduit jusquici à des résultats généraux : mais il ne faut pas perdre l'espérance que celle même élude ne devienne plus fructueuse lorsque la Siigacité des savans pourra s'exercer sur un plus grand nombre de matériaux. Combien de langues de l'Amérique et de l'Asie centrale et orientale dont le mécanisme nous est encore aussi inconnu que celui du tjrhénien, de l'osque et du sabin! Parmi les peuples qui ont disparu dans l'ancien monde, il en est peut-être plusieurs dont quelques tribus peu nombreuses se sont couscrsrées dans les vastes soliludes de l'Amérique.

Si les langues ne prouvent que foiblement l'ancienne communica- tion entre les deux mondes, celte communication se manifeste d'une manière indubitable dans les cosmogonies, les mouumens, les hiéro- glyphes et les iustilutious des peuples de l'Amérique et de l'Asie. J'ose me flatter que les feuilles suivantes justifieront cette assertion, en ajoutant plusieurs preuves nouvelles à celles qui étoient connues depuis long- temps. On a tâché de distinguer avec soin ce qui indique une communauté d'origine , de ce qui est le résultat de la situation analogue dans laquelle

xn INTRODUCTION.

se trouvent les peuples lorsqu'ils commencent à perfectionner leur état social.

Il a été impossible jusqu ici de marquer l'époque des communications entre les habitans des deux mondes; il seroit téméraire de désigner le groupe de peuples de l'ancien continent avec lequel les Toltèques, les Aztèques, les Muyscas ou les Péruviens offrent le plus de rapports, puisque ces rapports se manifestent dans des traditions, des monumens et des usages qui peut-être sont antérieurs à la division actuelle des Asiatiques en Mogols, en Hindoux, en Tongouses et en Chinois.

Lors de la découverte du nouveau monde , ou , pour mieux dire, lors de la première invasion des Espagnols, les peuples américains, les plus avancés dans la culture , étoient des peuples montagnards. Des hommes nés dans les plaines sous des climats tempérés ,. avoient suivi le dos des Cordillères qui s'élèvent à mesure qu'elles se rapprochent de l'équateur. Us trouvoient dans ces hautes régions une température et des plantes cpii resserabloiejit à celles de leur pays natal.

Les facultés se développent plus facilement partout l'homme, fixé sur un sol moins fertile, et forcé de lutter coiitre les obstacles que lui oppose la nature, ne succombe pas à cette lutte prolongée. Au Caucase et dans l'Asie centrale, les montagnes arides offrent un réfuge à des peuples libres et barbares. Dans la partie équinoxiale de l'Amérique oii des savanes toujours vertes sont suspendues au-dessus de la région des nuages , on n'a trouvé des peuples policés qu'au sein des Cordillères : leurs premiers progrès dans les arts y étoient aussi anciens que la forme bizarre de leurs gouvernemens qui ne favorisoient pas la liberté individuelle.

Le nouveau continent, de même que l'Asie et l'Afrique, présente plusieurs centres d'une civilisation primitive dont nous ignorons les rapports mutuels, comme ceux de Méroé, du Tibet et de la Chine. Le Mexique reçoit sa culture d'un pays situé vers le nord; dans

INTRODUCTION. xiu l'Aniérique mcridiouale, les grands édifices de Tiahuaiiaco ont servi de modèles aux moimmens que les Incas élevèrent au Couzco. Au milieu des vastes plaiues du Haut-Canada, en Floride et dans le désert limilé par lOrcnoque, le Cassiquiaré et le Guainia, des digues d'une longueur considérable, des armes de bronze et des pierres sculptées annoncent que des peuples industrieux ont habité jadis ces mêmes contrées que traversent aujourd hui des bordes de sauvages chasseurs.

La distribution inégale des aniiuaux sur le globe a exercé une grande influence sur le sort des nations et sur leur acheminement plus ou moins rapide vers la civilisation. Dans l'ancien continent, la vie pastorale forme le passage de la vie des peuples chasseurs à celle des peuples agricoles. Les runiinans, si faciles à acclimater sous toutes les zones, ont suivi le Nègre africain comme le Mogol, le Malaye et l'homme de la race du Caucase. Ouoicjue plusiem's quadrupèdes et un plus grand nombre de végétaux soient communs aux parties les plus septentrionales des deux mondes , l'Amérique ne présente cependant, dans la famille des boeufs, que le bison et le boeuf musqué, deux animaux difilciles à subjuguer, et dont les femelles ne donnent que peu de lait, malgré la richesse des pâturages. Le chasseur américain nétoit pas préparé à fagriculture par le soin des troupeaux et les habitudes de la vie pastorale. Jamais f habitant des Andes n'a été tenté de traire le lama, falpaca et le guanaco. Le laitage étoîl: jadis une nourriture inconime aux Américains , comme k plusieurs peuples de l'Asie orientale.

Nulle part on n'a vu le sauvage libre et errant dans les forêts de la zone tempérée abandonner, de son gré , la vie de chasseur pour embrasser la vie agricole. Ce passage, le plus difllcile et le plus important dans l'histoire des sociétés humaines, ne peut être amené cjue par la force des circonstances. Lorsque, dans leurs migra- tions lointaines, des hordes de chasseurs^ poussées par d'autres hordes belliqueuses, parviennent dans les plaines de la zone équiuoxiale,

d

XIV INTRODUCTION.

l'épaisseur des forêts et une riche végétation les fojit changer d'habi- tudes et de caractère. Il est des contrées entre l'Orénoque, l'Ucajalé et la rivière des Amazones, oii l'homme ne trouve, pour ainsi dire, d'espace libre que les riv ières et les lacs. Fixées au sol sur le bord des fleuves, les tribus les plus sauvages environnent leurs cabanes de bananiers, de jatropha et de quelc[ues autres plantes alimentaires.

Aucun fait historique, aucune tradition ne lient les nations de l'Amérique méridionale à celles qui vivent au nord de 1 isthme de Panama. Les annales de l'empire mexicain paroissent remonter jusqu'au sixième siècle de notre ère. On y trouve les époques des migrations, les causes qui les ont amenées, les noms des chefs issus de la famille illustre de Citiii, qui, des régions inconnues dAztlan et de Téocolhuacan, ont conduit des peuples seplejitrionaux dans les plaines d'Anahuac. La fondation de Ténochlillan , connue celJe de Rome, tombe dans les temps héroïques; et ce n'est que depuis le douzième siècle que les amiales aztèques, semblables à celles des Chinois et des Tibétains, rapportent presque sans interruption les fêtes séculaires, la généalogie des rois, les tributs iinposés aux vaincus, les fondations des villes, les phénomènes célestes, et jusqu'aux événemeus les plus minutieux qui ont influé sur l'état des sociétés naissantes.

Quoic[ue les traditions n'ii]dic|uent aucune liaison directe entre les peuples des deux Amériques, leur histoire n'en offre pas moins des rapports fi'appans dans les révolutions politicjues et religieuses, des- quelles date la civilisation des Aztèques , des Muyscas et des Péruviens. Des hommes barbus et inoins basanés que les indigènes d'Anahuac. de Cundinamarca et du plateau du Couzco , paroissent sans que l'on puisse indiquer le heu de leur naissance. Grands-prêtres, législateurs, amis de la paix et des arts qu'elle favorise, ils changent tout d'un coup l'état des peuples qui les accueillent avec vénération. Quelzalcoatl, Bochica et Manco-Capac sont les noms sacrés de ces êtres mystérieux. QuetzalcoatL vêtu de noir, en habit sacerdotal, vient de Panuco, des

INTRODUCTION. xv rivages du golfe du Mexique: Bochica, le Boudlia des Muyscas, se montre dans les hautes plaines de Bogota, oii il arrive des savanes siluées il l'est des Cordillères. L'histoire de ces législateurs, que j'ai lâché de développer dans cet ouvrage, est mélce de merveilles, de fictions religieuses et de ces trails qui décèlent uu sens allégorique. Quelques savans ont cru reconnoîlre dans ces étrangers des Européens naufragés, ou les descendans de ces Scandinaves qui, depuis le onzième siècle, ont visité le Groenlaud, Terre-Neuve, et peut-être même la Nouvelle- Écosse; mais pour peu que l'on réfléchisse sur l'époque des premières migrations toltèques, sur les institutions monasiiques, les symboles du culte, le calendrier et la forme des moimmens de Cholula, de Sogamozo et du Couzco, on conçoit que ce n'est pas dans le nord de l'Europe que Quelzalcoall, Bochica et Manco-Capac ont puisé leur code de lois. Tout semble nous porter vers lAsie orientale, vers des peuples qui ont été en contact avec les Tibétains, les Tarlares Shamanisles, et les Ainos barbus des 'des de Jesso et de Saclialin.

En employant dans le cours de ces recherches les mois ?nonumcns du nouveau -monde, progrés dans les arts du dessin , eullure iniellecluetle, je n'ai pas voulu désigner un état de choses qui indique ce qu'on appelle un peu vaguement une civilisation très -avancée. Rien n'est plus difficile que de comparer des nations qui ont sui\i des routes différentes dans leur perfectionnement social. Les Mexicains et les Péruviens ne sauroient être jugés d'après des principes puisés dans Ihlstoire des peuples que nos études nous rappellent sans cesse. Ils séloignent autant des Grecs et des Romains qu'ils se rapprochent des Étrusques et des Tibétains. Chez les Péruviens, uu gouvernement théocratique, tout en favorisant les progrès de l'industrie, les travaux publics, et tout ce qui indique, pour ainsi dire, une civilisation en masse, entravoit le développement des facultés individuelles. Chez les Grecs, au contraire, avant le temps de Périclès, ce développement si libre et si rapide ne répondoit pas aux progrès lents de la civilisation

XY[ INTRODUCTION.

en masse. L'empire des Incas resseinbloil k un grand élabljssement monastique, dans lequel ctoit prescrit, à chaque membre de ia congrégation, ce qu'il devoit faire pour le bien commun. Eu étudiant sur les lieux ces Péruviens qui, à travers des siècles, ont conservé leur pliysionomie nationale, 0]i apprend à apprécier à sa juste valeui- le code des lois de Manco-Capac et les effets qu'il a produits sur les moeurs et sur la félicité publique. Il y avoit une aisance générale et peu de bonheur privé; plus de résignation aux décrets du souverain que d'amour pour la patrie; une obéissance passive sans courage pour les entreprises hardies; un esprit d'ordre qui régloit minutieusement les actions les plus indifiéreutes de la vie, et point d'étendue dans les idées, point d'élévation dans le caractère. Les institutions politiques les plus compliquées que présente l'histoire de la société humaine avoient étouffé le germe de la liberté individuelle; et le fondateur de l'empire du Couzco, en se flattant de pouvoir forcer les hommes à être heureux, les avoit réduits à l'état de simples machines. La théo-. cratie péruvienne étoit moins oppressive sans doute que le gouverne- ment des rois mexicains; mais fun et l'autre ont contribué à donner aux monumeus, au culte et à la mythologie de deux peuples monta- gnards , cet aspect morne et sombre qui contraste avec les arts et les douces fictions des peuples de la Grèce.

Paris, au mois d'avril i8i3.

VUES

DES CORDILLÈRES,

ET MONUMENS

DES PEUPLES INDIGÈNES DE L'AMÉRIQUE.

PLANCHES.

VUES PITTORESQUES

DES CORDILLÈRES,

ET MONUMENS DES PEUPLES INDIGENES

DE L'AMÉRIQUE.

Les monumens des nations dont nous sommes séparés par un long intervalle de siècles, peuvent fixer notre intérêt de deux manières très -différentes. Si les ouvrages de l'art parvenus jusqu'à nous appartiennent à des peuples dont la civilisation a été très-avancée, c'est par l'harmonie et la beauté des formes, c'est par !e génie avec lequel ils sont conçus, qu'ils excitent notre admiration. Le buste d'Alexandre, tiouvé dans les jardins des Pisons, seroit regardé comme un reste précieux de l'antiquité, quand même l'inscription n'indiqueroit pas qu'il nous retrace les traits du vainqueur d'Arbèle. Une pierre gravée, une médaille des beaux temps de la Grèce, intéressent l'ami des arts par la sévérité du stjle, par le fmi de l'exécution, lors même qu'aucune légende, (|u"aucun monogramme ne rattache ces objets à une époque déterminée de l'histoire. Tel est le privilège de ce qui a été produit sous le ciel de l'Asie mineure, et d'une partie de l'Europe australe.

Au contraire, les monumens des peuples qui ne sont point parvenus à un haut degré de culture intellectuelle, ou qui, soit par des causes religieuses et politiques, soit par la nature de leur organisation, ont paru moins sensibles à la beauté des formes, ne peuvent être considérés que comme des monumens historiques. C'est à cette classe qu'appartiennent les restes de sculpture répandus dans les vastes contrées qui s'étendent depuis les rives de l'Euphrate jusqu'aux côtes orientales de l'Asie. Les idoles du Tibet et de l'Hindoustàn, celles qu'on a tiou\ ées sur le plateau central de la Mongolie, fixent nos regards, parce qu'elles jettent du jour sur les anciennes communications des peuples, et sur l'origine commune de leurs traditions mythologiques.

2 VUES DES CORDILLÈRES,

Les ouvrages les plus grossiers, les formes les plus bizjiiies, ces masses de rochers sculptes, qui n'imposeut que par leui- grandeur et par la haute antiquité qu'on leur attribue, les pyramides énormes qui annoncent le concouis d'une multitude d'ouvriers; tout se lie à l'étude philosophique de l'histoire.

C'est par ce même lieu que les foibles restes de l'art , ou plutôt de l'industrie des peuples du nouveau continent, sont dignes de notre attention. Persuadé de cette vérité, j'ai réuni, pendant mes voj'ages, tout ce qu'une active curiosité a pu me faire découvrir dans des pajs où, pendant des siècles de barbarie, l'intolérance a détruit presque tout ce qui tenoit aux mœurs et au culte des anciens habitans; on l'on a démoli des édifices pour en arracher des pierres ou pour y chercber des trésors cachés.

Le rapprochement que je me propose de faire entre les ouvrages de J'art du Mexique et du Pérou, et ceux de l'ancien monde, répandra quelque intérêt sur mes recherches et sur l'Atlas pittoresque qui en contient les résultats. Eloigné de tout esprit de système, j'indiquerai les analogies qui se présentent naturellement, en distinguant celles qui paroissent prouver une identité de race, de celles qui ne tiennent probablement qu'à des causes intérieures, à cette ressemblance qu'offrent tous les peuples dans le développement de leurs l'acultés intellectuelles. Je dois me borner ici à une description succincte des objets représentés dans les gravures. Les conséquences auxquelles paroît conduire l'eusemble de ces monumens, ne peuvent être discutées que dans la relation du vojage. Les peuples auxtjuels on attribue ces édifices et ces sculptures existant encore, leur phj'sionomie et la connoissance de leurs mœurs serviront à éclaircir l'histoire de leurs migrations.

Les recherches sur les monumens élevés par des nations à demi-barbares, ont encore un autre intérêt qu'on poun oit nommer psjcologique : elles ofFrent à nos yeux le tableau de la marche uniforme et progi essive de l'esprit humain. Les ouvrages des premiers habitans du Mexique tiennent le milieu entre ceux des peuples sc_ythes et les monumens antiques de l'Hindoustau. Quel spectacle imposant nous oflre le génie de fhomme, parcourant l'espace qu'il y a depuis les tombeaux de Tinian et les statues de l'Ile de Pâques, jusqu'aux monumens du temple mexicain de Mitla ; et depuis les idoles informes que renfermoit ce temple, jusqu'aux chefs -d'œuvres du ciseau de Praxitèle et de Lysippe!

Ne nous étonnons pas de la giossièreté du stjlc et de l'incorrection des

ET MONUMEÎNS DE l' AMERIQUE. 3

oonloiiis dans les ouvrages des peuples de l'Amérique. Séparés peut-être de Ijonne heure du reste du genre humain , errans dans un pa^ s rhouime a lutter long-temps contre une nature sauvage et toujours agitée, ces peuples, liviés à eux-mêmes, n'ont pu se développer qu'avec lenteur. L'est de l'Asie, Toccident et le noi'd de l'Europe, nous offrent les mêmes ph<;no- mènes. En les indiquant, je n'entreprendrai pas de prononcer sur les causes secrètes par lesquelles le germe des beaux-arts ne s'est développé que sur une très -petite partie du globe. Combien de nations de Tancien continent ont vécu sous un climat analogue à celui de la Grèce, entourées de tout ce qui peut émouvoir l'imagination, sans s'élever au sentiment de la beauté des formes, sentiment qui n'a présidé aux arts que oi^i ils ont été fécondés par le génie des Grecs!

Ces considérations suffisent pour marquer le but cjue je me suis proposé en publiant ces fragmens de monumens américains. Leur étude peut devenir utile comme celle des langues les plus imparfaites , qui intéressent non- seulement par leur analogie avec des langues connues, mais encore par la lelation intime qui existe entre leur structure et le degré d'intelligence de l'homme plus ou moins éloigné de la civilisation.

En présentant dans un même ouvrage les monumens grossiers des peuples indigènes de l'Améi^que et les vues pittoresques du pajs rnontueux que ces peuples ont habité, je crois réunir des objets dont les rapports n'ont pas échappé à la sagacité de ceux qui se livrent à l'étude philosophique de l'esprit humain. Quoique les mœurs des nations, le développement de leurs facultés intellectuelles, le caractère particulier empreint dans leurs ouvrages, dépendent à la fois d'un grand nombre de causes qui ne sont pas purement locales, on ne sauroit douter que le climat, la configuration du sol, la physionomie des végétaux, l'aspect d'une nature riante ou sauvage, n'influent sur le progrès des arts et sur le stjle qui distingue leurs productions. Cette influence est d'autant plus sensible que riiomme est plus éloigné de la civilisation. Quel contraste entre l'architecture d'un peuple qui a habité de vastes et ténébreuses cavernes j et celle de ces hordes long-temps nomades, dont les monumens hardis rappellent, dans le fût des colonnes, les troncs élancés des palmiers du désert! Pour bien connoitre l'origine des arts, il faut étudier la nature du site qui les a vus naître. Les seuls peuples américains chez lesquels nous trouvons

4 TUES DES CORDILLERES,

des momimens remaicjuables, sont des peuples montagnards. Isolés dans la région des nuages, sur les plateaux les plus élevés du globe, entourés de volcans dont le cratère est environné de glaces éternelles, ils ne paroissent admirer, dans la solitude de ces déserts, que ce qui frappe l'imagination par la grandeur des masses. Les ouvrages qu'ils ont pioduits portent renipreliite de la nature sauvage des Cordillères.

Une partie de cet Atlas est destinée à faire connoître les grandes scènes que présente cette nature. On s'est moins attaché à peindre celles qui pio- duisent un effet pittoresque qu'à représenter exactement les contours des montagnes, les vallées dont leurs flancs sont sillonnés, et les cascades imposantes formées par la chute des torrens. Les Andes sont à la chaîne des Hautes- Alpes ce que ces derniers sont à la chaîne des Pj'rénées. Ce que j'ai vu de romantique ou de grandiose sur les bords de la Saverne, dans l'Allemagne seplenti ionale, dans les monts Euganéens, dans la chaîne centrale de l'Europe, sur la pente rapide du volcan de Ténériffe; tout se trouve réuni dans les Cordillères du nouveau monde. Des siècles ne suffiroient pas pour observer les beautés et pour découvrir les merveilles que la nature j a prodiguées sur une étendue de deux mille cinq cents lieues, depuis les montagnes granitiques du détroit de Magellan jusqu'aux côtes voisines de l'Asie orientale. Je croiiai avoir atteint mon but, si les fbibles esquisses que contient cet ouvrage, excitent des voyageurs amis des arts à visiter les régions que j'ai parcourues, pour retracer fidèlement ces sites majestueux, qui ne peuvent être comparés à ceux de l'ancien continent.

PLANCHES I ET IL

Buste d'une Prêtresse aztèque.

J'ai placé à la tète de mon Atlas pittoresque un reste précieux de la sculpture aztèque. C'est un buste en basalte conservé à Mexico dans le cabinet d'un amateur éclairé, M. Dupé, capitaine an service de Sa Majesté Catholique. Cet ofGcier instruit, qui, dans sa jeunesse, a puisé le goi^it des arts en Italie, a fait plusieurs voyages dans l'intérieur de la Nouvelle-Espagne, pour étudier les monumens mexicains. Il a dessiné, avec un soin particulier, les reliefs de la pyramide de Papantla, sur laquelle il pourroit pubUer un ouvrage très -curieux.

1^

1

F,T MONUMENS DE l'amÉRIQUE. 5

Le biislo , i epi t=scntc' clans sa grondeur naturelle, et de denx côtes (Pl. i et ii), frappe surtout par une espèce de coine qui a quelque ressemblance avec le voile ou calanùca des tètes d'Isis, des Sphinx, des Antiuoiis et d'un grand aonibre d'autres statues égyptiennes. Il faut observer cependant rpie, dans le voile ëg-yptien, les deux bouts tpii se prolongent au-dessous des or eilles, sont le plus souvent très- minces, et plies transversalement. Dans une statue d'Apis, qui se tiouve au muse'e Capitolin, les bouts sont convexes par-devant, et stries longitudinalement, tandis que la partie postérieure, celle qui touche le col, est plane et non arrondie comme dans la coiffe mexicaine. Cette dernière présente la plus grande atialogie avec la draperie slrice qui entoure les têtes enclavées dans les chapiteaux des colonnes de Tentyris, comme on peut s'en convaincre en consultant les dessins exacts que M. Denon en a donnés dans son Vo^'age en Egypte'.

Peut-être les bourrelets cannelés qui, dans l'ouvrage mexicain, se prolongent vers les épaules, sont-ils des masses de cheveux semblables aux tresses que Ton voit dans une statue d'Isis, ouvrage grec qui est placif dans la bibliothèque de la Villa-Ludovisi, à Rome. Cet arrangement extraordinaire des cheveux frappe surtout dans les revers du buste gravé sur la seconde Planche, et qui présente une énorme bourse attachée au milieu par un nœud. Le célèbre Zoega, que la mort vient d'enlever aux sciences, m'a assuré avoir vu une bourse tout-à-Iail semblable, dans une petite statue d'Osiris, en bronze, au musée du cardinal Borgia, à Veletri.

Le front de la prêti'esse aztèque est orné d'une rangée de perles qui bordent un bandeau très-étioit. Ces perles n'ont été observées dans aucune statue de l'Egypte. Elles indiquent les communications qui existoient entre la ville de Ténoehtitlan, fancien Mexico, et les côtes de la Californie, l'on en pèclioit un très-grand nombre. Le col est enveloppé d'un mouchoir triangulaire, auquel pendent vingt-deux grelots ou glands, placés avec beaucoup de symétrie. Ces grelots, comme la coiffe, se retrouvent dans un grand nombie de statues mexicaines, dans des bas-reliefs et des peintures hiéroglyphiques. Ils rappellent les petites pommes et les fruits de grenade qui étoient attachés à la robe du gi'and-prêtie des Hébieux.

Slu" le devant du buste, et à un demi-décimètre de hauteur au-dessus de sa base, on remarque de chaque côté les doigts du pied, mais il n'y a pas de

' Desohj Voyage, PI. Sg, ^lo, fîo (n.°' 7 et 8),

(j VUES DES CORDILLÈRES,

mains, ce qui indique l'enfance de Tait. On cioit reconnoîtie, sur le revers, que la figure est assise ou même accroupie. Il y a lieu de s'etouner que les jeux soient sans pupilles,. taïuiis qu'on les Irouve indiquées dans le bas-relief découvert récemment à Oaxaca. (Pl. -xi.)

Le basalle de cette sculpture est très-dur et d'un Ijeau noii*; c'est du vrai basalte auquel sont mêlés quelques grains de péridot, et non de la pierre lj'di(jue ou du porpliji-e à base de griinstein, que les antiquaires appellent communément basalte égyptien. Les plis de la coiffe, et surtout les perles, sont d'un grand fini , quoique l'aitiste, dépourvu de ciseaux d'acier, et travaillant peut-être avec les mêmes outils de cuivie mêlé d'étain, que j'ai rapportés du Pérou, ait trouver de grandes dilïicultés dans l'exécution.

Ce buste a été dessiné très-exactemeut, sous les _yeux de M. Dupé, pai' un élève de l'académie de peinture de Mexico. Il a o'jOS de hauteur, sur o"',!9 de largeur. Je lui al laissé la dénomination de Buste d'une Prêtresse, qu'on lui donne dans le paj's. Il se pourroit cependant qu'il représentât quelque divinité mexicaine, et qu'il eût été placé originairement parmi les Dieux pénates. La coiffe et les jjerles qiii se retrouvent dans une idole découverte dans les ruines de l'ezcuco, et que j'ai déposée au cabinet du roi de Prusse, à Berlin, autorisent cette conjecture ; l'ornement du col et la forme non monstrueuse de la tète rendent plus probable que le buste représente simplement une femme aztèque. Dans cette dernière supposition, les bourrelets cannelés qui se prolongent voi s la poitrine, ne pourroient être des tresses, car le giand-prêtre ou Tepanteoliuatzin coupoit les cheveux aux vierges qui se dëvouoient au service du temple.

Une certaine ressemblance entre le calantica des têtes d'Isis et la coiffe mexicaine, les pyramides à plusieurs assises, analogues à celles du Fayoum et de Sakharah , l'usage li éqLient de la peinture hiéroglyphique, les cinq jouis complémentaires ajoutés à la fm de Tannée mexicaine, et qui rappellent les épagomènes de l'année memp!iitit[ue, offrent des points de ressemblance assez remarquables eutie les peuples du nouveau et de l'ancien continent. Nous sommes cependant bien éloignés de [lous livrer à des hypothèses qui seroient aussi vagues et aussi hasardées que celles par lesquelles on a fait des Chinois une colonie de l'Egypte, et de la langue basque un dialecte de l'hébreu. La plupart de ces analogies s'évanouissent dès que Ton examine les faits isolément. L'année mexicaine, par exemple, malgré ses éjïagomènes , diffère totalement de celle des

ET iMO?NUMENS DE 1,'amÉRIQUE. 7

Égyptiens. Un grand géomètre, qui a bien voulu esaminer les fragmens que j'ai rapportés, a reconnu, par Tintercalation mexicaine, que la durée de l'année tropique des Aztèques est piesqne identique avec la diu'ée trouvée par les astronomes d Almamon'.

En remontant aux temps les plus reculés, l'histoire nous indique plnsicuis centres de civilisation, dont nous ne connoissons pas les rapports mutuels, tels que Méroé, TÉgypte, les bords de TEuphrate, l'Indostan et la Chine. D'autres fbj'ers de lumières, encore plus anciens, étoient placés peut-être sur le plateau de l'Asie centiale; et c'est au reflet de ces derniers que Ton est tenté d'attribuer le commencement de la civihsation américaine.

PLANCHE m.

ï^ue de la grajide Place de Mexico.

La ville de Ténochtitlan , capitale d'Anahuac, fondée Tan iSsS, sur un petit groujje d'îlots situé dans In partie occidentale du lac salé de Tezcuco, fut totalement détruite pendant le siège qu'en firent les Espagnols, en i52i, et qui dura soixante-quinze jours. La nouvelle ville, qui compte près de cent quarante mille babitans, a été reconstruite par Coi tez, sur les ruines de l'ancienne, en suivant les mêmes alignemens des rues; mais les canaux qui traversoient ces rues ont été comblés peu à peu, et Mexico, singulièrement embelli par le vice-roi comte de Revillagigedo, est aujourd'hui comparable aux plus belles villes de l'Europe. La grande place, représentée dans la troisième Planche, est le site qu'occnpoit jadis le giand temple de Mexitli, qui, comme tous les tèocallis ou maisons des dieux mexicains, étoit un édifice pyramidal, analogue au monument babylonien dédié à Jupiter Bélus. On voit à droite le palais du vice-roi de la Nouvelle-Espagne, édifice d'une architecture simple, appartenant originairement à la famille des Gortez, qui est celle du marquis de la Vallée d' Oaxaca j, duc de Monte Leone. Au milieu de la gravure se présente la cathédrale, dont une partie (eZ sagrario) est dans l'ancien stjle indien ou moresque, vulgairement appelé gothique. C'est derrière cette coupole du sagrario j au coin de la rue del Indio triste et de celle de Tacuba, que se trouvoit jadis le palais du roi Axajacatl, dans lequel Montezuma logea les Espagnols , lors de leur arrivée à Ténochtitlan.

' Laplacb, Exposition du Système du Monde, 3.» édït-, p. 354.

8 VUES DES CORDILLÈRES,

Le palais Je Montezuma même ctoit à droite de In cathédrale, vis-à-vis le palais actuel du vice-roi. J'ai cru utile d'indiquer ces localités, parce qu'elles ne sont pas sans intérêt pour ceux (|ui s'occupent de l'histoire de la conquête du Mexique.

La Plaza mayor^ qu'il ne faut pas confondie avec le grand marché de Tlatelolco, décrit par Cortcz, dans ses lettres à l'empereur Chailes-Quint, esl ornée, depuis l'année i8oj, de la statue équestre du loi Charles iv, exécutée aux frais du vice-roi marquis de Branciforte. Cette statue en bronze est d'une grande pureté de style, et de la plus belle exécution : elle a été dessinée, modelée, fondue et places; par le même artiste. Don Manuel Toisa, natif de Valence, en Espagne, et directeur de la classe de sculpture de l'académie des beaux-arts à Mexico. On ne sait ce qu'on doit le plus admirer, ou du talent de cet artiste, ou du coui age et de la persévérance qu'il a déployés, dans un pa \ s tout lestoit à créer, el dans lequel il lui a lallu vaincre les obstacles les plus multipliés. Ce bel ouvrage a réussi dès la première fonte. La statue pèse près de vingt-trois mille kilogrammes; sa hauteur excède de deux décimètres celle de la statue équestre de Louis _\iv, qui étoit à la place Vendôme, à Paiis. On a eu le bon goût de ne pas doier le cheval; on s'est contenté de l'enduiie d uu vernis de couleur olivâtre, qui liie sur le biiiu. Comme les édifices qui entourent la place sont en général peu élevés, on voit la statue projetée contie le ciel; circonstance qui, sur le dos des Cordillères, oii l atmosphère est d'un bleu très- foncé, produit fcITct le plus pittoresque. J'ai assisté au tiansport de cette masse énorme, depuis l'endroit de sa foute jusqu'à la Plaza mayor. Elle a traversé une distance d'environ seize cents mètres en cinq jours. Les moyens mécaniques que M. Toisa a employés pour l'élever sur le piédestal d'ini beau marbie mexicain, sotit très-ingénieux, et méritcroienl une description détaillée.

La glande place de Mexico est aujourd'hui d'une forme irrégulière, depuis que, contre le plan de Cortez, onj a construit le carré qui renferme les boutiques du Parian. Pour éviter Tapparcnce de cette irrégularité, on a jugé nécessaii e de placer la statue équestre, que les ludiens ne connoissent que sous le nom du grand cheml, dans une enceinte particulière. Celte enceinte est pavée en carreaux de porphyre, et élevée de plus de quinze décimètres au-dessus du niveau des rues adjacentes. L ovale, dont le grand ase est de cent mètres, est entouré de quatre fontaines, et fermé, au grand déplaisir des indigènes, par quatre portes, dont les grilles sont ornées en broEize.

F.T MONUMENS DE l'amÉrïQUE. g

La gravure que je publie est la copie ildèle d'un dessin fait, dans des dimensions plus grandes, par M. Ximono, artiste d'un talent distingué, et directeur de la classe de peinture à l'académie de Mexico. Ce dessin offre, dans les figures placées hors de l enceinte, le costume des Guachinangos, ou du bas peuple mexicain'.

PLANCHE IV.

Ponts naturels d' Icononzo.

Parmi les scènes majestueuses et variées que présentent les CordiUères, les vallées sont ce qui frappe le plus l'imagination du voyageur' européen. L'énorme hauteur des montagnes ne peut être saisie en entier qu'à une distance considérable et lorsqu'on se trouve placé dans ces plaines qui se prolongent depuis les côtes jusqu'au pied de la chaîne centrale. Les plateaux qui entourent les cimes couvertes de neiges perpétuelles, sont la plupart élevés de deux mille cinq cents à trois mille mètres au-dessus du niveau de l'Océan. Cette circonstance diminue, jusqu'à un ceitain point, l'impression de giandeur que produisent les masses colossales du Chimborazo, du Cotopaxi et de l'Antisana, vues des plateaux de Riobamba et de Quito. Mais il n'en est point des vallées comme des montagnes. Plus profondes et plus étroites que celles des Alpes et des Pyrénées, les vallées des Cordillères otfient les sites les plus sauvages et les plus propres à remplir l'ame d'admiratipn et d'effroi. Ce sont des crevasses dont le fond et les bords sont ornés d'une végétation vigoureuse, et dont souvent la profondeur est si grande, que le Vésuve et le Puj-de-Dûme pouiroient y être placés sans que leur cime dépassât le rideau des montagnes les plus voisines. Les voyages intéi essans de M. Ramond ont fait connoître la vallée d'Ordesa, qui descend du Mont-Perdu, et dont la profondeur moyenne est de piès de neuf cents mètres (quati-e cent cinquante-neuf tqises). Eu voyageant sur le dos des Andes, de Pasto à la Villa de Iharra^ et en descendant de Loxa vers les bords de la rivière des Amazones, nous avons traversé, M. Bonpland et moi, les fameuses crevasses de Gbota et de Cutaco, dont l'une a plus de quinze cents, et l'autre plus de treize cents mètres de profondeur perpendiculaire. Pour donner une idée plus

Voyez mon Essai politique sur le royaume de la Nouvelle-Espagne, p. 119, 168, 177, 186.

3

lO VUES DES CORDILLÈRES,

complète de la grandeur de ces phénomènes géologiques, il est utile de faire observer que le fond de ces crevasses n'est que d'un quart moins élevé au-dessus du niveau des eaux de la mer, que les passages du Saint-Gothard et du Mout- Cenis.

La vallée d'Icononzo ou de Pandi, dont une paitlo est repr(=senièe dans la quatrième Planche, est moins remarquable par ses dimensions que par la foi me extraordinaire de ses rochers, cjui paroissent taillés pai- la main de l'homme. Leurs sonuncts nus et arides ollrent le contraste le plus pittoiesque avec les touRes d'arhres et de plantes herbacées qui couvrent les bords de la crevasse. Le petit torrent qui s'est frajé un passage à tiavers la vallée d'Icononzo porte le nom de Rio de la Summa Paz. Il descend de la chaîne orientale des Andes qui, dans le rojaume de la Nouvelle-Grenade, sépare le bassin de la rivière de la Madeleine, des vastes plaines du Meta, du Guaviare et de fOrénoque. Ce torrent, encaissé dans un lit presque inaccessible, ne pourroit être fianchi qu'avec beaucoup de difficultés, si la nature même n j avoit formé deux ponts de rochers qu'on regarde avec raison, dans le pa^s, comme une des ciioses les plus dig[ies de lixer l'attention des voyageurs. C'est au mois de septembre de l'année 1801, que nous avons passé ces ponts naturels d'Icononzo, en allant de Santa-Fe de Bogota à Popa^an et à Quito.

Le nom d'Icononzo est celui d'un ancien village des Indiens Mujscas, situé sur le bord méridional de la vallée, et dont il n'existe plus que quelques cabanes éparses. L'endioit habité, le plus proche de ce site remarquable, est aujourd'hui le petit village de Pandi ou. Mercad'dlo_, éloigné d'un quart de lieue vers le nord-est. Le chemin de Sanla-Fe à Fusagasuga (lat. 4" ^o' 31" nord, long. 5" ^' i^")-, et de à Pandi, est l'un des plus dilficiles et des moins frayés que l'on trouve dans les Cordillères. Il faut aimer passioruiément les beautés de la nature, pour ne pas préférer la route ordinaire qui conduit du plateau de Bogota par la Mesa de Juan Diaz aux rives de la Madeleine, à la descente périlleuse du Paramo de San-Fortunato et des montagnes de Fusagasuga, vers le pont naturel d'Icononzo.

La crevasse profonde à travers la([uelle se précipite le torretit de la Summa Paz occupe le centre de la vallée de Pandi. Près du pont elle conserve, siu- plus de quatre mille mètres de longueur, la direction de l'est à l'ouest. La rivière forme deux belles cascades au point elle entre dans la crevasse à l'ouest de

ET MONUMENS DE l'amÉHIQUE. h

Doa, et au point elle en sort en descendant vers Melgar. II est très-probable que cette crevasse a été formée par un tremblement de terre: elle ressemble à un filon énorme, dont la gangue auroit été enlevée par les travaux des mineurs. Les montagnes enviionoantes sont de grès à ciment d'argile: cette formation, qui repose sur les scliistes piimitifs (thojisckiefer) de Villeta, s'étend depuis la montagne de sel gemme de Zipaquiia jusqu'au bassin de la rivière de la Madeleine. C'est elle aussi qui renferme les coucbes de cbaibon de terre de Canoas ou de Cbipa, que Ton exploite piès de la grande chute de Tequendama. (Pl. VI.)

Dans la vallée d'Icononzo^ le grès est composé de deux roches distinctes. Un giès très-compacte et quaizenx, à ciment peu abondant, et ne présentant presque pas de fissures de stratification, repose sur un grès schisteux (sandsteinschiefei-) à giain très-fin, et divisé en une infinité de petites couches très-minces et presque horizontales. On peut croire que le banc compacte et quarzeux, lors de la formation de la crevasse, a résisté à la force qui déchira ces montagnes, et que c'est la continuation non interrompue de ce banc (pii sert de pont pour traverser d'une partie de la vallée à l'autre. Cette arche naturelle a quatorze mètres et demi de longueur sur de largeur; son épaisseur, au centre, est de a'",4-

Des expériences faites avec beaucoup de soin sur la cliute des corps, et en employant un chronomètre de Beitlioud, nous ont donné 97%7 pom- la hauteur du pont supérieur au-dessus du niveau des eaux du torrent. Une personne très-éclairée, qui a une campagne agréable dans la belle vallée de Fnsagasuga, Don Jorge Lozano, a mesuré avant nous cette même hauteur, au mo_yen d'une sonde; il l'a trouvée de cent douze -varas (93"',4): profondeur du torrent paroit être, dans les eaux mo_)cnnes, de six mètres. Les Indiens de Pandi ont formé, poiu' la sûreté des voyageurs, d'ailleurs très-rares dans ce. pajs désert, Line petite balustrade de l'oseaux qtii se prolonge vers le chemin par lequel on parvient au pont supérieur.

Dix toises au-dessous de ce premier pont naturel, s'en trouve un autre auquel nous avons été conduits par un sentier étroit qui descend sui' le bord de la crevasse. Trois énormes masses de rochers sont tombées de manière à se soutenir mutuellement : celle du milieu forme la clef de la voi"itc, accident tpii auroit pu faire naîtie aux indigènes l'idée de la maçonnerie en arc, inconnue aux peuples du nouveau monde comme aux anciens habitans de l'Egvpte. Je ne

(2 VUES TJtS CORDILLÈRES,

déciderai pas la question si ces quartiers de rochers ont été lancés de loin, ou s'ils ne sont que les fragmens d'une arche détruite en place, mais originairement semhlahlc au pont natuiel supérieur. Cette dernière supposition est rendue probable par un accident analogue qu'oOTre le Colisée à Rome, l'on voit, dans un mur à demi écroulé, plusieurs pierres airètées dans leur chute, parce qu'en tombant elles ont formé accidentellement une voûte.

Au milieu du second pont d'Icononzo, se trouve un tion de plus de huit mètres carrés, par lequel on voit le Ibnd de Taliimc : c'est que nous avons fait les expériences sur la chute des corps. Le torrent paroît coulei- dans une caverne obscure; le biuit lugubre que l'on entend est du à une infinité d'oiseaux nocturnes qui habitent la crevasse, et que Ton est tenté d'abord de prendre pour ces chauve-souris de taille gigantesque, t[ui sont si conmiunes dans les régions équinosiales. Ou en distingue des milliers qui planent au-dessus de l'eau.

Les Indiens nous ont assuré que ces oiseaux ont la grossem- d'une poule, des ^eux de hibou, et le bec recourbé. On les appelle cacas, et la couleiu' uniforme de Iclu- plumage, qui est d'un gris bruuiitre, me fait croire qu'ils n'appartiennent pas au genre capriinulgiis, dont les espèces sont d'ailleurs si variées dans les Cordillères. I! est impossible de s'en procurer, à cause de la profondeur de la vallée. On n'a pu les examiner qu'en jetant des fusées dans les crevasses, pour en éclairer les parois.

L'élévation du pont naturel d'Icononzo est de huit cent quatre-vingt-treize mètres (quatre cent cinquante- huit toises) au-dessus du niveau de l'Océan. Il existe dans les montagnes de la Virginie, dans le comté de RocJi Bridge j, nn phénomène semblable au pont supérieur que nous venons de décrire. Il a été examiné par M. Jefferson, avec le soin qui distingue toutes les observations de cet excellent naturaliste'. Le pont naturel du Cedar Cveek en Virginie est une arche calcaire de vingt-sept mèti cs d'ouvertuie ; son élévation au-dessus des eaux de la j-ivièie est de soixante-dix mèties. Le pont de teire (^Rumichaca') que nous avons trouvé sur la pente des montagnes porphyi itic|ues de Ghumban dans la province de los Pasios ^ le pont de la Mère de Dieu, appelé Danto , près de Toloiiilco au Mexique, la roche percée près de Grandola dans la province de rAlentejo en Portugal, sont des phénomènes g('ologi((ucs qui oui

Kotes sur la Virginie, p. 56.

ET JMONUMENS DE I. AMERIQUE. l5

Ions (jiielqiic ressemblance avec le pont d'Icononzo. Mais je doute qu'on ait découvert jusqu'ici, quelque pari sur le globe, un accident aussi extraor- dinaire que celui qu'offrent les trois masses de rochers qui se soutiennent mutuellement en formant une voûte naturelle.

J'ai dessiné les ponts d'Icononzo dans la partie septentrionale de la vallée, et dans un point l'arche se présente en profil. Les premières épreuves de cette Planche indiquent par erreur, comme graveur, M. Gmehn à Rome, au lieu de M. Bouquet à Paris.

PLANCHE V.

Passage du. QaindlU;, dans la Cordillère des Andes.

Dans le royaume de la Nouvelle-Grenade, depuis les 2" 5o' jusqu'aux 5" i5' de latitude boréale, la Cordillère des Andes est divisée en trois chaînes parallèles, dont les deux latérales seulement, à de très -grandes hauteurs, sont couvertes de grès et d'autres formations secondaires.

La chaine •orientale sépare la vallée de la rivière de la Madeleine des plaines du Rio Meta. C'est sur sa pente occidentale que se trouvent les ponts naturels d'Icononzo. Ses plus hautes cimes sont le Paramo de la Siimma Paz et celui de Ch'uigasa. Aucune d'elles ne s'élève jusqu'à la région des neiges éternelles.

La chaîne centrale partage les eaux entre le bassin de la rivière de la Madeleine et celui du Rio Cauca. Elle atteint souvent la limite des neiges perpétuelles; elle la dépasse de beaucoup dans les cimes colossales de Guanacas , de Baragan et du Qiùndiu. Au lever et au coucher du soleil, cette chaîne centrale présente un spectacle magnifique aux habitans de Santa-Fe ; elle rappelle , avec des dimensions plus imposantes , la vue des Alpes de la Suisse.

La chaîne occidentale des Andes sépare la vallée de Cauca de la province du GhocO et des côtes de la mer du Sud. Son élévation est à peine de quinze cents mètres : elle s'abaisse tellement entre les sources du Rio Atracto et relies du Rio San-Juan, qu'on a de la peine à suivre son prolongement dans l'isthme de Panama.

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l4 VUKS DES CORDILLÈRES,

Ces trois cliilînes de montagnes se confondent vers le nord , par les et 'j" de lalitude boréale. Elles forment un seul groupe, au sud de Popajan, dans la province de Pasto. D'ailleurs il ne faut pas les confondre avec la division des Cordillères observe'e par Bouguer et La Condamine , dans le ro_yau]ne de Quito, depuis l'équateur jusqu'aux 2." de latitude australe.

La ville de Santa-Fe de Bogota est située à l'ouest du Paramo de Chingasa, dans un plateau fpii a deux mille six cent cinquante mètres de hauteur absolue, et qui se prolonge sur le dos de Li Cordillère orientale. Il résulte de cette structure particulière des Andes, que, pour parvenir de Sanla-Fe à Popajan et aux rives du Cauca, il faut descendre la chaîne orientale, soit par la Mesa et Tocayma ^ soit par les ponts naturels àlcononzo ; traverser la vallée de la rivière de la Madeleine , et passer Ja cliaine centrale. Le passage le plus fiéquenté est celui du Paramo de Guanacas, décrit par Bouguei-, lors de son retour de Quito à Cartbagène des Indes. En suivant ce cbemin , le voj'ageur traverse la crête de la Cordillère centrale dans un seul jour, au milieu d'un pays habité. Nous avons préféré au passage de Guanacas celui de la montagne de Quindiu ou Qaindioj, entre les villes d'Ibague et de Carthago. C^îst l'entrée de ce passage qui est réprésentée dans la Planche v. Il m'a paru indispensable de donner ces détails géograpbiques, pour faire mieux counoître la position d'un endroit qu'on chercbeioit en vain sur les meilleures cartes de l'Amérique méridionale, par exemple sur celle de La Cruz.

La montagne de Quîndiu (lat. 56', long. 5" 13') est regaidée comme le passage le pbis pénible que présente la Cordillère des Andes. C'est une forêt épaisse, entièrement inhabitée, que, dans la plus belle saison, on ne traverse qu'en dix ou douze jours. On n'y trouve aucune cabane, aucun moyen de subsistance : à toutes les époques de l'année les voyageurs font leurs provisions pour un mois, parce qu'il arrive souvent que, par la fonte des neiges et par la crue subite des torrens, ils se trouvent isolés de manière à ne pouvoir descendre ni du côté de Carthago ni du côte d'Ibague. Le point le plus élevé du cliemin, la Gaiito del Paramo, a trois mille cinq cents mètres de hauteur au-dessus des eaux de l'Océan. Comme le pied de la montagne, vers les rives du Cauca, n'en a que neuf cent soixante, on y jouit généralement d'un climat doux et tempéré. Le sentîei- par lecpiel on

ET MONIJMENS DE ï.'a1Mi''.R]QUE. i5

passe la Cordillère est si étroit, Cjue sa largeur ordinaire n'est que de quatre ou cinq décimrtrcs : i! ressemble en grande partie à une galerie creusée à ciel ouvert. Dans cette partie des Andes, comme presqne partout ailleurs, le roc est couvert d'une couche épaisse d'aigile. Les fdets d'eau qui descendent de la montagne ont creusé des ravins de six à sept mètres de profondeur^ On marche dans ces crevasses, qui sont remphes de boue, et dont l'obscurité est augmentée par la végétation épaisse qui en couvre l'ouverture. Le corps des bœufs, qui sont les bêtes de somme dont on se sert communément dans ces contrées, a de la peine à passer dans ces galeries Cjui ont jusqu'à deux mille mètres de longueur. Si l'on a le malheur d'j rencontrer ces bêtes de somme, il ne reste d'autre mojen de les éviter, que celui de rebrousser chemiu ou de monter sur le mur de terre qui borde la crevasse, et de se tenir suspendu en s'acerochant aux racines qui y pénètient depuis la sui face du sol.

En traversant la montagne de Qnindiu, au mois d'octobre 1801, à pied et suivis de douze bœufs qui portoient nos instiumens et nos collections, nous avons beaucoup soulFert des averses continuelles auxquelles nous avons été exposés les trois ou quatre derniers jours, en descendant la pente occidentale de la Cordillère. Le chemin passe par un pays marécageux, couvert de bambousiei'S. Les piquans, dont sont armées les racines de ces graminées gigantesques, avoient déchiré nos chaussures; de sorte que nous étions forcés, comme tous les vo_)'ageurs qui ne veulent pas se laisser porter à dos d'homme^ d'aller pieds nus. Cette circonstance , l'humidité continuelle , la longueur du chemin, la force musculaire qu^il faut employer pour marcher dans une argile épaisse et bourbeuse, la nécessité de passer à gué des toirens profonds et dont l'eau est très-froide, rendent sans doute ce voyage excessivement fatigant; mais, quelque pénible qu'il soit, il ne présente aucun des dangers dont la crédulité du peuple alarme les voyageurs. Le sentier est étroit, mais les endroits il borde des précipices sont très-rares. Comme les bœufs ont la coutume de mettre les pieds toujours sur la même trace, il en résulte qu'il se forme en travers, dans le chemin, une suite de petits fossés séparés les uns des autres par des proéminences de terre très-étroites. Dans le temps des foites pluies, ces pioéminences restent cachées sous l'eau, et la marche du voyageur est doublement incertaine, parce qu'il ignore s'il place le pied sur la digue ou dans le fossé.

iQ VUES DES CORDILLÈRES,

Peu tic personnes Jiisées ayant, dans ces climats, l'IiablUicle de marcher à pied et dans des chemins aussi difUciles pendant quinze on vingt jours de suite, on se fait porter par des liommcs qui ont une chaise liée sur le dos; car, dans l'état actuel du passage du Quindiu , il seroit impossible d'aller sui' des mules. On entend dire dans ce pays, aller à dos dliomine (^andar en carguero^j comme on dit aller à cheval. Aucune idée humiliante n'est attachée au métier des cargueros. Les hommes qui s'j livrent ne sont pas des Indiens, mais des métis, quelquefois même des blancs. On est souvent surpris d'entendre des hommes nus, qui sont voués à une profession aussi Hctrissante à nos J'eux, se disputer, au milieu d'une forêt, parce que l'un d'eux a refusé à l'autre, qui prétend avoir la peau plus blanche, les titres pompeux de Don ou de Su Mei'ced. Les caigueros portent communément six à sept arrohas (soixante-quinze à quatre-vingt-huit kilogrammes); il j eu a de trcs-robustes qui portent jusqu'à neuf arrohas. Quand on réfléchit sur Ténorme fatigue à laquelle ces malheureux sont exposés en marchant huit à neuf heiues par jour, dans un pays moutueux; quand on sait qu'ils ont quelquefois le dos meurtri comme des bêtes de somme, et que des voyageurs ont souvent la cruauté de les abondonner dans la forêt, lorsqu'ils tombent malades; quand on pense qu'ils ne gagnent, dans un vojage d'ibague à Carthago, c[ue 12 à i4 piastres (60 à yo fr.) dans l'espace de quinze, quelquefois même de vingt-cinq ou trente jours, on a de la peine à concevoir comment ce métier de cargueros j un des plus pénibles de cens auxtpiels I homme se livre, est embrassé volontairement par tous les jeunes gens robustes (jui vivent au pied de ces montagnes. Le goût d'une vie errante et vagabonde, l'idée d'une certaine indépendance au milieu des forêts, leur font préférer cette occupation pénible aux travaux sédentaires et monotones des villes.

Le passage de la montagne de Quindiu n'est pas la seule partie de l'Amérique méridionale dans laquelle on voyage à dos d'homme. Une province entière, celle d'Antioquia, est environnée de montagnes si difficiles à franchir, que les personnes qui ne veulent pas se fier à l'adresse d'un cargtiem:, et qui ne sont pas assez robustes pour faire à pied le chemin de Santa-Fe de Antioquia à la Boca de Nares, ou au Rio Samana, doivent renoncer à sortii- de ce pays. J'ai connu un habitant de cette province dont l'embonpoint ctoit énorme : il ii'avoit rencontré que deux métis capables de le porter, et il eut été impossible de

ET mont;mens de l'amértque. retourner choz tui, si ces deux cargaeros lussent morts pendant qu'il se trouvoit sur les rives de la Madeleine, à Mompos, ou à Honda. Le nombre des jeunes gens qui font le métier de bêtes de somme au Cboco, à Jbague et à Medellin, est si grand, (|ue Ton en rencontie quelquefois des files de cinquante ou soixante. Lorsqu'on forma, il J a quelques anne'es, le projet de rendre prati- cable, pour des mulets, le chemin de montagnes qui mène du village de Naies à Antioquia, les cargueros réclamèrent forruellcment contre Tamélioration des routes, et le gouvernement eut la foiblesse de céder à leurs réclamations. II est utile de rappeler ici que les mines du Mexique offrent aussi une classe d'hommes r[ui n'ont d'autre occupation que celle d'en portci' d'autres sur leur dos. Dans ces climats la paresse des blancs est si grande, que chaque directeur des mines a à sa solde un ou deux Indiens (pi'ou appelle ses chevaux (cavallitos), parce c|u'ils se font seller tous les matins, et tju'appnyés sur une petite canne, et jetant le corps en avant, ils portent leur maître d'une partie de la mine à l'autre. Parmi les cavallitos et les cargueros , on distingue et ron recommande aux voyageurs ceux qui ont le pied sùr et le pas doux et e'gal. On est peiné d'entendre parler des qualités de l'homme dans des teimes qui désignent l'allure des chevaux et des mulets.

Les personnes tpii se font porter dans la chaise d'un carguero, doivent rester, pendant plusieurs heures, immobiles et le corps penché en arrière. Le moindre mouvement sutUrait pour faire tomber celui qui les porte, et les chutes sont d'autant plus dangereuses, que souvent le c arguera j, trop confiant dans son adresse, choisit les pentes les plus escaipées, ou traverse un torrent sur un tronc d'arbre étroit et glissant. Cependant les accidens sont très-rares, et ceux qui ont eu lieu doivent être attribués à l'imprudence des vo^'ageurs qui , effraj'és , ont sauté ù terre du haut de leur chaise.

La cinquième Planche représente un site très-pittoresque, que l'on découvre à l'entrée de la montagne de Quindiu, près d'Ibague, à un poste que l'on appelle le pied de la Guesta. Le cône tronqué de Tolima, couvert de neiges perpétuelles, et rappelant par sa forme le Cotopaxi et le Cayambe, paroît au-dessus d'une masse de rochers granitiques. La petite rivière de Combeima, qui mêle ses eaux à celles du Rio Cuello, serpente dans une vallée étroite, et se fraye un chemin à travers un bosquet de palmiers. On distingue dans

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l8 VUES DES CORDILLÈRES,

le fond une pnrtie de la ville d'Ibague, la grande valk'e de la rivière de la Madeleine, et la chaîne orientale des Andes. Sur le devant on voit une troupe de cari^ueros qui entrent dans la montagne. Ou j reconnoît la manière particulière dont la chaise, construite en bois de bambonsier, est liée sur les épaules, et tenue en équilibre par un fronleau semblable à celui que portent les chevaux et les bœufs. Le rouleau que l'on voit dans la main du troisième cargiiero est le toit, ou plutôt la maison mobile dont le voyageur se sert en tiaversant les forêts cic Quindiu.

Lorsqu'on est arrivé à Ibague, et qu'on se prépare au voyage, ou fait couper dans les montagnes voisines plusieurs centaines de feuilles de vij'ao^ plante de la famille des bananiers, qui forme un nouveau genre voisin du Thalia , et qu'il ne faut pas confondre avec l'Hellconia bihai. Ces feuilles, membraneuses et lustr(:es comme celles du Musa, sont d'une forme ovale, et ont cinquante-quatre centimètres (vingt pouces) de longueur, sur trente- sept centimèties (quatorze pouces) de largeur. Leur surface inférieure est d'un blanc aigenté et couverte d'une matière farineuse, qui se dt-taclie par écailles. C'est ce vernis particulier qui les rend propres à résister long- temps à la pluie. En les ramassant, on fait une incision à la nervure principale, qui est le prolongement du pétiole : cette incision doit servir de crochet pour les suspendre quand on voudia former le toit mobile; ensuite on les étend et on les roule avec soin en un paquet cylindrique. It faut un poids de cinquante kilogrammes de feuilles pour couvrir une cabane dans laquelle couchent six à liuit personnes. Lorsqu'au milieu des forêts on arrive dans un endioit oli le sol est sec, et l'on compte passer la nuit, les cargueros coupent quelques branches d'arbre qu'ils réunissent en forme de tente. Eu quelques minutes cette charpente légère est divisée en carreaux par des lianes ou par des fds d'agave placés parallèlement à une distance de tiois à quatre décimètres les uns des autres. Pendant ce temps, le paquet de feuilles de vijao a été déioulé, et plusieurs personnes s'occupent à les arranger sur le treillage, de manière qu'elles se recouvrent comme les tuiles des maisons. Ces cabanes, construites à la hâte, sont très-fraîches et très-commodes. Si pendant la nuit le voj'ageur sent pénétrer la pluie, il indique l'endroit oi^i se trouve la gouttière; une seule feuille suffit pour obvier à cet inconvénient. Nous avons passé plusieurs jours dans, la valh^e de

ET MONDMENS DE l'amÉRIQUE. ig

Bo(|iii,T, SOUS une de ces tentes de feuillage, sans être mouilles, quoique la pluie fût tiès-foi'te et presque eoutinuelle.

La montagne de Quindiu est un des endroits les plus riches en plantes utiles et intéressantes. C'est que nous avons trouvé le palmier {Ceroxylon andicola), dont le tronc est couvert d'une cire végétale; les passiflores en arbies, et le superbe Mutisia grandiflora, dont les fleurs, de couleur écarlate, ont seize centimètres (six pouces) de long.

PLANCHE VI.

Chute dit T'ecjuendœna .

Le pliiteau sur lequel est située la ville de Santa-Fe de Bogotn, ofl'ie plusieurs traits de ressemblance avec celui qui renferme les lacs mexicains. L'un et l'autre sont plus élevés que le couvent du Saint-Bernard ; le premier a deux mille six cent soixante mètres; le second, deux mille deux cent soixante-dix-sept mètres au-dessus du niveau de la mer. La valide de Mexico, entourée d'un mur circulaire de montagnes porpli^ritiques, est couverte d'eau dans son centre; car, avant que les Européens eussent creusé le canal de Hueliuetoca, aucun des nombreux torrens qui se précipitent dans la vallée ne trouvoit une ouverture pour en sortii-. Le plateau de Bogota est également entouré de montagnes élevées : le niveau paifait de son sol, sa constitution géologique, la forme des rocbers de Si.d)a et de Facatativa, qui s'élèvent comme des îlots au milieu des savanes, lout y semble indiquer l'existence d'un ancien lac. La rivière de Funzha , communément appelée Rio de Bogota, après avoir réuni les eaux de la vallée ^ s'est frayée un chemin à travers les montagnes situées au sud-ouest de la ville de Santa- Fe. C'est près de la ferme de Tequendama qu'elle sort de la vallée, en se précipitant, par une ouverture étroite, dans une crevasse qui descend vers le bassin de la rivière de la Madeleine. Si l'on tentoit de fermer cette ouverture, la seule que présente la vallée de Bogota, on convertiroit peu a peu ces plaines fertiles en un lac semblable aux lacs mexicains.

Il est facile de reconuoître l'influence que ces faits géologiques ont exercée sur les tiaditions des anciens liabitans de ces contrées. Nous ne déciderons

VUES DES CORDILLÈRES,

pas si, chez tics peuples qui n'etoient pns très-éloignés de la civilisalioii, l'aspect des lieux a Tait imaginer des hypothèses sur les prcn'iirres révolutions du globe, ou si les grandes inondations de la vallée de Bogota sont assez récentes, pour que la mémoire ait pu s'en conserver parmi les hommes. Partout des traditions hislorii]iies sont mêlées à des opinions religieuses, et il est intéressant de rappeler ici celles que le conquérant de ces pays, Gonzalo Ximenez de Quesada, tiouva répandues parmi les Indiens Mujscas, Panchas et Natagaymas, lorsqu'il pénétra le premier dans les montagnes de Cundinamarca'.

Dans les temps les plus reculés, avant que la lune accompagnât la terre, dit la mythologie des Indiens Mujscas ou Mozcas, les hahitans du plateau de Bogota vivoient comme des barbares, nus, sans agriculture, sans lois et sans culte. Tout-à-coup parut chez eux un vieillard qui venoit des plaines situt'cs à l'est de la Cordillère de Chingasa : il paroissoit d'une race différente de celles des indigènes, car il avoit la barbe longue et touffue. Il étoit connu sous trois noms différens : sous ceux de Bochica , Nenufueiheha et Zultè. Ce vieillard, semblable à Manco-Capac, apprit aux hommes à se vêtir, à construire des cabanes, à labonrer la terre et à se réunir en société. Il amena avec lui une femme à laquelle la tradition donne encore trois noms; savoii-, ceux de Chia^ Yubecayguaya et Huylhaca. Cette femme, d'une rare beauté, mais d'une méchanceté excessive, contraria son époux dans tout ce qu'il entreprenoit pour le honlieur des hommes. Par son art jTiagique elle lit entier la rivière de Funzha, dont les eaux inondèrent toute la vallée de Bogota. Ce déluge fit périr la pinpart des habitans, et qucl(|ues-uns seulement s'échap- pèrent sur la cime des montagnes voisines. Le vieillard irrité chassa la belle Hu_ythaca loin de la terre; elle devint la lune, qui, depuis cette époque, commença à éclairer notre planète pendant la nuit. Ensuite Bochica ayant pitié des hommes dispersés sur les montagnes, brisa d'une main puissante les rochers qui ferment la vallée, du côté de Canoas et de Tequendama. Il fit écouler par cette ouvertnre les eaux du lac de Funzha, léunit de nouveau les peuples dans la vallée de Bogota, constiuisit des villes, introduisit le culte du soleil, nomma deux chefs, entre lesquels il partagea les pouvoirs ecclésiastique et sccidier, et se retira, sous le nom àldacanzas^ dans la

' A'oyez Lucas Feiinandhz Piedrahita, Obis/io de Panama, Hisloria gênerai del I^uei'O Rvjiio de Giviinihi, p. 17; ouvrage compose d'iiprès les manuscrils de Qiicsada.

ET MONUMENS DE l'aMKRIQUE. 2 1

sainte valloe d'Iraca, près de Tunja, il vécut clans les exercices de la pénitence la plus austère, pendant l'espace de deux mille ans.

Cette fable indienne, qui attribue au fondateur de rcmjïire du Zaque la chute d'eau du Tequendama, réunit un grand nombre de traits c[ue l'on trouve épars dans les traditions religieuses de plusieurs peuples de l'ancien continent. On croit reconnoître le bon et le mauvais principe personnifiés dans le vieillard Bocliica et dans sa femme Hujtliaca. Le temps reculé la lune n'existoit point encore, rappelle la prétention des Arcadiens sur l'antiquité de leur origine. L'astre de la nuit est peint comme un être malfaisant qui augmente riiumidité sur la terre, tandis que Bocliica, fils du soleil, sèche le sol, protège l'agriculture, et devient le bienfaiteur des Mujscas, comme le premier Inca fut celui des Péruviens.

Les voyageurs qui ont vu de près le site imposant de la grande cascade du Tequendama, ne seront pas surpris que des peuples grossiers aient attribué une origine miraculeuse à ces rochers qui paroissent avoir été taillés par la main de l'homme; à ce gouffre étroit dans lequel se précipite une rivière qui réunit toutes les eaux de la vallée de Bogota; à ces iris qui brillent des plus belles couleurs, et qui changent de forme à chaque instant; à cette tolonne de vapeurs qui s'élève comme un nuage épais, et que l'on reconnoît à cinq lieues de distance, en se promenant autour de la ville de Santa-Fe. La sixième Planche ne peut donner qu'une Ibible idée de ce spectacle majestueux. S'il est difficile de décrire les beautés des cascades, il l'est encore plus de les faire sentir par le secours du dessin. L'impression qu'elles laissent dans l'âme de l'observateur dépend du concours de plusieurs circonstances : il faut que le volume d'eau qui se précipite soit proportionné à la hauteur de la chute, et que le paysage environnant ait un caractère romantique et sauvage. La Pisse vache et le Staubbach, en Suisse, ont une très-grande élévation, mais leur masse d'eau n'est pas très - considérable. Le Niagara et la chute du Rhin, au contraire, oiFient un énorme volume d'eau, mais leur hauteur ne surpasse pas cinquante mètres. Une cascade environnée de collines peu élevées produit moins d'effet que les chutes d'eau que l'on voit dans les vallées profondes et étroites des Alpes, des Pyrénées, et surtout de la Cordillère des Andes. Outre la hauteur et le volume de la colonne d'eau, outre la configuration du sol et l'aspect des rochers, c'est la vigueur et la forme des

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33 TUES DES CORDILT.FRES,

arbfes et tics plantes lierbacëes; c'est lent- distribution en groupes on bouquets cpars; c'est le contraste entre les masses pierreuses et la fraîcheur de la végétation, qui donnent un caractère particulier à ces grandes scènes de la nature. La chute du Niagara seroit plus belle encore, si, au lieu de se trouver sous une zone boréale, dans la région des pins et des chênes, ses environs étoient ornés d'héliconia, de palmiers, et de fougères arborescentes.

La chute {salto) du Tequcndanna réunit tout ce qui peut rendre un site éminemment pittoresque. Elle n'est point, comme on le croit dans le pays' et comme des physiciens l'ont répété en Europe, la cascade la plus haute du globe : la rivière ne se précipite pas, comme le dit Bouguer, dans un goufïie de cinq à six cents mètres de profondeur perpendiculaire; mais il existe à peine une cascade qui, à une hauteur aussi considérable, réunisse une si grande masse d'eau. Le Rio de Bogota, après avoir abreuvé les marais qui se trouvent entre les villages de Facatativa et de Fontibon, conserve encore, près de Canoas, un peu au-dessus du salto, une largeur de quarante-quatre mètres, largeur qui est la moitié de celle de la Seine, à Paris, entre le Louvre et le Palais des arts. La rivière se rétrécit beaucoup près de la cascade même, la crevasse , qui paroit formi.'c par un tremblement de terie, n'a que dix à douze mètres d'ouverture. A l'époque des grandes sécheresses, le volume d'eau qui, en deux bctnds, se précipite à une profondeur de cent soixante-quinze mètres, présente encore un profil de quatre-vingt-dix mètres carrés. On a ajouté au dessin de la cascade la figure de deux hommes pour servir d'échelle à la hauteur totale du salto. Le point ces hommes sont placés, au bord supérieur, a deux mille quatre cent soixante-sept mètres d'élévation au-dessus du niveau de l'Océan. Depuis ce point jusqu'à la rivière de la Madeleine, la petite rivière de Bogota a encore pins de deux mille cent mètres de chute, ce qui fait plus de cent quarante mètres par lieue commune.

Le chemin qui conduit de la ville de Santa-Fe au salto de Tequendama, passe par le village de Suacha et la grande ferme de Canoas, renommée pour ses belles lécoltes en froment. On croit que l'énorme masse de vapeurs qui s'élèvent journellement de la cascade, et qui sont précipitées par le contact de l'air froid, contribue beaucoup à la grande fertilité de cette partie

' PitnRiiiiTA, p. 19; JuuAN, la Perla de la Jmt-rica, pmvi'ncia de Santa Martha , 1787, p. 9.

ET MONUMENS DE l'amÉRIQLIE. ^5

tlii plateau c!o Bogota. A une petite dislance de Canoas, sur la hauleur de Clii[)a, on jouit d'une vue magniru[ue, et qui étonne le vovageui' par les contrastes cpTrlIe présente. On vient de quitter des cliamps cultivés en froment et en orge: outre les aralia, l'alstonia theœformis, les bégonia et le quinquina jaune ( Cinchona corcUjolia , Mut. ), on voit autour de soi des chênes, des aunes, et d'autres plantes dont le port rappelle la végétation de l'Europe; et tout-à-coup on découvre, comme du haut d'une terrasse, et poui' ainsi diie à ses pieds, un pays croissent les palmiers, les bananiers et la canne à sucre. Gomme la crevasse dans lac[uelie se jette le Rio de Bogota communique aux plaines de la région chaude ( tierra calienle ), quelques pahniers se sont avancés jusqu'au pied de la cascade. Cette circonstance particulière fait dire aux habitans de SantaFe que la chute du Tequendama est si haute, que l'eau tombe d'un saut du pays froid {lierra frîa^ dans le pays chaud. On sent qu'une différence de hauteur de cent soixante-quinze mètres n'est pas assez considérable pour influer sensiblement sur la tem[>é- ratvne de l'air. Ce n'est point à cause de la hauteur du sol que la végétation du plateau de Canoas contraste avec celle du ravin : car si le locher de Tequendama, qui est un grès à base argileuse, n'étoit pas taillé à pic, et si le plateaLi de Canoas étoit aussi habité que la crevasse, les ])ahTiiers qui végètent au pied de la cascade auroient sans doute poussé leurs migrations jusqu'au niveau supérieur de la rivière. L'aspect de cette vt'gétation est d'autant plus intéressant pour les habitans de la vallée de Bogota, qu'ils vivent dans un climat le thermomètre descend très-souvent jusqu'au point de la congélation.

Je suis parvenu à porter des instrumens dans la crevasse même , au pied de la cascade. On met trois heures à y descendre par un sentier étroit [cami/io de la Culebra^^ qui mène au ravin de la Povasa. Quoique la rivière perde, en tombant, une grande partie de son eau, qui se réduit en vapeurs, la rapidité du courant inférieur force l'observateur de rester dans un éloignement de près de cent quarante mètres du bassin creusé par le choc de l'eau. Le fond de cette crevasse n'est que fuiblement éclairé par la lumière du jour. La solitude du lieu , la richesse de la végétation et le bruit épouvantable qui s'y fait entendre, rendent le pied de la cascade du Tequendama un des sites les plus sauvages des Cordillèi-es.

TUES DES CORDILLERES,

PLANCHE VIL

Pyramide de Cliolula.

Parmi ces essaims cle peuples qui, depuis le septième jusqu'au clouzlème siècle de notre ère, pai urent successivement sur le sol mexicain, on en compte cinq, les Tottèques, les Cicimèques, les Acolhues, les Tlascaltèques et les Aztèques, cpii , malgré leurs divisions politiques, parloient la même langue, suivoient le même culte, et construisoient dos édifices pyramidaux, qu'ils regardoient comme des téocallis , c'est-à-dire comme les maisons de leurs dieux. Ces édifices, quoique de dimensions très-dilTérentes , avoient tous la même forme : c'étoient des pyramides à plusieurs assises, et dont les côtés suivuient exactement la direction du méridien et du parallèle du lieu. Le téocalli s'élevoit au milieu d'une vaste enceinte carrée et entourée d'un mur. Cette enceinte, que Ton peut comparer au TTËpi'fâoAo; des Grecs, renfermolt des jardins, des fontaines, les habitations des prêtres, quelquefois même des niagasins d'armes; car chaque maison d'un dieu mexicain, comme l'ancien temple de Baal Beritli, brûlé par Abimelech, étoit une place forte. Un grand escalier conduisoit à la cime de la pyramide tronquée. Au sommet de cette plate-forme, se trouvoient une ou deux chapelles en forme de toiu', tpii renfeimoieut les idoles colossales de la divinité à laquelle le téocalH étoit dédié. Cette partie de l'édifice doit être regardée comme la plus essentielle; c'est le vaoç, ou plutôt le dîxo? des temples grecs. C'est aussi que les prêtres entretenoient le feu sacré. Par l'ordonnance particulière de l'édifice que nous venons d'indiquer, le sacrificateur pouvoit être vu d'une grande masse de peuple à la fois. On distinguoit de loin la procession des teopixqui , qui montoit ou descendoit l'escalier de la pyramide. L'intérieur de l'édifice servoit à la sépulture des rois et des principaux personnages mexicains. Il est impossible de lire les descriptions qu'Hérodote et Diodore de Sicile nous ont laissées du temple de Jupiter Bélus, sans être frappé des traits de ressemblance qu'olFroitlce monument babylonien avec les téocallis d'Anahuac.

. Lorsque les Mexicains ou Aztèques; une des sept tribus des Anahuatlacs (peuple riverahi)^ arrivèrent, l'an 1190, dans la région équinoxiale de la Nouvelle- Espagne, ils y trouvèrent déjà les monumens pyramidaux de Téotihuacnn , de

ET MONUMENS DE i/aMÉRIQUR.

Cholula OU Cholollan, et de Papanila. Ils attribuèrent ces grandes constructions aux Toltèques, nation puissante et civilisée, qui habiloit le Mexique cinq cents ans plus tôt, qui se servoit de l'écriture liicrogljpbique , et qui avoit une aniiee et une chronologie plus exactes que celles de la plupart des peuples de Tancieu continent. Les Aztèques ne savoient pas avec cei titude si d'autres tribus avoicnt habite le pays d'Ânahuac avant les Toltèques. En regardant ces maisons de Dieu de Tcotihuacan et de Cliolollan comme l'ouvrage <Ie ce dei nler penple, ils leur assignoient la plus haute antiquité dont ils eussent l'idée ; il seroit cependant possible q u elles eussent été construites avant l'mvasion des Toltèques c'est-à-dire avant l'année 648 de l'ère vulgaire. Ne nous étonnons pas que l'histoire d'aucun peuple américain ne commence avant le septième siècle, et que celle des Toltèques soit aussi incertaine que l'histoire des Pelasges et des Ausoniens. Un savant profond, M. Schlœzer, a prouvé jusqu'à l'évidence que l'histoire du nord de l'Europe ne remonte; pas au delà du dixième siècle, époque à laquelle le plateau mexicain ofFroit déjà une civilisation bien pins avancée ([ue le Danemarck, la Suède et la Russie.

Le téocalli de Mexico étoit dédié à Tozcatlipoca , la première des divinités aztèques après Téotl, qui est I Ltre suprême et invisible, et à Huitzilopochtli, le Dieu de la guerre; il fut construit par les Aztèques, sur le modèle des pjramides de Téotihuacan, seulement six ans avant la découverte de l'Amérique par Christophe Colomb. Cette pyramide tronquée, appelée par Cortez le Temple principal, avoit à sa base quatre-vingt-dix-sept mètres de largeur, et à peu près cinquante-quatre mètres de hautcui-. Il n'est pas surprenant qu'un édifice de ces dimensions ait pu être détruit peu d'années après le siège de Mexico; en Egypte, il reste à peine quelques vestiges des énormes pyramides qui s'élevoient au milieu des eaux du lac Mœris, et qu'Hérodote dit avoir été ornées de statues colossales ; les pyramides de Porsenna, dont la description paroît un peu fabuleuse, et dont quatre, d'apiès Varron, avoient plus de quatre-vingts mètres de hauteur, ont également disparu en Etrurie'.

Mais si les conquérans européens ont renversé les téocallis des Aztèques, ils n'ont pas réussi également à détruire des monumens plus anciens, ceux que l'on attribue à la nation toltèque. Nous allons donner une description succincte de ces monumens, remarquables par leur forme et leur grandeur.

' Plim., ïxxvi, 19.

7

26 TUES DES COIVDtLLERES,

Le gi-oiipe tics pjromîdes de TéotHiuacan se tioiive dans la vallée de Mexico, à huit lieues de distance au nord-est de la capitale, dans une plaine qui porte le nom de Micoatl^, ou de Chemin des morts. On y ohsei ve encore dens grandes pyramides' dédiées au soleil {^hnaUiih) et à la lune (^Mezlli)^ et entourées de plusieurs centaines de petites p_yramides, qui forment des rues dirigées eiactement du nord au sud et de l'est à Touest. Des deux grands iéocallisj l'un a cinquante-cinq, l'antre quarante-quatre mètres d'élévation perpendiculaire. La base du premier a deux cent huit mètres de long; d'oîi il résulte que le Tonatiuh Yztaqual, d'après les mesures de M. Oteyza, faites en i8o3, est plus élevé que le M) cerinus, ou la troisième des trois grandes pyramides de Djyzeli, en Egypte, et que la longueur de sa base est à peu près celle du Cépliren. Les petites pyramides qui entoui ent les grandes maisons de la lune et du soleil ont à peine oeuf à dix mètres d'élévation : d'après la tradition des indigènes, elles servoient à la sépulture des chefs des tribus. Autour du Chéops et du Mycerinus en Égypte, on distingue aussi huit petites pyramides placées avec beaucoup de symétrie, et parallèlement aux faces des gi'andes. Les deux téocaUîs de Téotihuacan avoient quatre assises pi'incipales; chacune d'elles étoit subdivisée en petits gradins, dont on distingue encore les arêtes. Leur noyau est d'aigile mêlée de petites pierres : il est revêtu d un mur épais de lezontli ou amygdaloïde poreuse. Cette construction rappelle une des pyramides égyptiennes de Sakhara, qui a six assises, et qui, d'après le récit de Pococke^ est un amas de cailloux et de mortier jaune, revêtu par dehors de pierres brutes. A la cime des grands téocallis mexicains se trouvoient deux statues colossales du soleil et de la lune : elles étolent de pierre, et enduites de lames d'or; ces lames furent enlevées par les soldats de Cortez. Lorsque l'évêque Zumaraga, religieux franciscain, entreprit de détruire tout ce qui avoit rapport au culte, à l'histoire et aux antiquit('S des peuples indigènes de l'Amérique, il ht aussi hiiser les idoles de la plaine de Micoatl. On y découvre encore les restes d'un escaher construit en grandes pierres de taille, et qui conduisoit anciennement à la plate-foi me du téocaîli.

A l'est du groupe des pyramides de Téotihuacan, en descendant la Cordillère vers le gollè du Mexique, dans une forêt épaisse appelée Tajin, s'élève la pyramide de Papantla ; c'est le hasard qui l'a fait découvrir à des chasseurs

EciaircissemeQS de M. Langlès au Voyage de Norden , ïom. III, pag 027, n." 2. ' Voyage de Pocock.e; édtt. de Neucliàtel, lySa, Tom. I, p:ig. i.-^-.

ET MONUMENS DE l'aMERIQUF: .

espagnols, il n'y a pas trente ans; cai- les Indiens se plaisent à cacher aux blancs tout ce t|ui est l'objet d'une anticjne vénération. La forme de ce téocalli^ qui a eu six, peut-être même sept étages, est plus élancée cjue celle de tous les autres monuniens de ce genre : sa hauteur est à peu près de dix-huit mètres, tandis cpie la longueur de sa base n'est que de vingt-cinq ; il est par conséquent presque de moitié plus bas que la pyramide de Caïns Cestins, à Pvome, qui a trente-trois mètres de hauteur. Ce petit édifice est tout construit en pierres de taille d'ime grandeur extraordinaire, et d'une coupe très-belle el très-régulière: trois escaliers mènent à sa cime; le revêtement de ses assises est orné de sculptures hiéroglyphiques, et de petites niches qui sont disposées avec beaucoup de sjmétrie : le nombre de ces niches paroît faire allusion aux trots cent dix-huit signes simples et composés des jours du Cempohualilhuitlj ou calendrier civil des Toltèques.

Le plus grand, le plus ancien et le plus célèbre de tous les monumens p_yramidaux d'Anahuac, est le téocalli de ChoUila. On 1 appelle aujourd'hui la monlugne faite à mains d homme {niojite hecho a maiio^. A le voii' de loin, on seroit en effet tenté de le prendre pour une colline naturelle couverte de végétation. C'est dans son état de dégradation actuelle que cette pj-ramide est représentée sur la septième Planche.

Une vaste plaine, celle de la Puebla, est séparée de la vallée de Mexico par la chaîne de montagnes volcaniques qui se prolongent depuis le Popocatepetl, vers Rio Frio et le pic du Telapon'. Cette plaine fertile, mais dénuée d'arbres, est riche en souvenirs qui intéressent rijistoiie mexicaine : elle renferme les chefs-lieux des trois républiques de Tlascalla, de Hue_\ocingo et de Cholula, qui, malgré leurs dissensions continuelles, n'en résistoient pas moins au despotisme et à l'esprit d'usurpation des rois aztèques.

La petite ville de Cholula , que Cortez, dans ses lettres à l'empereur Charles-Quint, compare aux villes les plus populeuses de l'Espagne, compte aujourd'hui à peine seize mille habitans. La pyramide se trouve à l'est de la ville, sur le chemin qui mène de Cholula à la Puebla. Elle est très-bien conservée du côté de l'ouest, et c'est la face occidentale que présente la gravure que nous publions. La plaine de Cholula offre ce caractère de nudité qui est propre à des plateaux élevés de deux mille deux cents mètrec au-dessus du niveau de

' Voyez moi) Atlns mexicuin. Pl. in el ix.

38 VUES DES CORDILLÈRES,

l'Océan : on distingue sur le premier pi.inquelques pieds d'agave et des dragoniers; dans le lointain, on découvre la cime couverte de neige du volcan d'Orizaixi, montagne colossale de cinq mille deux cent quatie-vingt-quinze mètres d'i'lé- vation absolue, et dont j'ai publié le dessin dans XJtlas Mexicain^, Pl. xvii.

Le téocalU de Cholula a quatre assises, toutes d'une hauteur égale. Il paroît avoir été exactement orienté d'après les quatre points cardinaux^ mais comme les aiêtes des assises ne sont pas très-distinctes, il est difficile de reconnoître leur direction piimitive. Ce monument pyramidal a une base plus étendue que celle de tous les édifices du même genre trouvés dans l'ancien continent. Je l'ai mesuré avec soin, et je me suis assuré que sa hauteui- pcrpendicidaire n'est que de cinquante -quatre mètres, mais que chaque côté de sa base a quatie cent trente-neuf mètres de longueur : Torquemada lui donne soixante-dis-sept; Betancourtj soixante-cinq; Clavigero, soixante-un mètres de hauteur. Bernai Diaz del Gastillo, simple soldat dans l'expédition de Cortez, s'amusa à compter les gradins des escaliers qui conduisoient à la plate-forme des iéocallis : il en trouva cent quatorze au giand temple de Ténochtitlan, cent dix-sept à celui de ïezcuco, et cent vingt à celui de Cholula. La base de la pjiamide de Cliolula est deux fois plus giandc que celle du Chéops, mais sa hauteur excède de très-peu celle du Myceiinus. En compaiant les dimensions de la maison du soleil, à Téotihuacan, avec celles de la pyramide de Cholula, on voit que le peuple qui construisit ces monumens remarquables avoit l'intention de Icui- donner la même hauteur, mais des bases dont la longueur seroit dans le rappoil d'un à deux. Quant à la proportion entre la base et la hauteur, on la trouve très-dKférente dans les divers monumens. Dans les trois grandes pyramides de Djyzeh, les hauteurs sont aux bases comme i à i l^; dans la pyramide de Papantla, chargée d'hiéroglyphes, ce rapport est comme i à i 7^; dans la grande pyramide de Téotihuacan, comme i à 5 et dans celle de Cholula, comme i à 7 |. Ce dernier monument est construit en briques non cuites {xamlUi)^ qui alternent avec des couches d'argile. Des Indiens de Cholula m'ont assuré que l'intérieur de la pyramide est creux, et que, lors du séjour de Cortez dans leur ville, leurs ancêtres y avoient caché un grand nombre de guerriers poui' Ibndre inopinément sui" les Espagnols : les matériaux dont ce téocaUi est construit, et le silence des histoiiens de ce temps", rendent cette assertion très-peu probable.

Carias de Hersab CoiiXEz; Mexico, 1770, p. 69.

ET MONtlMENS DE l'amËK lOUE. 29

Oïl ne peut cependant pas r(i\oquer eu cloute qu'il n'y eût, dans rintt'i ieiu' de cette pyramide, comme dans d'autres téocallis^ des cavités considéral)les qui servoient à la sépulture des indigènes : une circonstance particulière les a fait découvrir. Il J a sept à huit ans qu'on a changé la route de Puehla à Mexico, qui passoit jadis au nord de la pjLamide : pour aligner cette route, on a percé la première assise, de sorte qu'un huitième en est resté isolé comme un monceau de hriques. C'est eu faisant cette percée qu'on a trouvé dans l'intérieur de la p;yramide une maison carrée, construite en pierres, et soutenue par des poutres de exprès chauve Çcupressus disticha): elle renfermoit deux cadavres, des idoles en basalte, et un grand nombre de vases vernissés et peints avec art. On ne se donna pas la peine de conserver ces objets; mais on assure avoir vérifié avec soin que cette maison, couverte de hriques et de couches d'argile, n'avoit aucune issue. En supposant que la pyramide fût construite, non par les Toltèques, premiers habitans de Cholula, mais par des prisonniers que les Cholulains avoient faits sur les peuples voisins, on pourroit croire que ces cadavres étoient ceux de quelques malheureux esclaves que Ton avoit fait péi ir à dessein dans l'intérieur du téocalli. Nous avons reconnu les restes de cette maison souterraine, et nous avons obseivé iLue disposition particulière des briques, tendant à diminuer la pression que le toit devoit éprouver. Comme les indigènes ne savoient pas faire de voûtes, ils plaçoient des brujues très-larges horizoLita- lement, de manière que celles de dessus dépassassent les inférieures : il en résultoit un assemblage par gradins, qui suppléolt en quelque sorte au cintre gothique, et dont on a aussi trouvé des vestiges dans plusieurs édifices égyptiens. Il seroit intéressant de creuser une galerie à travers le tcocalli de Cholula, pour en examiner la construction intérieure, et il est étonnant que le désii- de trouver des trésors cachés n'ait pas déjà fait tenter cette entreprise. Pendant mou voyage au Pérou, en visitant les vastes ruines de la ville de Chimù, près de Mansiche, je suis entré dans l'intérieur de la fameuse Huaca de Toledo, tombeau d'un prince péruvien, dans lequel Garci Gutierez de ïoledo découvrit, en perçant une galerie, en i5y6, pour plus de cinq millions de francs en or massif, comme cela est piouvé par les livres de compte conservés à la mairie de Truxillo.

Le grand téocalli de Cholula, appelé aussi la montagne de bri(|ues non cuites {Tlalchihunîiepec), avolt à sa cime un autel dédié à Quelzalcoall , le

5o VUES DES CORDILLÈRES,

dieu de Tair. Ce Quctzalcoatl (dont le nom signiiîc soipent revêtu de plumes vertes, de coati., sei'pent, et fjuetzalli, plume verte) est sans doute l'être le plus mj-stêrieux de toute la mjthologie mexicaine : c'êtoit un homme blanc et barhu comme le Bocliica des Mu yscas , dont nous avons parle plus haut en dêcL-ivant la cascade du Tequeudama : il êloit grand-prètre à Tula (^Tollan), législateur, chef d'une secte religieuse tp'i, comme les Sonyasis cl les Bouddhistes de l'Indostan, s'imposoit les pénitences les plus cruelles ; il introduisît la coutume de se percer les lèvres et les oreilles, et de se meurtrir le reste du C{)rps avec les pitpians des feuilles d agave, ou avec les épines du cactus, en introduisant des roseaux dans les plaies pour qu'on vît ruisseler le sang plus abondamment. Dans nn dessein mexicain, conservé à la bibliothécpie du Vatican j'ai vil une figure qui représente Quctzalcoatl apaisant, par sa pénitence, le courroux «.les dieux, lorsque, treize mille soixante ans apiès la création du monde ( je suis la chronologie très- vagne rapportée par le père Rios), il y eut une grande famine dans la province de Gidan ; le saint s étoit retiré près de Tlaxapuchicalco, sur le volcan Calcitcpetl {montagne f/iiî //arle')^ oii il marcha pieds nus sui' des letiilles d'agave armées de piquans. On croit voir vlu de ces Rislii , lierinites du Gange, dont les Pourânas célèbrent la pieuse austérité ^

Le règne de Qnetzalcoatl étoit l'âge d'or des peuples d'Anahuac : alors tous les animaux, les hommes même vivoient en paix, la terre produisoit sans culture les plus riches moissons, l air étoit rempli d'une nndtitude d'oiseaux que l'on admiroii à cause de leur chant et de la beauté de leur plumage; mais ce règne, semblable à celui de Saturne, et le bonheur du monde ne furent pas de longue duri-e : le Grand Esprit Tezcatlipoca, le Brahmà des peuples tl'Anahuac, olFL'it à Qnetzalcoatl une boisson C[ui, en le rendant immortel, lui inspira le goût des voyages, et surtout un désir iirésistible de visiter un pays éloigne que la tradition appelle Tlapallan L'analogie de ce nom avec celui de Huehnetlapallan, la pairie des Toltèt^LLes, ne paroît pas être accidentelle : mais comment concevoir que cet li(jinme blanc, prêtre de ïula, se soit dirigé, comme nous le verrons bientôt, au sud-estj vers les ph'iines de Chohda, et de aux cotes orientales

' Codex anonymus , n." S^ôS, fol. S.

" ScHLEGBL ûber Sprache und Wekhcit dur Indier, p. lûî, '■' CT.iMGErio, Storia di Mvssko , Tuiii. Il, p. vl.

ET MONUMENS DE l'aIVLÉRTQUE. 5t

du Mexique, pour parvenir à ce pajs septentrional d'où ses ancêtres etoieiit sortis, Tau 596 de notre ère?

Qiietzalcoatl, en traversant le territoire de Cholula, céda aux instances des habitans, qui lui oilrireut les rênes du gouvernement : il demeui a pendant vingt ans parmi eux, leur apprit à fondie des métaux, ordonna les grands jeûnes de quatie-vingts jours, et régla les intercalations de Tannée toltèque; il exhorta les hommes à la paix; il ne voulut pas que l'on fit d'antres ollrandes à la divinité que les prémices des moissons. De Cholula, Qiietzalcoatl passa à rembouchure de la rivière de Goasacoalco, oii il disparul ajjrès avoii fait annoncer aux Chohilains {Chololtecailes) qu'il reviendioit dans que lque temps pour les gouverner de nouveau, et pour renouveler leur bonlicnr.

G'étoient les descendans de ce saint que le malheureux Moivleznma crut reconnoître dans les compagnons d'armes de Coitez. «Nous savons par nos « livres, dit-il dans son premier entretien avec le général espagnol, que moi « et tous ceux qui habitent ce pajs, ne sommes pas indigènes, mais que « nous sommes des étrangers venus de tiès-loin. Nous savons aussi que « le chef qui conduisit nos ancêtres retourna pour quelque temps dans sa « première patrie, et qu'il revint ici pour chercher ceux qui s'y étoient « établis : il les trouva mariés avec les femmes de cette terre, avant une « postérité nombreuse et vivant dans des villes qu'ils avoient construites ; les « nôtres ne voulurent pas obéir à leur ancien maître, et il s'en retourna « seul. Nous avons toujours cru que ses descendans viendroient un jour « prendre possession de ce pa^s. Considérant que vous venez de cette partie « naît le soleil, et que, comme vous me l'assurez, vous nous connoissez « depuis long-temps, je ne puis douter que le roi qui vous envoie ne soit « notre maître naturel'.»

Il existe encore aujourd'hui, parmi les Indiens de Cholula, une autre tradition très-remarquable, d après laquelle la grande pyramidf! n'auroit pas été destinée primitivement à sei vir au culte de Quetzalcoatl. Après mon retour en Europe, en examinant à Rome les manuscrits mexicains de la bibliothèque du Vatican, j'ai vu que cette même tradition se trouve consignée dans un manuscrit de Pedro de los Rios, religieux dominicain, qui, en i566; copia sur les lieux toutes les peintures hiéroglyphiques qu'il put se procurer. «Avant

' Première letlre de CoiiïJsz, xsi et \xix.

52 VUES DES CORDILLÈRES,

« h grande inondation {apacJiihuUiziU) cpii eut lieu qnati'e mille luiit ans « après la création du monde, le pajs d Analmac étoit habité par des géans « {Tzocuillixeque) ; tous ceux qui ne périrent pas furent liansformés en « poissons , à l'exception de sept qui se réfugièrent dans des ca vernes. « Lorsque les eaux se furent écoulées, nn de ces géans, Xeihua, surnommé « l'architecte, alla à CholoUan, oij, en mémoire de la montagne Tlaloc, « qui avoit seivi d'asile à lui et à six de ses frères, il constiuisit une colline « ai'tificielle en forme de pyramide : il fit fabriquer les briques dans la province « de Tlamanalco, au pied de la Sierra de Cocotl, et, pour les transporter « à Gholula, il plaça une file d'hommes qui se Jes passoient de main en main. « Les dieux virent avec courroux cet édifice, dont la cime devoit atteindre « les nues : iirités contre l'audace de Xeihua, ils lancèrent du feu sur la « pyramide; lïcaucoup d'ouvriers périrent, l'ouvrage ne fut point continué, « et on le consacra dans la suite au dieu de l'air, Quetzalcoatl. »

Cette histoiie rappelle d'anciennes traditions de l'Orient, que les Hébreux ont consignées dans leurs livres saints. Du temps de Cortez, les Cholulaîns conservoient une pierre qui, enveloppée dans im globe de feu, étoit tombée des nues sur la cime de la pyramide : cet aérolithe avoït lu forme d'un crapaud. Le père Rîos, pour prouver la haute antiquité de cette fable de Xeihua, observe qu'elle étoit contenue dans un cantique que les Cholulains chantoient dans leurs fêtes, en dansant autour du téocalli, et que ce cantique commençoit par les mots Tulanian htilulaez , qui ne sont d'aucune langue actuelle du Mexique. Dans toutes les parties du glolie, sur le dos des Cordillères, comme à l'île de Samolhrace, dans la mer Egée, des fragmcns de langues primitives se sont conseï vés dans les rites religieux.

La plate-forme de la pyramide de Cholula, sur laquelle j'ai fait un grand nombre d'observations astronomiques, a quatre mille deux cents mètres carrés. On y jouit d'une vue magnifique sur le PopocatepetI , l'Iztaccihuatl , le pic d'Orizaba, et la Sierra de Tlascalla, célèbre par les orages qui se forment autour de sa cime : on voit à la fois trois montagnes plus élevées que le Mont- Blanc, et dont deux sont des volcans encore enflammés. Une petite chapelle entourée de cyprès, et dédiée à Notre-Dame de los Remedios, a remplacé le temple dvi dieu de l'air, ou de l'Indra mexicain : un ecclésiastique de race indienne célèbre journellement la messe sur la cime de ce monument antique.

ET MONUMENS DE l' AMERIQUE. 53

Dq temps de Corlez, Cliolula etoit regardé comme une ville sainte : nulle part on ne trouvoit un plus grand nombre de téocallis, plus de prêtres et d'ordres religieux (llamacazc/ue')^ plus de magnificence dans le culte, plus d'austérité dans les jeunes et les pénitences. Depuis l'introduction du christia- nisme parmi les Indiens, les symboles d'un nouveau culte n'ont pas entièrement effacé le souvenir du culte ancien : le peuple se porte en foule et de très-loin à la cime de la pyramide, pour j célébrer la fête de la Vierge: une crainte seci'ète , un respect religieux saisissent l'indigène à la vue de cet immense monceau de briques, couvert d'arbustes et d'un gazon toujours frais.

Nous avons indiqué plus haut la grande analogie de construction que l'on observe entre les téocallis mexicains et le temple de Bel ou Bélus, à Babjlone: cette analogie avoit déjà frappé M. Zoega, quoiqu'il n'eût pu se procurer que des descriptions très-incomplètes du groupe des pyramides de Téotibuacan'. Selon Hérodote, qui visita Babylone et vit le temple de Bélus, ce monument pyramidal avoit huit assises : sa hauteur étoit d'un stade; la largeur de sa base égaloit sa hauteur; le mur qui formoit l'enceinte extérieure, le Tfîpi'CoAoç, avoit deux stades en carré (un stade commun olympique avoit cent quatre-vingt- trois mètres, le stade égyptien n'en a que quatre-vingt-dix-huit'): la pyramide étoit construite de briques et d'asphalte; elle avoit un temple (vclûç) à sa cime, et un autre près de sa base : le premier, d'après Hérodotç, étoit sans statues; il n'y avoit qu'une table d'or et un lit sur lequel couchoit une femme choisie par le dieu Bélus ^. Diodore de Sicile, au contraire, assure que ce temple supérieur renfermoit un autel et trois statues , auxquelles il donne , d'après des idées tirées du culte giec, les noms de Jupiter, de Junon et de Rhéa'': mais ces statues et le monument entier n'existoient plus du temps de Diodore et de Strabon. Dans les téocaihs mexicains on distinguoit, comme dans le temple de Bel, le naos inférieur de celui qui se trouvoit sur la plate-forme de la pyramide : cette même distinction est clairement indiquée dans les Lettres de Cortez et dans l'Histoire de la conquête, écrite par Bernai Diaz, qui demeura

ZoEGi, de origine Obeliscorum, p. 58o.

Vincent, Voyage de Néarque, p. 56.

' Herodot. Lib. i , C. clxxxi clxxxiii.

* Drooofi. SicuLus, ed. Wesselingio, Tom. ij Lib. ii, p. laâ.

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5^ VUES DES CORDILLÈRES,

plusieurs mois clans le paUùs du roi Axajacatl, et pnr conséquent vis-à-vis du téocalli d'Huitzilopocbtli.

Aucun des auteurs anciens, ni Hérodote, ni Slrabon", ni Diodorc, ni Pausanias", ni Arrien% ni Qiiiute-Gurce'^, n'indiquent que le temple de Bélus fût orienté d'après les quatre points cardinaux, comme le sont les pyramides égyptiennes et mexicaines. Pline observe seulement que Bélus étoit regardé comme l'inventeur de rasti onomie : hwenior 1 de fuit sideralis scienfiœ^. Diodore rapporte que le temple babylonien servoit d'observatoire aux Clialdéens : « On « convient, dit-il, que cette construction étoit d'une élévation extraordinaire, « et que les Chaldéens y faisoient leurs observations des astres, dont le lever « et le coucher pouvoient être très-exactement aperçus, à cause de l'élévation « du l)àliment. » Les piètres mexicains {ieopix(jm) observoient aussi la position des astres du haut des téocallis, et annonçoient au peuple, au son du cor, les heures de la nuit^. Ces téocallis ont été construits dans l'intervalle qui s'est écoulé entre l'époque de Mahomet et celle du règne de Ferdinand et Isabelle, et l'on ne voit pas sans étonnement que des édifices américains, dont la forme est presque identique avec celle d'un des plus anciens monumens des lives de l'Euphrate, appartiennent à des temps si voisins de nous.

En considérant sous un même point de vue les monumens pyramidaux de l'Egypte, de l'Asie et du nouveau continent, on voit que, malgré l'analogie de leur forme, ils avoieut une destination très-dilférente. Les pyramides réunies en groupe à Djyzeli et à Sakharah, en Eygpte; la pyramide tiiangulaire de la reine des Scythes, Zatina, dont la hauteur étoit d'im stade et la largeur de trois, et qui étoit ornée d'une figure colossale"; les quatorze pyramides étrusques que i on dit avoir été renfermées dans le labyrinthe du roi Porsenna, à Clusium, avoicnt été construites pour servir de sépidture à des personnages illustres. Rien n'est plus naturel aux hommes que de marquer la place reposent les restes de ceux dont ils chérissent la mcnioire. Ce sont d'abord de simples

' Strabo, Lib. XVI, 211.

" Pausanias, Lib. cd. Xylaiidri, p. 3oç), n. 5i.

' Abriabus , , Lib. vil, ly.

> Quint. Cuht., Lib. v, i et ôj.

' Plin., Ilisl. nal., Lib, vi, 5o.

' Gama, Dc-scripcinn cronahgica de la piodm calenderia; Mexico, 1792, [>. lii. ' DiODoiius Sicdi.us, Lib. I], C. x\.\[v.

ET ]\fONUMENS DE l'amÉrIQUE. 55

monceaux de terre, et par la suite des tumulus d'uue hauteur surprenante: ceux des Chinois et des Tibétains n'ont que quelques mètres d'élévation'; plus à Touest, les dimensions vont en augmentant : le tumulus du roi Al_yattes, père de Crésus, en Lydie, avoit six stades; celni de Ninns plus de dix stades en diamètre^: le nord de l'Europe ofïre les sépultures du roi Scandinave Gormus et de la reine Dancboda, couvertes de monceaux de terre qui ont trois cents mètres de largeur et plus de tiente mètres de hauteur. Ces tumulus se retrouvent dans les deux hémisphères, en Virginie et en Canada, comme au Pérou, de nombreuses galeries, constiuites en pierres et communiquant entre elles par des puits, remplissent l'intérieur des huacas ou collines artificielles. Le luxe de l'Asie a sn orner ces monumens rustitjues, en leur conservant leur focmc primitive : les tombeaux de Pergamc sont des cônes de terre élevés sur un mur circulaire (|ui pai'oît avoir été revêtu de marbre

Les téocallis ou p_yramides mexicaines étoient à la fois des temples et des tombeaux. Nous avons observé plus haut que la plaine dans laquelle s'élèvent les maisons du soleil et de la lune de l'éotihuacan, s'appelle le Chemin des morts; mais la partie essentielle et principale d'un tcocalli étoit la chapelle, le naosj à la cime de l'édifice. Au commencement de la civilisation, les peuples choisissent des lieux élevés pour sacrifier aux dieux. Les premiers autels, les premiers temples furent éiigés sur des montagnes : si ces montagnes sont isolées, on se plaît à leur donner des formes régulières, en les coupant par assises et en pratiquant des gradins pour monter plus facilement au sommet. Les deux continens offrent de nombreux exemples de ces collines divisées en terrasses et revêtues de murs en briques ou en pierres. Les téocallis ne me paroissent autre chose que des collines artificielles élevées au milieu d'une plaine, et destinées à servir de base aux autels : rien en effet de plus imposant qu'un sacrifice qui peut être vu par tout un peuple à la fois! Les pagodes de rindostan n'ont rien de commun avec les temples mexicains ; celle de Tanjore, dont nous devons de superbes dessins à M. DanielH, est une tour à plusieurs assises; mais l'autel ne se tiouve pas à la cime du monument.

' DunALDE, DescriplioD de la Chine, Tom, n, p. 136. Jsialick Resrarchcs, Vol. ti, p. 5i4.

Herodot. Lib. I, C. xcni. Ctésias chez Diod. Sicul-, Lib. 11, C. m.

' Cboisedl Goupfier, Voj'age pittoresque de la Grèce, Tom. 11, p. 37— 5i,

* Oriental Scenery, Pl. xvii.

5g VUES DES CORDILLÈRES,

La pyramide de Bel étoit en même temps le temple et le tombeau de ce dieu : Strabon ne parle pas même de ce monument comme d'un temple, il le nomme simplement le tombeau de Bêlus, En Arcadie, le tumulus {x^M.<^^ qui renfermoit les cendies de Calisto portoit à sa cime un temple de Diane ; Pausanias' le décrit comme un cône fliit de main d'homme, et couvert d'une antique végétation. Voilà un monument trcs-remarquable, dans lequel le temple n'est plus qu'un ornement accidentel : il sert pour ainsi dire de passage entre les pjramides de Sakharali et les téocallis mexicains'.

PLANCHE VIII.

Masse détachée de la pyramide de Cholula.

Le monument de Cbolula est tellement couvert de végétation, qu'il est très-dliricile d'examitier la sti'ucture des grandes assises. Les histoiiens espagnols du seizième siècle, dont plusieurs ont visite le Mexique du temps de Montezuma, ou peu d'années après sa mort, rapportent que tout l'cdiiice est construit en briques. En parcourant, la bibliothèque du Vatican, à Rome, le manuscrit du père Pedro de los Rios ', j'ai trouvé, comme je l'ai indiqué plus haut, que les habitans de Cholula croyoîent, d'après une ancienne tradition, C[ue les briques qui ont sei-vi pour le téocalli avoient été faites dans la province de Tlalmanalco, au pied de la montagne Cocotl, et que des prisonniers avoient été rangés en fde de manière à se passer les briques de main en main, sur une distance de plusieurs lieues, de Cocotl à Cholula. Cette tradition, qui rappelle ce que les contes arabes ont de plus fabuleux, se retrouve chez les Péi uviens : ceux du plateau de Cuzco, qui se regardent comme les habitans d'un lieu saint, assurent que, loisque l'Inca Tupac Yupanqui s'empara du royaume de Quito (Quitu)^ il j fît transporter d'immenses pierres de taille tirées des carrières voisines de Cuzco, pour construire des temples du soleil dans les pays récemment conquis.

J'ai pu reconnoître la structure intérieure de la pyramide de Cholula, en deux endioits difl'crens; savoir, près du sommet, à la lace opposée au volcan

PAiisisiis, Lib. ï)ii, C. XXXV.

' Vorcz mon Essai politique sur le royaume de la Nouvelle-Espagne, p. 169, 187, sôç) et 374.

Cor/. r„l. mon,;,,., n. SjSS, toi. 10.

ET MONUMENS DE t.' A3iÉKlQUE. 5^

Popocatepell , ot du côté du noid, oii la prcuiière assise est traversée par le nouveau chemin qui conduit de Pucbla à Mexico. C'est en creusant ce chemin que rextrémité de l'assise a été détachée du reste de la masse. La huitième Planche représente cette partie détachée : on y reconnoît des couches de briques qui alternent avec des couclies d'argile. Les briques ont généralement huit centimèties de hauteur sur quarante de longueur : il m'a paru qu'elles n'étoient pas cuites, mais seulement séchées au soleil; il se peut cependant aussi qu'elles aient subi une légère cuisson, et que l'humidité de l'air les ait rendues friables. Peut-être que les couches d'aigile qui séparent celles des briques ne se trouvent pas, dans l'intorieur de la pyramide, dans les parties qui soutiennent le poids énorme de la masse entière. M. Zoega ' avoit supposé, mais à tort, que le téocalli de Gholula étoit un vrai (;^w/ia.), un monceau de terre enduit extérieurement d'une couche de briques : déjà Gemelli, que Robertson et d'autres historiens du premier ordre accusent d'inexactitude bien plus qu'il ne le mérite, désigne cet (klïficc sous le nom d'une pyramide de terre*.

La construction du téocalli , comme nous l'avons observé plus haut, rappelle les monumens les plus anciens auxquels remonte l'histoire de la civilisation de notre espèce. Le temple de Jiqaiter Bélus, que la mythologie des Hlndoux paroit désigner par le nom de Bali^, les pyramides de Meïdonm et Dahchoùr, et plusieurs du groupe de Sakharah en Egypte, n'étoient aussi que d'immenses monceaux de briques, dont les restes se sont conservés jusqu'à nos jours pendant un espace de trente siècles.

PLANCHE IX.

Monumens de Xochlcalco.

Le monument remarquable dont cette Planche offre un fragment chargé de sculptures, est regardé dans le pays comme un monument milUaire. Au sud -est de la ville de Cucrnavaca ( Tancien Quauhnahuac), sur la pente occidcEitale de la Cordillère d'Anahuac , dans cette région heureuse que les

De Oielàcis, p. ô8o.

Giio del Mondo, Tom. VI, p. i35.

' FnA Paolibo di S. Bartholomeo, Viuggio aile Ind'w Orientaii, p. a/ji.

58 VUES DES CORDILLÈRES,

habitans closigiieiit par le nom de ticrra templada ( rrgion tempérée), parce qu'il y règne un printemps perpétuel, s'élève une colline isolée, qui, d'après les mesures barométriques de M. Âlzate, a cent dix-sept mètres au-dessus de sa base. Cette colline se trouve à Touest du chemin qui conduit de Cuernavaca au village de Miacatlan. Les Indiens l'appellent, en langue mexicaine ou aztèque, jLocliicalco , ou la Maison des Jleurs. Nous verrons dans la suite de cette notice, que l'étymologie de ce nom est aussi incertaine que l'époque de la construction du monument, que l'on attribue ans Toltèques. Cette nation est, pour les antitjuaires mexicains, ce que les colons Pelasges ont été long-temps pour les antiquaires de l'Italie. Tout ce qui se perd dans la nuit des temps est regardé comme l'ouvrage d'un peuple chez lequel on croit trouver les premiers germes de la civilisation.

La colline de Xochicalco est une masse de rocs, à Inquelle la main de l'homme a donné une forme conique assez régulière, et qui est divisée en cinq assises ou terrasses, dont chacune est revêtue de maçonnerie. Les assises ont à peu près vingt mètres d'élévation perpendiculaire. Elles se rétrécissent vers la cime, comme dans les téocallis ou les pyramides aztèques, dont le sommet étoit orné d'un autel. Toutes les terrasses sont inclinées vers le sud-ouest, peut-être pour faciliter l'écoulement de l'eau des pluies, tiès- abondantes dans cette région. La colline est entourée d'un fossé assez profond et très-large , de sorte que tout le retranchement a près de quatre mille mèties de circonférence. La grandeur de ces dimensions ne doit pas nous étonner ; sur le dos des Cordillères du Pérou, et à des élévations qui égalent presque celle du pic de Ténérifï'e, nous avons vu, M. Bonpland et moi, des monumens plus considérables encore. Les plaines du Canada ofïrent des lignes de défense et des retranchemens d'une longueur exti aordinaire. Tons ces ouvrages américains ressemblent à ceux que l'on découvie journellement dans la partie orientale de l'Asie, des peuples de race mongole, surtout ceux qui sont le plus avancés en civilisation, ont construit des murailles qui séparent des provinces entières.

Le sommet de la colline de Xochicalco présente une plate-forme oblongue, qui, du nord au sud, a soixante-douze mètres, et, de l'est à l'ouest, quatre- vingt-six mètres de longueur. Cette plate-forme est entourée d'un mur de pierre de taille, dont la hauteur excède deux mètres, et qui servoit à la

ET MONUMENS DE l' AMERIQUE. 5p

défense des combnttans. C'est au centre de cette place d'armes spacieuse (|t.ie l'on trouve les restes d'un moiiunieiit pyramidal f|ul avoit cinq assises, et dont la forme ressemble à celle des tcocallis que nous venons de décrire plus haut. La première assise seule en a été conservée; c'est celle dont le dessin se trouve sur la neuvième Planche. Les pi-opriétaires d'une sucrerie voisine ont été assez barbares pour détruire la pyramide, en arrachant des pierres qu'ils ont employées dans la construction de leurs fours. Les Indiens de Tetlama assurent que les cinq assises 'existoient encore eu 1750; et, d'après les dimensions du premier gradin, on peut supposer que tout rédifice avoit vingt mètres d'(-lévation. Ses faces sont exactement orientées d'après les quatre points cardinaux. La base de l'édifice a •20" de long, sur i7'",4 large. On ne découvre, et cette ciiconstance est très-frappante, aucun vestige d'escalier qui conduise veis la cime de la pyramide, l'on assure avoir trouvé jadis un siège de plei re [xiniotlalli) ^ oiné d'hiéroglyphes.

Les voyageurs qui ont examiné de prés cet ouvrage des peuples indigènes de l'Amérique, ne peuvent assez admirer le poli et la coupe des pierres qui ont toutes la forme de parallélipipèdes; le soin avec lequel elles ont été unies les unes aux autres, sans que les joints aient été remplis de ciment, et l'exécution des reliefs dont les assises sont ornées : chaque figure occupe plusieurs pierres à la fois, et les contours n'étant pas interrompus par les joints des pierres, on peut supposer que les reliefs ont été sculptés après que la construction de l'édifice étolt achevée. On distingue, parmi les ornemens hiéroglyphiques de la pyramide de Xochicalco, des tètes de crocodiles qui jettent de l'eau, et des figures d'hommes qui sont assis les jambes croisées, à la manière des peuples de l'Asie. En considérant que l'édifice se trouve sur un plateau élevé de plus de treize cents mètres au-dessus du niveau de l'Océan, et que les crocodiles n'habitent que les rivières voisines des côtes, on est étonné de voir que l'architecte, au lieu d'imiter des plantes et des animaus connus aux peuples montagnards, ait employé, dans ces reliefs, avec une recherche particulière, les productions gigantesques de la zone torride.

Le fossé dont la colline est entourée, le revêtement des assises, le grand nombre d'appartemens souteriains creusés dans le roc du côté du nord, le mur qui défend l'approche de la plate-forme, tout concourt à donner au monument de Xochicalco le caractère d'nn monument militaiie. Les naturels

/p ' VUES DES CORDILLÈRES,

désignent mcme encore aujoind'iuii les ruines de !a pyramide (jui a'élcvoit au milieu de In plate-forme, par un nom qui équivaut à celui de château fort, ou de citadelle. La giande analogie de forme que l'on remarque entre celte prétendue citadelle et les maiso/is des dieux aztèf/iies (tëocallis), me fait soupçonner que la colline de Xochicalco n'étoit autre chose qu'un temple fortifié. La pyramide de Mexitli, ou le grand temple de Ténochtitlan, renfermoit aussi un arsenal dans son enceinte, et servoit, pendant le sie'ge, de place forte, tantôt aux Mexicains, tantôt aux Espagnols. Les livres saints des Hébreux nous apprennent que, dans la plus haute antiquité, les temples de l'Asie, par exemple celui de Baal Berith à Sichem en Canaan, étoient à la fois des édifices consacrés au culte, et des retranchemens dans lesquels les liabitans d'une ville se mcttoient à couvert contre les attaques de l'ennemi. En elTet, rien de plus naturel aux hommes que de fortifier les lieux dans lesquels ils conservent les dieux tutélaires de la patiie; rien de plus rassurant, lorsque la chose publique est en danger, que de se réRigier au pied de leurs autels, et de combattre sous leur protection immédiate ! Chez les peuples dont les temples avoient conservé une des formes les plus antiques, celle de la pyramide de Bélus, la construction de l'édifice pouvoit répondre au double usage du culte et de la défense. Dans les temples grecs, le mur seul qui formoit le TrspifioAoç ollioit un asile aux assiégés.

Les naturels du village voisin de Tetlama possèdent une carte géogra- phique construite avant l'arrivée des Espagnols, et à laquelle on a ajouté quel(|ues noms depuis la concjuète : sur cette caite, à l'endroit est situé le monument de Xochicalco, on trouve la figure de deux guerriers qui combattent avec des massues, et dont l'un est nomme Xochicatli, et l'autre Xicatetli. A^ous ne suivrons pas ici les antiquaires mexicains dans leurs discussions étymologiques, pour apprendre si l'un de ces guerriers a donné le nom à la colline de Xochicalco, ou si l'image des deux combattans désigne simplement une bataille entie deux nations voisines; ou, enfin, si la dénomination de 3Iaison des fleurs a été donnée au monument pyramidal, parce que les l'oltèques, comme les Péruviens, n'ofTroient à la divinité que des fiuits, des fleurs et de fencens. C'est aussi près do Xochicalco, qu'on a tiouvé, il y a trente ans, une pierre isolée sur laquelle éloit représenté en relief un aigle déchirant un captif, image qui fiiisoit allusion sans doute

ET MONURIENS DE I.'amÉRÏQUE. /^i

à une victoiie remportée par les Aztccjiies sur quelque nation limitrophe.

Le dessin tlu relief de la première assise est copiti d'après la gravure qui en a été publiée à Mexico, en 1791- Je n'ai pas eu occasion de visiter moi- même ce monument remarquable. Lorsqu'en airivant à la Nouvelle-Espagne par la mer du Sud, je passai, au mois d'avril i8o5, d Acapulco à Cuernavacca, j'ignorois Texistence de la colline de Xocliiealco, et je regiette de n'avoir pas pu vérifier, par mes ^eux, la description' qui en a été faite par M. Alzate, membre correspondant de l'Académie des sciences de Paris. Comme on a omis d'ajouter une échelle à la Planche ix, je dois (aire observer que la hauteur des figuies qui sont assises les jambes croisées, est de i'",o5,

PLANCHE X.

V^olcan de Cotopaxi.

En donnant plus haut la description de la vallée d'Icononzo, j'ai observé que l'énorme élévation des plateaux qui entourent les hautes cimes des Cordillères diminue, jusqu'à un certain point, l'impression que ces grandes masses laissent dans famé d'un voyageur accoutumé aux scènes majestueuses des Alpes et des Pyrénées. Dans tous les climats, ce n'est pas tant la hauteur absolue des montagnes, que leur aspect, leur forme et leur agioupement, qui donnent au pa_ysage un caractère particulier.

C'est cette physionomie des montagnes que j'ai tâché de représenter dans une série de dessins, dont quelques-uns ont déjà paru dans l'Atlas géographique et physique qui accompagne mon Essai sur le royaume de la Nouvelle- Espagne. II m'a paru d'un grand intérêt pour !a géologie , de pouvoir comparer les formes des montagnes, dans les parties les plus reculées du globe, comme on "compare les formes des végétaux sous des climats divers. Très-peu de matériaux ont encore été réunis pour ce travail important. Sans le secours d'instrumens géodésiques, par lesquels on mesure de très- petits angles, il est presque impossible de déterminer les contours avec une grande précision. En même temps que je m'occupois de ces mesures dans

' Oescripcion de las antiquidades de Xochicalco , por don Joseph Antonio Alzate y Ramirez; Mexico , 1791. Due antichi Monument! di archilettiira messicana ilhistrati da Pietro Marquez; Roina , i8o4-

^2 VUES DES CORDILLÈRES,

l'hémisphèie austral, sur le dos de la Cordillère des Andes, M. Ostenvald, aidé par un géomètre distingué, M. Tralles, dessinoit, d'après une méthode analogue, la chaîne des Alpes de la Suisse, telle qu'elle se présente vue des bords du lac de Neucliàtel. Cette vue, qu'on vient de publier, est d'une telle exactitude, que la distance de chaque cime étant connue, on trouveroit leur hauteur relative, en n'employant dans le calcul que la simple mesure des contours du dessin. M. Tralles s'est servi d'un cercle répétiteur. Les angles par lesquels j'ai détermine la grandeur des diffî-rentes parties d'une montagne, ont été pris avec un sextant de Uamsden, dont le limbe indiquoit avec certitude six à huit secondes. En répétant ce travail de siècle en siècle, on parviendroit à connoitre les changemens accidentels qu'éprouve la su I face du globe. Dans un pays exposé aux tremblemens de terre, et bouleversé par des volcans, il est très-difficih.' de résoiiche la question si les montagnes s'affaissent, ou si, par des éjections de cendres et de scories, elles augmentent insensiblement. De simples angles de hauteur, pris dans des stations déterminées, éclaiiciroient cette question bien mieux qu'une mesure tiigononiétiique complète, dont le résultat est afl'ecté, à la l'ois, des erreurs que l'on peut commettre dans la mesure de la base et dans celle des angles obli((ues.

En comparant l'aspect des montagnes dans les deux contincns, on découvre une analogie de Ibrme à laquelle on croiroit ne pas devoir s'attendre, loisqu'on réfléchit sur le concours des forces qui, dans le monde primitif, ont agi tumultueusement sur la surface ramollie de notre planète. Le feu des volcans élève des cônes de ccndic et de pierre ponce, il parvient à se faire jour à travers un cratère; des ho inson Hures semblables à des dômes d'une grandeur extraordinaire, paroissent dues à la seule force expansive des vapeurs élastiques ; des tremblemens de tei re ont soulevé ou redi essé des couches remplies de coquilles marines; des coLU'ans pélagiques ont sillonné le fond des bassins qui forment aujourd'hui des vallées circrdaires ou des plateaux entourés de montagnes. Chaque contrée du globe a sa physionomie particulière; mais au milieu de ces tiaits caractéristiques, qui rendent l'aspect de la nature si riche et si vaiié, on est happé d'une ressemblance de forme qui se fonde sur une identité de causes cL de ciiconstances locales. En naviguant entre les îles Canaries, en observant les cônes basaltiques de Lancerotc, de TAlegranza et

KT MONUMENS DE l' AMERIQUE. 45

de la Graciosa, on croit voir le groupe des monts Euganeens ou les collines trappeennes de la Bolième. Les granités, les schistes micacés, les giès anciens, les formations calcaires que les jnineralogistes désignent sous les noms de formation du Jura, des hautes Jlpes, ou de calcaire de transition donnent un caractère particulier au contour des grandes masses, aux déchiremens de la crête des Andes, des Pyrénées et de l'Ural. Partout la nature des roches a modifié la forme extéiietire des montagnes.

Le Cotopaxi, dont la cime est représentée dans la dixième Planche, est le plus élevé de ces volcans des Andes, qui, à des époques récentes, ont eu des éruptions. Sa haiiteur absolue est de cinq mille sept cent cinquante- quatre mètres (deux mille neuf cent cinquante-deux toises): elle est double de celle du Ganigou ; elle surpasse par conséquent de huit cents mètres la hauteur (ju'auioit le Vésuve , s'il étoit placé sui- le soinmel du pic de Ténériffe. Le Cotopasi est aussi le plus redouté de tous les volcans du royaume de Quito: c'est celui dont les explosions ont été les plus fréquentes et les plus dévastatiices. Eu considérant la masse de scories et les quartiers de rochers lancés par ce volcan , et dont les vallées environnantes sont couvertes, sur une étendue de plusieuis lieues carrées, on doit croire que leur réunion formeroit une montagne colossale. En 1708, les flammes du Cotopaxi s'élevèrent, au-dessus du bord du cratère, à la hauteur de neuf cents mètres. En 17445 1^ mugissement du volcan fut entendu jusqu'à Honda, ville située sur les bords de la rivière de la Madeleine, à une distance de deux cents lieues communes. Le 4 avril 1 7G8 , la quantité de cendres vomies par la bouclie du Gotopaxi fut si grande, ([ue, dans les villes d'Hambato et de Tacimga, la nuit se prolongea justju'à trois heures du soir, et que les habitans fureut obligés d'aller avec des lanternes dans les rues. L'explosion qui arriva au mois de janvier i8o3 fut piécédée d'un phénomène elFrayant, celui de la fonte subite des neiges qui couvrent la montagne. Depuis plus de vingt ans, aucune fumée, aucune vapeur visible n'étoit soitie du cratère, et dans une seule nuit le feu souterrain devint si actif, qu'au soleil levant^ les parois extérieures du cône, élevées sans doute à une température très- considérable, se montrèrent à nu, et sous la couleiu- noire c[ui est propre aux scories vitrifiées. Au port de Guajaquil, dans un éloignement de einquante-deux lieues en ligne droite du bord du cratère, nous entendîmes

VUES DES CORDILLÈRES,

nuit et jour les mugissemens du volcan, comme des décharges répétées d'une batterie; nous distingnàmes même ce bruit epoiivfintable dans la mer du Sud, au sud-ouest de l'île de la Punà.

Le Cotopaxi est situé au snd-sud-est de la ville de Quito, à une distance de douze lieues, entre la montagne de Rumiiaavi, dont la crête, hérissée de petits rochers isolés, se prolonge comme un mur d'une hauteur énorme, et le Quelendaîia , qui entre dans la limite des neiges éternelles. C'est dans cette partie des Andes, qu'une vallée longitudinale sépare les Cordillères en deux chaînons parallèles. Le fond de cette vallée a encore trois mille mètres d'élévation au-dessus du niveau de l'Océan ; de sorte cjue le Chimborazo et le Cotopaxi, vus des plateaux de Lican et de Mulalo, ne paroissent avoir que la bantcui' du Col de Géant et du Cramont, mesurés par Saussure. Comme il y a lieu d'admettre que la proximité de l'Océan contribue à entretenir le feu volcanique, le géologue est surpris de voli' que les volcans les plus actifs du ro3'aurae de Quito, le Cotopaxi, le l'ungurahua et le Sangay, appartiennent au chaînon oriental des Andes, et par conséquent à celui qui est le plus éloigné des côtes. Les pics qui couronnent la Cordillère occidentale, paroissent tous, à rcxceptiou de Rucu-Picliincha , des volcans éteints depuis une longue série de siècles; mais la montagne dont nous présentons le dessin, et qui est éloignée de a" 2' des côtes les plus voisines, de celles de l'Esmeralda et de la baie de San-Mateo, lance périodiquement des gerbes de feu, et désole les plaines environnantes.

La forme du Cotopaxi est la plus belle et la plus régulière de toutes celles que présentent les cimes colossales des hautes Andes. C'est un cône parfait qui, revêtu d'une énorme couche de neige, brille d'un éclat éblouis- sant au coucher du soleil, et se détache d'une manière pittoresque de la voûte azurée du ciel. Cette enveloppe de neige dérobe à la vue de l'observateur jusqu'aux plus petites inégalités du sol : aucune pointe de rocher, aucune masse pierreuse ne perce à travers ces glaces éternelles, et n'interrompt la régularité de la figure du cône. Le sommet du Cotopaxi ressemble au pain de sucre {pan de azucar) qui termine le pic de Tej-de, mais la hauteur de son cône est sextuple de celle du grand volcan de l'île de TénériiTe.

Ce n'est que près du bord du cratère que l'on aperçoit des bancs de

ET MONUMENS DE l'amÉRIQUE. 4^

de rochers Cjui ne se couvrent jamais de neige, et ([ui se présentent de loin comme des traits d'un noir foncé : la pente rapide de cetle partie du cône, et les crevasses par lesc|uel!es sortent des couians d'air chaud, sont probablement les causes de ce phénomène. Le cratère, semblable à celui du pic de Ténériiïe, est environné d'un petit mur circulaire, qui, examiné avec de bonnes lunettes, se présente sous la forme d'un parapet: on le distingue sui tout à la pente méridionale, lorscju'on est placé, soit sur la Montagne des Lions (Puma-Urcu), soit an bord du petit lac d'Yuracoche. C'est pour faire connoltre cette structure particulière du volcan, que j'ai ajouté au bas de la Planche la vue du bord méridional du cratère, telle que je l'ai dessinée près de la limite des neiges perpétuelles une hauteur absolue de quatre mille quatre cent onze mètres) à Suniguaicu, sur l'arête de montagnes porphyritiques qui imit le Gotopaxi au Nevado de Quelendana.

La paitie conique du pic de Ténériiïe est très-accessible; elle s'élève au miheu d'une plaine couverte de pieire ponce, et dans laquelle végètent quelques touffes de Spartium supranuhium. En gravissant le volcan de Gotopaxi, il est très-difficile de parvenir jusqu'à la limite inférieure des neiges perpétuelles. Nous avons éprouvé cette difTicidté dans une excursion cpie nous avons faite au mois de mai de l'année 1802. Le cône est entouré de profondes crevasses, qui, au moment des éruptions, conduisent au Rio Napo et au Rio de los Alacpies, des scories, de la pierre ponce, de l'eau et des glaçons. Quand on a examiné de près le sommet du Gotopaxi, on peut presc|Lie assurer qu'il seroit impossible de parvenir jusqu'au bord du ciatère.

Plus le cône de ce volcan est d'une forme régulière, et plus on est frappé de trouver du côté du sud-ouest une petite masse de rocher à demi-cachée sous la neige, hérissée de pointes, et que les naturels appellent la Tète de VInca. L'origine de cette dénomination bizarre est très-incertaine. Il existe dans le pa^s une tradition populaire, d'après laquelle ce rocher isolé faisoit jadis partie de la cime du Gotopaxi. Les Indiens assurent que le volcan, lors de sa première éruption, lança loin de lui une masse pierreuse qui, semblable à la calotte d'un dôme, couvroit l'énorme cavité qui renferme le feu souterrain. Les uns prétendent que cette catastrophe extraordinaire eut lieu peu de temps après l'invasion de l'Inca Tnpac Yupanqui dans le royaume de Quito, et que le c|uartier de rocher que l'on distingue dans

VUES DES CORDILLÈRES,

la tlixicme Planche, à la gauclie du volcan, s'appelle la Tcte de riiica , parce que sa chute fut le présage sinistre de la mort du conquérant. D'autres , plus crédules encore , affirment que cette masse de porphyre à base de pechslein, fut déplacée dans une explosion qui arriva au même instant oi^i Tlnca Atahualpa fut étranglé par les Espagnols à Caxamarca. Il paroît en effet assez certain que, lorsque le corps d'armée de Pedro Alvarado passa de Puerto Viejo au plateau de Quito, il y eut une éruption du Cotopasi, quoique Piedio de Cieça' et Garcilasso de la Vega' ne désignent que trcs-vaguement la montagne qui lança les cendres dont la chute subite effraya les Espagnols. Mais, pour adopter l'opinion que, premièrement, à cette époque le rocher, appelé la Caheza del Inca , avolt pris sa place actuelle, il faudroit supposer que le Cotopaxi n'avoit pas eu d'éruptions antérieures; supposition d'autant plus fausse, que les murs du palais de l'Inca au Callo, construit par Huayna Capac, renferment des pierres d'une origine volcanique, et lancées par la bouche du Gotopaxi. Nous discuterons dans un autre endroit la question importante s'il est probable que ce volcan avoit déjà atteint sa hauteur actuelle, lorsque le feu souterrain se fit jour à travers sa cime, ou si plusieurs faits géologiques ne concourent pas plutôt à prouver que le cône, comme le Somma du Vésuve, est composé d'un grand nombre de couches de laves superposées les unes aux autres.

J'ai dessiné le Gotopaxi et la Tête de ÏIncaj à l'ouest du volcan, à la métairie de la Sienega, sur la terrasse d'une belle maison de campagne appartenant à notre ami, le jeune marquis de Maenza, qui vient d'héiiter de la grandesse et du titre de comte de Punelrostro. Pour distinguer, dans ces vues des sommets des Andes, les montagnes qui sont des volcans encore actifs, de celles qui ne donnent pas d'éruption, je me suis permis d'indiquer une fumée légère au-dessus du cratère du Gotopaxi, quoique je n'en aie pas vu sortir à l'époque je faisois cette esquisse. La maison de la Sienega, construite par une personne qui étoit intimement liée avec M. de La Condamine, est placée dans la vaste plaine qui s'étend entre les deux branches des Gordillères, depuis les collines de Ghisinche et Tiopullo jusqu'à Hambato. On y découvre à la fois, et dans une proximité effrayante,

' Chronica del Peru, i554. Cap. xli, fol. log. ' Comentarios Reales, lib. ii, C. ii, T. ii, p. 5g.

F.r iMONTJMENS DE l' AMÉRIQUE. ijy

le volcan colossal de Cotopaxi, les pics élancés d'Ilinisa, et le Nevado de Quelendana. C'est un des sites les plus majestueux et les plus imposans que j'aie vus dans les deux Iiémisphc;res '.

PLANCHE XI.

Relief mexicain trouvé à Oaxaca.

Ce relief, un des restes les plus curieux de la sculpture mexicaine, a été trouvé, il J a peu d'années, près de la ville d'Oaxaca. Le dessin m'en a été communicjLié par un naturaliste distingué, M. Cervantes, professeur de botanique à Mexico, auquel nous devons la connoissance des nouveaux génies Cheirostemon, Guaidiola, et de beaucoup d'autres plantes qui seront publiées dans la Flore de !a Nouvelle - Espagne , de MM. Sessé et Mocirio. Les personnes qui ont envoyé ce dessin à M. Cervantes, lui ont assuré qu'il étoit copié avec le plus grand soin, et que le relief, sculpté dans une roche noirâtre et très-dure, avoit plus d'un mètre de hauteur.

Ceux qui ont fait une étude particulière des monumens toltèques et aztèques, doivent être happés à la fois de fanalogie et des contrastes qu'olTie le relief d'Oaxaca, avec les figures que l'on trouve r('pétées dans les manuscrits hiéroglyphiques, dans les idoles et sur le revêtement de plusieurs téocallis. Au lieu de ces hommes trapus qui ont à peine cinq têtes de haut, et qui rappellent le plus ancien stjle étrusque, on distingue, sur le relief représenté dans la onzième Planche, un groupe de trois ligures dont les formes sont élancées, et dont le dessin, assez correct, n'annonce plus la piemière enfance de l'art. On doit craindre sans doute que le peintre espagnol qui a copié cette sculpture d'Oaxaca, n'ait rectifié par-ci par-là les contours, peut-être même sans le vouloir, surtout dans le dessin des mains et des doigts des pieds; mais est-il permis de supposer qu'il ait changé la proportion des figures entières? Cette supposition ne perd-elle pas toute probabihté, si l'on examine le soin minutieux avec lequel sont rendus la forme des têtes, les yeux, et surtout les ornemens du casque? Ces ornemens, parmi lesquels on

Géographie des Plantes, p. 1^7; Nivellement barométrique, p. 29; Tableaux de la Nature, T. u, p. 2/1; Essai politique sur la NouveUe-Espagne, p. lxxïi lskx.

48 VUES DES CORDILLÈRES,

reconnoît des plumes, des rubans et des fleurs; ces nez, d'une grandeur extraordinaire, se retrouvent dans les peintures mexicaines conservées à Rome, à "Velctri et à Berlin. Ce n'est qu'en rapprochant tout ce qui a été produit à la même époque, et par des peuples d'une origine commune, que l'on parvient à se former une idée exacte du style qui caractéiise les dift'érens monumens, si toutefois il est permis d'appeler stjle les rapports que l'on découvre entre une multitude de formes fantasques et bizarres.

On pouiroit demander encore si le relief d'Oaxaca ne date pas d'un temps où, après le premier débarquement des Espagnols, les sculpteurs indiens avoient di-jà connoissance de quelques ouvrages d'art des Européens. Pour discuter cette question, il faut' se rappeler que, trois ou quatre ans avant que Cortez se rendît maître du pays d'Anahuac, et que des religieux missionnaires empêcliassent les naturels de sculpter autre chose que des figures de saints, Hernandez de Cordova, Antonio Alaminos et Grixalva, avoient visité les côtes mexicaines depuis l'île de Gozumel et le cap Catoche, situé sur la péninsule de Yucatan, jusqu'à l'embouchure de la rivière de Panuco. Ces conquérans communiquèrent partout avec les habitans, qu'ils trouvèrent bien vêtus, réunis dans des villes populeuses, et infiniment plus avancés dans la civilisation que tous les autres peuples du nouveau continent. Il est probable que ces expéditions militaires laissèrent, entre les mains des habitans, des croix, des losaires et quelques images révérées par les chrétiens : il se pourroit aussi que ces images eussent passé de main en main, depuis les côtes jusque dans l'intérieur des terres dans les montagnes d'Oaxaca; mais est -il permis de supposer que la vue de quelques figures correctement dessinées ait fait abandonner des formes consacrées par l'usage de plusieurs siècles ? Un sculpteur mexicain auroit sans doute copié fidèlement limage d'un apôtre; mais dans un pays oi^i, comme dans l'Indostan et en Chine, les naturels tiennent avec la plus grande opiniâtreté aux mœurs, aux habitudes et aux arts de leurs ancêtres, auroient-ils osé représenter un héros ou une divinité aztèque sous des formes étrangères et nouvelles? D'ailleurs, les tableaux historiques que des peintres mexicains ont faits après l'arrivée des Espagnols, et dont plusieurs se trouvent dans les débris de la collection de Botunni, à Mexico, font voir évidemment que cette influence des arts européens sur le goût des peuples de l'Amérique et sur la correction de leurs dessins, n'a été que très-lente.

ET MONUMENS DE l'A]\IÉrIQUE.

Il m'a paru indispensable triiidifjiiei- les doutes (pie l'on peut élever sur l'origine du relief d'Oaxaca. Je l'ai fait graver à Rome, d'après le dessin qui m'en a été communique; mais je suis lïien éloigne de prononcer sur un monument aussi extraordinaire, et que je- n'ai pas eu occasion d'examiner moi-même. L'architecture du palais de Mitla, l'élégance des grecques et des labyrinthes dont ses murs sont ornés, prouvent que la civilisation des peuples Zapotèques étoit supérieure à celle des habitans de la vallée de Mexico. D'après cette considération, nous devons être moins surpris que le relief qui fixe notre attention ait été trouvé à Oaxaca, l'ancien Huaxjacac , qui étoit le chef-lieu du pays des Zapotèques. Si j'osais énoncer mon opinion particulière, je dirois qu'il me paroit plus facile d'attribuer ce monument à des Américains qui n'avoient point encore eu de communication avec les blancs, que de supposer que quelque sculpteur espagnol, qui avoit suivi l'armée de Cortez, se soit amusé à faire cet ouvrage, en l'honneur du peuple vaincu, dans le stjle mexicain. Les naturels de la côte nord-ouest de l'Amérique n'ont jamais été comptés parmi les peuples très-civilisés, et cependant ils sont parvenus à exécuter des dessins dans lesquels des voj'ageurs anglois ont admiré la justesse des proportions'.

Quoi qu'il en soit, il paroît certain que le relief d'Oaxaca représente un guerrier sorti du combat, et paré des dépouilles de ses eimemis. Deux esclaves sont placés aux pieds du vainqueur. Ce qui frappe le plus dans cette composition, ce sont les nez, d'une grandeur énorme, qui se trouvent répétés dans les six tètes vues de profil. Ces nez caractérisent essentiellement les monumens de sculpture mexicaine. Dans les tableaux hiéroglyphiques conservés à Vienne, à Rome, à Veletri, ou au palais du vice-roi, à Mexico, toutes les divinités, les héros, les prêtres même, sont figurés avec de grands nez aquilins , souvent percés vers la pointe, et ornés de l'amphishène, ou du serpent mystérieux à deux têtes. Il se pourroit que cette physionomie extraordinaire indiquât quelque race d'hommes très-difterente de celle qui habite aujourd'hui ces contrées, et dont le nez est gros, aplati, et d'une grandeur médiocre : mais il se pourroit aussi que les peuples aztèqiies eussent cru , comme le prince des philosoplies % qu'il j a quelque chose de

' Dixon's Voyage, p. 272,

' Platoh , de Repubika, Lib. v.

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5o VUES DES CORDILLÈRES ,

majestueux et tie royal {^cLinMKov) dans un grand nez, et qu'ils l'eussent considéré, dans leurs reliefs et dans leurs tableaux, comme le symbole de la puissance et de la grandeur morale.

La forme pointue des têtes n'est pas moins frappante dans les dessins mexicains que la grandeur des nez. En examinant ostcologiquement le ci àne des naturels de l'Amérique, on voit, comme je l'ai déjà observé alUeius, qu'il n'y a pas de race sur le globe dans laquelle l'os frontal soit plus déprimé en arrière, ou qui ait moins de front". Cet aplatissement extraordinaire se trouve chez des peuples de la race cuivrée, qui n'ont jamais connu la coutume de produire des difformités artificielles, comme le prouvent les crânes d'Indiens mexicains, péruviens et aturès, que nous avons rapportés, M. Bonpiand et moi , et dont plusieurs ont été déposés au Muséum d'histoire naturelle à Paris. Les Nègres donnent la préférence ans lèvres les plus grosses et les plus proéminentes; les Galmouques l'accordent aux nez retroussés. Un savant illustre, M. Guvier', observe que les artistes grecs, dans les statues des héros, ont relevé la ligne faciale outre nature, de quatre-vingt-cinq à cent degrés. J'incline à croire que l'usage baibare introduit parmi quelques hordes sauvages de l'Amérique, de comprimer la tête des enfans entre deux planches, naît de l'idée que la beauté consiste dans cet aplatissement extraordinaire de l'os frontal, par lequel la nature a caractérisé la race américaine. C'est sans doute en suivant ce même principe de beauté que même les peuples aztèques, qui n'ont jamais défiguré la tète des enfans, ont représenté leurs héros et leurs principales divinités avec une tète beaucoup plus aplatie que ne l'est celle d'aucun des Caribes que j'ai vus au Bas-Orénoque.

Le gueri ier figuré sur le relief d'Oaxaca , offre un mélange de costumes très-extraordinaire. Les ornemens de sa coiffe, qui a la forme d'un casque, ceux de l'étendard {signitm) qu'il a dans la main gauche, et sur lequel on reconnoît un oiseau, comme sur l'étendard dOcotelolco, se retrouvent dans toutes les peintures aztèques. Le pourpoint, dont les manches sont longues et étroites, rappelle le vêtement que les Mexicains désignoient par le nom à' ichcahuepiUÎ; mais le filet qui couvre les épaules est un ornement que l'on ne retrouve plus ■parmi les Indiens. Au-dessous de la ceinture paroît la peau tigrée d'un jaguar,

Blvmk^rach, Decas quinta cranioruin, :8oS, p. \U, Tab. 4*». " Leçons d'Anutomie comparée, T. II, p. G.

ET MONUMENS DF, l'amÊRIQUE. 5i

dont la queue n'a pas été coupe'e. Les liistoricns espagnols rapportent que les guerriers mexicains, pour paroître plus terribles dans le combat, portoient d'énormes casques de bois qui représentoient des têtes de tigre, dont la gueule étoit armée des dents de cet aniiual. Deux crânes, sans doute ceux d'ennemis vaincus, sont attachés à la ceinture du triomphateur. Ses pieds sont couverts d'une espèce de brodequins, qui rappellent les rasAscti ou caligœ des Grecs et des Romains.

Les esclaves représentés assis et les jambes croisées, aux pieds du vainqueur, sont très- remarquables à cause de leurs attitudes et de leur nudité. Celui qui est placé à gauche ressemble à la figure de ces saints que l'on voit fréquemment dans des tableaux hiudoux, et que le navigateur Roblet a trouvés sur la cote nord-ouest de l Améiiquc, parmi les peintures hiérogl_yphiques des naturels du canal de Cox'. Il seroit facile de reconnoître, dans ce relief, le bonnet phrjgien et le tablier (TTEpi'i^w^a.) des statues égyptiennes, si Ton vouloit suivre les traces d'un savant% qui, emporté par une imagination ardente, a cru trouver, dans le nouveau continent, des inscriptions carthaginoises et des monumens phéniciens^.

PLANCHE XII.

Généalogie des Princes d'^.jjcaposaIco.

On a réuni sur cette Planche deux f'ragmens de tableaux Iiiérogljphiqnes, tous deux postérieurs à farrivée des Espagnols sur les côtes d'Anahuac. Les originaux d'après lesquels ces dessins sont faits, appartiennent aux manuscrits aztèques que j'ai rapportés de la Nouvelle-Espagne, et qui ont été déposés à la bibhothéque rojale de Berlin. La gravure imprimée au mcj-en de plusieurs planches de rechange, imite parfaitement, outre le dessin, la couleur du papier mexicain. Elle rappelle la fameuse enveloppe de momie

' Voyage de Mabchakd, Tom, i, p. 5i2.

CouaT DE GiBELlIT.

3 Vojez Archœologia, or misccllaneous tracts relaUng lo JntitjuUjr j published hy ihe Society of Antiquarians of London. Vol. vm, p, ago.

Sa yuES DES cordillères,

qui a été conservée pendant quelque temps à Strasbourg, dans le cal^Jnet d'un particulier, et dont l'institLit d'Egypte vient d'enrichir ses grandes et précieuses collections.

Le papier qui a servi aux peintures liiéroglyphiques des peuples aztèques a beaucoup d'analogie avec l'ancien papier égyptien fait avec les fibres du roseau (Cyperus papyrus). La plante qui fut employée au Mexique à la fabrication du papier, est celle que dans nos jardins on désigne communément sous le nom d'aloès. C'est la pite (Agave americana), appelée nietl ou maguey par les peuples de la race aztèque. Les procédés employés pour la Fabrication de ce papier étoient à peu près semblables à ceux qu'on emploie dans les îles de la mer du Sud , pour en faire avec l'écorce du mûrier à papier {Broussonelia popyrifcra). J'en ai vu des morceaux de trois mèties de long sur deus de large. Aujourd'hui on cultive l'agave, non pour en faiie du papier, mais pour en préparer avec son suc, au moment du développement de la hampe et des fleurs, la boisson enivrante connue sous le nom d'octli ou de pukjiie : car la pite ou le metl peut remplacer à la fois le chanvre de l'Asie, le roseau à papier de l'Egypte, et la vigne de l'Europe.

Le tableau dont la copie se trouve au bas de la douzième Planche, a cinq décimètres de long sur trois décimètres de large. Il paroît que ce fragment de l'écritm-e hiéroglyphique, que j'ai acheté à Mexico, dans la vente des collections de M. Gama, faisoit jadis partie du musée du chevalier Boturini Bcnaducci. Ce voyageur milanois avoit traversé les mers sans autre but que celni d'étudier sur les lieux l'histoire des peuples indigènes de l'Amérique. En parcourant le pays pour examiner des monumens, et pour faire des recherclies sur les antiquités du pays, il eut le malheur d'exciter la méfiance du gouvernement espagnol. Après l'avoir dépouillé de tous les fruits de ses travaux, on l'envoya, en 1736, comme prisonnier d'état à Madrid. Le roi d'Espagne le déclara innocent, mais cette déclaration ne le fit pas rentrer dans sa propriété. Ces collections, dont Boturini a publié le catalogue à la suite de son Essai sur l'Histoire ancienne de la Nouvelle-Espagne , imprimé à Madrid, restèrent ensevelies dans les archives de la vice-royauté de Mexico. On a conservé avec si peu de soin ces restes précieux de la culture des Aztèques, qu'il existe aujourd'hui à peine la huitième partie des manuscrits hiéroglyphiques enlevés au voyageur italien.

ET MONUMENS DE l'amÉRIQUE. 53

Ceux qui, avant Boluiini, ont possédé ie tableau généalogique que nous publions, y ont ajouté, tantôt en mexicain, tantôt en espagnol, des notes explicatives. On voit par ces notes, que la famille dont le dessin représente la généalogie, est celle des seigucuis {ilatoanïs) d'Azcapozalco. Le petit territoire de ces princes, auxquels les Tepanèques donnoient le nom pompeux de royaume, étoit situé dans la vallée de Mexico, près de la rive occidentale du lac deTezcuco, au nord de la rivière d'Escapuzalco. Torqucmada dit que ces princes, jaloux de l'antiquité de IcLir noblesse, faisoient remonter leur origine jusqu'au premier siècle de notre ère. Ils n'étoient pas de lace mexicaine ou aztèque; ils se considéroient comme desceiidans des rois Acolbues, qui avoient gouverné le pa_ys d'Anahuac avant l'arrivée des Aztèques. Ces derniers rendirent tributaires les princes d'Azcapozalco, le onzième calli de l'ère mexicaine, qui correspond à l'année 1^20 de l'ère clirétienne.

Le tableau généalogique paroît renfermer vingt-quatie générations, indiquées par autant de tètes placées les unes au-dessous des autres. Il ne faut pas s'étonner de ce qu'on n'y voit jamais qu'un seul fils; car parmi les Indiens les plus pauvres, et qui sont tributaires, tout héritage se fait par majorât". La généalogie commence par un prince nommé Tixlpitzin, que l'on ne doit pas confondre avec Tecpaitzin, le chef des Aztèques lors de leur premièr e émigration d'Aztlan, ni avec l'opiltzin, le derniei- roi des Toltèques : mais on sera peut-être surpris de ne pas trouver, au lieu du nom de Tixlpitzin, celui d'Âcolhuatzin, premier roi d'Azcapozalco, issu de la famille des Citin^ qui , d'après la tradition des naturels, régnoient dans un pays très-éloigné, situé au nord du Mexique. Près de la quatorzième tète, on voit écrit le nom de Vitznahuatl. Si ce prince étoit identique avec un roi de Huexotla, que les historiens mexicains nomment aussi Vitznahuatl, et qui vécut vers l'année i43o, la généalogie de la famille d'Azcapozalco remontcroit jusqu'à Tannée loio de notre ère, en ne comptant que trente ans par génération. Mais comment expliquer, eu ce cas, les dix générations suivantes, le dessin paroissant avoir été fait vers la fin du seizième siècle? Je ne déciderai pas non plus pourquoi on troiLve indiquée l'année i565 entre les noms des deux princes Anabuacatzin et Quaubtemotzin. On sait que le dernier de ces noms est celui du malheureux roi aztèque que Gomara nomme faussement Quabutimoc, et qui, d'après les

' Gomara, Ilùt. de la Conquisla de JJuxicoj fui. cxxi.

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5^ VUES DES CORDILLÈRES,

ordies de Goitoz, fut pendu par les pieds, en i52 i j comme cela est prouvé pai une histoire hiciogl_ypliique très-précieuse, conservée au couvent de San Felipe Neri à Mexico'. Mais comment ce roi, neveu de Montezuma, figureroit-il dans la famille des seigneurs ou tlaloanis d' Azcapozalco ?

Ce qui est certain, c'est que lorsque le dernier de ces princes fit composer le tableau généalogique de ses ancêtres, son père et son grand-père vivoient encore. Cette circonstance est clairement indiquée par les petites langues placées à quelque distance de la bouche. Un homme mort, disent les naturels, est réduit au silence éleioel : d'apiès eux, vivre c est parler; et, comme nous le verrons bientôt, parler beaucoup est une marque de pouvoir et de noblesse. Ces figures de huigues se retionvent aussi dans le tableau mexicain du déluge, que Gemelli a publié d'après le manuscrit de Siguenza. Ou _y voit les hommes, nés muets, qui se dispersent poui' repeupler la terre, et un oiseau qui leur distribue trente-trois langues différentes. De même un volcan, à cause du bruit souterrain que l'on entend quelquefois dans son voisinage, est figuré , par les Mexicains, comme un cône au-dessus duquel flottent plusieui-s langues: un volcan est appelé la moiilagite (jui parle.

Il est assez remarquable que le peintre mexicain n'a donné qu'aux trois personnes qui étoient vivantes de son temps, le diadème (copîlli) , qui est un signe de souveraineté. On retrouve cette même coilfe, mais dépourvue du nœud qui se prolonge vers le dos, dans les figures des rois de la dynastie aztèque publiées par l'abbé Clavigero. Le dernier rejeton des seigneurs d'Azcapozalco est représenté assis sur une chaise indienne, et ayant les pieds libres; des rois morts, au contraire, sont figurés non-seulement sans langue, mais aussi les pieds enveloppés dans le manteau l oyal (xiuhùbnadt) , ce qui donne à ces images une grande ressemblance avec les momies égyptiennes. Il est presque superflu de rappeler ici l'observation générale que, dans toutes les peintures mexicaines, les objets réunis à une tête, au moyen d'un lil, indiquent à ceux qui savent la langue des naturels, les noms des personnes que l'artiste a voulu désigner. Les naturels prononcent ces noms dès qu'ils voient I hiéioglyphe. Chimalpopoca signifie un bouclier qui fume; Acamapitzin, une main qui tient des roseaux : aussi, pour indiquer les noms de ces deux rois, prédécesseurs de Montezuma, les Mexicains peignoient-ils un bouclier et

' Voyez mon Essai politique sur la Nuuvelle-Esjiagne , \t. iSj.

ET MONUMENS DE l'amÉRIQUE. 55

une main fermée, liés par un fi! à deux têtes ornées du bandeau rojal. J'ai vu que, dans des tableaux faits après la conquête, le valeureux Pedro Alvarado étoit figuré avec deux clefs placées derrière la nuque, sans doute pour faire allusion aux clefs de saint Pierre, dont le peuple vojoit partout les images dans les églises des Chrétiens. J'ignore ce que signifient les traces de pieds que l'on remarque dans le tableau généalogique, derrière les têtes. Dans d'auties peintures aztèques, cet hiéroglyphe indique des chemins, des migrations, et quelquefois la direction d'un mouvement.

Pièce de Procès en écriture hiéroglyphique.

Parmi l'énorme quantité de peintures trouvées par les premiers conquérans, chez les peuples mexicains, un nombre très-considéiable étoit destiné à servir de pièces justificatives dans des causes litigieuses. Le fragment qui est joint à la généalogie des seigneurs d'Azcapozalco offre un exemple de ce genre. C'est une pièce d'un procès intenté sur la possession d'une métaiiie indienne.

Sous la dynastie des rois aztèques, la profession d'avocat étoit inconnue au Mexique. Les parties adverses se présentoieiit en personne pour plaider leur cause, soit devant le juge du lieu, appelé Teucilij soit devant les hautes cours de justice, désignées jjar les noms de Tlacaiecatl, ou Cihuacoall. Comme la sentence n'étoit pas prononcée immédiatement après qu'on avoit entendu les parties, celles-ci avoient intérêt à laisser entre les mains des juges une peinture hiéroglyphique qui leur rappelât l'objet principal de la contestation. Lorsque le roi présidoit l'assemblée des juges, ce qui avoit lieu tous les vingt, et, dans certains cas, tous les quatre-vingts jours, ces pièces de procès étoient mises sous les yeux du monarque. Dans les affaires criminelles, le tableau représentoit l'accusé, non-seulement au moment le crime avoit été commis, mais aussi dans les din'éreutes circonstances de sa vie qui avoient précédé cette action. Le roi, en prononçant l'arrêt de mort, faisoit, avec la pointe d'un dard, une raie qui passoit par la tète de l'accusé figuré dans le tableau.

L'usage de ces peintures, servant de pièces de procès, s'est conservé dans les tribunaux espagnols long-temps après la conquête. Les naturels ne pouvant parler aux juges qLie par l'organe d'un interprète^ regardoient l'emploi des hiéroglyphes comme doublement nécessaire. On en préscntolt aux dltfi'rentes

:)(5 VUES DES CORDILLÈRES,

cours de justice lesiclnDt dïins la Nouvelle-Espagne la Real Audiencia^ à la Sala del Crimeiij et au Juzgado de Indios) ^ jusqu'au commencement du dix-septième siècle. Lorsque Tempereur Ciiailcs-Quïnt, ayant conçu le projet de faire ileuiir les sciences et les arts dans ces régions lointaines, fonda, en i553, funiversité de Mexico, trois chaires Iment établies pour renseignement de la langue aztèque, pour celui de la langue otomie, et pour l'explication des peintures hici ogljpliiques. Ou regarda pendant long-temps comme indispensable qu'il V eût des avocats, des piocureurs et des juges qui fussent en état de lire les pièces de procès, les peintures généalogiques, fancien code des lois, et la liste des impôts {trihutos) que chaque fief devoit pa^er à son suzerain. Il existe encore à Mexico deux professeurs de langues indiennes; mais la chaire destinée à l'élude des antiquités aztèques a été supprimée. L'usage des peintures s'est perdu entièrement, non parce que la langue espagnole a làit des progrès parmi les indigènes, mais parce que ces derniers savent combien, d'après l'organisation actuelle des tribunaux, il leni- est plus utile de s'adresser aux avocats pour défendre leurs causes devant les juges.

Le tableau que prt'sente la douzième Planche paioit indiquer un piocès entre des naturels et des Espagnols. L'objet en litige est une métairie, dont on voit le dessin en projection orthogiaphique. On y reconnoît le grand chemin marqué par les traces des pieds; des maisons dessinées en prolil; un Indien dont le nom indique un arc; et des juges espagnols assis sur des chaises, et ajant les lois devant leurs _)'eux. L'Espagnol, placé immédiatement au-dessus de l'Indien, s'appelle probablement Aifuaverde, car l'hiéroglyphe de l'eau, peint en vert, se trouve figuré derrière sa tète. Les langues sont tiès-in également léparties dans ce tableau. Tout y annonce l'état d'un pays conquis: l'indigène ose à peine défendre sa cause, tandis que les étrangers à longues barbes y parlent beaucoup et à haute voix, comme descendans d'un peuple conquérant,

PLANCHE XIII.

Manuscrit hiéroglyphique uzlèxjue conservé à lahihliothéque du f^atican.

Les peintures mexicaines, dont un tics-pctit nombre est parvenu juscpi'à nous, inspiient un douljle intérêt, et par le jour ([u'elles lepandent sur la

ET MONUMENS DE l'amÉRIQUE.

mythologie et l'histoire des premieis hahltans de l'Amérique, et parles rapports que Ton a cru y reconnoître avec l éci itiue hiéroglyphique de quelques peuples de Tancien continent. Pour réunir dans cet ouvrage tout ce qui peut nous instruire sur les communications qui, dans les temps les pins reculés, paroissent avoir eu lieu entre des groupes de peuples séparés par des steps, par des montagnes ou par des mers, nous consignerons ici les résultats de nos recherclies sur les peintures hiéroglyphiques des Américains.

On îiouve en Ethiopie des caractères qui ont une étonnante ressemblance avec ceux de l'ancien sanskrit, surtout avec les inscriptions des caves de Canarah, dont la construction remonte au-delà de toutes les périodes connues de l'histoire indienne". Les arts paroissent avoir fleuri à Méroé, et à Asoum, une des plus anciennes villes d'Ethiopie, avant que l'Égyple fût sortie de la harharie. Un écrivain célèbre, profondément instruit dans riiistolre de Flnde, Sir William Jones % a cru reconnoître une seule nation dans les Ethiopiens de Méroé, dans les premieis Egyptiens et dans les Hindoux. D'un autre côté, il est presque certain que les Abyssins, qu'il ne faut pas confondre avec les Ethiopiens autoclithoiies^ étoient une tribu arabe; et d'après l'observation de M. Langlès, les mêmes caractères hemyarites que l'on découvre dans l'Afiique orientale ornoient encore, dans le quatoi-zième siècle de l'ère vulgaire, les portes de la ville de Samaïkand. Voilà des rapports qui ont existé indubitable- ment entie le Habesch, ou l'ancienne Ethiopie, et le plateau de l'Asie centrale.

Une lutte prolongée entre deux sectes religieuses, celle des Brahmanes et celle des Bouddhistes, a fini par l'émigration des Ghamans au Tibet, dans la Mongolie, en Chine et au Japon. Si des tribus de race tarlare ont passé sur la côte nord-ouest de rAniériquc, et de au sud et à l est, vers les rives de Gila et vers celles du Missoury, comme des recherches étymologiques^ paroissent l'indiquer, il faut être moins surpris de trouver, parmi les peirples à demi barbares du nouveau continent, des idoles et des monumens d'architcctuie, une écriture hiéroglyphique, une connoissance exacte de la durc-e de l'année, des traditions sut- le premier état du monde, qui toutes rappellent les connolssances , les arts et les opinions religieuses des peuples asiatiques.

' Notes de M. Langlès pour Je Voyage de Nordec, Tom, DIj p. 299 ô^g. Astat. Eesearches, Vol. III, p.

' Vater, liLer Amerika's Bevôlkcrun}i;, p. i55 169.

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58 VUES DES CORDILT.ÈRES ,

Il en est de l i-tLiile Je l'histoïie du genre hLimaiii comme de relude de celte immensité de hingucs que nous trouvons répiinducs sur la surface du globe. Ce seroit se perdre dans un dédale de conjectures, que de vouloir assigner une oiigine commune à tant de races et de langues diverses. Les racines du saiiski'it tiouvées dans la langue persane, le grand nombre de racines du persan, et même du pelilvi, que Ton découvre dans les langues d'origine germanique', ne nous donnent pas le droit de regarder le sanskrit, le pelilvi, ou la langue ancienne des Mèdes, le persan et l'allemand, comme dérivant d'une seule et même source. Il seroit absurde sans doute de supposer des colonies ég^'ptiennes partout I on observe des monumens p_yramidaux et des peintures sj'mboliques; mais comment ne pas être frappé des traits de ressemblance qu'offre le vaste tableau des mœurs, des arts, des langues et des traditions qui se trouvent aiijourtfliui chez les peuples les plus éloignés les uns des autres? Comment ne pas indiquer, partout elles se présentent, les analogies de structure dans les langues, de stjle dans les monnmens, de fictions dans les cosmogonies, lois même que l'on ne peut prononcer sui' les causes secrètes de ces ressemblances, et qu'aucun fait liislorique ne remonte à l'époque des communications qui ont existé entre les babitans des divers climats?

En fixant les jeux sur les mo_yens grapliiques que les peuples ont employés pour exprimer leurs idées, nous liouvons de vrais biérogljplies, tantôt cj^rio- logiques, tantôt tropiques, comme ceux dont l'usage paroit avoir passé de l'Étbiopie en Égjpte; des chiffres sjmbolitpies, composés de plusieurs clefs, destinés à parler plutôt aux yeux qu'à l'oreille, et exprimant des mots entiers, comme les caractères chinois; des syllabaires, comme ceux des Tartares- Mantchoux, dans lesquels les voyelles font corps avec les consonnes, mais qui sont propres à être résolus en lettres simples; enfin, de vrais alphabets, qui ofTrent le plus haut degré de perfection dans l'analyse des sons, et dont quelques-uns, par exemple le coréen, d'après l'observation ingénieuse de M. Langlès'', paroissent encore indiquer le passage des hiéroglyphes à récriture alphabétique.

Le nouveau continent, dans son immense étendue, présente des nations anivées à lui certain degré de civilisation : on y reconnoît des formes de

Adeluhg's Mithridates , Tti. Ij s. 277. Sciilegel, iiber Spraclie und Weiaheit der Inder, s. 7. ' Voyage de Norden. édition de Langlès, Tora. III , p. 296.

ET MONUMENS DE l'amÉRIQUE. 5g

gonveiiiement et des institutions qui ne pouvoient ùtre que TefTet d'une lutte prolongée entie le prince et les peuples, entre le sacerdoce et la magistrature: on j trouve des langues, dont quelques-unes, comme le grÔnlandois, le cora, le tamanaque, le totonaque et le quiclnia', offrent une richesse de formes grammaticales que, dans l'ancien continent, on n'observe ntdle part, sinon au Congo et chez les Basques, qui sont les restes des anciens Cantabres; mais au miheu de ces traces de culture et de ce perfectionnement des langues, il est remarquable qu'aucun peuple indigène de l'Amérique ne s'était élevé à cette analyse des sons qui conduit à l'invention la plus admirable, on pourroit dire la plus merveilleuse de toutes , celle d'un alpliabet.

Nous vo_yons que l'usage des peintures hiéroglyphiques étoit commun aux Toltèques, aux Tlascaltèques, aux Aztèques, et à plusieurs autres tribus qui, depuis !e septième siècle de notre ère, paroissent successivement sur le plateau d'Anahuac; nulle part nous ne trouvons des caractères alphabétiques ; on pourroit croire que le perfectionnement des signes symboliques, et la facilité avec laquelle on peignoit les objets, avoient empêché l'introduction des lettres. On pourroit citer, à l'appui de cette opinion, l'exemple des Chinois qui, depuis des milliers d'années, se contentent de quatre-vingt mille chilTres, composés de deux cent quatorze clefs ou hiéroglyphes radicaux : mais ne vojons-nous pas chez les Egyptiens l'usage simultané d'un alphabet et de l'écriture hiéroglyphique, comme le prouvent indubitablement les précieux rouleaux de papyrus trouvés dans les enveloppes de plusieurs momies, et représentés dans TAtlas pittoresque' de M. Denon?

Kalm rapporte, dans son Voyage en Amérique, que M. de Verandrier avoit découvert, en 1746, dans les savanes du Canada, à neuf cents lieues à l'ouest de Montréal, une tablette de pierre llxée dans un pilier sculpté, et sur laquelle se trouvoient des tiaits que Ton prit pour une inscription tartare. Plusieurs jésuites à Québec assurèrent au voyageur suédois avoir eu en main cette tablette, que le chevalier de Beauharnois, alors gouverneur du Canada, avoit fait passer à M. de Maurepas, en Fiance''. Ou ne sauroît assez regretter de n'avoir eu aucune notion ultérieure sur un monument si intéressant pour

' Archiv fiir Ethnographie, B. 1, s. ô^^. Vater, s. 206.

' Kalms Reise, B. IH, s. /,i6.

' Dekon, Vojage en Egjpte, pl. i56 et 137.

(jO YtJES DES CORDILLÈRES,

rhîstoiie do Thomme. Mais existoît-il à Québec des personnes cnpables de juger du caractère d\iii alphabet? et si cette prétendue inscription eut été véritablement reconnue en France pour une inscription taitai e, comment un ministre éclaire et aini des arts ne Fauroit-il pas fait publier?

Les antiquaires anglo-américains ont fait connoître une inscription qu'on a suppose phénicienne, et qui est gravée siu' les rocheis de Dlghton, dans la baie de NarangasL't, près des bords de la rivière de ïaunton, à douze lieues au sud de Boston. Depuis la fm du dix-septième siècle jusqu'à nos jours, Danfbrth, Matber, Groenwood et Sewells en ont donné successivement des dessins, dans lesquels on a de la p(Mne à reconnoître des copies du même original. Les indigènes qui habitoient ces contiées, lors des premiers établissemens européens, conservoient une ancienne tradition, d'après laquelle des étrangers, naviguant dans des maisons de bois, avoient remonté la rivière de Tauiiton, appelée jadis Assoonet. Ces étrangers, apiès avoir vaincu les hommes rouges, avoient gravé des traits dans le roc, qui est aujourd'hui couveit des eaux de la rivière. Court de Gebelîn n'hésite pas, avec le savant docteur Stiles, de i-egarder ces traits comme une inscription carthaginoise. Il dit, avec cet entliouslasme c[ui lui est naturel, et qui est très-nuisible dans des discussions de ce genre : « Que cette inscription vient d'arriver tout exprès du nouveau' « monde, pour confnmer ses idées sur l'origine des peuples, et que l'on j « voit, d'une numicrc évidente, un monument phénicien, un tableau qui, sur '< le devant, désigne une alliance entre des peuples américains et la nation « étrangère, arrivant, par des vents du nord, d'un pa^s riche et industrieux. »

J'ai examiné avec soin les quatie dessins de la iameuse pierre de l'auntou River, que M. Lort' a publiés à Londres dans les Mémoires de la Société des Antiquaii es. Loin d'y reconnoître un ai-rangement symétrique de lettres simples ou de caractères s_yllabiques , je n'y vois qu'un dessin à peine ébauché, et analogue à ceux que l'on a trouvés sur les rochers de la Norwège', et dans prestjue tons les pays habités par des peuples Scandinaves. On distingue, à la forme des tètes, cinq ligures humaines, entourant un animal ([ui a des cornes, et dont le devant est beaucoup plus haut que l'extrémité postérieure.

Dans la navigation que mtus avons faite, M. Bonplaiid et moi, pour

' Accomil of iui imdent Inscription by Mr. LoriT, Arcliœoloyia , Vol. Vin , p. 2911. SuHM S;imlingeu til len Danske Historié, B. II. p. aiS.

ET iMONUMEïVS DE 1.' AMÉRIQUE. 6l

constater la communication entre l'Orenôque et la rivière des Amazones, nous avons aussi eu connoissancc d'une inscription que I on nous assuroit avoir été trouvée dans la chaîne de montagnes gianitiqnes qui, sous les sept degrés (.le latitude, s'étend depuis !e village indien d'Uruana ou Uiliaua jusqu'aux rives occidentales du Caura. Un missionnaire, Ramou Bueno, religieux franciscain, s'étant réfugié par hasard dans une caverne formée par la séparation de quelques bancs de rocher, vit au milieu de cette caverne un gros bloc de granit, sur leqviel il crut recounoître des caractères réunis en plusieurs groupes et rangés sur une même ligue. Les circonstances pénibles dans lesquelles nous nous trouvions au retour du Rio Negro à Saint-Thomas de la Guayane, ne nous ont malheureusement pas permis de vérifier nous-mêmes cetle observation. Le missionnaire m'a communique la copie d'une partie de ces caractères, dont je donne ici la gravure.

On pourroit recoimoîtrc, tlans ces caractères, quelque ressemhlance avec l'alphabet phénicien; mais je doute fort que le bon religieux, qui paroissoit mettre peu cVintérêt à celte prétendue inscription, l'ait copiée avec beaucoup de soin. Il est assez remarquable que, siu' sept caractères, aucun ne s'j trouve répété plusieurs fois: je ne les ai fait graver que pour fixer, sur un objet aussi digne d'examen, l'attention des savans qui pourront un jour visiter les forêts de la Guajane.

Il est d'ailleurs assez remarquable que cette même contrée sauvage et déserte, dans laquelle le père Bueno a cru voir des lettres gravées sur le granit, présente un grand nombre de rochers qui, à des hauteurs extraordinaires, sont couverts de figures d'animaux, de représentations du soleil, de la luno et des asti es, et d'autres signes peut-être hiéroglyphiques. Les indigènes racontent que leurs ancêtres, du temps des grandes eaux, sont parvenus en canot jusqu'à la cime de ces montagnes, et C[a'alors les pierres se trouvoient encore dans un éiat lellement ramolli, que les hommes ont pu j tracer des traits avec leurs doigts. Cette tradition annonce une horde dont la culture est bien difTérente de celle du peuple qui l'a précédée : elle décèle une ignoiance absolue de l'usage du ciseau el de tout autre outil méfallique.

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62 VUES DES COnDTr.LKflES ,

Il résulte de l'ensemble de ces faits, tju'il n'existe aucune preuve certaine de la counoissance d'un alphabet parmi les Américains. Dans des recherches de ce genre, on ne sauroit oti-e assez sur ses gardes pour ne pas confondre ce qui est dîi au hasard et aux jeux de l'oisiveté, avec des lettres ou des caractères syllabiqucs. M. Truter ' rapporte qu'à l'extrémité méridionale de l'Afrique, chez les Botjuanas, il a vu des enfans occupés à tiacer sur un rochei-, au mojen d'un instrument tranchant, des caractères f|ui avoient la plus parfaite ressemblance avec le P et le M de Talphabet romain, et cependant ces peuples grossiers sont bien éloignés de connoître l'écriture.

Ce manc[ue de lettres observé dans le nouveau continent, lors de sa seconde découverte par Christophe Colomb, conduit à l'idée que les tribus de race tartare ou mongole, cjuc l'on peut supposer être venues de l'Asie orientale en Amérique, ne possédoient pas elles-jnemes l'écriture alphabétique, ou, ce c|ui est moins piobable, qu'étant retombées dans la barbarie, sous Tinfluence d'un climat peu (avoi'ai)le au développement de l'esprit, elles avoient pertiu cet art merveilleux, connu seulement d'un très-petit nombre d'individus. Nous n'agiterons point ici la cjuestion si l'alphabet dèvanàgari est d'une haute antiquité sur les bords de l lndus et du Gange, ou si, comme lu dit Stialion', d'apiès Megasthenes, les Hindoux ignoioient l'écriture avant les conquêtes d'Alexandre. Plus à l'est et plus an nord, dans la région des langues monosyllabiques, de même que dans celle des langues tartares, samojèdes, ostiacjues et kamtschadales, l'usage des lettres, partout on le trouve aujourd'hui, n'a été introduit que liès-lard. 11 paroit même assez probable que c'est le christianisme nestoiieii^ qui a donné l alphabet stranghelo aux Oïghours et aux Tartares-Mantchoux; alphabet c|ui, dans les légions septentrionales de l'Asie, est encore plus récent que ne le sont les caractères runiques dans le noLcl de l'Europe. On n'a donc pas besoin de supposer que les communications entre l'Asie oLieutale et l'Amérique remontent à une antiquité très-reculée, pouL- comprendie comment cette dernière partie du monde n'a pu recevoir un art qui, pendant une longue série de siècles, n'a été connu qu'en Egypte, dans les colonies phéniciennes

' Beutuch, Geogr. Ephem-, B. XE. s. 67. ' Strabo, Lib. XV, p. io35— io44-

^ Li^GLis, Dictionnaire tartare-manlchou , p. 18. lîecheirfies asialiques, Toiu. II. p. 63, n. d. ZoEGA, de ovi^îiw Ohfliscnrinn , p. 55j.

ET MONUMENS DE l'AiMÉRIQUE. 65

et grecques, et tlaiis le petit espace de terrain contenu entre la Méditerranée, rOxus et le Golfe persit|iie.

En parcourant l'histoire dos peuples qui ignorent l'usage des lettres, on voit que prest[iie partout, dans les deux hcmisplières , les liommes ont essayé de peindre les objets qui frappent leur imagination, de représenter les choses en indif-piant une partie pour le tout, de composer des tableaux en réunissant des figLires ou les parties qui les rappellent, et de perpétuer ainsi la mémoire de quelques faits remarquables. L'Indien Delaware, en parcourant les bois, trace des traits dans l'écorce des arbres, pour annoncer le nombre d'hommes et de femmes qu'il a tués à l'ennemi : le signe conventionnel f|iil indique la peau arrachée de la tète d'une femme, ne dilîeie que par un simple trait de celui qui caractérise la chevelure de l'homme. Si l'on veut nommer hiéroglyphe toute peinture des idées pai- les choses, il ny a, comme l'observe très-bien M. Zoega , pas un coin de la terre dans lequel on ne trouve l'éciiture hiéro- glyphique: mais ce même savant, qui a fait une étude approfontllc des peintures mexicaines', observe aussi qu'il ne faut pas confondre l'écriture hiéroglyphique avec la représentation d'un événement, avec des tableaux dans lesquels les objets sont en rapport d'action les ims avec les autres.

Les premiers religieux qui ont visité l'Amérique, VaJadès et Acosta ont déjà nommé les peintures aztcc|ues « Une écriture semblable à celle des Égyptiens. » Si depuis, Rircher, Warburton et d'autres savans, ont contesté la justesse de cette expression, c'est parce qu'ils n'ont pas distingué les peinlures d\m genre mixte, dans lesquelles de vrais hiéioglyphes , tantôt c;yriologiques , tantôt tropic|ues, sont ajout(is à la représentation naturelle d'une action, et Vécriture hiéroglyphique simple, telle qu'on la trouve, non sur le pyramidion, mais sur les grandes faces des obélisques. La fameuse inscription de Thèbes, citée par Plutarque et par Clément d'Alexandrie^, la seule dont l'explication soit parvenue jusqu'à nous, exprimoit, dans les hiéroglyphes d'un enfant, d'un vieillard, d'un vautour, d'un poisson et d'un hippopotame, la sentence suivante : «Vous qui naissez et qui devez mourir, sachez que l'Éternel déteste l'impudence.»

' Zoega, p, o25 534.

' Rhetorica Ctirisliana, iiuclore Dedaco Valadls; Rcimîc, 11579, P- U. c. 27, p. gâ. Acosta, Lib. VI, c. 7. ' Plut, de Iside; ed. Pur., 1624, Tom. II, p, 563, F. Clem. Alex.\kdr. Stromat, Uh. V, c. 7; ed. Potier, Oxan, 1715, Tom. H, p. 670, lin. 5o.

G4 VUES DES CORDILLÈRES,

Pour expiimcr la marrie idée, un Mexicain aurait représenté le grnnd esprit Teotl, châtiant un criminel : certains caractères places au-tlossus de deux lètes auroient sufTi pour indiquer l'âge de TenFaiit et celui du vieillard : il auroit individualise Taction; mais le st_yle de ses peintures liieroglypliiques ne lyi auroil pas fourni de mojen pour exprimer en général le sentiment de haine et de vengeance.

D'après les idées cjue les anciens nous ont tiansmises des inscriptions liicro- glypliiques des Egyptiens, il est très-probable qu'elles ponvoient être lues comme on lit des livres chinois. Les recueils que nous appelons assez impropiement des manuscrits mexicains, renferment un grand nombre de peintures qui peuvent être interpri'tècs on expliquées comme les reliefs du la colonne trajane; mais on n'j voit qu'un très-petit nombre de caractères susceptibles d'être lus. Les peuples aztèques avoient de vrais hièrogljplies simples pour l'eau, la terre, l'air, le vent, le jour, la nuit, le milieu de la nuit, la parole, le mouvement; ils en avoient pour les nondjres, pour les jours et les mois de l'année solaire: ces signes, ajoutés à la peinture d'un événement, marquoient d'une manière assez ingénieuse si l'action s'étoit faite le jour ou la nuit; quel étoit l'âge des personnes qu'on vouloit désigner; si elles avoient parlé, et laquelle entre elles avoit parlé le plus. On trouve même chez les Mexicains des vestiges de ce genre d'hiéroglyphes que I on appelle phonétitjiies , et qui annoncent des rapports, non avec la chose, mais avec la langue pailée. Chez des peuples à demi barbares les noms des individus, ceux des villes et des montagnes, font généralement illusion à des objets qui frappent les sens, tels que la forme des plantes et des animaux, le feu, l'air ou la terre. Celte circonstance a fourni des mojens aux peuples aztèques de pouvoir écrire les noms des villes et ceux de leurs souverains. La traduction verbale. A\'4xajaccal est visage d'eau; celle à" Ilhuicamina^ jlèche qui perce le ciel: or, pour représenter les rois Moteuczoma lihuicamina et Axajacatl, le peintre réunissoit les hiéroglyphes de l'eau et du ciel à la figure d'une tète et d'une flèche. Les noms des villes de Macnilxochitl, Qnauhtinchan et Tebuilojoccan signifient cinf} fleurs, maison de l'aigle^, et lieu des mi}-oirs: pour indiquer ces trois villes, on peignoit tnie fleiu' placée sur cinq points, une maison de laquelle sortoit la tête d'un aigle, et un miroir d'obsidienne. De cette manière, la réunion de plusieurs hiéroglyphes simples indicpioit les noms composés; elle le faisoit par des signes (|ui parloicnt à la li)is aux yeux et à

ET MOWUMENS DE l'amÉRIQUE. 65

rorcille : souvent aussi les caractères qui designoient les villes et les provinces étoient tirés des productions du sol ou de l'industrie des liabitans.

Il résulte de l'ensemble de ces recherches, que les peintures mexicaines qui se sont conservées jusqu'à nos jours offrent une grande ressemblance, non avec l'écriture hiéroglyphique des Egyptiens, mais bien avec les rouleaux de papyrus trouvés dans l'enveloppe des momies, et que l'on doit aussi considérer comme des peintures d'un genre mixte» parce cpie des caractères symboliques et isolés y sont ajoutés à la représentation d'une action : on reconnoit, dans ces pap^^rus, des initiations, des sacrifices, des allusions à Tétat de l'ame après la mort, des tributs payés aux vainqueurs, les elïets bienfaisans de l'inondation du Nil et les travaux de l'agiiculture : parmi un grand nombre de figures représentées en action, ou en rapport les unes avec les autres, on observe de vrais hiéroglyphes, de ces caractères isolés qui appartenoient à l'écriture. Mais ce n'est pas seulement sur les papyrus et sur les enveloppes de momies, c'est sur les obélisfjues même que l'on trouve des traces de ce genre mixte, qui réunit la peinture à l'écriture hiéroglvphlque : la pai tic inférieure et la pointe des obélisques égyptiens présentent généralement un groupe de deux figures c|ui sont en rappoit l'une avec l aulie, et que Ton ne doit pas confondre' avec les caractères isolés de l'écriture symbolique.

En comparant les peintures mexicaines avec les hiéroglyphes qui ornoient les temples, les obélisques, et peut-être même les pyramides de l'Egypte; en réfléchissant sur la marche progressive que l'esprit humain paroU avoir suivie dans l'invention des moyens graphiques propres à exprimer des idées, on voit cjue les peuples de l'Amérique étoient bien éloignés de cette perfection qu'avoient atteinte les Egyptiens : en eflet, les Aztèques ne connoissoient encore que ti'ès-peu d'hiéiogly plies sinq>les; ils en avoient pour les élcmens comme poui' les rapports du temps et des lieux: or, ce n'est que par le grand nombre de ces caractères, susceptibles d'être employés isolément j que la peinture des idées devient d'un usage facile, et qu'elle se rapproche de Yécriture. Nous trouvons chez les Aztèques le germe des caractères phonétiques : ils savoient écrire des noms en réunissant cjuelques signes qui rappeloient des sons : cet artilice auroit pu les conduire à la belle découverte d'un syllabaire; il auroit pu les porter à n/p/irtZ»e//ie;' leurs hiéroglyphes simples; mais que de siècles se seroient écoulés

' ZOEGA , p. ^-ÎS.

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QS VUES DES CORDILLÈRES,

avant que ces peuples montagnards, qui tenoient à leurs habil.udes avec cette opiniâtreté qui caractérise les Chinois, les Japonois et les Hindous, se Tussent élevés à la décomposition des mots, à Tanaljse des sons, à l'invention d'un alphabet!

Malgré rimperfection extrême de l'écrituie hiciogljpliiquc des Mexicains, l'usage de leurs peintures remplaçoit assez bien le délaut de livres, de manus- crits et de caractères alphabétiques. Du temps de Montezuma, des milliers de personnes étoient occupées à peindie, soit en composant à neuf, soit en copiant des peintuies qui existoient déjà. La facilité avec laquelle on fabi iquoit le papier, en se sci v.mt des feuilles de magiiey ou pitc {ogai'e) ^ conti ihuoit sans doute beaucoup à rendre si fréquent feiDploi de la peinture. Le roseau à papier {Cyperus papyrus) ne vient, dans l'ancient continent, que dans des endroits humides et tempérés : la pite, au contraire, croît également dans les plaines et sui- les montagnes les plus élevées; elle végète dans les régions les plus chaudes de la terre comme sur des plateaux le thermomètre descend jusqu'au point de la congélation. Les manuscrits mexicains {codices mexicani) qui ont été conservés, sont peints les uns sur des peaux de cerfs, les autres sur des toiles de coton, ou sur du papier de maguey. Il est très-probable que, parmi les Américains, comme chez les Grecs et chez d'autres peuples de Tancien continent, l'usage des peaux tannées et préparées a précédé celui du papier: du moins les Toltèques paroissent d('jà avoir emploj^c la peinture hiéroglyphique à cette époque reculée à laquelle ils habitoient des provinces septentiionales , dont le climat est contiaire à la culture de l agave.

Chez les peuples du Mexique, les figures et les caractères s_ymboliques n'ctoient pas tracés sur des feuillets séparés. Quelle que fut la matière emplojée pour les manusciits, il est très-rare qu'ils fassent destinés à former des rouleaux; piesque toujours on les plioit en zigzag, d'une manière particu- lière, à peu près comme le papier ou l'étoftb de nos éventails: deux tablettes d'un bois léger étoient collées aux extrémités, l'une par dessus, l'antre par dessous; de sorte qu'avant de développer la peinture, l'ensemble olfre la plus paifaite ressemblance avec nos livres reliés. Il lésulte de cet arrangement,, qu'en ouvrant un manuscrit mexicain comme on ouvre nos livres, on ne parvient à voir à la fois que la moitié des caiactères, ceux fpii sont peints d'un même coté de la peau ou du papier de niaguey ; pour examiner toutes U?s

ET MONUMENS DE l'amÉRIQUE. 67

pages (si toutefois on peut appeler pages les clirférens re|jlls d'une bnntle qui a souvent douze à quinze mètres de longueur ) , il faut étendre le nianusciit entier une fois de gauche à droite, et une autre fois de droite à gauche : sous ce rapport, les peintures mexicaines offrent la plus grande conformité avec les manuscrits siamois que l'on conserve à la hihliothëque impériale de Paiis, et qui sont aussi plies en zigzag.

Los volumes que les picmiers missionnaires de la Nouvelle -Espagne appeloient assez improprement des 4ivres mexicains, renfermoient des notions sur un grand nombie d'objets très-difïérens : c'étoient des annales historiques de fenipire mexicain, des rituels indiquant le mois et le jour auxtpiels on doit sacrifier à telle ou telle divinité, des représentations cosmogoniques et astrolo- giques, des pièces de procès, des documens relatifs au cadastre ou à la division des propiiétés dans une commune, des listes de tributs payables à telle ou telle époque de Tannée, des tableaux généalogiques d'après lesquels on régloit les héritages ou Tordre de succession dans les familles, des calendriers manifestant les intercalations de Tannée civile et de Tannée religieuse; enfin des peintures qui rappeloient les peines par lesquelles les juges dévoient punir les délits. Mes vo^'ages dans dilTérentes parties de TAméiique et de TEuiope m'ont procuré l'avantage d'examiner un plus grand nombre de manuscrits mexicains que n'ont pu le faire Zoega, Clavigero, Gama, Tabbé Hervas, l'auteur ingénieux des Letiere americane , le comte Rinaldo Carli, et d'autres savans, qui, après Boturini, ont écrit sur ces monumens de l'ancienne civilisation de l'Amérique. Dans la précieuse collection conservée au palais du vice-roi, à Mexico, j'ai vu des fragmeus de peintures relatives à chacun des oiïjets dont nous venons de faire Ténumération.

On doit être frappé de Textréme ressemblance que Ton observe entre les manuscrits mexicains conservés à Veletri, à Rome, à Bologne, à Vienne et au Mexique; au premier abord on les croiroit copiés les uns des autres : tous offrent une extrême incorrection dans les contours, un soin minutieux dans les détails, et une grande vivacité dans les couleurs, qui sont placées de manière à produire les contrastes les plus tranchans : les figui es ont généralement le corps trapu comme celles des reliefs étrusques; quant à la justesse du dessin, elles sont au-dessous de tout ce que les peintures des Hindoux, des Tibétains, des Chinois et des Japonois offrent de plus imparfiit. On distingue dans les peintures

68 VUES DES CORDILLÈRES,

mexicaines des tètes d'une giandeui' éiioime, un corps excessivement coin-t, et des pieds f|ul, par la longueur des doigts, ressemblent à des griffes d'oiseau : les tètes sont constamment dessinées de profil, quoique l'œil soit placé comme si la figure étoit vue de face. Tout ceci indique fenfince de l'art; mais il ne faut pas oublier que des peuples qui expriment leurs idées par des peintures, et qui sont forcés, par leur état social, de faire un usage fréquent de l'écriture hiéroglyphique mixte, attachent aussi peu d'importance à peindre correctement que les savans d'Europe à emplo_yer une belle écriture dans leurs manuscrits.

On ne sauroit nier que les peuples montagnards du Mexique appartiennent à une race d'hommes qui, semblable à plusieurs hordes tartares et mongoles, se plaît à imitei' la forme des objets. Partout à la Nouvelle-Espagne, comme à Quito et au Pérou, on voit des Indiens qui savent peindre et sculpter; ils parviennent à copier servilement tout ce qui s'oliic à leur vue: ils ont appris, depuis l'arrivée des Européens, à donner de la coriection à leurs contours; mais rien n'annonce f|u'ils soient pénétrés de ce sentiment du beau, sans lequel la peinture et la sculpture ne peuvent s'élever au-dessus des arts mécaniques. Sous ce rapport, et sous bien d'autres encore, les habitans du nouveau monde ressemblent à tous les peuples de l'Asie orientale.

On conçoit d'ailleurs comment l'usage fréquent de la peinture hiérogljphique mixte devoit contribuer à gâter le goût d une nation, en l'accoutumant à l'aspect des figures les plus hideuses, des formes les plus éloignées de la justesse des proportions. Pour indiquer un roi qui, telle ou telle année, a vaincu une nation voisine, l'Egyptien, dans la perfection de son écriture, rangeoit sur la même ligne un petit nombie d'hiéroglyphes isolés, qui exprin^oient toute la série des idées qu'on vouloit rappeler, et ces caractères consisloient en grande partie en figures d'objets inanimés : le Mexicain, au contraire, pour lésondre le même problème, étoit obligé de peindre un groupe de deux personnes, un roi armé terrassant un guerrier qui porte les armes de la ville conquise. Or, pour faciliter l'emploi de ces peintures historiques, on commença bientôt à ne peindre que ce qui èt(jit absolument indispensable pour reconnoître les objets. Pourquoi doinier des bras à une figure représentée dans une attitude dans laquelle elle n'en fait aucun usage? De plus, les formes principales, celles par lesquelles on indiquoit une divinité, un temple, un sacrifice, dévoient être fixées de bonne heure. L'iutelligencc des peintmes seroit devenue extrêmement difficile.

ET MONUMENS DE l'amÉRIQUE. 69

si clinqne artiste avoit pu varier à son gre la représentation des objets que Ton etoit oblige de désigner fréquemment. Il suit de que la civilisation des Mexicains auroit pu augmenter beaucoup, sans qu'ils eussent été tentés d'aban- donner les formes incoirectes dont on étoit convenu depuis des siècles. Un peuple montagnai-d et guerrier, robuste, mais d'une laideur extrême, d'après les principes de beauté des Européens, abruti par le despotisme, accoutumé aux cérémonies d'un culte sanguinaire, est déjà par lui-même peu disposé à s'élever à la culture des beaux arts; l'babitude de peindre au lieu d'écrire, l'aspect journalier de tant de figures hideuses et disprop(jrtionnées, l'obligation de conserver les mêmes formes sans jamais les altérer; toutes ces circonstances dévoient contribuer à perpétuer le mauvais goût parmi les Mexicains.

C'est en vain que nous cberchons sur le plateau de l'Asie centrale, ou plus au nord et à l'est, des peuples qui aient fait usage de cette peinture liiérogljphique que Ton observe dans le pays d'Anahuac depuis la lin du septième siècle : les Kamtscbadales, les Tongouses, et d'autres tribus de la Sibérie, décrites par Stralilenberg , peignent des figures qui rappellent des faits historiques: sous toutes les zones, comme nous l'avons observé plus haut, l'on trouve des nations plus ou moins adonnées à ce genre de peinture; mais il y a bien loin d'une planche chargée de quelques caractères , à ces manuscrits mexicains qui sont tous composés d'apiès un système unilbime, et que l'on peut considérer comme les annales de l'empire. Nous ignorons si ce système de peinture hiéroglyphique a été inventé dans le nouveau continent, ou s'il est dCi à l'émigration de quelque tribu tartare qui connoissoit la durée exacte de 1 année, et dont la civilisation étoit aussi ancienne que chez les Oïghouis du plateau de Tuilan. Si l'ancien continent ne nous présente aucun peuple qui ait fait de la peinture un usage aussi étendu que les Mexicains, c'est qu'en Europe et en Asie nous ne trouvons pas une civilisation également avancée sans la connoissance d'un alphabet ou de certains caractères qui le remplacent, comme les cbiifies des Chinois et des Coréens.

Avant l'introduction de la peinture hiéroglyphique, les peuples d'Anahuac se servoient de ces nœuds et do ces fils à plusieurs couleurs, que les Péruviens appellent ifuippus, et que l'on retrouve ' non-seulement chez les Canadiens,

' Lafltau, Mœurs des S;uniïg'es, Tom. I, p. aôô, 5o5. Histoire générale des Vovii^es, Tom. I, Liv. X, Ch. Vill. MautihIj Histoire <le la Chine, p. 2J. Boturisi, Nueva Historiu tle la America septejUrio[i:il, p. 85.

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'JO VUES DES CORDILLÈRES,

mais très-ancionnement aussi cliez les Chinois. Le clievaliei- Botiiiini a otti encore assez heureux pour se procurer de vrais quippus mexicains ou nepohualtzitzin ^ h'ouves dans le pays des Tlascaltècjues. Dans les grandes mig:rations des peuples, ceux de rAmérique se sont jiortes du nord au sud, coiintie les Ibéiiens, les Celtes et les Pelasges ont reflué de Test à l'ouest. Pcul-êlre que les anciens habitans du Pérou avoicnt jadis passé par le plateau du Mexique: en efîet, Ulloii familiarisé avec le stjle de l'architecture péruvieinie, avoit été frappé de la grande ressemblance qu'oUroient, dans la distribution des portes et des niches, quelques anciens édifices de la Louisiane occidentale, avec les tambos construits par les Incas; et il ne paroît pas moins remarquable que, d'après les traditions recueillies à Lican, l'ancienne capitale du royaume de Quito, les quippus étoient connus aux Piirnays long-temps avant (jue les descendans de Manco- Capac les eussent subjugués.

L'usage de l'écrituie et celui des hiéroglyphes ont fait oubliei' nu Mexique, comme à la Chine, les nœuds ou les ne/johualfzilztn. Ce changement s est opéré vers l'année 64^ *le notre ère. Un peuple septentiional, mais tiès-poiicé, les Toltèques, paroît dans les montagnes d'Anahuac, à l'est du golfe de Californie : il se dit chassé d'un pays situé au nord-ouest du Rio Gila, et appelé Huehuetlapallan ; il porte avec lut des peintures t|ui indiquent, année par année, les événemens de sa migration; ii piétend avoir ([uitté cette patrie, dont la position nous est totalejiieut incoimue, l'année 544i ^ même époque à laquelle la ruine totale de la dynastie des Tsin avoit occasionné de grands mouvemens parmi les peuples de l'Asie orientale; celte circonstance est très-remarcpiable ; de plus, les noms que les Toltèques imposoient aux viUes cpi'ils avoient fondées, étoient ceux des villes du pays boréal qu'ils avoient été foicés d'abandonner; ainsi l'on saura l'origine^ des Toltèques, des Cirimèi|ues, des Acolhues et des Aztètpies, de ces quatre nations qui parloient toutes la même langue, et qui entrèrent successivement, et par le même chemin, au Mexique, si jamais on découvre dans le nord de l'Amérique ou de l'Asie un peuple qui connoisse les noms de Huehuetlapallan ^ d Aztlan, de Teocolhuacan, d'Amaquemecan, de Tehuajo et de Copalla.

Jusqu'au parallèle de 55 degrés, la tenipéiature de la cùte nord-ouest de

' Ulloa, Noticiiis Auicricanas, p.

Ci-ivicKEio, Stoiia <li Messieo, Tom, I. [i. 126; Toni. IV, p- 29 et /|6.

ET MONUMENS DE l'amÉBÏQUE. ']!

rAmcrique est plus douce que celle des côtes orientales; on pounolt croire que la civilisation avoit fait anciennement des progrès sous ce climat, et même à des latitudes plus élevées: encore aujourd'hui on observe que, sons les 5^ degrés, dans le canal de Cox et dans la baie de Norfolk, appelée par Marchand le golfe de Tchinkitané, les indigènes ont un goût décidé pour les peintures hiéroglyphiques sur bois. J'ai examiné', dans un autre endroit, s'il est probable que ces peuples industi ieux et d un caractère gcn(;ralemont doux et affable sont des colons mexicains réfugies vers le nord, après l'arrivée des Espagnols, ou s'ils ne descendent pas plutôt des tribus toltèques ou aztèques, qui, lois de l'irruption des peuples d Aztlan , sont restées dans ces régions boréales. Par la réunion heureuse de plusieurs circonstances, l'homme s'élève à une certaine cultuie, même dans les climats les moins favorables au développement des êtres organisés: près du cercle polaire, en Islande, nous avons vu, depuis le douzième siècle, les peuples Scandinaves cultiver les lettres et les arts avec plus de succès que les habitnns du Danemarck et de la Prusse.

Quelques tiibus toltèques paroissent s'être mêlées aux nations qui habitoient jadis le pays contenu entie la rive orientale du Mississipi et fOcéan Atlantique. Les Iroquois et les Hurons faisoient siu- bois des peiutuies hiéi ogl> piiiques qui offrent des rapports frappans^ avec celles des Mexicains : ils indiquoient le nom des personnes qu'ils voul<jient désigner, en employant le même artifice dont nous avons parlé plus haut dans la description d'un tableau généalogique. Les indigènes de la Viiginie avoient des peintures appelées sagkokokj, qui représente ient, par des caractères symboliques, les évënemens qui avoient eu lieu dans l'espace de soixante ans ; o'ëtoient de grandes roues divisées en soixante rayons ou en autant de parties égales. Lederei'^ rapporte avoir vu, dans le village indien de Pommacomek, un de ces cycles hiéroglyphiques, dans lequel fépoque de l'arrivée des blancs sur les côtes de la Virginie étoit marquée par la figure d'un cygne vomissant du feu, pour indiquer à la fois la couleur des Européens, leur ariivée par eau, et le mal que leurs armes à feu avoient fait aux hommes rouges.

Au Mexique, l'usage des peintures et celui du papier de maguey s'étendoient

' Vojez mon Essai potilique, p. 78, 556, 34g. Marchand, Toni, I, p. aSg, 29g, 375.

' LiFiTADjTom.II, p. ^â, 225, 4 16. La Hontan, Voj'a^e cidus rAmiirique seplentrion;iîe, Tom. Il, p. igâ.

^ Journal des Savaiis, 1681, p. 75,

'^7 3 VUES DES CORDILLÈRES,

bien au delà des limites de l'empire de Montezuma, jusqu'aux bords du lac de Nicaragua, les Toltèques, dans leurs migrations, avoieiit porte leur langue et leurs arts. Dans le ro^'aume de Gualimala, les liabitans de Teocliiapan conservoient des traditions qui remontoient jusqu'à l'epoquc d'un grand déluge, après lequel leurs ancêties, sous la conduite d'un clief appelé f^otan, éloient venus d'un pa^s situé vers le nord. Dans le village de Teopixca, il existoit encore au seizième siècle des desccndans de la lamille de Volan ou Vodan (ces deux noms sont les mêmes, les Toltèques et les Aztèques n'ayant pas dans leur langue les quatre consonnes bj rets). Ceux qui ont étudié riilstoire des peuples Scandinaves dans les temps héroïqiies, doivent être frappés de trouver au Mexique un nom qui lappelle celui de Fodan ou Odin , qui régna parmi les Scjtlies , et dont la race , d'après l'assertion très-remarcpiable de Bedn ', «a donne des rois à un grand nombre de peuples.»

S'il étoit vrai, comme plusieurs savans l'ont supposé, que ces mêmes Toltèques, qu'une peste, jointe à une giande sécheresse, avoit chassés du plateau d'Anahuac vers le milieu du onzième siècle de notre ère, ont reparu dans l'Amérique méridionale comme fondateurs de l'empire des Incas, comment les Péruviens n'auroient-ils pas abandonné leurs f/uippus pour adopter l'écriture hiéroglyphique des Toltèques? Presque à la même époque, au commencement du douzième siècle, un évêque grcenlandois avoit porté, non sur le continent de l'Amérique, mais à la Terre-Neuve (Vinland), des livres latins, les mêmes peut-être que les hères Zeni" y trouvèrent en i38o.

Nous ignorons si des tribus de race toltèque ont pénétré jusque dans l'hémisphère austral, non par les Cordillères de Quito et du Pérou, mais en suivant les plaines (pii se prolongent à l'est des Andes, vers les rives du Marai^on; un fait extrêmement curieux, et dont j'ai eu connoissance pendant mon séjour à Lima, porteroit à le supposer. Le père Narcisse Gilbar, religieux franciscain, avantageusement connu par son courage et par son esprit de recherche, trouva, parmi les Indiens indépendans Panos, sur les rives de rUcayale, un peu au nord de l'embouchure du Sarajacu, des cahiers de peintures qui, par leur forme extérieure, ressembloient parfaitement à nos livres In-ijiiarto : chaque feuillet avoit trois décimètres de long, sur deux de

Beda, Hisl. eccles., Lib. I, C. XV. Francisco Nlsez oe x-a Vega, Cgnalilutiones svnoiiiiifs , p. 74. ' Viaggio de' Iraldli Zeni (Veiiezia, i8u8), p. 67.

ET MONUMENS DE l' AMERIQUE. ^3

large ; la couvei tnre de ces caliiers ctoit formée île plusieurs feuilles de palmiers collées ensemble , et d'un parencliYme très - épais : des morceaux de toile de coton, d'un tissu assez fm, représentoient autant de feuillets , qui étoient réunis par des fils de pite. Lorsque le père Gilbar arriva parmi les Panos, il trouva un vieillard assis au pied d'un palmier, et entoure de plusieurs jeunes gens auxquels il expliquoit le contenu de ces livres. Les sauvages ne voulurent d'abord pas soufi'rir qu'un homme blanc s'approchât du vieillard: ils firent savoir au missionnaire, par rinlermède des Lidiens de Manoa , les seuls qui entendoient la langue des Panos , « que ces peintures « contenoient des choses cachées qu'aucun ctrangei' ne devoit apprendre. » Ce ne fut qu'avec beaucoup de peine que le père Gilbar parvint à se procurer un de ces cahiers, qu'il envo3'a à Lima pour le faire voir au père Cisneros, savant rédacteur d'un journal' qui a été tiaduit en Europe. Plusieurs personnes de ma connoissance ont eu eii main ce livre de l'Uca^ale , dont toutes les pages étoient couvertes de peintures : on y distingua des figures d'hommes et d'animaux, et un grand nond>rc de caractèies isolés, que l'on crut hiéroglyphiques, et qui étoient ranges par lignes, avec un ordie et une symétrie admirables: on fut frappé surtout de la vivacité des couleurs; mais comme personne à Lima n'avoit eu occasion de voir un fragment de manuscrits aztèques, on ne put juger de l'identité du style entre des peintures trouvées à une distance de huit cents lieues les unes des autres.

Le père Cisneros voulut faire déposer ce livre au couvent des missions d'Ocopa; mais, soit que la personne à laquelle il le confia le perdit au passage de la Cordillère, soit qu'il fût soustrait et envoyé furtivement en Europe, il est certain qu'il n'ariîva point au lieu de sa première destination : toutes les recherches faites pour retrouver un objet aussi curieux ont été inutiles, et on regretta trop tard de n'avoir pas fait copier ces caractères. Le missionnaire Narcisse Gilbar, avec lequel j'ai été lié d'amitié pendant mon séjour à Lima, m'a proinis de tenter tous les moyens pour se procurer un autre cahier de ces peintures des Panos : il sait qu'il en existe plusieurs parmi eux, et qu'ils disent eux-mêmes que ces livres leur ont été transmis par leurs pères. L'explication qu'ils donnent de ces peintures paioit fondée sur une tradition antique qui se perpétue dans quelques finnilles. Les Indiens de Manoa que le père Gilbar

£!i Mercurio peniano.

^4 VUES DES CORDILLÈRES,

chargea de faiie des recherches sur le sens de ces caractcrcs, crurent deviner qu'ils indiquaient des voyages et d'anciennes guerres avec des hordes voisines.

Les Panos diffèrent aujourd'hui très-peu du reste des sauvages qui habitent ces forêts humides et excessivement chaudes: nus, vivant de hananes et du produit de la pèche, ils sont bien éloignes de connoitre la peinture, et de sentir le besoin de se communiquer leurs idées par des signes graphiques. Comme la plupart des tribus hxëes sur les rives des grands fleuves de l'Amérique méridionale, ils ne paroisscnt pas très-anciens dans le lieu on les trouve maintenant : sont - ils les foihles restes de quelque peuple civilisé retombé dajis Tabrutissenient , ou descendent-ils de ces mêmes Toltèques qui ont porté l'usage des peintures hiéroglyphiques à la Nouvelle-Espagne, et que, poussés par d'autres peuples, nous voyons disparoitre aux rives du lac de Nicaragua? Voilà des questions d iui giand intérêt pour l'iiistoire de l'homme; elles se lient à d'autres dont l'importance n'a pas été sufilsamment sentie jusqu'ici.

Des rochers granitiques qui s'élèvent dans les savanes de la Guayane, entie !e Cassiquiare et le Coaorichite, sont couverts de figui'cs de tigies, de crocodiles, et d'autres caractères que l'on pourroit croire symboliques. Des dessins analogues se trouvent tracés cinq cents lieues au nord et à l'ouest, sur les rives de l'Orénoque, piès de TEncaramada et de Gaicara, sur les bords du Rio Cauca , près de Timba, entre Cali et .Telima; enfin, sur le plateau même des Cordillères , dans le Paï amo de Guanacas. Les peuples indigènes de ces régions ne connoissent pas l'usage des outils métalliques: tous conviennent que ces caractèies existoient déjà loi-sque leurs ancêtres arrivèrent dans ces contrées. Est-ce à une seule nation industi-ieuse , adonnée à la sculpture , comme l'étoient les l'oltèques, les Aztèques, et tout le groupe de peuples sorti d'Aztlan, que sont dues ces traces d'une ancienne civilisation? En quelle région doit-on placer le loyer de cette culture? Est-ce au nord du Rio Gîla, sur le plateau du Mexique, ou bien dans rhémisphère du sud, dans ces plaines (.'lev('es de Tiahuanacu, que les Incas même trouvèrent déjà couvertes de ruines d'une grandeur imposante, et que l'on peut considérer comme le Himala et le Tibet de l'Améi ique méridionale ? Ces problèmes ne peuvent être résolus dans l'état actuel de nos connoissances.

Nous venons d'examiner les rapports qu'offrent les peintures mexicaines avec les liiéroglyphes de l'ancien monde ; nous avons tâché de répandre quelques

ET IMONUMEiSS DE l'aMÉRIQUE. ^^5

liimicies sur l origine vX les migrations des peuples qui ont introduit à la Nouvelle-Espagne Tusage de l'écriture symbolique et la fabrication du papier: il nous reste à indiquer les manuscrits {cocUces mexicani) qui, depuis le seizième siècle, ont jjassé en Europe, et qui sont conserves dans les biblio- tbétpies publiques et particulières. On sera étonné de remarquer combien sont devenus rares ces monumens précieux dVm peuple qui, dans sa marche vers la civilisation, paioit avoii' lutté contre les mêmes obstacles qui s'opposent à Favancement des arts chez toutes les nations du noid et même de l est de l'Asie.

D'apiès les recherobes que j'ai faites, il paroît qu'il n'existe aujourd'hui en Europe que six collections de peintures mexicaines : celles de l'Escurial , de Bologne, de Veletii, de Rome, de "Vienne et de Beilin. Le savant jésuite Fabrega, qui est souvent cité dans les ouvrages de M. Zoega, et dont le chevalier Bocgia, neveu du cardinal de ce nom, a bien voulu me communiquer queltines manuscrits relatifs aux antiquités aztèques, suppose que les archives de Simancas en Espagne renferment aussi quelques-unes de ces peintures liiérogl^phiques que Robertson désigne si bien par le mot de picture-writings.

Le recueil conservé à VEscurial a été examiné par M. Waddilove ', aumônier de l'ambassade angloise à Madiid du temps de la mission de lord Giantham: il a la forme d'un livre in-foUoj ce qui pourroit faire soupçonner qu'il n'est qu'une copie d'un manuscrit mexicain, car les oiiginaux (.[ue j'ai examinés ressemblent tous à des volumes in-(juarto. Les objets représentés paroissent prouver que le recueil de l'Escurial, comme ceux d'Italie et de Vienne, sont ou des livres astrologiques ou de vrais rituels ^ qui indic[uoient les cérémonies religieuses prescrites pour tel ou tel jour du mois. Au bas de cliaque page se trouve une explication en espagnol, qui a été ajoutée lors de la conquête.

Le recueil de Bologne est déposé à la bibliothèque de l'Institut des sciences de cette ville: on ignore son origine, mais on lit sur la première page, c[ue cette peinture, qui a Saô centimètres (onze palmi foinani) de longueur, a été cédée, le 26 décembre i665, par le comte Valerio Zani au marquis de Caspi. Les caractères, qui sont tracés sur une peau épaisse et mal préparée, paroissent en grande partie avoir rapport à la fbiine des constellations et à des idées astrologiques. Il existe une copie au simple trait de ce Codex Mexicanus de Bologne, dans le musée du cardinal Borgla, à Veletri.

' HoBERTsos's Hisloij of America, 1802, Vol. III, p. 4o5.

76 VUKS DES CORDILLÈRES,

Le recueil de Vienne^ qui ;i solxanle-cinq pages, est devenu célèbre, pïirce qu'il a fixé Tatteation du docteur Robertson, qui, dans son ouvrage classique sur riiistoiie du nouveau continent, en a publié quelques pages, mais sans couleurs et en simples contours. On lit sur la première page de ce manusciil mexicain, « qu'il a été envoyé par le roi Emmanuel de Portugal au pape « Clément VII, et que depuis il a été entre les mains des cardinaux Hippoljte « de Médlcis el Capuanus." Lambeccius', quia lait gravei- assez incorrectement quelques figures du Codex indoboneiisis , observe que, le roi Emmanuel étant mort deux ans avant l'élection du pape Clément VII, le don de ce manuscrit n'a pu être fait à ce dernier pontife, mais bien à Léon X, auquel le roi de Portugal eavo^'a une ambassade en i5i5 : mais je demande comment on pouvoit avoii- en Europe des peintures mexicaines en i5i5, pLiisque Hernandez de Cordova ne découvrit les côtes de Yucatau qu'en iSi^, et que Corlez ne débarqua à la Vera-Cruz qu'en iSig? Est-il probable que les Espagnols aient trouvé des peintures mexicaines à l'île de Cuba, quand les habitans de cette île, malgré la proximité du cap Catoche au cap Saint-Antoine, ne paioissent pas avoir eu de communication avec les Mexicains? Il est vrai que, dans la note ajoutée au recueil de Vienne, celui-ci n'est pas nommé Codex 3Iexicamis, mais Codex Indiœ Meridionaiis : cependant l'analogie parlaite qu'olfre ce manuscrit avec ceux conservés à Veletii et à Home ne laisse aucun doute sur une origine commune. Le i"oi Emmanuel est mort en i52i ; le pape Clément VII, en i554 : il me paroît peu croyable qu'avant la première entiée des Espagnols à ïénochtitlan { le 8 novembre i5i9), il puisse j avoir eu nn manuscrit mexicain à Rome. Quelle que soit l'époque à laquelle il est parvenu en Italie, il est certaim qu'après avoir passé de main en main, il fut offert, en 1677, à l'empereur Léopold, par le duc de Saxe-Eisenacb.

On ignore absolument ce qu'est devenu le recueil de peintures mexicaines qui esistoit encore à la lin du dix-septième siècle à Londres, et que Purcbas a publié. Ce manuscrit avoit été envoyé à l'empereur Charles-Quint, par te premier vice-roi du Mexique, Antonio de Mendoza, marquis de Mondejar : le bâtiment qui porta cet objet précieux l'ut pris par un vaisseau françois, et le recueil tomba entre les mains d'André Thevet, géogiaphe du roi de France, et qui avoit visité lui-même le nouveau continent. Après la mort de ce voyageur,

' Lambeccu Cuminentar. de Bibliotbeca Cœsar. Vintloboncnsi, ccl. 177G, p. 966.

ET JIONUMENS DE L AMERIQUE. ']']

Hiikkijt, qui ëtoit aumônier de l'ambassade angloisc à Paris, acheta !e mauusciit pour vingt couronnes^, et de Paris il passa à Londres, sii' Walter Rnleigh voulut le faire publier. Les frais que devoit causer la gravure des dessins retardèrent cette publication jusqn'en lôaS, Purchas, cédant aux vœux du savant antiquaire Spelman , insera tout le Recueil de Mendoza dans sa collection de voyages'. Ces mêmes figures ont été copiées par Thevenot', dans sa Relation de divers voyages; mais cette copie, comme l'a très-bien observé l'abbé Clavigero^, fourmille de fautes: par exemple, les faits arrivés sous le règne du roi Ahuizot! y sont indiqués sous le règne de Montezuma.

Quelques auteurs^ ont annoncé que l'original du fameux Recueil de Mendoza étoit conservé à la bibliothèque impériale de Paris ; mais il paroît certain que, depuis un siècle, il n'y a existé aucun manuscrit mexicain. Comment le recueil acheté par Hakluyt, et transporté en Angleterre, seroit-il revenu en France? On ne connoît aujourd'hui point d'autres peintures mexicaines à Paris, que des copies contenues dans un manuscrit espagnol qui provient de la bibliothèque de Sellier, et dont nous aurons occasion de parler dans la suite. Ce livre, très-intéressant d'ailleurs, est conservé dans la superbe collection des manuscrits de la bibliothèque impériale : il ressemble au Codex anonymus du Vatican, n. 5^58, qui est l'ouvrage du moine Pedro de los Rios^. Le père Kircher a fait copier une partie des gravures de Purchas'^.

Le recueil de Mendoza jette du jour sur l'histoire, l'état politique et la vie privée des Mexicains. Il est divisé en trois sections, qui, comme les Shandhas des Pouranas indiens, traitent d'objets tout-à-fait difTèrens : la première section présente l'histoire de la dynastie aztèque, depuis la fondation de Ténochtitlan, l'an i325 de notre ère, jusqu'à la mort de Montezuma ii, proprement appelé Monteuczoma Xocojotzin , en i52o; la seconde section est une liste des tributs que chaque piovince et chaque bourgade paient aux souverains aztèques ; la troisième et deinière section peint la vie domestique et les

PuncHAS, Pilgrinies, Tom. III, p. io65.

' Thevenot (1696), Tom. H, Pl. IV. p. i-S5.

* Clavigero, Tom. I, p. 23.

* Waaburtos, Essais sur les hiéroglj'phes, Tom. I, p. iS. PAriLLON, Histoire de la gravure eo bois, Tom. I, p ôfïi.

' Voyez plus liaut la description de la Pl. VU- KiRcuEBi OEdipus, Tom. IH, p. Sa.

^8 VUES DES CORDILXKRES,

mœurs des peuples azlL't|ues. Le vice-roi Mendoza avoit fait ajouler ;i c!ia(|Me page du recueil une explication en mexicain et en espagnol, de soi te que l'ensemble forme un ouvrage très -intéressant pour Tliistoire. Les figures, malgré rincorieetion des contours, oIlTent jjlusieurs Iraits de mœurs extiè- mement pitpians : on y voit l'éducation des enfans depuis leur naissance jusqu'à ce qu'ils deviennent membres de la société, soit comme agriculteurs ou artisans, soit comme guerriers, soit comme prêtres. La quantité de nouriituie qui convient à eliaque âge, le cluitiment qui doit être inflige aux enfans des deux sexes; tout cliez les Mexicains étoit prescrit dans le détail le plus minutieux, non par la loi, mais par des usages antiques dont il n'étoit pas permis de s'éloigner. Eiicbaînée par le despotisme et la barbarie des institutions sociales, sans liberté dans les actions les plus indillérentes de la vie dojnestique, la nation entière étoit élevée dans une ti-iste uniformité d'habitudes et de supeistitions. Les mêmes causes ont produit les mêmes elTets dans l'aneienne Egypte, dans l'Inde, en Gliine, au Mexique et au Pérou, partout les hommes ne piésentoient que des masses animées d'une même volonté, partout les lois, la religion et les usages ont contrarié le peifectionnement et le bonheur individuel.

On reconnoît, parmi les peintures du Recueil de Me/uJoza, les cérémonies cpii se faisoient à la naissance d'un enfant. La sage-femme, en invoquant le lieu Oineteuctli et la déesse Oniecihualt, qui vivent dans le séjour des bienheureux, jetoit de l'eau sur le front et la poitrine du nouveau-né; après avoii- piononcé différentes prières ', dans lesquelles l'eau étoit considérée comme le symbole de îa puiifieation de famé, la sage-femme faisoit approcher des enfans qui avoient été invités pour donner un nom au nouveau-në. Dans quelques provinces on allumoit en même temps du feu, et on faisoit semblant de passer l'enfant par la flamme, comme pour le purifier à la fois par l'eau et le feu. Cette cérémonie rappelle des usages dont l'oiigine, en Asie, paroît se perdre dans une haute antiquité.

D'autres planches du Recueil de Mendoza représentent les chàtimens souvent barbares que les parens doivent infliger à leurs enfans, selon la gravité du délit, et selon l'âge et le scse de celui qui l'a commis: une mère expose sa fille à la fumée du piment {Capsicum hacatum): un père pique son fils de huit ans,

' Ci.Av[GEiio. Toiii. n, p. SG.

ET MONUMENS DE l'amÉKIQUE. 79

avec des feuilles de pite qui sont terminées par de fortes épines; la peinture uidiijue en quels cas l'enfant ne peut être pique (ju'aux mains seules, et en cjuels autres cas il est permis aux païens d'étendre cette opération douloureuse sur le corps entier : un prêtre, teopixqui, châtie un novice, en lui jetant des tisons ardens sur la tête, parce qu'il a passé la nuit liors de l'enceinte du temple : un autre prêtre est peint assis, dans l'attitude d'observer les étoiles pour indiquer flieure de minuit; on distingue, dans la peinture mexicaine, l'hiérogljphe de minuit placé au-dessus de la tête du prêtre, et une ligne ponctuée qui se dirige de l'œil de l'observateur vers une étoile': on voit aussi avec intérêt les figures qui représentent des femmes filant au fuseau ou tissant en liaute-licc; un orfèvre qui souffle dans le charbon à travers un chalumeau; un vieillaL-d de soixante-dix ans, auquel la loi permet de s'enivrer, de même qu'à une femme lorsqu'elle est grand'mèie; une entremetteuse de mariage, appelée ciJiuailaiiffue j qui porte la jeune vierge sur son dos à la maison du fiancé; enfin la bénédiction nuptiale, dont la cérémonie consistoit en ce que le prêtre ou teopixqui nouoit ensemble le pan du manteau [iUmalli) du garçon, avec le pan du vêtement (kuepiUi) de la jeune fille. Le Recueil de Mendoza offre en outre plusieurs figures de temples mexicains {léocalUs)^ dans les([uelles on distingue très-bien le monument p_yramidal divisé par assises, et la petite chapelle, le vswç, à la cime: mais la peinture la plus compliquée et la plus ingénieuse de ce Codex Blexicanus est celle qui représente un tlatoani ou gouverneur de province, étranglé parce qu'il s'est révolté contre son souverain; car le même tableau rappelle les délits du gouverneui', le châtiment de toute sa famille, et la vengeance exercée par ses vassaux contre les messagers d'état porteurs des ordres du roi de Ténochtitlan^

MalgL-é l'énorme quantité de peintures qui, regardées comme des monumens de l'idolâtrie mexicaine, ont été brûlées au commencement de la conquête, par ordre des évêques et des premiers missionnaires, le chevalier Boturini^, dont nous avons rappelé plus haut les malheurs, réussit encore, vers le milieu du dernier siècle, à réunir près de cinq cents de ces peintures hiéioglyphiques. Cette collection, la plus belle et la plus riche de toutes, a été dispersée comme

' Thevenot, Tom. H, Pl. IV, %. 49. 5i, 55, 61.

" Thevenot, fig. Sa, 55, 58, 62.

' EoTUHi.M, Tableau général, p. 1 i)G.

8o VUES DES CORDILLÈRES,

celle de Slguenz;! , dont quelques foibles restes se sont conserves, jusqu'à l'expulsion des jésuites, ;'i la bibliothèque de Saint Pierre et de Saint Paul, à Mexico. Une partie des peintures recueillies par Boturini a été envoyée en Europe, sur un vaisseau espagnol qui fut pris par un corsaire anglois. On n'a jamais su si ces peintures sont parvenues en Angleterre, ou si on les a jetées à la mer comme des toiles d'un tissu grossier et mal peintes: un voj'ageur très-instruit m'a assuré, il est vrai, que Ton montre à la biblioth<'que d'Oxford un Codex Mexïcanus qui, pour la vivacité des couleurs, ressemble à celui de Vienne; mais le docteur Robertson, dans la dernière édition de son Histoiie de l'Amérique, dit expressément qu'il n'existe en Angleterre aucun autre monument de l'industrie et de la civilisation mexicaines, qu'une coupe d'or de Montezuma, appartenant à lord Archer. Gomment ce recueil dOxfoid seroit-il resté inconnu à l'illustre historien écossois?

La majeure partie des manuscrits de Boturini, celle qui lui fut conlistpiée à la Nouvelle-Espagne, a été déchirée, pillée, dispersée par des personnes qui ignoroient l'importance de ces objets : ce qui en existe aujourd'hui, dans le palais du vice-roi, ne compose que trois liasses, chacune de sept décimètres en carié et de cinq de hauteur. Elles sont lestées dans un de ces appartemens humides du rez-de-chaussée, desquels le vice-roi comte de Revillagigedo a fait sortir les archives du gouvernement, pai-ce que le papier s'y altéroit avec une rapidité effrayante. On est saisi d'un sentiment d'indignation, lorsqu'on voit l'abandon extrême dans lequel on laisse ces restes précieux d'une collection qui a conté tant de travail et de soin, et que l'infortuné Boturini, doué de cet enthousiasme qui est propre à tous les hommes entreprenans, nomme, dans la préface de son Essai Jiistoricjue , « le seul bien qu'il possède aux hides, et « qu'il ne voudroit pas échanger contre tout l'or et l'argent du nouveau « monde. » Je n'entieprendrai pas ici de décrire en détail les pein turcs conservées au palais de la vice-royauté; j'observerai seulement qu'il en existe qui ont plus de six mètres de long sur deux de large, et qui représentent les migrations des Aztèques depuis le Rio Gila jusqu'à la vallée de Ténochtitlan, la fondation de plusieurs villes, et les guerres avec les nations voisines.

La bibliotlié([iie de l'université de Mexico n'offre plus de peintures hiéro- glyphiques originales : je n'y ai trouvé que quelques copies linéaires, sans couleurs, et faites avec peu de soin. La collection la ])lus riche et la plus belle

ET MONUMKNS DE r.'AMÉllTQUI".. 8l

Je la c.ipitiilt; est aujoiird hui celle de Don José Antonio Picliarclo, membre de la con g' légation de San Felipe Ncri. La maison de cet homme instruit et laborieux a été pour moi ce tjue !a maison de Siguenza étoit pour le voyageur Gemelli. Le pcre Picliardo a sacrifié sa petite fortune à réunir des peintures aztèques, à faire copier toutes celles qu'il ne pouvoit pas acquérir lui-même : son ami Gama , auteur de plusieurs mémoires astronomicjues , lui a légué tout ce qu'il possédoit de plus précieux en manuscrits lii('roglypliiquea '. C'est ainsi qu'au nouveau continent, comme presque partout ailleurs , de simples particuliers, et les moins riches, savent réunir et conserver les objets qui devroient fixer l'attention des gouvernemens.

J'ignore si, dans le rojaume de Guatimala ou dans l'intérieur du Mexique, il y a des personnes animées du même zèle que l'ont été le père Alzate, Velasquez et Gama. Les peintures biéroglj'phiques sont aujourd'hui si rares à la Nouvelle -Espagne, que la plupart des personnes instruites qui y résident n'en ont jamais vu; et parmi les restes de la collection de Boturini il ny a pas un seul manuscrit qui soît aussi beau que les Codices Blexicani de Veletri et de Rome. Je ne doute cependant pas que beaucoup d'objets très- importans pour l'étude de l'histoire ne se trouvent encore entre les mains des Indiens qui habitent la province de Mechuacan , les intendances de Mexico, de Puebla et d'Oasaca, la péninsule de Yucatan et le royaume de Guatimala. Ce sont les contrées les peuples sortis d'AzlIan étoient parvenus à une certaine civilisation; et un vo_yageur qui, sachant les langues aztèque, tarasque et ma^a, sauroit gagner la confiance des indigènes, réuniroit encore aujourd'hui , trois siècles après la conquête , et cent ans après le voyage du chevalier Boturini, un nombre considérable de peintures historiques mexicaines.

Le Codex Mexicanus du musée Borgia, à J'eleLrl, est le plus beau de tous les manuscrits aztèques que j'ai examinés. Nous aurons occasion d'en parler dans nu autre endroit, en donnant l'explication de la quinzième Planche.

Le lerneil conservé à la bihliothéque royale de Berlin renferme dilTé- rentcs peintures aztè([ues dont j'ai fait racipiisition pendant mon séjour à la Nouvelle-Espagne. La douzième Planche olïrc deux fragmens de ce recueil ; il contient des listes de tributs, des généalogies, l'histoire des migrations des

' Voj'cj: mon Essyî politique sur lu Nùuvelle-Espagne , vol. I, p. i24-

8:î vues des CORDlLLÉrVES ,

Mexicains , et un calcndiief fait au commencement de la conqnùte, tlnns lequel les liiciogljphes simples des jouis se liouvcnl réunis à des figures de saints, peintes en style aztèque.

La bibliothèque du Vatican à Rome possède, dans la collection précieuse de ses manusciits, deux Codices Mexicain j sous les numéros 5;;ï58 et 5]^y6 du catalogue. Ces recueils, de même que le raaiuiscrit de Veletri, sont reste's inconnus au docteur Robortson, lorst|u"il a fait l'ènumcratlon des pein- tures mexicaines conservées dans les dilï'érentes bibliothèques de l'EuLope. Mercatus', dans sa description des obélisques de Rome, rappoLte que, vers la lin du seizième siècle, il existoit au Vatican deux recueils de peintures originales ; on peut croire qu'un de ces recueils est entièrement perdu, à moins que ce ne soit celui que l'on montre à la bibliothèque de l'institut de Bologne; l'autre a été retrouvé en i^85 par le jésuite Fabrega, après quinze aimées de recherches.

Le Codex Fadcanus n." ^']']G^ tlont Acosta et Kiicher ont déjà fait mentioLi', a 7'",8^ ou trente-un palmes et demi de long, et o'",i9 ou sept pouces en cané : ses (juaraiile-huit Leplis Ibrnient quatie- vingt-seize pages ou autant de divisions tracées des deux côtés de plusieurs peaux de cerfs collées ensemble : chaque page est subdivisée en deux cases; mais tout le xïianuscrit ne renferme que cent soixante -seize de ces cases, parce que les premières huit pages contiennent les hiéroglyphes simples des jours, rangés en séries parallèles et rapprochées les unes des antres. La treizième Planche de l'Atlas pittoresque présente la copie exacte d'un de ces rejdis ou d'une page du Codex T aUcanas : comme toutes les pages se ressemblent, (piant à l'arrangement géncial, cette copie suflit pour faire connoîtLe le livre entier.

Le boid de chaque repli est divisé en vingt-six petites cases qui contiennent les hiéroglyphes simples des joins : ces hiéroglyphes sont au nombre de vingt, qui forment des séries périodiques. Comme les petits cycles sont de treize jours, il en résulte que la série des hiéroglyphes passe d'un cycle à l'autre. Tout le Codex f 'aLicanus contient cent soixante-seize de ces petits cycles, ou deux jnille deux cent quatre-vingt-dix jours. Nous n'entierons ici dans aucun détail sur ces subdlvisioLis du temps, liuus proposant de donner plus bas

MrucATus, dcgli Obelisclil ili Konia , C. II, p. 96. ' ZoEGA, de Orig. Obt'liscoi: , j). iiji.

ET MONUWEÎNS DE L AMÉKIQUE. 85

l'explication du caloïKlrier mexicain, l'un des plus compliqnt'S , mais ;uissi Tun des plus ingénieux que présente l'Iiistoirc de l'astrononiie. Clia<|ue p;ige ofTre, clans les deux sulnllvisions dont nous avons déjà parlé, deux groupes de figures m_5 tliologicjnes. On se perdrolt dans de vaines conjectures, si l'on voidoit interpréter ces allégories, les manuscrits de Rome, de \eletri, du Bologne et de Vienne étant dépourvus de ces notes explicatives que le vice-roi Mendoza avoit fait ajouter au manuscrit publié par Purchas. 11 seroit à désiier que quelque gouvernement voulut faire publier à ses frais ces restes de 1 ancienne civilisation américaine: c'est par la compiuaisou de plusieLirs monumens, qu'on parviendroit à deviner le sens de ces allégories, en partie astronomiques, en partie mystiques. Si de toutes les antiquités grecques et romaines il ne nous étoit restt: que quelques pierres gravées ou des monnoies isolées, les allusions les plus simples auroient écbappé à la sagacité des antiquaires. Que de jour l'étude des bas reliefs n'a-t-elle pas répandu sur celle des monnoies !

Zoega, Fabrega, et d'autres savans qui se sont occupés en Italie des manuscrits mexicains, regardent le Codex Vadcaniis, de même que celui de Veleti i, comme des ionalamatls ou almanaclis rituels c'est-à-diie, comme des livres qui indiquoîent au peuple, pour un espace de plusieurs années, les divinités qui présidoient aux petits cycles de treize jours, et qui gouvernoient pendant ce temps la destinée des hommes, les cérémonies religieuses qu'on devoit pratiquer, et surtout les olfiandcs qui dévoient etie portées aux idoles.

La treizième Planche de mon Atlas, qui est la copie de la quatre-vingt- seizième page du Codex Vaticanm;, représente à gauche une adoration : la divinité a un casque dont les ornemens sont très-iemar(piables ; elle est assise sur un petit banc appelé icpalU, devant un temple dont on n'a figuré que la cime ou la petite chapelle placée au haut de la pyramide. L'adoration consistoit au Mexique, comme en Orient, dans la cérémonie de toucher le sol de sa main droite, et de porter cette main à la bouche. Dans le dessin n." I, l'hommage est rendu par une génuflexion : la pose de la ligure qui se prosterne devant le temple se retrouve dans plusieurs peintures des Hindoux.

Le gLOupc u." II l eprésente la célèbre femme au serpent, Cihuacohuatl, appelée aussi Quiiaztli ou Tonacacihua, femme de notre chair: elle est la campagne de l'onacateuctli. Les Mexicains la legardoient comme la mèie du genre humain, et après le dieu du paradis cêlesiej, Ometeuctli, elle occupoit

8^ VLTKS DES CORDTLLÈRRS,

le premier r.nng- pnrm'i les divinités cVAnnhiiac : on lii voit toujours représentée en rapport avec un grand serpent. D'autres peintiues nous offrent une couleuvre panachée, mise en pièces par le Grand Esprit Tezcatlipoca, ou par le Soleil personnillé, le dieu Tonatiuh. Ces allégories rappellent d'antiques ti-aditions de l'Asie. On croit voir, dans \a femme au serpent des Aztèques, l'Eve des peuples sémitiques; dans la couleuvre mise en pièces, le fameux serpent Kaliya ou Kalinaga, vaincu par Vislinu, lorsfju'il a pris la forme de Krisclina, Le Tonatiuli des Mexicains paroît aussi être identique avec le Krischna des Hindoux, chanté dans le Bliàgavata Pouràna, et avec le Mithras des Perses. Les plus anciennes traditions des peuples remontent à un état de choses la terre, couverte de marais, étoit habitée par des couleuvres et d'autres animaux à taille gigantesque : Tastre bienfaisant, en desséchant le sol, délivra la terre de ces monstres aquatiques.

Derrière le serpent, qui paroît parler à la déesse Cihuacohuatl, se trouvent deux figures nues; elles sont de couleur différente, et paroisseut dans l'attitude de se battre. On pourroit croire que les deux vases que l'on observe au bas de la peinture, et dont l'un est renversé, font allusion à la cause de cette rixe. La femme au serpent étoit regardée au Mexique comme mère de deux enfans jumeaux; ces figures nues sont peut-être les enfans de Cihuacohuatl; elles rappellent le Gain et l'Aboi des traditions hébraïques. Je doute d'ailleurs que la différence de couleur que l'on remarque entre les deux figures indique ime différence de race, comme dans les peintures égyptiennes trouvées dans les tombeaux des rois à Thèbes, et dans les ornemens moulés en terre et appUqués sur les caisses des momies de Sakharah". En étudiant avec soin les hiéroglyphes histoiiques des Mexicains, on croit reconnoître que les têtes et les mains des iiguies sont peintes comme au hasard, tantôt en jaune, tantôt en bleu, tantôt en rouge.

La cosmogonie des Mexicains, leurs traditions sur la mère des hommes, déchue de son premier état de bonheur et d'innocence; l'idée d'une giande inondation, dans laquelle une seule famille s'est échappée sur un radeau; l'histoire d'un édifice pyramidal élevé par FoL-gueil des hommes et détruit par la colère des Dieux; les cérémonies d'ablution pratiquées à la naissance des enfans; ces idoles faites avec la fiuine de maïs pétrie, et distribuées en

' De\o\, V()yyf,-e en Éf,'vj)le, p. 298— 5i3.

ET ]\IO^UïME_^s DE l'a:\iÉiiique. 85 parcollos au peuple rassemblé dans l'enceinle des temples; ces déclarntions de péchés faites par les péuitens; ces associations religieuses ressemblant à nos couvens d'iiommes et de femmes; cette cioj'ance universellement répandue, i|ue des hommes blancs à longue barbe, et d'une grande saintett- de mœurs, avoient cliangé le système religieux et politique des peuples : toutes ces circonstances avoient fait croire aux religieux qui accompagnoient Tarmée des Espagnols lors de la conquête, c[u'à une époque tiès-reculée le chiistianisme avoit été prêché dans le nouveau continent. Des savans mexicains ' crurent reconnoître l'apôtre Saint Thomas dans ce pei sonnage mystérieux, grand-prêtre de Tula, que les Cholvdains connoissoient sous le nom de Quetzalcoatl. Il n'est pas douteux que le nestoiianîsme, mêlé aux dogmes des Bouddhistes et des Cbamans% ne se soit répandu, par la Tartaiie des Mantchoux, dans le noid-est do l'Asie ; on pounoit donc supposeï-, avec quelque apparence de raison, que des idées chrétiennes ont été communiquées, par la même voie, aux peuples mexicains, surtout aux babitans de cette région boi'éale de laquelle sortirent les Toltèques, et que nous devons considérer comme Yofficina virorum du nouveau monde.

Cette supposition seroit même plus admissible que I hypothèse d'après laquelle les traditions antitjues des Hébreux et des Chrétiens auroient passé en Amérique par les colonies Scandinaves, formées depuis le onzième siècle sur les côtes de Groenland, au Labrador, et peut-être même dans l'ile de Terre-Neuve. Ces colons européens visitèrent sans doute une partie du continent, qu'ils appelèrent Di'ogeo; ils connurent des pajs qui étoient situés au sud-ouest, et habités par des peuples anthropophages réunis dans des villes populeuses : mais, sans examiner ici si ces villes étoient celles des provinces dTchiaca et de Confachiqui, visitées par Hernando de Soto, le conquérant de la Floiidc, il suffit d'observer que les cérémonies religieuses, les dogmes et les traditions qui ont frappé l'imagination des premiers missionnaires espagnols, se trouvoient indubitablement au Mexique depuis l'arrivée des Toltèques, et par conséquent trois ou quatre siècles avant les navigations des Scandinaves aux côtes orientales du nouveau continent.

Les religieux qui, à la suite de farmée de Gortez et de Pizarro, ont pénétré

' SiGUESZA, Of'^ni iiii'd. EcuiARA, Bibl. mexicana, p. 78.

LisULÈs, Rituel lies Tarlarcs-lIiintcLuux , p. 9 et i4- Gkorci Alphab. tibetimum , p. agS.

56' VtES DKS CORDIL[,l>,UES,

;ui Mexique et an Pérou, ont été nataiellement eticlins à exagérer les annlngics qu'ils crojoient reconnoîtie entre la cosmogonie des Aztèques et les dogmes de la religion chrétienne. Imbus des traditions liébiaïqnes, entendant impar- faitement les langues du pays et le sens des peintures liiéroglyplii([ues, ils rapportèrent tout au sjstème qu'ils s'étoient fbimé; semblables aux Romaiqs, qui ne vo_yoient cliez les Germains et les Gaulois que leur culte et leurs divinités. En employant mie saine critique, on ne trouve chez les Américains rien qui rende nécessaire la supposition que les peuples asiatiques ont reflué dans ce nouveau continent après rétablissement de la religion chrétienne. Je suis bien éloigné de nier la possibilité de ces communications postérieures : je n'ignore pas ' que les Tehoutskis tiaversent annuellement le détroit de Bering pour faire la guerre aux habilans de la côte nord-ouest de l'Amérique; mais je crois pouvoir afTu'mer, d'après les connoissances que nous avons acquises, depuis la fin du dernier siècle , sur les livres sacrés des Hindous , que , pour expliquer ces analogies de traditions dont parlent tous les premiers missionnaires, on n"a pas besoin de recourir à l'Asie occidentale, habitée par des peuples de race sémitique, ces mêmes tiaditions, d'une haute et vénérable antiquité, se retrouvant et parmi les sectateurs de Brahmà et parmi les Chamans du plateau oriental de la Tartarie.

Nous reviendrons sur cet objet intéressant, soit en parlant des Pastoux % peuple américain qui ne se nourrissoit que de végétaux, et qui avoit en horreur ceux qui mangeoient de la viande; soit en exposant le dogme de la métempsycose répandu painii les Tlascaltèques. Nous examinerons la ti-adition mexicaine des quatre soleils ou des quatre destructions du monde, ainsi que les traces du trimurti ou de la trinité des Hindonx, trouvées dans le culte des Péruviens, Malgré ces rapports frappans entre les peuples du nouveau continent et les tribus tartares qui ont adopte la religion de Bouddah, je crois reconnoître dans la mythologie des Américains, dans le style de leurs peintures, dans leurs langues, et surtout dans leur conformation extérieure, les descendans d'une race d'hommes qui, séparée de bonne heure du reste de l'espèce humaine, a suivi, pendant une longue série de siècles, une route particulière dans le développement de ses facultés intellectuelles et dans sa tendance vers la civilisation.

' Voyez mon Essai politique sur la Noiivcllc-Es|)ii^rne, Vol.I, p. ' GiHCiLisso, Comentarios reaies, Tom. 1, p, 374,

ET MONUMEJNS DE l'amÉrIQUE.

87

PLANCHE XIV.

CosLwnes âessijiés pur des peintres mexicains âa temps de IMontesuma.

Ces neuf figures sont tirces du Codex anoiiymus n." 5y58 , qui est conservé parmi les mamiscrlts du Vatican, et que nous avons en occasion de citer plusieurs fois : ce sont des copies de peintures faites par dos peintres mexicains lors du premier séjour de Gortcz à Ténoclitillan. Le père Rios, en copiant les dessins, paroît avoir ('to plus attentif au détail des costumes (ju'à l imitation fidèle des contours des figures. En comparant les peintures de la Planche aiv avec celles que renferment les manuscrits originaux qui sont parvenus jusqu'à nous, on voit que les figures copiées par le moine espagnol sont un peu trop allongées ; ces altérations de forme se retrouvent partout les artistes n'ont pas suffisamment senti combien il est important de conserver le style qui caractérise les productions de l'art chez des peuples plus ou moins éloignés de la civilisation. Quelle différence dans la justesse des contours , entre les hii'roglyphes publiés par Norden et ceux qu'on trouve dans l'ouvrage de Zoega sur les obélisques, ou dans la description des moninuens de l'Egypte, dont l'institut du Caire vient d'enrichir les sciences!

N." l-v. Quatre guerriers mexicains : les trois premiers portent le vêtement appelé ichcahiiepillij sorte de cuirasse de coton qui avoit plus de trois centimètres d'épaisseur, et qui couvroit le corps depuis le col jusqu'à la ceinture. Les soldats de Cortez adoptèrent cette armure, qu'ils désignèrent sous le nom à^escaupil, dans lequel on reconnoît à peine un mot de la langue aztèque. \S ichcahiiepiUi résistolt parfaitement aux flèelies : il ne faut cependant pas le confondre avec les cottes de mailles d'or et de cuivre que porfoient les généraux, appelés seigneurs des aigles et des tigres, Qiiauh/in et Ooceto , à cause de leurs armures en forme de masques. Les boucliers, chimallij n."' ï et ii , sont d'une forme très-différente de ceux figurés par Purchas et Lorenzana L'écusson n." il a un appendice en toile et en plume, qui servoit à amortir le coup des dards : sa forme rappelle les boucliers que

' Purchas, Piigrimts, Tom. HI, p. 1080, %. L M; p. 1099, %. C; l'J. IV, %. F. Lorenzana, Historia lie Nueva Espaîia, p. 177, lara. 2, S et 9. Adornos niililares.

88 VUES DES CORDILLÈRES,

l'on trouve rcpi-ésentcs sur plusieurs vases de la Gi niide-Gri ce. Ln massue que porte le guerrier n." ili etoit creuse, et contenoit des pierres qui etoient lancées avec beaucoup de force, confime si elles partoient d'une fronde. La figure n," ]v représente un de ces soldats intiépides qui alloient presque nus au combat, le corps enveloppé dans un fdet à grandes mailles, t|u'ils jetoient sur la tète de l'ennemi, comme les retiarii romains dans la lutte avec les gladiateurs mirmillons. Le n." v est un simple soldat qui ne porte qu'un manteau de toile et une bandelette de peau très-étroite, maxtlatl, autour de la ceinture.

La flgui e n.° vi représente , comme l'indique expressément le Codex vaticanm , le inalbeureus Montezuma ii, en habit de cour, tel qu'il se présentolt dans l'intérieur de son palais. Sa robe, tlach{juauhjo , est garnie de perles; il a les cheveus réunis au sommet de la tète, et liés avec un ruban rouge , distinction militaire des princes et des capitaines les plus vaillans : son col est orné d'un collier de pierres fines {cozcapetlatl)\ mais il ne porte ni les bracelets {materne c ail) , ni les bottines {cozehuatl) ^ ni les boucles d'oreille (nacoch/li) j m l'anneau garni d'émeraudes, suspendu à la lèvre inférieure^ qui appartenoient au grand costume de l'empereur. L'auteur du Codex anonymus dit que « le souverain est figuré ayant dans « une main des fleurs, et dans l'autre un jonc au bout duquel est fixé un « cylindre de résine odoriférante. » Le vase qne tient l'empereur dans sa main gauche a (juelque ressemblance avec celui que Ton voit dans la main de l'Indien ivre figuré dans le recueil de Mendoza'. Les peintres mexicains rcprésentoient généralement les rois et les grands seigneurs pieds nus, pour indiquer qu'ils n'étoicnt pas faits pour se servir de leurs jambes, et qu'ils dévoient constamment ètie portés dans un palanquin, sur les épaules de leurs domestiques

N." VII. Un habitant de la Tzapoteca, province (jiii comprenoit la partie sud-est de l'intendance d'Oaxaca.

N." VJIT et IX. Deux femmes de la Huasteca : le costume de la dernière ligure est indubitablement indien; mais celui du n." vin ressemble beaucoup au vêtement européen. Est-ce une femme du pays à laquelle les soldats

PuRciLAs, p. 1117, li^. F.

' Codex anoii. n. Ô^ÔS , fol. 60.

u /

ET MONUMENS DE l'amÉKIQUE. 89

de Cortez ont donné un fichu et un rosaire ? Je ne déciderai pas cette question; mais j'observe que le mouchoir trianguhiire se retrouve dans plusieurs peintures mexicaines faites avant l'arrivée des Espagnols, et que le prétendu rosaire, qui n'est pas terminé par une croix, pourroit bien être un de ces chapelets qui ont existé, depuis la plus haute antiquité, dans toute l'Asie orientale, au Canada, au Mexique et au Pérou.

Quoique le père Rios, comme nous f avons observé plus haut, paroisse avoir allongé un peu les figures, les extrémités, la forme des J'eux, et celle des lèvres, dont la supérieure dépasse constamment la lèvre inférieure, prouvent qu'il a copié fidèlement.

PLANCHE XV.

Hiéroglyphes aztèques du majiuscrit de Weletri.

De tous les manuscrits mexicains conservés en Italie, le Codex Borgîanus de Veletri est le plus grand et le plus remarquable, à cause de l'éclat et de l'extrême variété des couleurs : il a quarante -quatre à quarante -cinq palmi ( près de onze mètres ) de long, et trente-huit i-eplis ou soixante-seize pages. C'est un almauach rituel et astrologique, qui, par la distribution des hiéro- glyphes simples des jours, et par celle des groupes de figures mythologiques, ressemble entièrement au Codex P'alicanuSj dont une page a été représentée sur la treizième Planche.

Le manuscrit de Yeletri paroît avoir appartenu à la famille Giustiniani : on ignore par c|uel malheureux hasard il étoit tombé entre les mains des domestiques de cette maison, qui, ignorant le prix que pouvoit avoir un recueil de figures monstrueuses, l'abandonnèrent à leurs enlans. C'est à ces derniers que l'arracha un amateur éclairé des antiquités, le cardinal Borgia, lorsqu'on avoit déjà tenté de brûler quelques pages ou replis de la peau de cerf sur laquelle les peintures sont tracées. Rien n'indique l'antiquité de ce manusciit, qui peut-être n'est qu'une copie aztèque d'un livre plus ancien; la grande fiaîcheur des couleurs pourroit faire soupçonner que le Codex Borgianus , de même cpie celui du Vatican, ne remonte pas au delà du quatorzième ou du quinzième siècle.

23

yo VUES DES CORDILLÈRES,

On ne jicut fixer les jeux sur ces peintures, s.'iiis '"|Li'il se présente à l'esprit une foule de cjiiestions intéressantes. Existoit-il à Mexico, du vivant de Cortez, des peintures hieroglypliiques faites du temps de la dynastie toltèque, et par conséquent au septième siècle de notre ère? N'avoit-on plus à cette époque que des copies du fameux livre divin j appelé teoamoxtli , rédigé à Tula, l'an 660, par l'astrologue Tliiemaizin, et dans lequel ou trouvoit l'histoire du ciel et de la terre, la cosmogonie, la desciiption des constellations, la division du temps, les migrations des peujsles, la mythologie et la morale? Ce Pourdna mexicain, le teoamoxtli, dont le souvenii' s'est conservé, à travers tant de siècles, dans les traditions aztèques, fut-il un de ceux que le fanatisme des moines lit brûler dans le Yucatan, et dont le père Acosta, plus instruit et plus éclairé que ses contempoiaius, déplora la perte? Est-il certain que les Toltèques, ce peuple laborieux et entreprenant, qui ofFie plusieurs traits de ressemblance avec les Tcliouds ' ou anciens Iiabitans de la Sibérie, ont les premiers intioduit la peintiue? ou bien les Cuitlaltèques et les Olmèques, qui habitoient le plateau d'Anahuac avant firruption des peuples d'Aztlan, et auxquels le savant Slguenza attribue la consti uction des pyramides de Téotihuacan , auroieut- ils déjà consigné leurs annales et leur my thologie dans des recueils de peintures biéro- glypbiques? Nous n'avons pas assez de données pour répondre à ces questions importantes; car les ténèbres qui enveloppent l'origine des peuples Mongols et Tartares paroissent s'étendre sur toute l'histoire du nouveau continent.

Le Codex Borgiaiius a été commenté par le jésuite Fabrega, originaire du Mexique. Pendant mou dernier séjour en Italie, en i8o5, le chevalier Borgia, neveu du cardinal de ce nom, eut la bonté de faire venir le manuscrit mexicain avec son commentaire, de Veletri à Rome. Je les ai examines soigneusement: les explications du père Fabrega m'ont paru souvent arbitraires et très- hasardées. J'ai fait graver une partie des figures qui ont le plus fixé ma curiosité; j'ai ajouté à chaque groupe représenté sur la quinzième Planche, la citation du Codex Borgianus et celle du manuscrit italien qui doit lui servir de commentaire.

N.** I. Un animal inconnu, orné d'un collier et d'une espèce de barnois, mais percé de dards : Fabrega le nomme le lapin couronné , le lapin sacré. On trouve cette ligun; dans plusieurs rituels des anciens Mexicains. D'après

' Voyiiges de Pallas ( li-adiirlion de Paris), Tom. IV, p. 282.

ET MONUMESVS DE l'amÉRIQUE. 91

les traditions qui se sont conservées jusqu'à nos jours, c'est nn sjmbole de rioQocence soulFiante : sous ce rapport, cette repi usentation allégorique rappelle l'agneau des Hébietix, ou Tidee mystique d'un sacrifice expiatoire destiné à calmer la colcie de la divinité. Les dents incisives, la forme de la tète et de la queue, paroissent indiquer cjue le peintre a voulu représenter un animal de la famille des rongeurs : quoique les pieds à deux sabots, munis d'un ergot tjui ne touche pas la terre, le rapprochent des ruminans, je doute ipie ce soit un cavia ou lièvie mexicain : seroit-ce qnehpie mammifère inconnu qui habite au nord du Rio Gila, dans l'intérieur des terres, vers la pailie nord-ouest de rAme'rique?

Ce même animal, mais avec une queue beaucoup plus longue, me paroît figurer une seconde fois dans le Codex liorgianus , à la cinqnaiite-tiolsième feuille : le n." ti de ma Planche sv en otlVc la copie. M. Fabrega prend cette fignie, qui est chargée des vingt hiéroglyphes des jours, pour im cerf (^mazatl); le père Rlos alfirme que c'est un jeu astrologicjue des médecins, une peinture qui enseigne que celui qui est tel on tel jour aura mal aux _yeus, à l'estomac ou aux oreilles : on voit en effej; que les vingt hiéiogl^phes simples des jours sont distiibnés aux dilïerentes parties du corps.

Le signe du jour qui commençoit la petite période de treize jours, ou la demi-lunaison, étoit regardé comme dominant pour toute cette époque; de sorte qu'un homme le jour dont riiiéroglvphe étolt un aigle, avoit tout à craindre ou tout à espérer chaque fois que l'aigle présidoit la semaine de treize jours. M. Zoega ' paroît adopter l'explication de Rios; il trouve un rapport frappant entre cette fiction et les idées tatromathémafic/nes des Egyptiens. En jetant les yeux sur nos almanachs, on voit que ces idées absurdes se sont conservées jusqu'à nos jours, parce qu'il est souvent moins profitable d'instruire le peuple que d'abuser de sa crédidlté. J ai trouvé cette même figure allé- gorique, qui appartient à la médecine astrologique, dans le Codex BorgianuSj fol. i'] (Mss. n." 66), et dans le Codex anonymus du Vatican, fol. 54-

N."' III, V, VI, Yii. Un enfant nouveau-né est i-eprésenté quatre fois : les cheveux qui s'élèvent comme deux cornes, au sommet de la tète, indiquent que c'est une fille. L'enfant est allaité; on lui coupe le coidou ombilical; on le présente à la divinité; on lui touche les yeux comme signe de bénédiction.

' Zoega, p. ûsâ el 53i.

VUES DES COKDILLÈRES,

Fabrega praend qnc les figiires assises, n."' v et vu, représentent deux prêtres; il croit reconiioître, au c.isque de la liguie n." vu, le gi-and-pretre du dieu Tonacateuclli.

N." IV. La représenta lion d'un sacrifice humain : un prèti c, dont la figure est presque niéconnoissable sous un travestissement monstrueux, arrache le cœur à la victime; sa main gauche est armée d'une massue; le corps nu de la victime est peint; on j remarque des taches, par lesquelles on a voulu imiter celles de la robe du jaguar ou du tigre américain: à gauche, se trouve un autre prêtre [topilizin)^ qui verse sur l'image du soleil, placée dans la niche d'un temple, le sang du cœur arraché. Je n'aurois point fait graver cette scène hideuse, si le travestissement du sacrificateur ne présentoit, avec le Gauesa des Hindoux, certains rapports remarquables et qui ne pnroissent point accidentels. Les Mexicains se servoient de casques qui imitoient la forme de la tûte d'un serpent, d'un crocodile ou d"un jaguar. On croit reconnoitre, dans le masque du sacrificateur, la trompe d'un éléphant ou de quelque pachyderme qui s'en rapproche par la configuiation de la tète, mais dont la mâchoire supérieure est garnie de dents incisives. Le groin du tapir se prolonge sans doute un peu plus que le museau de nos cochons, mais il y a bien loin de ce groin du tapir à la trompe figurée dans le Codex Borgiaiius. Les peuples d'Aztlan, originaiies d'Asie, avoient-ils conservé quelques notions vagues svw les ëléphans, ou, ce qui me paroît bien moins probable, leurs traditions remontoient-elles jusqu'à l'époque l'Amérique étoit encore peuplée de ces animaux gigan- tesques, dont les squelettes pétrifiés se trouvent enfouis dans des terrains marneux, sur le dos même des Cordillères mexicaines? Peut-être aussi existe-t-il, dans la partie nord-ouest du nouveau continent, dans des contiées qui n'ont été visitées ni par Hearne, ni par Mackensie, ni par Lewis, un jiachyderme inconnu, qui, par la configuration de sa trompe, tient le miheu entre l'éléphant et le tapir.

Les hiéroglyphes des jours, qui entourent le groupe figuré sur la quarante- neuvième page du Recueil de Veletri, indiquent clairement que ce sacrifice se faisoit à la fin de l'année, apiès les nemoiitemi ou jours complémentaires. Le temple du soleil rappelle le culte d'un peuple doux et humain, celui des Péruviens. Ce culte, dans lequel on ne porte d'autres oflrandes à la divinité que des fleurs, de l'encens et les prémices des moissons, a existé

ET MONUftlENS DE l'amÉRIQUE.

indubitablement au Mexif[ue jusqu'au commencement tlti ijunlorzième siècle. Un savant', qui ;i Hiit des rapprocliemens lieuieux: entie les idées juytliologiqaes des dilVorens peuples, a hasarde l'ii^'pothèse que les deux sectes religieuses de rinde, les adorateurs de Yiclinou et ceux de Siva, se sont répandues en Amérif|ue, et que le culte péruvien est celui de Viclmou, lorsqu'il paroit sous la figure de Rrichna ou du soleil, tandis que le culte sanguinaire des Mexicains est analogue à celui de Sîva, lors(pril prend le caractère de Jupiter Stj'gien. L'épouse de Siva, la noire déesse Câli ou Bhavàni% sjmbole de la mort et de la destLuction, porte, dans les statues et les peintures indiennes, un collier de crânes d'hommes : les Vedas ordonnent qu'on \in fasse des sacrifices humains. L'ancien culte de Câli, dont l'horrible cruauté a été mitigée par la réforme de Bouddha, oftie sans doute de grandes ressemblances avec le culte de Mictlancihuatl , la déesse de l'eufer, et avec celui de plusieurs autres divinités mexicaines : mais en étudiant l'histoire des peuples d'Ânahnac, on est tenté de regarder ces ressemblances comme purement accidentelles. On n'est pas en droit de supposer des communications partout l'on trouve, chez des peuples à demi barbares, le culte dn soleil, ou l'usage de sacrifier des victimes humaines; et cet usage, loin d'avoir été apporté de l'Asie orientale, pourroit bien avoir pris naissance dans la vallée même du Mexique. L'histoire nous apprend en ellet f|ue, lorsque les Espagnols ariivèrent à l'énochtitlan, ce culte sanguinaire, qui rappelle ceux de Câli, de Moloch et de l Esus des Gaulois, n'existoit que depuis deux cents ans.

Les nations qui , depuis le septième jus([u'au douzième siècle , ont inondé successivement le Mexique ( les Toltècjues , les Chichimèques, les Nahuatlaques, les Acolluics, les Tlascaltèques et les Aztèques), fonuoient un seul groupe, uni par l'analogie des langues et des moeurs, à peu près comme les Allemands, les Norwégiens, les Goths et les Danois, qui se confondent tous dans une seule race, celle des peuples germaniques. II est probable, comme nous l'avons indiqué plus haut, que d'autres nations, les Otomites, les Olmèques, les Giiitlatèques, les Zacatèques et les Tarascjues, aient paru avant les ToItèc[ues dans la région équinoxiale de la Nouvelle-Espagne. Partout les peuples se sont avancés dans une même direction, la position du site

' Frédéric Léopold Comte de Stolbeeg, Geschichie der Relig-ioii Jcsu Christi, B. I, p. 4-6. - Recherches asiati<jues, Tom. I, p. 2o3 et 29^.

a4

YVES DES CORDILLÈRES,

dans lequel on les trouve, désigne en quelque sorte l'ordie cJiionologifuie de leurs migrations. Peut-on douter qu'en Europe les peuples les plus occidentaux, les Ibciiens et les Cantabres, ne fussent arrives avant les nations les plus rappi ocljces de l'Asie, avant les Thraces, les I]|^ riens et les Pelasges ?

Or, quelle que soit l'ancienneté relative des dillerentes races d'hommes lises dans les montagnes du Mesî(|ue, qui sont le Caucase américain, il paroit certain qu'aucun de ces peuples , depuis les Olmèques jusqu'aux Aztèques, ne connoîssoit depuis long-temps l'usage barbare de sacrifier des victimes humaines. La divinité principale des Toltèques s'appcloit Tîalocleuclli: c'étoit à !a lois le dieu de l eau, des montagnes et des orages. Aux ^eus de ce peuple montagnard, c'est sur les hautes cimes, toujours enveloppées de nuages, que se prépare mystérieusement le tonnerre : c'est qu'il place le séjour du Grand Esprit léotl, de cet être invisible appelé Ipalnemoani et Tlorfiie- Nahuafjue , et parce qu'il n exij^e (jue par lui-même^ et parce qu'il renferme tout en lui : c'est de celte région presque inaccessible que vient la tempête (jui détruit les cabanes, et la pluie bienfaisante qui vivifie les champs. Les Toltèques a voient érigé, sur la cime d'une haute montagne , l'image de Thilocteuctli : cette image, grossièrement sculptée, étoit faite avec une pierre blanche, regardée comme pierre divine (teoteti); car ce peuple, semblable aux Orientaux', attachoit des idées supeistitieuses à la couleur de certaines pierres. Thilocteuctli étoit représenté la foudre en main, assis sur une pierre en forme de cube, ayant devant lut un vase dans lequel on lui oflProit du caoutchouc et des semailles. Les Aztè(|ucs suivirent ce même culte jusqu'à l'année i3iy, la gueire avec les habitans de la ville de Xochimilco leur fournit la première idée d'un sacrifice humain. Les historiens mexicains qui, immédiatement après la prise de Ténochtitlan, ont écrit dans leur propre langue, mais en se servant de l'alphabet espagnol, nous ont transmis les détails de cet événement affreux.

Depuis le commencement du quatorzième siècle, les Aztèques vivoient sous la domination du roi de Coihuacan : c'étoient eux qui avoient contribué le jilus à la victoire que ce roi avoit remportée sur les Xochimilqucs. La guerre finie, ils voulurent oll'rir un saciifice à leur dieu piinclpal, Huitzilopoehtli ou MexiLli, dont l'image eu bois, placée dans une chaise de roseaux, appelée siège

' MiLLii Dissert:i[îoiius scIccIee, p. 3oi).

ET MONUMENS DE L AMERIQUE.

de DieUj, Teoicpaîli , et portée sur les cpnules de qiuitie prètrt.'s, les ;ivoit pré- cédés dans leur migiatlon. Ils tleinaiidèrent à leur maître, le loi de Coihuaean, de leur donner queUjues objets de prix pour rendre ce sacrifice plus solennel : le roi, si l'on ose nommer ainsi le clief d'une horde peu nombjeuse, leur envoja un oiseau mort, enveloppé dans une toile d'un tissu grossier. Pour ajouter la dérision à l'insulte, il leur proposa d'assister lui-même ;i la fete ; les Aztèques feignirent d'être contens de cette offre; mais ils résolurent en même temps de faire un sacrifice qui inspirât de la terreur à leurs maîtres. Après une longue danse autour de l'idole, ils amenèrent quatre prisonniers xocliimilques, qu'ils avoîent tenus caches depuis long-temps : ces mallicureux huent immolés, avec les cérémonies observées encore lors de la conquête des Espagnols, sur la plate-forme de la giande pyramide de Tênochtitlan, qui étoit dédiée à ce même dieu de la guérie, Huitzilopochtli. Les Golhucs marquèL-eiit luie juste horreur pour ce sacrifice humain, le premier qui eut été fait dans lein- pajs : craignant la férocité de leurs esclaves, les voyant enorgueillis du succès obtenu dans la guerre contre les Xochimilques, ils rendirent la liberté aux Aztèques, en leur enjoignant de quitter le territoire de Coihuaean.

Le premier saci iHce avoit eu des suites heureuses pour le peuple opprimé; bientôt la vengeance donna lieu au second. Après la fondation de Tcnochtitlau, un Aztèque parcourt le rivage du lac, pour tuer quelque animal qu'il puisse offrir au dieu Mcxilli ; il rencontre un habitant de Coihuaean, appelé Aom/miV/. Irrité contre ses anciens maîtres, l'Aztèque attaque le Colhue corps à corps: Xomimitl vaincu, est conduit à la nouvelle ville; il expire sur la pierre fatale placée au pied de l'idole.

Les circonstances du troisième sacrifice sont plus tragiques encore. La paix s'est rétablie en apparence entre les Aztèques et les habitaus de Coihuaean; cependant les prêtres de Mexitli ne peuvent contenir leur haine contre un peuple voisin, qui les a fait gémir dans l'esclavage: ils méditent une vengeance atroce; ils engagent le roi de Coihuaean à leur confier sa fille unique pour être élevée dans le temple de Mexitli, et pour y être, apiès sa mort, adoiée comme la mère de ce dieu protecteur des Aztèques; ils ajoutent que c'est l'idole même qui déclare sa voloiité par Icul- bouclie. Le roi crédule accompagne sa fdle; il l'introduit dans l'enceinte ténébreuse du temple : là, les prêtres séparent la fille et le père ; un tumulte se fait entendre dans le sanctuaire ; le malheureux

99 VUES DES CORDILLÈRES,

Toi ne distingue pas les gcmissemens de sa fille expirante : on met un encensoir dans sa main; et, quelques momens après, on lui ordonne d'allumer le copal. A la prde lueur de la flamme qui s'élève, il reconnoît son enfant attaché à un poteau, la poitrine ensanglantée, sans mouvement et sans vie. Le désespoir le prive de l'usage de ses sens pour le reste de ses jours; il ne peut se venger, et les Golhues n'osent pas se mesurer avec un peuple qui se fait craindre par de tels excès de barbarie. La fille imm^olée est placée parmi les divifiités aztèques , sous le nom de Teteionan ', inhre des dieux , ou Tocitzin, notre grand mère j, déesse qu'il ne faut pas confondre avec Eve, ou la femme au serpent, appelée Tonantzin.

Dans l'ancien continent, partout on nous trouvons les traces de sacrifices humains, leur origine se perd dans la nuit des temps. L'histoire des Mexicains, au contraire, nous a conservé le récit des événemens qui ont donné un caractère féroce et sanguinaire au culte d'un peuple chez lequel on n'offroit primitivement à la divinité que des animaux ou les prémices des fruits. J'ai cru devoir lapporter ces traditions, qui ont sans doute un fond de vérité historique : liées intimement à l'étude des mœurs et du développement moral de notre espèce, elles me paroissent plus intéressantes que les contes puérils des Hindous sur les nombreuses ùicaniations de leurs divinités. Je ne déciderai cependant pas la question si le saciifice des quatre Xocbimilques a été effecti- vement le premier qu'on ait ofï'ert au dieu Mexitli, ou si les Aztèques n'avoient pas conservé quelque ancieime tradition , d'après laquelle ils imaginoient que le dieu de la gueire se plaisoit au sang des victimes humaines. Mexitli étoit venu au monde un dard dans la main droite, un l^ouclier dans la main gauche, et la tête couverte d'un casque orné de plumes vertes : en naissant, sa première action avoit été de tuer ses soeurs et ses frères. Pcnt-ètre, sous d'autres climats, avoit-on déjà rendu un culte sanguinaire à ce dieu terrible, appelé aussi TeizahitUl^ ou X cpouvanLe peut-être ce culte n avoit-il é'té interrompu que parce que l'on manquoit de prisonniers, et par conséquent de victimes, pendant (juc la nation, marchant sous les auspices de Mexitli, avanroit paisi- blement des montagnes de la Tarahumara an plateau cential dn Mexique.

Les guerres continuelles des Aztèques, depuis qu'ils s'étoient fixés sur les îlots du lac salé de Tezcuco, leur Iburnissoient un si grand nombre de victimes,

' CLA'viGiiHO, Toin. 1, p. i6G, iG8, 172: Tom. It, ji. 22.

ET MONUMENS DE l'amÉRIQUE. Q'j

Cjuo des sacrifices humains fureut oilei ts sans exception à toutes leurs divinités, même à QuetzalcoatI qui, comme le Bouddha des Hindoiix, avoit prêclié C(jntre cette exécrable coutume, et à la déesse des moissons, la Ccrès mexicaine, appelée Centeotl ou Tonacajohua, celle qui nourrit les hommes. Les ToLonaques, qui avoient adopté toute hi mjthologie toltèque et azlèqiie, distinguoient, comme de race différente, les divinités qui exigent un culte sang-uinaire , et la déesse des champs, qui ne demande que des offrandes de Aenrs et de fruits, des gerbes de maïs ou des oiseaux (|ui se nourrissent des grains de cette plante utile aux hommes. Une prophétie ancienne faisoit espérer à ce peuple une réforme bienllùsante dans les cérémonies religieuses: cette prophétie portoit t|ue Centeotl, qui est identique avec la belle Chri ou Lakchmi des Hindous, et que les Aztèques, de même que les Arcadiens, désignoient sous le nom de la Grande Déesse ou Déesse primitive {Tzinfeoll)^ triomplieroit à la fui de la férocité des autres dieux, et que les sacrifices humains feroient place aux offrandes innocentes des prémices des moissons. On croit reconnoitre, dans cette tradition des Totonaques, une lutte entre deux religions, un conflit entre l'ancienne divinité toltèque, douce et humaine, comme le peuple qui en avoit intioduit le culte, et les dieux féroces de cette horde guerrière, les Aztèques, C]ui ensanglantèrent les champs, les temples et les autels.

En lisant les lettres de Cortez à l'empereur Cliarles-Quint, les mémoiies de Bernai Diaz, de Motolinia et d'autres auteurs espagnols qui ont observé les Mexicains avant les changemens qu'ils ont épiouvés par leurs commu- nications avec l'Europe, on est étonné qu'une férocité extrême dans les cérémonies religieuses puisse se trouver chez un peuple dont fétat social et politique rappelle, sous d'autres rapports, la civilisation des Chinois et des Japonois. Les Aztèques ne se contentoient pas de teindre de sang leurs idoles, comme font encore les Chamans tartares, qui cependant ne sacrifient aux Nogats que des bœufs et des moutons; ils dévoroient même une partie du cadavre que les prêtres jetoient au bas de l'escalier du téocalli, après en avoir arraché le cœur. On ne peut s'occuper de ces oljjets sans se demander si ces coutumes barbares, que l'on retrouve aussi dans les îles de la mer du Sud, chez des peuples dont la douceur des mœurs nous a été trop

GoMiiiA, Chroliica gênerai de las Iiidias (édilion de i355), Tom. Il, fol. i54-

y8 VUES DES COUDILEÈRES,

vantée, îairoicnt cesso d'elles-mêmes, si les Mexicains', sans nvoif aucune communication avec les Espagnols, avoient continue à faire des piogrès vers la civilisation. Il est probable cjue cette réforme bienfaisante dans leur culte, ce triomphe de la déesse des moissons sur les dieux du carnage, n'auroit eu lieu que très-tard.

Dans rAmérique méridionale, le peuple le plus puissant, les Péruviens, suivoit le culte du soleil. Les guerres les plus cruelles furent entreprises par les Incas pour introduire une religion douce et paisible; les sacrifices humains cessèrent partout oi'i les descendans de Manco-Capac apportèrent leurs lois, leurs divisions en castes, leurs langues et leur despotisme monastique. Dans le pa^-s d'Anahuac, le culte sanguinaire d Huitzilopochtli devint dominant à mesure que l'empiie mexicain engloutissoit tous les états voisins. La grandeur de cet empire étoit (ondée sur une coalition intime de la classe des prêtres avec la noblesse destinée au métier des armes. Le grand-prêtre Teoteuctli {Seigneur divin) étoit généralement un prince du sang i-ojal; aucune guerre ne pouvoit être entrepiise sans son aveu. Les pi ètres même alloient au combat, et étoient élevés aux premières dignités dans l'armée^: leur influence devînt par aussi puissante que celle des patriciens romains, qui avoient le droit exclusif des augures, et dans lesquels un auteur célèbre^ a cru recoimoître les traces d'une institution politique des Hïndoux,

Au Mexique, le nombre et le pouvoir des pL-êtres (teopijcquis) et des moines {tlamacazques) étoient presque aussi grands qu'ils le sont aujourd'hui au Tibet et au Japon, tout ce qui étoit l eHet du fanatisme religieux ne pouvoit éprouver que des changemens infiniment lents. L'histoire nous prouve que l'usage barbare des sacrifices humains s'est même conservé long-temps parmi les peuples les plus avancés en civilisation. Les peintures trouvées dans les tombeaux des rois à Thèbes, ne laissent aucun doute que ces sacrifices ne fussent en usage parmi les Egyptiens^. Nous avons déjà observé plus haut, qu'anciennement dans l'Inde, la déesse Càli demandoit des victimes humaines, comme Satuine en exigeoit à Carthage. A Rome, après la bataille de Cannes,

' Langlès, Rituel tics Tatars-Mantclioiix, p. 18.

Peintures hiéroglyphiques du Recueil de Mendo/.i. Thevesot, Tom. IV, fol. Sj. ' ScHLEGEL, Weisheit der Indier, s. 190.

* Vojajje de Dewon , p. 298, Pl. cxxu, n." 2. Dùcade Égj-plienne, Tenu. TTT, p. 1 10.

ET 510rsU]ME>JS DE L'AMÉllU^Cfc:. Qg

lia Gaulois et une Gauloise fiiieut enterrés vivans, et rempeioiir Claiitle se vit obligé de défendre, par une loi expresse, de sacrifier des hommes dans l'empii-e romain'. Mais il y a plus encore : ne vojons-nous pas, dans les temps moins reculés, les edets barbares de l intoléiance religieuse, au milieu d'une grande civilisation de l'espèce humaine, à répocjue d'un adoucissement général de caractère et de mœurs? Quelle que soit la différence que pré- sentent les peuples dans les progrès de leur culture, le liinatisme et l'intérêt conservent leur pouvoir funeste. La postérité aiEia de la peine à concevoir que, dans l'Europe policée, sous l'influence d'une religion qui, par la natuie de ses principes, favorise la liberté et proclame les droits sacrés de l'humanité, il existe des lois qui sanctionnent l'esclavage des noirs, qui permettent au colon d'arracher l'enfant des bras de sa mère , pour le vendre dans une terre lointaine. Ces considérations nous prouvent, et ce résultat n'est pas consolant, que des nations entières peuvent avancer rapidement vers la civilisation, sans que les institutions politiques et les formes de leur culte perdent entièrement leur ancienne barbarie.

Le n." vm indique la cérémonie d'allumer le nouveau feu, lors de la pro- cession qui se faisoit tous les cinquante-deux ans au sommet d'une montagne, près Iztapalapan.

C'est à la fin de chaque cycle que se faisoit l'intercalation, tantôt de douze, tantôt de treize jours. Le peuple s'attendant en même temps à la quatrième destruction du soleil et de la terre^ étèignoit tous les feux, jusqu'à ce qu'au commencement du nouveau cjcle, les prêtres en allumassent de nouveaux. La peinture indique une victime étendue sur la pierre de sacrifice, ayant un disque de bois sur la poitrine, que le teopisqul enflamme par flottement. L'hiéi'ogljphe du ciel étoile, que l'on distingue sur la page précédente du Recueil Borgien, paroît faire allusion à la culmination des Pléiades. Nous reviendrons plus bas, en donnant l'explication de la vingt-troisième planche, sur le rapport que l'on assure avoii' existé entre cette culmination et le commencement du cycle.

L'art de Giiie du icu, en frottant deux espèces de bois d'une dureté difféiente, est d'une haute antitpiité. On le trouve chez les peuples des deux

SuETON., C. XYV (ed, Woir., Vol.I, p. 48). ?L.N. Hist. Nat., Lib. x.vxi, Ci; Lib.vtii, C. xxu. Teutl-luak. Apologt;!. advcrsus génies, C. !x (ed. Palmcr, i684, p. 4i ). Lactant. Div. Iiislit., Lil». i , C. x.xi.

VUES DES CORDILLÈRES,

coutlnens: dans les temps homériques, selon M. Viscoiili, on en attribua rinveiitioii à Mercure'. Le disque qui repose sur le cojps de la victime, et dans lequel le prêtre tourne le bois cylindrique, est le cro^svç des Grecs'. Pline alTlrme que, de tontes les substances lig-neuses, le lierre est celle qui s'enflamme le mieux lorsqu'on la frotte avec le bois de lauiier^. Nous avons trouvé ces TrupsTa cbez les Indiens de i'Oiénoque. Il faut une grande rapidité de mouvement pour élever la tempéiatuie jusqu'au degré de l'incandescence.

N." iX. Figuie d'un roi mort, entouré de quatre drapeaux, l'œil fermé, pas de mains, les pieds enveloppés. La chaise est le siège royal, appelé tlatocaicpalU, sur lequel on repiésente, dans le Codex Borgianus (fol. 9), Adam ou l'onacateuctli, le Seigneur de notre chair, et Eve ou Tonacacihua. Ce caractère hiérogljpbic[ue se trouve figuré dans l'almanach rituel, à la page qui indique le cycle de treize jours, pendant lequel le soleil passe au zénith de Mexico.

N." X. Une allégorie qui rappelle les purifications de l'Inde. Une divinité, dont l'énorme nez est orné de la figure de la couleuvre à deux tètes on de l'ampliisbène mystérieux, porte en sa main un xiquîpilli on une bourse d'encens; on volt sur son dos un vase cassé, d'où sort un serpent : un autre serpent, saignant et mis en pièces, se trouve devant lui; un troisième serpent, également coupé en morceaux, est renfermé dans une caisse remplie d'eau, de laquelle s'élève une plante. On découvre, à dioite, un homme phicé dans un pot; à gauche, une femme ornée de fleurs, vraisemblablement la voluptueuse l'iamezquimilli, que l'on représente aussi les yeux bandés. Sur la même page on trouve des agaves qui rendent du sang lorsqu'on les coupe. Cette allégorie fait-elle allusion au serpent qui empoisonne l'eau, la source de toute vie organique^, à la victoire de Krichna sur le dragon Kaliya, à la séduction et à la purification par le feu? Il est évident que la figure du serpent, dans les peintures mexicaines, indique deux idées très-différentes. Dans les reliefs qui indiquent la division de l'année et des cycles, cette figure n'exprime

' HoMKK. Hjmn. in Mercnr., v. uo, \

' Apollon. Rhod. Argonaul., Lib. I, v. 1184, et Schol. ad t-iim.

' Plin. Hist. nat., xu, 77. Seneca, Nat. Quœst. II, 23. Theophr-, v. 10.

< Paulliisus de s. BAUTnciLonLEo, Codices Avciises, p. 2j5.

ET MONUMENS DE l'amÉRIQUE. 10 1

que le temps, œvum. Le serpent reprcsenté en rapport ;ivcc la mère des hommes (Cihuacoluiatl ) , ou terrassé par le Grand Esprit Teotl, lorstpi'il prend la forme d'une des divinités subalternes, est le génie du mal, un véritable KctKo^ct'if^cûV. Chez les Egyptiens, ce n'étoit pas l'biéiogl^'plie du serpent', mais celui de I hippopotame qui expiimoit cette dernière idée.

Les figures sans vctemens, comme celle du groupe n." x, et la déesse de la volupté, appelée Ixciuna ou Tlazolteucihua'' , sont extièmement rares dans les peintures mexicaines. En général, les peuples barbares donnent des vêtemens à leurs statues ; c'est un raffinement de l'art, de présenter le corps nu dans la beauté naturelle de ses formes. Il est très-remarquable aussi que parmi les liiéroglypbes mexicains on ne découvre absolument rien qui annonce le symbole de la force génératrice, ou le culte du li/igam, qui est répandu dans l'Inde et parmi toutes les nations qui ont eu des rappttrts avec les Hindoux. M. Zoega a observé que l'emblème du phallus ne se trouve pas non plus dans les ouvrages égyptiens d'une haute antiquité; il a cm pouvoir en conclure que ce culte est moins ancien qu'on ne le suppose. Cette assertion est cependant contraire aux notions que Hamilton, sir William Jones et M. Schlegel ont puisées dans le Sîva Pouràna^, dans le Kàsl Khauda, et dans plusieurs auties ouvrages écrits en langue sanskrit. On ne sauroit douter que l'adoration des douze lingams, venus du sommet de l'Imaiis (Himâvata), ne remonte jusqu'à l'époque des premières traditions des Hindoux. Au milieu de tant d'autres lapports qui annoncent d^anciennes communications entre TAsie orientale et le nouveau continent, on doit être surpris de ne pas trouver dans ce deinier quelques traces du culte du phallus. M. Langlès'^ observe expressément que, dans l'Inde, les Faichnavaj ou sectateurs de Vichnou, ont horreur de cet emblème de la force productrice, que l'on adore dans les temples de Sîva et de son épouse, la déesse de l'abondance, Bhavànî. Ne pourrolt-on pas sup- poser qu'il existe également parmi les Bouddhistes exilés dans le nord-est de l'Asie, une secte qui rejette le culte du lingamj et que c'est de ce Bouddhisme épuré qu'on retrouve quelques foibles traces parmi les peuples américains?

Zoega, p. 443, n. 33.

' Codex Borg., Mss. fol. y5.

' Catalogue des manusciîts sanskrits de la Bibliothèque impériale, p. Sti et 5o. * Recherches asiatiques, Tom. I, p. 2i3.

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103 TUliS DES CORDILLÈRES,

PLANCHE XVI.

/''«e lia ChimhorasQ et du Curguairazo.

La Cordillère des Andes tantôt se divise en plusienrs branches, séparées les unes des autres par des vallées longitudinales, tantôt elle ne forme qu'une seule masse, hérissée de cimes volcaniques. En décrivant plus haut le passage de la montagne de Quindiu (Pl. v), nous avons essajé de donner un aperça géologique de la raniilieation des Cordillères dans le rojaume de la Nouvelle-Grenade, entre les 5o' et i5' de latitude boréale. Nous avons observé en même temps que les grandes vallées placées entre les deux branches latérales et la chaîne dn centre, sont les bassins de deux rivières considérables, dont le fond est encore moins élevé au-dessus du niveau de l'Océan que le lit du Rhône, dont les eaux ont creusé la vallée (le Sion, dans les Hautes-Alpes. En avançant de Popa_yan vers le sud, on voit, sur le plateau aride de la province de los Pastos, les trois chaînons des Andes se confondre dans lui même groupe qui se prolonge bien au delà de l'équateur.

Ce groupe, dans le royaume de Quito, ofiie un aspect pailieulier depuis la rivière de Chota, qui serpente dans des montagnes du roche basaltique, jusqu'au Paramo de l'Assuaj', sur lequel s'élèvent de mémorables restes de farchitecture péruvienne. Les sommets les plus élevés sont rangés en deux liles qui forment comme une double crête de la Cordillère : ces cimes colossales et couvertes de glaces éternelles ont servi de signaux dans les opérations des académiciens franeois, lors de la mesure du degré équatorial. Leur disposition s^'métrique, sur deux lignes dirigées du nord au sud, les a fait considérer |iar Bouguer comme deux chaînons de montagnes séparées par une vallée longitudinale : niais ce tpie cet astronome célèbre nomme le fond d'une vallée, est le dos même des Andes; c'est un plateau dont la hauteui' absolue est de deux mille sept cents à deux mille neuf cents mèties. Il ne faut pas confondre une double ciète avec une véiitablc ramilicatlon des Cordillèies.

La plaine couverte de pierre ponce, qui forme le premier plan du dessin dont nous donnons ici la description, fait partie de ce plateau qui sépare la

ET MONUMENT DE l'A!\iÉIî.IQI: fc'.. Io5

crête occidentale de la ciéto orientale des Andes de Quito. C'est dans ces plaines que se trouve concentrée la population de ce pays merveilleux; c'est que sont placées des villes qui comptent trente à cin([uantc mille habitans. Lorsqu'on a vécu pendant quelques mois SLEr ce plateau élevi-, le baiomèti e se soutient à o"',54 ou à vingt pouces de hauteur, on épiouvo irrésistiblement une illusion extraordinaire : on oublie peu à peu que tout ce qui environne l'observateur, ces villages annonçant l'indushie d'un peuple montagnaid, ces pâturages couverts à la fois de troupeaux de lamas et de brebis d'Europe, ces vergers bordés de haies vives de Duranta et de Barnadesia, ces champs labourés avec soin et promettant de liches moissons de céréales, se trouvent comme suspendus dans les hautes régions de l'atmosphère; on se rappelle à peine que le sol que l'on habite est plus élevé au-dessus des cotes voisines de l'Océan Pacitique, que ne l est le sommet du Canigou au-dessus du bassin de la Méditerranée.

En regardant le dos des Cordillères comme inie vaste plaine boinée par des rideaux de montagnes éloignées, on s'accoutume à considérer les inégalités de la crête des Andes comme autant de cimes isolées. Le Picbincha, le Ca^ambe, lu Cotopaxi, tous ces pics volcaniques que l'on désigne par des noms particuliers, quoiqu'il plus de la moitié de leur hauteur totale ils ne constituent qu'une seule masse, paroissent, aux jeux de l'habitaTit de Quito, autant de montagnes distinctes qui s'élèvent au milieu d'une plaine dénuée de forêts : cette illusion est d'autant plus complète^ que les dentelures de la double crête des Cordillères vont jusqu'au niveau des hautes plaines habitées; aussi les Andes ne présentent- elles l'aspect d'une chaîne fpu; lorsqu'on les voit de loin, des côtes du Grand-Océan ou des savanes c|ui s'étendent jusqu'au pied de leur pente orientale. Placé sul- le dos des Cordillères même, soit dans le rojanme de Quito ou dans la pLOvince de los Pastos, soit plus au nord encore, dans l'intérieur de la Nouvelle-Espagne, on ne voit qu'un amas de cimes éparscs, des groupes de montagnes isolées c[ui se détachent du plateau central: plus grande est la masse des Cordillères, et plus il est difficile de saisir l'ensemble de leur structure et de leur forme.

Cependant l'étude de cette forme, j'oserois dire de cette physionomie des montagnes, est facilitée singulièrement par la direction des hautes plaines qui constituent le dos des Andes. Lorsqu'on voyage depuis la ville de Quito jusqu'au

I04 VUIlS des COnOlLL^RKS,

Paraiiio tie l'AssLinj, on voit paroîtie successivement, et sur une longueur de trente-sept lieues, à l'ouest, les cimes de Casitagua, Picliinclia, Atacazo, Gorazon, Iliiiiza, Carguairazo , Chimborazo et Cuiiambaj; à Test, les cimes tle Guamani, Antisaiia, Passuchoa, Uumiîiavi, Cotopaxi, QuelendaTia, Tunguialuia et Gapa-Urcu, qui, à Texception de trois ou quatie, sont toutes plus élevées que le Mont-Blanc. Ces montagnes sont rangées de manière que, vues du plateau central, loin de se couvrir mutuellement, elles se piésentent au rontiaire dans leur véritable forme, comme projetées sur la voûte azuiée du ciel ; on cioiL \oir dans un même plan veitical leur sommet et leur pic; elles rappellent le spectacle imposant des côtes du Nouveau -Norfolk et de la rivière de Gook; elles paroissent comme un rivage escarpé qui, s'élevant du sein des eaux, semble d'autant moins éloigné qu'aucun objet n'est placé entre le livage et l'œil de 1 observateiu-.

Mais si la structure des Gordillèies et la forme du plateau cential favorisent les obsei vations géologii|ues ; si elles fournissent aux vojageurs ]a facilité d'examiner de tiés-pics les contours de la double crête des Andes, l'énorme élévation de ce même plateau fait aussi paroître plus petites des cimes qui, placées sur des îlots, éparses dans l'immensité des mers, cojimie le Mowna- Roa et le pic de Ténérilfe, en imposeroient davantage par leur ell'rayante hauteur. La jilaine de Tapia, ([ue l'on découvre sur le prejiiier plan de la seizième Planche, et dans laquelle j'ai dessiné, près de Riobandja-Nuevo, le groupe du Gbimborazo et du Garguairazo, a une bauteiu' absolue de deux mille huit cent cpiatre- vingt-onze mètres (quatorze cent <]uatre- vingt- tr<jîs toises); elle n'est que d'un sixième moins élevée que la cime de l'Etna. Le sommet du Chimborazo n'excède par conséquent la hauteur de ce plateau que de trois mille six cent quarante mètres, ce cpii fait quntic-vingt-<|uatre mètres de moins (jue la hauteiu- tle la cime du Mont-Blanc au-dessus du prieuié de Gbamonix ; car la dillthencc entre le Ghimboi-azo et le Mont-Blanc est à peu près égale à celle qu'on observe entie l'élévation du plateau de l'apia et le fond de la vallée de Chamonix. La cime du pic de Ténériffe, compaiée au niveau de la ville de l'Orotava, est encore phis élevée que le Chimborazo et le Mont-Blanc ne le sont au-dessus de Riobamba et de Chamonix.

Des montagnes qui nous étonneroient par leur hauteur, si elles étoient placées au bord de la mer, ne paroissent que des collines si elles s'(-lèvenl

ET MONUMENS DE l'amÉRIQUE. Io5

du dos des Cordillères : Quito, par exemple, est adosse à un petit cône ;ippelé Javirac, et qui ne paroit pas plus eîcvc aux liabitans de cetle ville, (jue Montmartre ou les hauteurs de Meudon ne le paroissent aux liabitans de Paris: ce cône du Javlrac, d'après ma mesure, a cependant trois mille cent vingt- un mètres (seize cents toises) de hauteur absolue; il est presque aussi clcYé que le sommet du Marboré, une des plus hautes cimes de la chaîne des Pyrénées.

Malgré les effets de cette illusion, pioduite par la hauteur des plateaux de Quito, de Mulalo et de Riobamba, on chercheroit en vain, près des côtes ou sur la pente orientale du Chimborazo, un endroit qui ofTiît une vue aussi magnifique de la Coidillère, que celle dont j'ai joui, pendant j>lusieurs semaines, dans la plaine de Tapia. Lorsqu'on est placé sur le dos des Andes, entre la double crête que forment les cimes colossales du Chimborazo, du Tungurahua et du Cotopaxi, on est encore assez rapproché de leurs sommets pour les voir sous des angles de hauteur très -considérables : mais, eu des- cendant vers les forêts qui entourent le pied des Cordillères , ces angles deviennent très-petits; car, à cause de l'énorme masse des montagnes, on s'éloigne rapidement des sommets, à mesure que Ton s'approche du niveau de l'Océan.

J'ai dessiné les contours du Chimborazo et du Carguairazo, en employant les mêmes moyens giaphiques que j'ai indiqués plus haut, lorsque j'ai parlé du dessin de Cotopaxi. La ligne qui maïque la limite iuféiieuie des neiges perpétuelles se trouve à une hauteur qui excède un peu celle du Mont-Blanc; car cette dernière montagne, placée sous l'équateur, ne se couvriroit de neiges qu'accidentellement. La températiuc constante qui règne sous cette zone fait c]ue la limite des glaces éternelles n'ofîre pas ces irre'gularités que l'on observe dans les Alpes et dans les Pyrénées. C'est à la pente scptenti ionale du Chimborazo, entre cette montagne et le Carguairazo, que passe le chemin qui conduit de Quito à Guayaquil, vers les côtes de l'Océan Pacifique. Les mamelons couveits de neiges qui s'élèvent de ce côté, rappellent, par leur forme, celle du dôme de Goûté, vu de la vallée de Chamonix. C'est sur une arête étroite qui sort du milieu des neiges, sur la pente méridionale, que nous avons tenté de parvenir, non sans danger, MM. Bonpland, Montufar et moi, à la cime du Chimborazo, Nous avons porté des instrumens à UEie hauteur considérable, quoique nous fussions entourés d'onc bnnne épaisse,

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Io6 VUES DES CORDILLÈnES,

et fort incommodes par la grande rareté de Tair. Le point nous nous sommes arrêtés pour observer riiiclinaison de raigiiillc aimantée, paroït plus élevé cpie tous ceux auxquels des hommes étoient parvenus sur le dos des montagnes: il excède de onze cents mètres la eime du Mont-Blanc, le plus savant el le pins intrépide des voyageurs, M, de Saussure, a en le bonheur d'airiver, en luttant contie des ditlicultés encore plus grandes cjue celles que nous avions à vaincre près de la cime du Chimborazo. Ces excursions pénibles , dont les récits excitent généralement Tintérét du public, n'oirrent qu'un très-petit nombre de résultats utiles an progrès des sciences, le vojageur se trouvant sur un sol couvert de neiges, dans une couche d'air dont le mélange chimique est le même cpie celui des basses régions, et dans une situation des expériences délicates ne peuvent se faire avec toute la précision requise.

En comparant les Planches v, x et xrvi de cet ouvrage avec celles de l'Atlas géogiaphique et physique qui accompagne mon Essai sur le ro_)'aunie de la Nouvelle- Espagne, on distingue trois espèces de formes principales qu'alTectent les hautes cimes des Andes. Les volcans encore actifs, ceux qui n ont qu'un seid cratère d une largeur extraoïdinaire, sont des montagnes coniques à sommets plus ou moins tronqués: telle est la figure du Cotopaxi, du Popocatepec et du pic d'Orizaba. Des volcans, dont le soiTimet s'est alïaissé après une longue suite d'éruptions, présentent des créles hérissées de pointes, des aiguilles inclinées, des rochers brisés et qui menacent ruine. Cette forme est celle de l'Altar ou Capac-Urcu, montagne jadis plus élevée que le Cliimborazo, et dont la destruction désigne une époque mémoL-able dans l'histoire pli_ysicpie du nouveau continent: c'est aussi la forme du Carguairazo, écroulé en grande paitic dans la nuit du 19 juillet 1698. Bes torrens d'eau el des éjections boueuses sont sortis alors des flancs entr'ouverts de la montagne, et ont rendu stériles les campagnes environnantes. Cette catastLophe horrible a été accomjiagnée d'un tremblement de terre qui, dans les villes voisines d'Hambato et de Llactacunga, a englouti des milliers d'habitans.

Une troisième forme des hautes cimes des Andes, et la plus majestueuse de toutes, est celle du Chimborazo, dont le sommet est ariondi : elle rappelle ces mamelons dépourvus de cratères, que la force élastique des vapeurs

ET MONUMENS DE l'amÉRIQUE. lO'J

soulève clans des régions la croûte caverneuse du globe esl iTiiiice par des feux sonterraiiis. L'aspect des montagnes de granité n'()frie qu'une foihie analogie avec celui du Cliimborazo. Les sommets granitiques sont des liëmi- spKères aplatis; les porphyres trapéens forment d.es coupoles élancées. C'est ainsi qu'au bord de la mer du Sud, après les longues pluies de l'biver, lorsque la transparence de l'air a augmenté subitement, on voit paioître le Ghimborazo comme un nuage à l'horizon : il se détache des cimes voisines ; il s'élève sur toute la cbainc des Andes, comme ce dome majestueux, ouvrage du génie de Micliel- Ange, sur les monnniens antiques qui environnent le Capitole.

PLANCHE XVII.

3fonume?it péruvien du Caùar.

Les hautes plaines qui se prolongent sur le dos des Coidlllèies , depuis l'équateur jusque vers les 5" de latitude austiale, aboutissent à une masse de montagnes élevées de quatre mille cinq cents à quatre mille liuit cents mèties, et qui, comme une digue énorme, réunissent la crête orientale à la crête occidentale des Andes tle Quito. Ce groupe de montagnes, dans lequel le porph_yre couvre le schiste micacé et d'autres rocîies de formation primitive, est connu sons le nom du Paramo del Assiiay, Nous avons été foicés de le traverser pour parvenir de Riobamba l\ Guencai et à ces belles forêts de Loxa, (pii sont si célèbres par leur abondance en cjuinquina. Le passage de l'Assuay est redoutable surtout dans les miîls de juin, de juillet et d'noùl, tombe ime immense quantité de neige, et souillent, dans ces contrées, les vents glacés du Sud. Comme la grande route, d'api'ès les mesures que j'ai faites en 1802, passe presque à la hauteur du Mont-Blanc, les vo^'ageuis y sont exposés à un froid excessif, et il n'y a pas d'année qu'il n'en péiisse quelques- uns par l'elfet de la tourmente. C'est au milieu de ce passage, à la hauteur absolue de quatre mille mètres, qu'on traverse une plaine dont l'étendue est de plus de six lieues cairées. Cette plaine (et ce fait remarquable jette quelque jour sur la formation des plateaux élevés) se tiouve prestjue au niveau des savanes dont est entourée la partie du volcan d'Antisana, qui est couveite

I08 VUES DES COnBTI.t.ÈRES,

de neiges éternelles. Les plateaux de l'ÂssLiaj et de FAntisana, dont la consti- tution géologique olFie des rapports si fiappans, sont cependant éloignés de plus de cinquante lieues les uns des autres ; ils reiifern^ent des lacs d'eau douce d'une grande profondeur, et bordés d'un gazon touffu de graminées alpines, mais dont aucun poisson et presque aucun insecte aquatique ne vivifient la solitiide.

Le Llano del Piillal ( c'est le nom que l'on donne aux hautes plaines de l'Assuay ) a un sol excessivement marécageux. Nous avons été surpris d'y trouver', et à des hauteurs qui surpassent de beaucoup celle de la cime du pic de Ténériffe, les restes magnifiques d'un chemin construit par les Incas du Pérou. Cette chaussée, bordée de grandes pierres de taille, peut être comparée aux plus belles routes des Romains que j'aie vues en Italie, en France et en Espagne : elle est parfaitement allignée, et conserve la même direction à six ou huit mille mètres de longueur. Nous en avons observé la continuation près de Caxamarca, à cent vingt lieues an sud de TAssnay, et l'on croit, dans le pays, qu'elle conduisoit jusqu'à la ville du Guzco. Près de ce chemin de l'Assuaj, à la hauteur absolue de quatre mille quarante-deux mètres ( deux mille soixante- quatorze toises), se trouvent les ruines du palais de flnca Tupayupangi, dont les masures, appelées vulgaiiemcnt los paredojies , n'ont que peu d'élévation.

En descendant du Paramo de l Assuay vers le sud, on découvre, entie les fermes de Turche et de Burgay, un antre monument de l ancienne architecture péruvienne, connu sous le nom d'Tngapilca^ ou de la forteresse du Gaïdar. Cette forteresse, si l'on peut nommer ainsi une colline terminée par une plate-forme, est bien moins remarquable pai' sa grandeur que par sa parfaite conservation. Un mur construit de grosses pici'res de taille s'élève à la hauteur de cinq à six mètres; il forme un ovale très-régulier, dont le grand axe a près de trente-huit mètres de longueur ; l'intérieur de cet ovale est un terre-plein couvert d'ime belle végétation, qui augmente l'eflèt pittoresque du pajsngc. Au centre de l'enceinte s'élève une maison qui ne renferme que deux appar- temens, et qui a près de sept mètres de hauteur : cette maison et l'enceinte représentées sur la seizième Planche appartiennent à un système de murs et de fortifications dont nous parlerons plus bas, et qui ont plus de cent cinquante mètres de long. La coupe des pierres, la disposition des portes et des niches, l'annlogle parfaite qui règne entre cet édifice et ceux du Cuzco,

ET MONUMENS DE l'amÉUH^UE. IO9

ne laissent aucun doute sur l'oiigiiie de ce monument milUaîrej qui servoit au logement des Incas lorsque ces princes passoient de teinps en temps du Pérou au royavune de Quito. Les fondations d'un grand nombre d'édifices que l'on trouve autour de l'enceinte, annoncent qu'il y avoit jadis au Caîlar assez de place pour loger le petit corps d'armée dont les Incas étoient généralement suivis dans leurs voyages. C'est dans ces fondations que j'ai trouvé une pierre taillée avec beaucoup d'art, et représentée sur le devant du tableau à gauche: je n'ai pu deviner l'usage de cette coupe paiticulière.

Ce qui frappe le plus dans ce petit monument, entouré de quelques troncs de schinus inolle, c'est la forme de son toit, qui lui donne une ressemblance parfaite avec les maisons européennes. Un des premiers histo- riens de l'Amérique, Pedro de Cieça de Léon, qui commença à décrire ses voyages en iS.^i, parle en détail de plusieurs maisons de l'Inca , dans la province de los Ca/îares. Il dit expressément ' « que les édifices de « Thomebamba ont une couverture de joncs si bien faite, que si le feu ne « la consume pas, elle peut se conserver, sans altération, pendant des « siècles. » D'après cette observation, on doit être porté à croire que le pignon de la maison de Caîïar a été ajouté après la conquête : ce qui semble surtout favoriser cette hypothèse, c'est l'existence des fenêtres ouvertes pratiquées dans cette partie du bâtiment; car il est certain que dans les édifices d'ancienne fabrit[ne péruvienne on ne trouve jamais de fenêtres, non plus que dans les restes des maisons de Pompeia et d'Herculanum.

M. de La Condaniine, dans un mémoire très-intéressant sur quelques anciens monumens du Pérou', incline aussi à croire que le pignon que l'on observe sur le petit monument du Cafiar, n'est pas du temps des Incas. 11 dit « qu'il « est peut-être de fabrique moderne, et qu'il n'est pas de pierre de taille « comme le reste des murs, mais d'une espèce de briques séchées à l'air « et pétries de paille. » Le même savant ajoute, dans un autre endroit, que l'usage de ces briques, auxquelles les Indiens donnent le nom de tica, étoit connu aux Péruviens long-temps avant l'arrivée des Espagnols, et que par cette raison le haut du pignon pourroit être de construction ancienne, q^uoique formé de briques.

' Pedro Cieca de Léon, Chronica del Peru (Anvers, i554-), Tom. I, C. xliv, p. lïo. Mémoires tle l'académie de Berlin, 1746, p. 444-

IIO VUES DES CORDILLÈRES,

Je regrette beaucoup de n'avoir pas connu le mémoire de M. de La Condamine avant mon vojage en Amérique : je suis bien éloigné de jeter des doutes sur les observations de ce vo_yageur célèbre, que ses travaux ont forcé de séjourner long-temps dans les environs du Canai', et qui a eu bien plus de loisir que moi pour examiner ce monument. Je suis surpiis cependant qu'en agitant sur les lieux mêmes la question si le toit de cet édifice a été ajouté du temps des Espagnols, ni M. Bonpland ni moi n'ayons été frappés de la différence de construction que l'on prétend exister entie le mur et le haut du pignon. Je n'y ai pas l ecoimu tle briques ( licas ou adobes ) ; j'ai cru simplement y reconnoître des pierres de taille enduites d'une espèce de stuc jaunâtre, facile à détacher, et enchâssant de Yïchu ou de la paille coupée. Le maître d'une ferme voisine, dont nous fumes accompagnés dans notre excursion aux ruines du Canar, se vanta que ses ancêtres avoient beaucoup contribué à la destruction de ces édifices : il nous raconta que le toit incliné avoit été couvert non à l'européenne, c'est-à-dire de tuiles, mais de dalles de pierre très-minces et très-bien polies. C'est cette circonstance surtout qui me fit pencher alors pour l'opinion, probablement erronée, qu'à l'exception des quatie fenêtres, le reste de l'édifice étoit tel qu'il avoit étc construit du temps des ïncas. Quoi qu'il en soit, il faut convenir que l'usage des toits à angles aigus auroit été bien utile dans un pays de montagnes dans Icipiel les pluies sont très-abondantes. Ces toits inclinés sont connus aux indigènes de la côte nord-ouest de l'Américpie; ils l'étoient même dans l'Europe australe, dans les temps les plus reculés , comme l'indiquent plusieurs monumens grecs et romains, surtout les reliefs de la colonne trajane, et les peintures de paysages trouvées à Pompeia, et conservées jadis dans la superbe collection de Portici. L'angle au faîte du toit est obtus chez les Grecs; il devient un angle droit chez les Romains, qui vivoient sous un ciel moins beau que celui de la Grèce: jdus on avance vers le nord, et plus les toits sont inclines.

Le dessin dont la gravure se trouve sur la dix-septième Planche, a été fait à Rome, d'après mon esquisse, par M. Gmelin, artiste justement célèbre par son talent et par la variété de ses connoissanccs : pendant mon derniei' séjour en Italie , il m'a honoré d'une amitié particulière, et je dois en grande partie à ses soins ce qui, dans cet ouvrage, pourroit ne pas paraître tout à fait indigne de fixer l'intérêt du pubhc.

ET MONUMENS DE l' AMERIQUE.

III

PLANCHE XVIII.

Rocher d'Inti-Guaicu.

En descendant de la colline dont le sommet est couronné par la forteresse du Caîïar, dans une vallée creusée par la rivière de Gulan, on trouve de petits sentiers taillés dans roc : ces sentiers conduisent à une crevasse qui, dans la langue cjuicliua, est appelée Inti-Gualcu ou le ravin du soleil. Dans ce lieu solitaire, ombragé par une belle et vigoureuse végétation, s'élève une masse isolée de giès, cpil n'a que quatre à cinq mètres de hauteur. Une des faces de ce petit rocher est remarquable par sa blancheur : il est taillé à pic, comme s'il eût été travaillé par la main de l'homme. C'est sur ce fond uni et blanc que Ton distingue des cercles concentriques qui représentent l'image du soleil, telle qu'au commencement de la civilisation on la voit figurée chez tous les peuples de la terre; les cercles sont d'un brun noirâtre : dans l'espace qu'ils renferment, on reconnoît des traits à demi effacés qui indiquent deux jeux et une bouche. Le pied du rocher est taillé en gradins qui conduisent à un siège pratiqué dans la même pierre, et placé de sorte que, du fond d'un creux, on peut contempler l'image du soleil.

Les Indigènes racontent que, lorsque Tlnca Tupayupangi s'avança avec son armée poui' faiie la conquête du roj'aume de Quito, gouverné alois par le Conchocando de Lican, les prêtres découviirent sue' la pierre l'image de la divinité dont le culte devoit être introduit chez les peuples conquis. Les habitans du Cuzco ciurent voir partout la ligure du soleil, comme les Chrétiens , sous toutes les zones,, ont vu peintes sur des rochers, soit des croix, soit la tiace du pied de l'apôtre Saint Thomas. Le prince et les soldats péruviens regardèrent la découverte de la pierre d'Inti-Guaicu comme un très-heureux présage : elle a contribué sans doute à engager les Incas à se construire une habitation au Cafîar; car il est connu que les descendans de Manco-Capac se regaidoient eux-mêmes comme les enfans de l'astre du jour: opinion qui olFre un rapprochement remarquable entre le premier législateur

112 A^UES DES CORDILLÈRES,

du Pérou et celui de l'Inde qui se nommoit aussi Faivasaouta ou Tds du soleil.

En examinant de près le rocher d'Inti-Guaicu , on découvre que les cercles concentriques sont de petits liions de mine de fer brune, très-communs dans toutes les formations de grès. Les traits qui indiquent les jeux et la bouche sont évidemment tracés au mojen d'un outil métallique : on doit supposer qu'ils ont été ajoutés par les prêtres péruviens, pour en imposer plus facilement au peuple. A l'arrivée des Espagnols, les missionnaires ont eu un grand intérêt de soustraire aux jeux des indigènes tout ce qui étoit l'objet d'une antique vénération ; aussi reconnoît-on encore les traces du ciseau emplojc pour effacer l'image du soleil.

D'après les lecberches intéressantes de M. Vater, le mot iîid, soleil, n'olïie de l'analogie avec aucun idiome connu de l'ancien continent. En général, sur quatre-vingt-trois langues américaines examinées par ce savant estimable et par M. Bartou, de Philadelphie, on n'a reconnu jusqu'à ce jour que cent trente-sept racines qui se retrouvent dans les langues de TAsie et de l'Europe; savoir, dans celles des Tartares-Mantchoux, des Mongols, des Celtes, des Basques et des Esthoniens. Ce résultat curieux paroît prouver ce (|ue nous avons avancé plus haut, en parlant de ]a mjthologie des Mexicains. On ne sauroit douter que la majeure partie des indigènes de TAméiique n'appartienne à une race d'hommes qui, séparée, dès le berceau du monde, du reste de l'espèce humaine, offre, dans la nature et la diversité de ses langues, comme dans ses traits et dans la conformation de son crùne, des preuves incontestables d'un long et parfait isolement.

PLANCHE XIX.

Ynga-Chuiigaim ; prés du Cohar.

Au nord des ruines du Caijar, s'élève un coicau dont la pente est très- douce vers la maison de flnca, tandis qu'il est presque taillé à pic du côté de la vallée de Gulan. D'après des tiaditions conservées parmi les indigènes,

' Menou II ou Satyavrala, Rechi-rches asialiqiws, Tom. I, p. 170; Toiii. II, p. 1-2. Paoliw. Systema Bradiman., p. i4i.

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ET MONUMENS DE l'aMF.KIQUE. I i3

cette colline faisoit partie des jardins qui entouroient l'ancienne forteresse péruvienne. Nous reconnûmes ici, comme près du raviji du soleil, un grand nombre de petits sentiers creusés par la main de Fliomme sur la pente d'un rocher qui est à peine couvert de terre végétale.

Près de Mexico, dans les jardins de Ghapoltepec, le voyageur européen contemple avec intérêt des cyprès' dont les troncs ont plus de seize mètres de circonférence, et que l'on croit, avec quelque probabilité, avoir été plantés par les rois de la dynastie aztèque. Dans les jardins de l'Inca, près du Caiiar, nous avons cherché vainement quelque arbre dont l'âge paiùt remonter à un demi-siècle ; rien n'annonce le séjour des Incas dans ces contrées, sinon un petit monument de pierre placé au bord id'un précipice, et sur la destination duquel les habitans du pays ne sont pas d'accord.

Ce petit monument, que l'on appelle le jeu de l inca, consiste en une seule masse de pierres. Les Péruviens ont employé, pour le construire, le même artifice que les Égyptiens pour sculpter le Sphinx de Djyzeh, dont Pline dit expressément : « e saxo natiœali elahorata. » Le rocher de grès quarzeux qui lui sert de base a été diminue, de manière qu'après avoir enlevé les couches qui en formoient le sommet, il n'en est resté qu'un siège entouré d'une enceinte, que l'on trouve représenté sur cette Planche. On doit être siiipils qu'un peuple qui entassoit un nombie prodigieux de pieires taillées dans la belle chaussée de l'Assuay, ait eu recours à un moyen aussi bizarre pour élever un mur d'un mètre de hauteur. Tous les ouvrages péruviens portent le caractère d'un peuple laborieux, qui aime à creuseï' le roc, qui cherche les difficullés pour montier son adresse à les vaincre, et qui imprime aux édifices les plus chétifs un caractère de solidité d'après lequel on pourroit croire qu'à une autre époque il eût élevé des monumens plus considérables.

\S Inga-Cliungana , vu de loin, ressemble à un canapé dont le dos est orné d'une sorte d'arabesque en forme de chaîne. En entrant dans l'enceinte ovale, on voit qu'il n'y a de siège que pour une seule personne, mais que cette personne est placée d'mie manlèie très-commode, et (lu'elle jouit de la vue la plus délicieuse sur le fond de la vallée de Gulan. Une petite rivière serpente dans cette vallée, et forrne plusieurs cascades dont on aperçoit l'écume à travers des touffes de gunnera et de melastomes. Ce siège rustique orneroit

11^ TUES DES CORIULLÈnKS,

les jardins rVErmcnonville et (le Riclimond, et le prince qui avoit choisi ce site n'étoit pas insensible aux beautés de la nature; il appartenoit à un peuple que nous n'avons pas le droit de nommer barbare.

Je na'i vu dans cette construction qu'un siège à dossier placé dans un lieu charmant, an bord d'un précipice, sur la pente rapide d'un coteau qui domine une vallée : de vieux Indiens, qui sont les antiquaires du pajs, trouvent cette explication trop simple; ils assurent que la chaîne sculptée en creux sur le boid de l'enceinte servoit à recevoir de petites boules qu'on y fiiisoit courir pour amuser le prince. On ne peut nier que le bord sur lequel se trouve l'arabesque a une certaine pente, et que la boule, le mur est sensiblement jjIus bas, auroit pu remonter autant qu'elle étoit descendue, si on l'avoit lancée avec force; mais au cas que cette hypothèse fût juste, ne trouveroit-on pas au bout de la chaîne quelque trou dans lequel les boules auroient été reçues à la fin de leur course ? L'endroit le mur de l'enceinte est le plus bas, le point opposé au siège, correspond à une ouverture que l'on voit dans le rocher au bord du précipice. Un sentier étioit, taillé dans le grès, conduit à cette grotte, dans laquelle, d'après la tradition des indigènes, il y a des trésors cachés par Ataliualpa : on assure qu'un filet d cnu couluit jadis sur ce sentier. Est-ce qu'il faut chercher le jeu de ÏInca, et l'enceinte étoit-elle placée de manière que le prince pût voir commodément ce qui se passoit sui' la pente rapide du rocher? Nous nous réservons de parler de cette grotte dans la relation de notre voyage au Pérou.

PLANCHE XX.

Intérieur de la maison de l'Inca, au Canar.

Cette Planche représente le plan et l'intérieur du petit bâtiment qui occupe le centre de l'esplanade dans la citadelle du Canar, et que M. de La Condamine a cru destiné à un corps-de-garde : j'ai mis d'autant plus de soin à donner de l'exactitude à ce dessin, qire les restes de l'architecture péirivienne , épars sur le dos de la Cordillère , depuis le Guzco j usqu'à Cayambe, ou depuis les iS" de latitude australe jusqu'à l'équateur, portent tous le même caractère dans la coupe des pierres, la forme des portes, la

ET MOWUMENS DE l'amÊIUQUE. 1i5

distribution symctriqtie des niches, et l'absence totale des ornemens extérieurs. Cette unifoi mite de construction est si gi ande , que toutes les liùtellcrics {tamhos) placées le long des grandes routes, et appelées, dans le pa^s, des maisons ou palais de l'Inca, paroissent avoir été copiées les unes des autres. L'architecture péruvienne ne s'élevoit pas au delà des besoins d'un peuple montagnard; elle ne connoissoit ni pilastres, ni colonnes, ni arcs en plein cintre: née dans un pays hérissé de rochers, sur des plateaux presque dénués d'arbres, elle n'imitoit pas, comme l'architecture des Grecs et des Romains, l'assemblage d'une charpente en bois : simplicité , s^'métrie et solidité , voilà les trois caractères par lesquels se distinguent avantageusement tous les édifices péruviens.

La citadelle du Caiiar et les bâtimens carrés qui l'entourent, ne sont pas constiuits de ce même grès quarzeux qui recouvre le schiste aiglleux et les porplijres de l'Assuay, et qui paroît au jour dans le jardin de Thica , en descendant veis la vallée de Gulan. Les pierres qui ont servi aux édifices du Caïiar, ne sont pas non plus du granité, comme M. de La Condamine l'a cru, mais un porphyre trapéen d'une grande dureté, enchâssant du feldspath vitreux et de l'amphibole. Peut - être ce porphyre a - 1- il été arraché des grandes carrières que l'on trouve à quatre mille mètres de hauteur, près du lac de la Culebrilla , à une distance de plus de trois lieues du Caiîar : il est certain du moins que ces carrières ont fourni la belle pierre employée dans la maison de l'Inca, située dans la plaine de PuUal, à une élévation qui égale presque celle qu'auroit le Puy-de-Dôme placé sur le sommet du Canlgou.

On ne trouve point dans les ruines du Canar de ces pierres d'ane énorme grandeur qu'oll'rent les édifices péruviens du Cuzco et des pays voisins. Acosta en a mesuré à Traquanaco qui avoient douze mètres (trente-huit pieds) de long, sur 5"', 8 (dix-huit pieds) de large, et i^jg (six pieds) d'épaisseur. Pedio Cieça de Léon en vit des mêmes dimensions dans les ruines de Tiahuanaco'. Dans la citadelle du Caiîar, je n'ai pas observé de pierres qui eussent au delà de vingt-six décimètres (huit pieds) de longueur. Elles sont, en général, bien moins remarquables par leur masse que par l'extrême beauté de leur coupe: la plupart sont jointes sans aucune apparence de ciment; cependant on reconnoît ce dernier dans quelques-uns des bâtimens qui entourent la citadelle,

Cieça,, Cbronica del Peru (Anvers, i554), p. 254-

Il6 VUES DF.S r,ORDÏl,T,Kni-,S,

et clans los trois maisons de l'Inca, au Pullal, dont chacnnc a plus de cinquante-huit mètres de long : il est formé d'un mélange de petites pierres et de marne argileuse, qui fait effeivescence avec les acides; c'est un vrai moitier, dont j'ai rctiii-, au moyen (.l'un couteau, des jjoitions consid(MabIes, en creusant dans les interstices que laissent les assises parallèles des pierres. Ce fait mérite quelque attention, parce que les voyageurs qui m'ont précédé ont tous assuré que les Péruviens ne connoissoient point l'usage du ciment; mais on a eu tort de supposer cette ignorance chez eux, de même que chez les anciens habitans de l'Egypte : les Péruviens n'employnient pas seulement un mortier marneux; dans les grands édil'ices de Pacaritamho ', ils ont fait usage d'un ciment d'asphalte {heiiiii), mode de construction qui , sur les bords de l'Euphrate et du Tigre, remonte à la plus haute antitjuité.

Le porphyre qui a servi aux édifices du Cai'ïar est taillé en parallélipipèdes, avec une telle perfection que les joints des pierres seroient imperceptibles, comme le remarque tiès-bicn M. de La Condamine% si leur sui flice extérieure étoit plane : mais la face extérieure de chaque pierre est légèrement convexe et coupée en biseau vers les bords; en sorte que les joints forment de petites cannelures qui servent d'ornemens, comme les se'parations des pierres dans les ouvrages lustiques. Cette coupe de pierres, que les architectes italiens appellent hugnato , se retrouve dans les ruines du Callo, près de Mulalo, je l'ai dessinée en détail^ : elle donne aux murs des édifices péruviens une grande ressemblance avec de certaines constructions romaines, par exemple, avec le muro di Neiva à Rome.

Ce qui caractérise surtout les monumens de l'architecture péruvienne, c'est la forme des portes, qui avoient généralement dix-neuf à vingt décimètres (six à huit jiieds) d'élévation, afm que l'Inca ou d'autres grands seigneurs pussent y passer, quoique portés dans un brancard sur les épaules de leurs vassaux. Les jambages de ces portes n'étoient pas parallèles, maïs inclinés, sans doute pour que l'on put employer des linteaux de pierre d'une moindre largeur. Les niches {hoco) pratiquées dans les murs, et servant d'armoires, imitent la forme de ces porte l'astremate : c'est l'inclinaison de leurs jambages qui donne

' CicçA, Clironicu tk'I Peru (Anvers, i554), p. 2^. Mémoires de l'académie de Berlin, 1746, p. 445. ' Voyez Pl. XXIV.

ET JVIONUMEiXS DE l'amÉRIQUE. ITJ

aux édifices péruviens une certaine ressemblance avec ceux de l'Égypto, dans lesquels les linteaux sont constamment plus courts que rouvertiue inférieure des portes. Entre les hocosj se trouvent des pierres cjlindriques , à surface polie, qui saillent liois du mur, à cinq déeimèti es de longueur : les indigènes nous ont assur(' (ju'elles servoient à suspendre des armes ou des vêtemens. On observe, en outre, dans les encoignures des murs, des traverses de porphjre d'une forme bizarre. M. de La Condamine croit qn^dles étoient destinées à lier les deux murs : j'incline plutôt à croire que les cordages des hamacs étoient attachés autour de ces tiaverses ; du moins les trouve-t-on en bois, et servant au même usage, dans toutes les cabanes des Indiens de l'Orénoque.

Les Péruviens ont montré une habileté étonnante à tailler les pierres les plus dures. An Catiar, on trouve des canaux courbes creusés dans !c porphyre pour suppléer aux gonds des portes. La Condamine et Bougiier ont vu, dans d'anciens édifices construits du temps des Incas, des ornemens de porphyre représentant des mufles d'animaux, dont les narines percées portoient des anneaux mobiles de la même pierre '. Lorsque je traversai la Cordillère par le Paramo de TAssuay, et que je vis ces énormes masses de pierre de taille tirées des carrières de poipliyrc du PuUal, et employées à construire les grandes routes de Tlnca, je commençai déjà à douter que les Péruviens n'eussent connu d'autres outils que des haches de caillou; je soupçonnai que le frottement n'étoit pas le seul moyen qu'ils avoîent employé pour aplanir les pierres ou pour leur donner une convexité régulière et uniforme : j'embrassai dès-lors une opinion contraire aux idées généralement reçues; je supposai que les Péruviens avoient eu des outils de cuivre, qui, mêlé dans une certaine proportion à Tétain, acquiert une grande dureté. Cette supposition s'est trouvée justifiée par la découverte d'un ancien ciseau péruvien trouvé à Vilcabamba, près du Cuzco, dans une mine d'argent travaillée du temps des Incas. Cet instrument précieux, que je dois à l'amitié du père Narcisse Gilbar, et que j'ai eu le bonheur de rapporter en Europe, a douze centimètres de long et deux de large : la matière dont il est composé a été anal;ysée par M. Vauquelin , qui y a trouvé 0,94 de cuivre et 0,06 d'étain. Ce cuivre tranchant des Péruviens est presque identique avec celui des haches gauloises, qui coupent le bois comme le fcroit de l'acier'.

' Mémoires de l'académie de Berlin, 17^6^ p. 45a, Tab. 7, f. 4-

* VoyeiB mon Essai politique sur la Nouvelle-Espagne) Tom. II, p. ù^^rs.

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Il8 VUES DES CORDILLÈRES,

Partout dans l'ancien continent, au commencement de la civilisation des peuples, l'usage du cuivre mêlé d'étain {œs^ x'^A)toç) a prcvalu sur celui du fer, même ce dernier ctoit connu depuis long-temps.

PLANCHE XXL

Bas-relief aztèque trouvé à la grande place de Mexico.

La cathédrale de Mexico, représentée sur la troisième Planche, est fondée sur les ruines du téocalU ou de la maison du dieu Mexitli. Ce monmiicnt pyramidal, construit par le roi Ahuizotl, en i486, avoit trente-sept mètres de hauteur depuis sa base jusqu'à la plate-forme supérieure , d'où Ton jouissoit d'une vue magnifique sur les lacs, sur la campagne environnante, parsemée de villages, et sur le rideau de montagnes qui entoure la vallée. Cette plate-forme, qui servait d'asile aux combattans, étoit couronnée pur deux chapelles en i'orme de tours, dont chacune avoit dix-sept à dix-huit mètres de haut, de sorte que tout le téocalli avoit cinquante-quatre mètres d'élévation. Le monceau de pierres qui formoit la pyramide de Mexitli a servi après le siège de Ténochtltlan pour exhausser la Plaza Mayor. C'est en faisant des fouilles à huit ou dix mètres de profondeur, que Ton découvriroit un grand nombre d'idoles colossales et d'autres restes de la sculpture aztèque : en elfet, trois monumens curieux, dont nous donnerons la description dans cet ouvrage, la pierre dite des sacrifices^ la statue colossale de la déesse Teojaomiqui, et la pierre du calendrier mexicain ^ ont été trouvés lorsque le vice-roi, comte de Revillagigedo, a fait aplanir la grande place de Mexico en abaissant le terrain. Une personne très-digne de foi, qui avoit été chargée de diriger ces travaux, m'a assuré que les fondations de la cathédiale sont entourées d'une innombiable quantité d'idoles et de reliefs, et que les trois masses de porphjre que nous venons de nommer sont les plus petites de celles qu'on découvrit alors en fouillant jusqu'à la profondeur de douze mètres. Près de la capilla del sagrario , on découvrit une roche sculptée qui avoit sept mètres de long^ six de large et trois de haut : les ouvriers, vojant qu'on ne pouvoit parvenir à la retirer, voulurent la mettic en pièces; mais heureusement ils en furent détournés par \\u chanoine de la cathédrale, M. Gamboa, homme instiuit et ami des arts.

ET iMOiNUMENS DE l'amÉRTQUE. I I9

La piètre que Ton désigne vulgairement sous le nom de la pierre des sacrifices {piedra de los sacrijicios) ^ est du forme cj liadriqiie : elle a trois mètres de largeur et onze décimètres de hauteur; elle est entourée d'un relief dans lequel on reconnoît vingt groupes de deux figures , qui sont toutes représentées dans la même atlilude. Une de ces figures est constamment la même : c'est un guerrier, peut-être un roi, qui a la main gauche appujée sur le casque d'un homme qui lui olTre des fleurs comme un gage de son obéissance. M. Dupé, que j'ai eu occasion de citer au commencement de cet ouvrage, a copié tout le relief; je me suis assuré, sur les lieux, de l'exactitude de son dessin, dont une partie a été gravée sur cette Planche : j'ai choisi le groupe remarquable qui représente un homme barbu. On observe qu'en général les Indiens mexicains ont un peu plus de barbe tjue le reste des indigènes de fAmt-riquc; il n'est même pas rare d'en voir avec des moustaches. Y auroit-il eu jadis une province dont les habitans portoient une longue barbe ? ou celle qu'on remarque dans le relief est-elle postiche ? fait-elle partie de ces ornemens fantastiques par lesquels les guerriers chcrchoient à inspirer de la terreur à l'ennemi?

M. Dupé croit, ce me semble, avec raison, que cette sculpture représente les conquêtes d'un roi aztèque. Le vainqueur est toujours le même; le guerrier vaincu porte le costimie du peuple auquel il appartient, et dont il est pour ainsi dire le représentant : derrière le vaincu est placé l'hiérogljphe qui désigne la province conquise. Dans le Recueil de Mendoza_, les conquêtes d'un roi sont de même indiquées par un bouclier ou un faisceau de flèches, placé entie le roi et les caractères symboliques on armoiries des pa3's subjugués. Comme les prisonniers mexicains étoient immolés dans les temples, il paroîtroit assez natui el que les triomphes d'un roî guerriei' fussent figurés autour de la pierre fatale sur laquelle le top'dtzin (prêtre sacrificateur) arrachoit le cœur à la malheureuse victime. Ce qui a fait surtout adopter cette hypothèse, c'est tjue la surface supérieure de la pierre offre une rainure assez profonde, qui paroît avoir servi poui" faiie écouler le sang.

Malgré ces apparences do preuves, j'incline à cioire que la pierre dite des sacrifices n'a jamais été placée à la cime d'un téocalli , mais qu'elle étoil une de ces pierres appelées témalacatl , sur lesquelles se livroit le combat de gladiateurs entre le prisonnier destiné à être immolé et un guerrier mexicain.

1-20 VUES DES CORDTLT.flRES,

La vraie pierre des sacrifices, celle qui couroiinoît la plate -forme des téocaliis, étoit verte, soit de jaspe, soit peut-êtie de jade axinicn : sa forme étoit celle d'un parallelipipède de quinze à seize décimètres de longueur, et d'un mètre de largeur; sa surface étoit convexe, afin que la victime étendue sur la pierre eiit la poitrine plus élevée que le reste du corps. Aucun his[orien ne rapporte que cette masse de pierre verte ait été sculptée ; la grande dureté des roches de jaspe et de jade s'opposoit sans doute à rex('Cution d'un bas-relief En comparant le bloc cylindrique de porphyre trouvé sur !a grande place de Mexico, à ces pierres oblongues sur lesquelles la victime étoit jetée lorsque le topillzin s'en approchoit, armé d'un couteau d'obsidienne, on conçoit aisément que ces deux objets n'oIRent aucune ressemblance ni de matière ni de forme.

Il est facile, au contraire, de reconnoître, dans la description que des témoins oculaires nous ont donnée du témalacatl ou de la pierre sur laquelle combattoit le prisonnier destiné au sacrifice, celle dont M. Dupé a dessiné le relief L'auteur inconnu de l'ouviage publié par Ramusio, sous !e titre de Relazione d'un gentiluomo di Fernando Cortez ^ dit expressément que le témalacatl avoit la forme d'une meule de trois pieds de hauteur, ornée tout autour de ligures sculptées, et qu'il étoit assez grand pour servir au combat de deux personnes. Cette pierre cylindrique couronnoit un tertre de trois mètres d'élévation. Les prisonniers les plus distingués par leui- courage ou par leur rang étoient réservés pour le sacrifice des gladiateurs. Placés sur le témalacatl j entourés d'une foule immense de spectateurs, ils dévoient combattre successivement avec six guerriers mexicains : étoient - ils assez heureux pour les vaincre, on leur accordoit la liberté, en leur permettant de retOLiincr dans leur patrie; si, au contraire, le piisonnier gladiateur succomboit sous les coups d'un de ses adversaires, alors un prêtre, appelé Chalchiuhtepehua , le traînoit mort ou vivant à Tautel, pour lui arracher le cœur.

11 se pourroit très-bien que la pierre qui a été trouvée dans les fouilles faites autour de la cathédrale, fût ce même témalacatl que le gentiluomo de Cortez assure avoir vu près de l'enceinte du grand téocalli de Mexith. Les figures du relief ont près de soixante décimètres de hauteur. Leur chaussure est très-remarquable : le vainqueur a le pied gauche terminé par

ET MONUMENS DE L AMERIQUE. 121

une espèce de bec qui paroU destiné à sa défense. On peut être surpris de trouver cette arme, à laquelle je ne connois rien d'analogue chez d'autres nations, seulement au pied gauche. Cette même figure, donl. le corps trapu rappelle le premier sty\e étrusque, tient le vaincu par le casque en le serrant de la main gauche. Dans un grand nombre de peintures mexicaines qui représentent des batailles, on voit des guerriers tenant aussi des armes dans la main gauche : ils sout représentés agissant plutôt de cotte main que de la main droite.

On pourroit croire, au premier coup d'œil, que cette bizarrerie tient à des habitudes particidières ; mais, en examinant un grand nombre d'hiéro- gl_yphes historiques des Mexicains, on reconnoît que leurs peintres plaçoient les armes tantôt dans la main droite, tantôt dans la main gauche, selon qu'il en résulte une disposition jihis symétrique dans les groupes ; j'en ai trouvé des exemples happans en feuilletant le Codex anojiymus du Vatican, dans lequel on trouve des Espagnols qui portent Tépée dans la gauche Cette bizarrerie de confondre la droite avec la gauche caractérise d'ailleurs le commencement de Part : on l'observe aussi dans quelques reliefs égyptiens; on trouve même dans ces derniers des mains droites attachées à des bras gauches, d'où résulte que les pouces paroissent placés à l'extérieur des mains. De savans antiquaires ont cru reconnoître quelque chose de mystérieux dans cet arrangement extraordinaire, que M. Zoega n'attribue qu'au simple caprice ou à la négligence de l'artiste. doute fort que ce bas-relief qui entoure le témalacatl, et tant d'autres sculptures en porphyre basaltique, aient été exécutés en n'employant que des outils de jade ou d'autres pierres très-dures : il est vrai que j'ai cherché en vain à me piocnror quelque ciseau métallique des anciens Mexicains, semblable à celui que j'ai rapporté du Pérou; mais Antonio de Herera, dans le dixième livre de son Histoire des Indes Occidentales, dit expressément que les habitans de la province maritime de Zacatollan, située entre Acapulco et Colima, prcparoiont deux sortes de cuivre, dont l'un étoit dur ou tranchant, et l'autre malléable : le cuivre dur servoit pour fabriquer des haches, des armes et des instrumens d'agriculture; le cuivre malléable étoit employé pour des vases, des chaudières et d'autres ustensiles nécessaiies dans l'économie domestique. Or, la côte de Zacatollan ayant été sujette aux rois

I Cod. vut. annn. , fol. S6.

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133 VUES DES COnDlTJ.ÈRF.S,

d'Aiialmac, il ne paroît pas probable que, dans les environs de la capitale du rojaume, on ait continué à sculpter les pierres par frottement, si Ton pouvoit se procurer des ciseaux métalliques. Ce cuivre tranchant mexicain étoit sans doute mêlé d'étain, de même que l'outil trouvé à Vilcabamba et cette hache péruvienne que Godin avoit envo_yée à M. de Maurepas, et que le comte Cajlus crut être du cuivre Ireînpé.

PLANCHE XXII.

Roches basaltiques et Cascade de Régla,

En changeant de latitude et de climat, on voit changer l'aspect de la nature organisée, la forme des animaux et des plantes, qui impriment à chatpie zone un caractère particulier : à l'exception de quelques végétaux aquatiques et cryptogames, dans char|ue l'égion le sol est couvert de plantes divei'ses. Il n'en est point ainsi de la nature brute, de celte agiégation de substances terreuses qui couvre la surface de notre planète : le même granité décomposé, sur lequel, dans les frimas de la Laponie, végètent des vaccinium, des andromèdcs et le lichen qui nourrit le renne, se retrouve encore dans ces bosquets tle fougères arborescentes, de palmiers et d héliconia, dont le feuillage lustré se développe sous l'influence des chaleurs équatoriales. Lorsqu'à la fin d'une longue navigation, après avoir passé d'un hémisphère à l'autie, l'habitant du nord aborde à une côte lointaine, il est surpris de trouver, au milieu d une foule de productions inconnues, ces strates d'aidoise, de schiste micacé et de porphyre trapéen, qui forment les côtes arides de l'ancien continent baignées par l'Océan glacial. Sous tous les climats, la crofite pierreuse du globe présente le même aspect au voyageur; partout il reconnoît, et non sans une certaine émotion, au milieu d'un nouveau monde, les roclies de son pays natal.

Cette analogie que piésente la nature non oiganiqvie s'étend jusqu'à ces petits phénomènes que l'on seroit tenté d'attiibuer à des causes purement locales. Dans les Cordillères, comme dans les montagnes de l'Europe, !e granité offre quelquefois des agrégations en forme de sphéroïdes aplatis et divisés en couches concentriques : sous les tropiques, comme dans la zone

ET MONUMENS DE l'a M ÉJVIQUE. 123

tempérée, on trouve tlaiis le giaiiitc de ces masses abondantes en mica et en amphil>ole, qui ressemblent à des boules noirâtres encliàssées dans un mélange de feldspath et de quartz laiteux : le diallage métalloïde se trouve dans les serpentines de l'île de Cuba, comme dans celles de l'Allemagne: les amygdaloïdes et les pierres perlées du plateau du Mexitjue paroissent identiques avec celles que Ton observe au pied des monts Carpatbes. La superposition des rocbes secondaires suit les mêmes lois dans les régions les plus éloignées les unes des autres. Partout les mêmes monumens attestent la même suite dans les révolutions qui ont changé progressivement la surface du globe.

En remontant aux causes physiques, on doit Ctre moins surpris de voir que les voyageurs n'aient pas découvert de nouvelles roches dans les régions lointaines. Le climat influe sur la forme des animaux et des plantes, parce que le jeu des affinités qui préside au développement des organes est modifié à la fois et par la températtire de l'atmosphère et par celle qui lésalte des diverses combinaisons formées par l'action chimique : mais la distiibution inégale de la chaleur, qui est l'elFet de rob!i(|uité de Técliptique, ne peut avoir eu aucune Influence sensible sur la formation des roches; cette formation, au contraire, doit elle-même avoir influé puissamment sur la température du globe et de l'air environnant. Lors(jue de grandes masses de matière passent de l'état litjuide à l'état solide, ce phénomène ne peut avoir lieu sans être accompagné d'un énorme dégagement de calorique. Ces considérations semblent jeter quelque jour sur les premières migiations des animaux et des plantes. Je pourrois être tenté d'expliquer, par cette élévation progressive de températui'e ,, plusieurs problèmes importans, particulièrement celui qu'offre l'existence des productions des Indes enfouies dans les pays du nord, si je ne craignois d'augmenter le nombre des rêves géologiques.

Les basaltes de Régla, figurés sur cette Planche, présentent une preuve incontestable de cette identité de forme que l'on observe parmi les roches des divers climats. En jetant les yeux sur ce dessin, le minéralogiste voyageur reconnoît la forme des basaltes du Vivarais, ceux des monts Euganéens ou du promontoiie d'Antiim, en Irlande. Les plus petits accidens observés dans les roches colonnaires de l'Europe, se retrouvent dans ce groupe de basaltes du Mexique. Une si grande analogie de structure fait supposer <jue les mêmes

VUES DES CORDILLÈRES,

causes ont agi sous tous les climals, et à des t-poques très-différentes; car les basaltes recouverts de schistes argileux et de calcaire compacte, doivent être d'un Tige bien difFérent de ceux qui reposent sur des conelies de houille et sur des galets.

La petite cascade de Régla se trouve au nord-est de Mexico, à une distance de vingt-cinq lieues, entre les mines célèbres de Real del Monte et les eaux thermales de Totonilco. Une petite rivière, qui sert à mouvoir les bocards de l'usine d'amalgamation de Régla, dont la construction a coûté plus de dix millions de livres tournois, se Haye un chemin à travers des groupes de colonnes basaltiques : la nappe d'eau qui se précipite est assez considérable, mais la chute n'a que sept ou huit mètres de hauteur. Les rochers environnans, qui, par leur réunion, rappellent la grotte de StafFa, dans les îles Hébrides, les contrastes de la végétation, l'aspect sauvage et la solitude du lieu , rendent cette petite cascade extrêmement pittoresque. Des deux cotés du ravin s'élèvent des basaltes colonnaires qui ont plus de trente mètres de hautein-, et sui- lesquels se présentent des touffes de cactus et de yucca fdamentosa. Les prismes ont généralement cinq à six pans, et cpjolquefois jusqu'à douze décimètres de largeur : plusieurs présentent des articulations très-régulières. Chaque colonne a un noyau cylindrique d'une masse plus dense que les parties environnantes : ces noyaux sont comme enchâssés dans les prismes, qui, dans leur cassure horizontale, offrent des convexités très-remarquables. J'ai indiqué cette structure, que l'on retrouve dans les basaltes du cap Fairhead, sur le premier plan du dessin, vers la gauche.

La plupart des colonnes de Régla sont perpendiculaires : on en observe cependant aussi, très-près de la cascade, dont l'inclinaison est de 4^" vers Test; plus loin, il y en a d'horizontales. Chaque groupe, lors de sa formation, paroit avoir suivi des attractions particulières. La masse de ces basaltes est très-homogène : M. Bonpland y a observé des noyaux d'olivine ou de péridol granilifoime, entourés de mésotype cristallisée; les prismes, et ce fait mérite l'attention des géologues , reposent sur une couche d'argile , sous laquelle on trouve encore du basalte : en général, celui de Régla est superposé au porphyre de Real del Monte, tandis qu'une roche calcaire compacte sert de base au basalte de Totonilco. Toute cette région basaltique est élevée de deux mille mètres au-dessus dti niveau de l'Océan.

ET MONUMENS DE l'AMÉRIQUE.

PLANCHE XXIII.

Relief en basalte, représentant le Calendrier mexicain.

Parmi les monumens qui semblent prouver que , lors de l'arrivée des Espagnols , les peuples du Mexique étoient parvenus à un certain degré de civilisation, on peut assigner le premier rang aux calendriers, ou aux dilTérentes divisions du temps adoptées par les Toltèques et les Aztèques, soit pour l'usage de la société en général, soit pour régler Tordre des sacrifices, soit pour faciliter les calculs de l'astrologie. Ce genre de monumens est d'autant plus digne de fixer notre attention , qu'il atteste des connoissances que nous avons de la peine à regarder comme le résultat d'observations faites par des peuples montagnards dans les régions incultes du nouveau continent. On pourroit être tenté de croire qu'il en est du calendrier aztèque comme de ces langues riches en mots et en formes grammaticales que l'on trouve chez des nations dont la masse actuelle des idées ne répond pas à la multiplicité des signes propres à les revêtir. Ces langues si riches et si flexibles , ces modes d'intercalation qui supposent une connoissance assez exacte de la durée de l'année astronomique , ne sont peut-être que les restes d'un héritage qui leur a été transmis par des peuples jadis civilisés , mais depuis replongés dans la barbarie.

Les moines et d'autres écrivains espagnols qui ont visité le Mexique , peu de temps après la conquête , n'ont donné que des notions vagues et souvent contradictoires des différens calendriers usités parmi les peuples de race toltcque et aztèque. On trouve ces notions dans les ouvrages de Gomara, Valadès , Acosta et Torquemada. Ce dernier, malgré sa superstitieuse crédulité, nous a transmis, dans sa Monai-quia indiana , un recueil de faits précieux qui prouve une connoissance exacte des localités : il vécut pendant cinquante ans parmi les Mexicains ; il arriva à la ville de Ténochtitlan à une époque les indigènes conservoient encore un grand nombre de peintures historiques , et où, devant la maison du marquis del Valle', sur la Plaza Major, on vojoit

' Voj'ez plus haut, pag, 7, Pl. iir.

32

126 VUKS DES CORDILI.ÈRES,

encore des restes du grand teocalli ' dédié au dieu Huttzilopoclitli. Torquemnda se servit des manuscrits de trois religieux franciscains, lioinardino de Sahagun, Andrès de Olmos et Toribio de Benavente , qui tous étoient profondement instruits dans les langues américaines, et qui etoient allés à la Nouvelle-Espagne du temps de Cortez, avant l'année iSaS. Malgré ces avantages, Thistorien du Mexique ne nous a pas Iburni, sur la chronologie et le calendrier mexicains, tous les éclaircissemens que Ton auroit pu attendre de son zèle et de son instruction. Il s'exprime même avec si peu d'exactitude, qu'on lit dans son ouvrage que l'année des Aztèques finissoit au mois de décembre, et qu'elle commenroit au mois de février \

Il existoit depuis long-temps à Mexico, dans les couvens et dans les biblio- thèques publiques, des matériaux plus instructifs que les i-elations des premiers historiens espagnols. Des auteurs indiens, Ghristoval del Castillo, natif de Tezcuco, et mort en 1606 à l'âge de quatre-vingts ans. Fernando de Alvarado Tezozomoc, et Domingo Chimalpain , ont laissé des manuscrits composés en langue aztèque sur l'histoire et la chronologie de leurs ancêtres. Ces manuscrits, qui renferment un grand nombre de dates indiquées à la fois selon l'ère chrétienne et selon le calendrier civil et rituel des indigènes, ont été étudiés avec fruit par le savant Carlos de Siguenza , professeur de mathématiques à rUniversitc de Mexico, par le voyageur milanois Boturini Benaducci , par l'abbé Clavigero, et, dans ces derniers temps, par M. Gama , dont j'ai eu souvent occasion , dans un autre ouvrage ^ , de citer avec éloge les travaux astrouomiqiies. Enlîn, en 1790, une pierre d'un volume énorme et chargée de caractères évidemment relatifs au calendrier mexicain, aux fêtes religieuses et aux jours dans lesquels le soleil passe par le zénith de la ville de Mexico, a été découverte dans les fondemens de l'ancien teocalli : elle a servi à la fois à éclaircir des points douteux, et à rappeler l'attention de quelques indigènes instruits sur le calendrier mexicain.

J'ai tâché, tant pendant mon séjour en Amérique que depuis mon retour en Europe , de faire une étude exacte de tout ce qui a été publié sur la division du temps, et sur le mode d'intercalation des Aztèques : j'ai examiné,

L'année 1577. ToatjDEMADA., Lib, viii. Cap. 11, (Toni. II, png. ' Ibid. Lib.x, Cap.x, xxxiiij xxsiv et xsxvi. ^ Essai polit, sur le Mexiijue, pag, 124.

ET MONUMENS DE l'amÉRTOUE. I3y

sur les lieux, la fameuse pierre trouvée à la Plaza Maj'or, et représentée sur la vingt -troisième Planclie : j'ai puisé quelques notions inteiessantes dans les peintures hiéroglypliiques conserve'es au couvent de San Felipe Neri, à Mexico : j'ai parcouru à Rome le Commentaire manuscrit que le père Fabrega a composé sur le Codex mexicanus de Veletrî; je regrette cependant de ne pas connoître assez le mexicain pour lire les ouvrages que les indigènes ont écrils, dans leur propre langue, immédiatement après la prise de Ténuchtitlan , et en se servant de l'alphabet romain. Je n'ai par conséquent pu vérifier par moi-même toutes les assertions de Siguenza , de Boturini , de Clavigero et de Gama, sur l'intercalation mexicaine, en les comparant aux manuscrits de Chimalpain et de Tezozomoc , dai:is lesquels ces auteurs assurent avoir puisé les notions qu'ils nous ont données. Quels que soient les doutes qui puissent rester sur plusieurs points dans l'esprit des savans, accoutumés à soumettre les faits à une critique sévère, et à n'adopter que ce qui est rigoureusement prouvé, je me félicite d'avoir rappelé l'attention sur un monument curieux de la sculpture mexicaine, et d'avoir donné de nouveaux détails sur un calendiicr que Robertson et l'illustre auteur de Vllistoire de l'Astronomie ne paroissent pas avoir traité avec tout l'intérêt qu'il mérite. Cet intérêt sera augmenté encore par les notions que nous donnerons plus bas sur la tradition mexicaine des quatre dgeSj ou quatre soleils, qui offre des rapports frappans avec les yougs et les calpas des Hindoux , et sur la méthode ingénieuse qu'employ oient les Indiens Mu^'scas, peuple montagnard de la Nouvelle-Grenade, pour coiriger leurs années lunaires par l'intercalation d\ine ti ente-septième lune, appelée sourde ou cuhupfjua. C'est en rapprochant et en comparant les dilTérens systèmes de chronologie américaine, que l'on pourra juger des communications qui paroissent avoir existé, dans des temps très-reculés, entie les peiqiles de flnde et de la Tartarie et ceux du nouveau continent.

L'année civile des Aztèques étoit une année solaire de trois cent soixante- cinq jours; elle étoit divisée en dix-huit mois, dont chacun avoit vingt jours: après ces dix -huit mois, ou trois cent soixante jours, on ajoutoit cin([ jours complémentaires , et l'on commençoit une nouvelle année. Les noms de Tonalpohualli ou Cempohualilhuill , qui distinguent ce calendrier civil dn calendrier rituel, indiquent très-bien ses caractères principaux. Le premier de ces noms signifie compte du soleil^ par opposition au calendiior rituel appelé

128 VUES DES CORDILLERES,

compte de la lime j, ou Metzlapohualli ; la seconde dénomination dérive de cempohualli , vingts et de ilhiiitlj feie ; elle fait allusion, soit aux vingt jours contenus dans chaque mois, soit aux vingt fêtes solennelles célébrées pendant le cours d'une année civile, dans les téocallis ou maisons des Dieux.

Le commencement du jour civil des Aztèques étoit compté comme celui des Persans, des Égyptiens des Babyloniens et de la plupart des peuples de l'Asie, à l'exception des Chinois, depuis le lever du soleil. Il étoit divisé en huit intervalles, division que l'on retrouve^ chez les Hindous et les Romains. De ces huit intervalles, quatre étoient déterminés par le lever, le coucher, et les deux passages du soleil par le méridien. Le lever s'appeloit Yquiza Tonatiuh; le midi, Nepaiitla Tonatiuh; le coucher, Onaqui Tonatiuh ; et minuit, Yohualnepantla. L'hiéroglyphe du jour étoit un cercle divisé en quati e parties. Quoique, sous le parallèle de la ville de Mexico, la longueur du jour ne varie pas de plus de deux heures vingt -une minutes, il est cependant certain que les heures mexicaines dévoient être originairement inégales, comme le sont les heures planétaires des Juifs, et toutes celles que les astronomes grecs désignoient sous le nom de ■/.cLi^iaoLi par opposition aux lay)jLLi^ivai\ heures équinoxiales.

Les époques du jour et de la nuit, qui correspondent à peu près à nos heures 5 , g, i5 et ai , temps astronomique, n'avoient pas de noms particuliers. Pour les désigner, le Mexicain montroit, comme le font nos laboureurs, le point du ciel auquel seroit placé le soleil, ensuivant sa course de l'oiient à l'occident ; ce geste étoit accompagné de ces mots remarquables : Teotl , sera Dieu ^ locution qui rappelle l'époque heureuse les peuples sortis d'Aztlan ne connoissoient encore d'autre divinité que le soleil, et n'avoient point un culte sanguinaire''.

Chaque mois mexicain de vingt jours étoit subdivisé en quatre petites périodes de cinq jours. C'est au commencement de ces petites périodes que chaque commune célébroît sa foire, ou Tianguizili. Les Muyseas, nation de l'Amérique méridionale, avoient des semaines de trois jours. Il paroît qu'aucun peuple du nouveau continent n'a conuLi la semaine, ou le cycle de sept jours,

Ideler, Hist. Uniers. uber die astr. Beob. der jUlen., pa^. 26. ' BiiLLï, Hist. de r^Vstr. anc, 296. ' f^ojez plus liaut, p-^g. 9^-

ET MONUMENS DE i/amÉRIQUE. I29

qui se trouve chez les Hindoux, les Chinois, les Assyriens et les Egyptiens, et qui, comme l'a très-bien observe Le Gentil est usité chez !a plupart des peuples de l'ancien monde.

Un passage de l'histoire des Incas , par Garciiasso , a fait penser à MM. Bailly et Lalande ^ que les Péruviens comptoient par cycles de sept jours. « Les Péruviens , dit Garciiasso , comptent les mois par la lune ; ils « comptent les demi -mois d'après la lune croissante et décroissante; ils « comptent les semaines par les quartiers, sans avoir de noms particulieis « pour les jours de la semaine. » Mais le père Âcosta, plus instruit que Garciiasso, et qui, vers la Un du seizième siècle, composa, au Pérou même, les premiers livres de sa géographie physique du nouveau continent , dit clairement que ni les Mexicains ni les Péruviens ne connoissoient la petite période de sept jours : « car cette période, ajoute-t-il, ne tient pas plus au « cours de la lune qu'à celui du soleil. Elle doit son origine au nombre des « planètes »

En réfléchissant un moment sur le système du calendrier péiuvien, on conçoit que, quoique les phases de la lune cliangent à peu près tous les sept jours, cette correspondance n'est cependant pas assez exacte pour que, dans plusieurs mois lunaires consécutifs, les cycles de sept jours puissent corres- pondre aux phases de la lune. Les Péruviens, d'après Polo et tous les écrivains du temps, avolent des années (huaia) de trois cent soixante-cinq jours, réglées, comme nous le verrons plus bas, sur des observations solaires faites mois par mois à la ville de Guzco. L'année péruvienne étoit divisée , comme presque toutes les années dont se servent les peuples de l'Asie orientale, en douze lunes, quitta j dont les révolutions synodiques s'achèvent en trois cent cinquante-quatre jours huit heures quarante - huit minutes. Pour corriger l'année lunaire, et la faire coïncider avec Tannée solaire, on ajouta, selon une coutume antique, onze jours qui, d'apiès l'édit de l'Inca , furent répartis parmi les douze lunes. D'après cet arrangement, il n'est guères possible que quatre périodes égales, dans lesquelles on auroit divisé les mois hmaires, pussent être de sept jours et correspondre aux phases de la lune. Le irièmc historien, dont le lémoignage

' Le Gektil, Hist. de l'Acad. 1772 , Tom. llj p. 207, 209. La Place, Expos, du système du Monde, p. 273. = Bailly. Hist. de l'Astron., Liv. v, j|- 17, pag- ko%. Lalakde, Astron., i534.

' Acosta, Historia unlural y monil de las Indiiis , Lib. VI , C. III, ëd. de Barcelone, iSi)! , p. 2S0.

33

l5o YUES DES COKDILLÈRKS,

est cite par M. Bnill_y en faveur do l'opinion que la semaine des Hitidonx étoit connue aux Américains, affirme que, d'apirs une ancienne loi de l'inca Pachacutec, il devolt _y avoir, dans chaque mois lunaire, trois jours de fêtes et de marché {catu)^ et que le peuple devoit travailler, non sept, mais huit jours consécutifs pour se reposer le neuvième '. Voilà indubitablement une division d'un mois lunaire, ou d'une révolution sidérale de la lune, en trois petites périodes de neuf jours.

Nous observerons, à cette occasion, que les Japonnois % peuple de race tartare , ne connoissoient pas non plus la petite période de sept jours, tandis qu'elle est usitée chez les Chinois, qui paroissent aussi originaires du plateau de la Tartarie, mais qui ont eu long-temps des communications intimes avec rindostan ^ et le Tbibot.

Nous avons vu plus haut que l'année mexicaine offroit, comme celle des Egyptiens et comme le jtoweau calendrier françois, l'avantage d'une division en mois d'égale durée. Les cinc[ jours complémentaires, les epagomènes (iTTct'yôfÀ.fva.i) des Egyptiens, étoient désignés chez les Mexicains par le nom de nemontemi ou vides. Nous verrons bientôt l'origine de cette dénomination; il suffit d'observer ici que les enfans nés pendant les cinq jours complémentaires, étoient regardés comme malheureux , et qu'on les appeloit nernoquichtli ou nencihuail , homme on femme infortunés , alin que, comme disent les écrivains mexicains, ces noms mêmes leur rappelassent, dans tous les événemens de la vie, combien peu ils dévoient se fier à leur étoile.

Treize années mexicaines formoierit un cycle, appelé tlalpilli , analogue à l'indiction des Romains. Quatre tlalpilli formoient une période de cinquante- deux ans, ou xiuhmolpilli , ligature des années : enfm, deux de ces périodes do cinquante -deux ans foLinoient une vieillesse _, cehuehuetiliztli. Pour m'énoncer avec plus de clarté, je nommerai, avec plusieurs auteurs espagnols, la ligature un demi-siècle, et la vieillesse un siècle. L'hiéroglyphe du demi -siècle est conforme à la signification ligurée diL mot; c'est un patjuet de roseaux liés par un ruban. Un demi-siècle {xiuhmolpilli) étoit regardé par les Mexicains comme une grande année , et cette dénomination a sans doute engagé Gomara'

' G,\nciLAsso, Lib. vr, C.xxxv, Tom.i, pag-. 316

^ Voyage de Thumberg au Japon, pag, 017,

^ SiA William JoMEs , dans les Rech. asiat. , ïum. i, pag. 4 20.

ET MONUMENS DE l' AMERIQUE. l5l

à appeler les indictions, ou les quatre cycles de treize ans, de grandes semaines , /as semanas del ano.

L'idée de désigner une période par un mot qui rappelle un faisceau d'années ou de lunes, se retrouve cLez les Péruviens. Dans la langue qquichua, Imgua del Inga , une année de trois cent soixante-cinq jours s'appelle huata, mot qui dérive évidemment de huatani_, lier, ou huatanan , grosse corde de jonc. D'ailleurs, les Aztèques n'avoient pas d'hiérogljphes pour la vieillesse ou siècle do cent quatre ans, dont le nom indique, pour ainsi dire, le terme de la vie des vieillards.

En résumant ce que nous venons de dire sur la division du temps, nous trouvons que les Mexicains avoient de petites périodes de cinq jours ( demi- décades), des mois de vingt jours, des années civiles de dix-huit mois, des indictions de treize ans, des demi-siècles de cinquante-deux ans, et des siècles, ou vieillesses^ de cent cjuatre ans.

D'après les reclierclies curieuses de M. Gama , il paroît certain qu'à la clôture d'mi cjcle de cinquante-deux ans, l'année civile des Toltèques et des Aztèques, comme celle des Cliinois et des Hindoux, finissoit au solstice d'hiver, « lorsque », comme disent naïvement les premiers moines missionnaires envoyés à Mexico, « le soleil, dans sa course annuelle, recommence son ouvrage, (juaiido desanda lo andado. » Ce même commencement de l'année se trouve chez les Péruviens, dont le calendrier seul indique d'ailletu's qu'ils ne descendent pas des Toltèques, comme plusieurs écrivains Font supposé gratuitement ^ Les habitans de Cuzco conservoient une tradition^, d'après laquelle le premier joui de l'année correspondoit jadis à notre i." janvier , jusqu'à ce que l'inc^t Titu-Manco-Capac , qui prit le surnom de Pachacutec {ré formateur du temps)^ ordonna que l'année commençât , « lorsque le soleil revient sur ses pas » , c'est-à-dire, au solstice d'hiver.

Il existe, parmi les auteurs espagnols, une grande confusion dans la dénomination et la suite des dix-huit mois mexicains. Plusieurs de ces mois portoient trois à quatre noms à la fois ; et quekjuos auteurs oubliant (jue

' GoMARA, Conquista de Mexico , i ii55 , l'ul. 118.

= ycz plus haut, pag. 73 , et mon Essai sur la population primitive de l'Amérique, Berlin. Monotachrift ,

1806. Merz, p. 177, 208. ' AcosTA. pag. 260.

l52 VUES DES CORDILLÈRES,

les Mcxiciliiis , chaque i'ois qu'il s'agit d'une série périoclique de signes ou d'hiéroglj phes , écrivent de droile à gauche , et en commençant par l'extiémite inférieure de la page, ont pris le dernier mois pour le premier. Les Aztèques réunissoient, dans ce qu'ils appeloient des roues du demi-siècle, xiuhinolpilli, la série des hiéroglyphes qui indi([Lient le cycle de cinquante- deux ans. Un serpent roulé, qui se mord la queue, entoure la roue, et désigne, par quatre nœuds, les quatre indictions ^ oQ tlalpilli. Cet emblème rappelle le serpent ou le dragon qui , chez les Égyptiens et les Perses ' , représente le siècle, une révolution, œvum. Dans cette roue de cinquante- deux ans, la téte du serpent désigne le commencement du cycle. Il n'en est point ainsi dans la roue de l'année : le serpent ny entoure pas les dix- huit hiéroglyphes des mois, et rien n'y caractérise le premier mois de Tannée.

Le mémoire que M. Gama a publié à Mexico sur l'almanach aztèque étant très-rare en Europe, je consignerai ici la série des mois, d'après les recherches laborieuses de ce savant. J';qi:)uterai l'étjmologie des dénominations qui ont toutes rapport aux fêtes, aux travaux publics et au climat du Mexique. On ne sauroit douter que Tititl ne soit le premier mois, l'indien Christoval del Castillo disant expressément, dans son histoire manuscrite, que les nemontemij ou jours complémentaires, furent ajoutés à la fin du mois, Âtemoztli. Voici les noms des dix-huit mois :

1. Tititl, peut-être de titixia , glaner apiès la récolte; Ilzcalli , mois .

destiné à renouveler et à blanciiir l'intérieur des maisons et des temples. Du 9 au 28 janvier, dans la première année de la première indiction du cycle Xinlimolpilli.

2. Xochilliuitl. Du 29 janvier au février.

3. Xilojnanaliztli j Ailcahualco 3 qui manque d'eau ou de pluie; Quaiiuit-

leluia, mois dans lequel les arbres commencent à pousser; CihuadhuUÎj fête des femmes. Du i8 février au 9 mars.

4. Tlacaxipehualiztli j le nom de ce mois rappelle l'épouvantable cérémonie

dans laquelle on écorchoit les victimes humaines pour en tanner les peaux qui servoient aux vêtemens des prêtres, comme on le voit

' Bailly, pug. 5iâ.

ET MONUMEISS DE l'amÉTITQUE. i35

dans la peinture liiéroglyphique représentée sur la Planche XAvn ; Cohuailhuitl j, fête de la couleuvre. Du 9 au 39 mars.

5. Tozoztontlij, mois des veilles, parce que les ministres des temples étoient

obligés de veiller pendant les grandes fêtes célébrées dans ce mois. Du 5o mars au 18 avril.

6. Buej Tozoztli ^ la grande veille, la grande pénitence. Du 19 avril

au 8 mai.

y. Toxcail, mois dans ïec|uel on attacboit des cordes et des guirlandes de maïs au col des idoles; Tepopochuiliztlij encensoir. Du 9 au 28 mal. C'est dans ce mois Toscatl C[ue le compagnon d'armes de Cortez, Pedro de Alvarado, ce guerrier sauvage que les Mexicains appeloieut le Soleil, Tonaduh, à cause de ses cheveus blonds, fit un horrible carnage de la noblesse mexicaine rassemblée dans Tenceinte du téocalli. Cette attaque Tut le signal des dissensions civiles qui causèrent la mort du malheureux roi Montezuma.

8. EtzahjuaUztli, nom qui pai'oît dériver iVeizalll, qui est un mets parti-

culier préparé avec la farine de maïs. Du 29 mai au juin,

9. TecuillLiLUzintli j mois ou fête des jeunes guerricjs. Du 18 juin au

'y juillet.

10. Hueytecuilhiiitlj fête de la noblesse et des guerriers déjà avancés eu

âge. Du 8 au 27 juillet,

11. MiccaîlkuîizintU, la petite fête des morts; TlaxocJiimaco , répartition

des fleurs. Du 38 juillet au 16 août.

12. HueymiccaUhidil j, la grande fête célébrée en mémoire des morts;

Xocoilhuetzi , chute des fruits, mois dans lequel les (iuits mûrissent, correspondant à la fin de Tété. Du ly août au 5 septembre. i5. Ochpanizili , balai, mois destiné à nettoyer les canaux, et à renouveler les digues et les chemins; Tenahuddizili. Du 6 au 25 septembre.

14. PachtUj du nom d'une plante parasite qui commence à pousser à cette

époque sur le tronc des vieux chênes; Ezozili; Teotleco^ arrivée des dieux. Du 26 septembre au i5 octobre.

15. Hueypachtli^ mois dans lequel la plante pachtli est déjà grande;

Tepcllhuitl, fête des montagnes, ou plutôt des divinités agrestes ([uv présitlent aux montagnes. Du iG octobre au 4 novembre.

l34 VUES DES CORDILLÈRES,

16. QiiecholUj mois dans lequel îirrive, sur les bords du lac de Tezcuco, le flamant {phœnicopteriis) ^ oiseau, qu'à cause de la belle couleur de ses plumes, les Mexicains appeloient Teofjuechol , le héron divin. Du 5 au 24 novembre. l'j. Panfiuetzaliztlij du nom de l'étendard du dieu Hii'dz'dopochtli , porté dans les processions, lors de la fameuse fête de Teocualo , ou du dieu mangé par les Jîdèles sous la forme de farine de maïs pétrie avec du sang. Du 25 novembre au i4 décembre.

18. Atemoztli, descente des eaux et des neiges; ces dernières commencent, vers la fin de décembre, à couvrir les montagnes qui entourent la vallée de Mexico. Du i5 décembre au 5 janvier.

Dans la première année du cjcie, les cinq jours complémentaires corres- pondent aux 4j 6, ^ et 8 janvier. Un peuple qui ne fait d'intercalation que tous les cinquante-deux ans, voit rétrograder le commencement de son année à peu près tous les quatre ans d'un jour, et, par conséquent, de douze à treize jours à la fin du cjcle, Xiuhmolpdli. Il en résulte, comme nous le verrons plus bas, que le dernier joui- complémentaire, ou neinontemi ^ de la dernière année du cycle mexicain , correspond au 26 décembre. Or, les cinq nemontemi étant regardés comme jours vagues et malheureux ^ on avoit considéré le jour du solstice d'hiver, ou le 21 décembre, comme la fin du œiuhmolpiUi. Les nemontemi ou cpagomènes, de même que les douze ou treize jours intercalaires , n'appartiennent à aucune des deux années entre lesquelles elles tombent, et c'est pour cette raison que, plus haut, nous avons nommé le solstice d'hivci' la fin, et non le commencement d'un cycle de cinquante-deux ans.

Dans les troisième, quatrième et cinquième mois, qui correspondent à nos mois de février, de mars et d'avril, il y avoit des fêtes solennelles instituées en l'honneur de Tlalocteutli le dieu de l'eau, ce temps étant celui des grandes sécheresses, qui durent, dans la partie montagneuse, jusqu'aux mois de juin et de juillet. Si les prêtres avoient négligé l'intercalation, les fêtes dans lesquelles on prioit les dieux d'accorder une année abondante en pluies , se seroient rapprochées peu à peu du temps des moissons : le peiq:)le se seroit aperçu que l'ordre des sacrifices éloit interverti, et, n'ayant pas de mois lunaires,

ET MONUMENS DE l'aMERIQUE. I^^

il n'aufoit pas même pu , comme les dieux d'Aristophane ' , accuser la lune d'avoir porté le désordre dans le calendrier et dans le culte. Quant aux déno- minations et aux liiéioglyphes des mois mexicains, rien n'annonce qu'ils aient pris naissance dans un climat plus septentrional. Le mot de (juahidllehua rappelle, il est vrai, que les arbres se couvrent de jeunes feuilles vers la fin de février; mais ce phénomène, que l'on n'observe pas dans les basses régions de la zone torride, est propre à la région montagneuse située sous les ig et 26 degrés de latitude, les chênes, sans se dépouiller entièrement des anciennes feuilles, commencent à en développer de nouvelles.

Nous avons parlé jusqu'ici du calendrier civil appelé le cainple du soleil, Tonalpahualli : il nous reste à examiner le calendrier rituel , désigné par les noms de compte de la lune, Metztlapohualli ^ et de compte des fêtes, Cemlihuitlapohualiztli , de tlapohualiztli , compte, et ilhidtl, fête. Ce dernier calendrier, le seul qui fut employé par les prêtres, et dont nous trouvons des traces dans presque toutes les peintures hiéroglypliic|ues conservées jusqu'à nos jours , présente une série uniforme de petites périodes de treize jours. Ces petites périodes peuvent être considérées comme des demi - lunaisons j elles dévoient probablement leur oiiginc aux deux états de veille, ixtozoUztli, et de sommeil, cochiliztU, que les Mexicains attribuoient à la lune, selon que cet astre éclaire la majeure partie de la nuit, ou que paroissant seulement le jour sur l'hoiizon, il semble, d'après les idées du peuple, se reposer la nuit. Ce rapport que l'on observe entre les périodes de treize jours et la moitié du temps que la lune est visible, avant et après l'opposition, a sans doute fait donner au calendrier rituel le nom de compte de la lune; mais cette dénomination ne doit pas nous induire à chercher une année lunaire dans la série des petits cycles qui se suivent uniformément, et qui n'ont rien de commun ni avec les phases, ni avec les révolutions de la lune.

Le nombre i3 oflre, dans ses multiples, des propriétés dont les Mexicains se sont servis pour conserver la concordance entre les aimanachs rituel et civil. Une année civile de trois cent soixante-cinq jours renferme un joui- de plus que vingt-huit petites périodes de treize jours : or, le cycle de cinquante-deux ans étant divisé en quatre tlalpilli de treize ans, ce jour surnuméraire forme, à la fin de chaque indiction , une petite période entière , et un tlalpilli

' Ajustoph. Nul/es. v. 61 5.

l36 VUES DES CORDILLÈRES,

renferme tioîs cent soixante- cinq de ces périodes; c'est-à-dire, qu'il a autant de semaines de treize jours t[ue l'année a de jours civils. Une année de l'almanacli rituel a vingt demi-lujia'isons ou deux cent soixante jours, et ce même nombre de jours renferme cinquante-deux demi-décades, ou petites périodes de cinq jours : les Mexicains retrouv oient donc, dans la concordance de ces deux comptes de la lune et du soleil, leurs nombres favoris de 5, i3, 30 et 52. Un c^ycle de cinquante-deux ans renfermoit quatorze cent soixante petites périodes de treize jours; et si l'on y ajoute treize jours intercalaires, on a quatorze cent soixante-une petites périodes, nombre qui coïncide accidentelle- ment avec celui des années qui constituent la période sotliia([ue.

Le cjcle de dix -neuf années solaiies, qui correspond à deux cent tiente- cinq lunaisons, et que les Cliinois connoissoient plus do seize siècles avant Meton', ne trouve son multiple ni dans le cjcle de soixante ans, qui est en usage chez la plupart des peuples de l'Asie orientale et chez les Mujscas du plateau de Bogota, ni dans le cycle de cinquante -deux ans adopté par toutes les nations de race toltcque, acolhue, aztèque et tlascaltèq^ue. Il est vrai que cinc[ vieillesses de cent quatre ans chacune forment, à ime année près, la période julienne, et que le double de la période de Meton est presque égal à trois indictions ( tlalpilli ) de l'année mexicaine ; mais aucun multiple de treize n'égale exactement le nombre des jours renfermés dans une période de deux cent trente-cinq lunaisons. La période de Meton contient cinq cent trente-trois et demi petits c_ycles de treize jours, tandis que celle de Calippe en renferme deux mille cent trente-quatre et un treizième. La connoissance de ces périodes étoit utile aux peuples de l'Asie, qui, de même que les Péruviens, les Muj'scas et d'autres tribus de l'Amérique méridionale, avoient des années lunaires; mais elle devoit être absolument indifférente aux Mexicains, le prétendu compte de la lune {Metzlapohualli) nVtant qu'une division arbitraire d'une grande période de treize années astronomiques en trois cent soixante-cinq petites périodes de treize jours, dont chacune a sensiblement la xTiéme durée que le sonuned ou la veille de la lune.

Les Mexicains conservoient des annales qui remontoient à huit siècles et demi au-delà de l'époque de l'arrivée de Cortez au pa_ys d'Anahuac. Nous avons expliqué plus haut comment ces annales présentoient , dans leurs

' La Place, Expos. , Tum. ii, pyg-. 267.

ET MOiNUMElVS DE l'amÉRIQUE. lOy

subdivisions, tantôt un cycle de ciiiquante-tleux ans, tantôt un tlalpilli de treize ans, tantôt une seule année de deux cent soixante jours renfermés dans vingt petites périodes de treize jours, selon que Fliistoire étoit plus ou moins détaillée. Auprès delà série périodique des hiéroglyphes des années ou des jours, étoient représentées, dans des peintures brillantes de couleurs, hideuses par les formes et par Textrème imperfection du dessin, mais souvent naïves et ingénieuses par la composition, les migrations des peuples, leurs combats, et les événemens qui avoient illusti é le règne de chaque roi. On ne sauroit niei- que Valadès , Acosta , Toiquemada , et, dans ces derniers temps, Siguenza, Boturini et Gama, n'aient Itié des lumières de peintures qui remontoient jusqu'au septième siècle. J'ai eu moi-même entre les mains des peintures dans lesquelles on reconnoissoit les migrations des Toltèques : mais je doute que les premiers conquérans espagnols aient trouvé, comme l'affirme Gomara", des annales qui, année par année, traçoient les événemens pendant huit siècles. Les Toltèques avoient disparu ' quatre cent soixante-huit ans avant l'arrivée de Cortez ; le peuple que les Espagnols trouvèrent établi dans la vallée de Mexico, étoit de race aztèque ; ce qu'il savoit des Toltèques, il ne pouvoit l'avoir appris que des peintures que ceux-ci avoient laissées dans le pays d'Anabuac , ou de quelques familles éparses, qui, retenues par l'amour du sol natal, n'avoient pas voulu partager les chances de Ti'migration.

Les annales des Aztèques commencent, d'après Gama, à une époque qui correspond à l'année logi de notre ère, époque à laquelle, par ordre de leur chef Chalchiuhtlatonac , ils célébrèrent la fête du renouvellement du feu à Tlalixco, appelé aussi Acahualtzinco , situé probablement sous le parallèle de 35" ou 55° de latitude septentrionale. C'est seulement depuis l'année logi , dans laquelle, comme dit expressément l'historien indien Chimalpain, ils lièrent pour la première fois les années depuis leur soitie d'Aztlan, que l'histoire mexicaine olïre le plus grand ordre et un détail surprenant dans le récit des événemens.

D'après ce que nous avons exposé juscju'ici du compte du soled, et de la division uniforme de l'année en dix-huit mois d'égale durée, il auroit été facile aux Mexicains de désigner l'époque des événemens historiques, en rapportant

' GoMAiH-, Cnnquisfa de Mexico, Fol. cxix. = Voj-e? plus haut, pag. aS.

35

l38 VUES DES CORDILLÈRES,

le jour (lu mois et en comptant le nombre des années écoulées depuis le fameux sacrifice de Tlalixco. Cette méthode simple et naturelle auroit sans doute été suivie, si les annales de l'empire n";ivoient pas ét(' tenues par les prêtres, Teopixqui. On trouve quelquefois, il est vrai, l'iiiérogl^'plic d'uu mois auquel sont ajoutés des points ronds', qui, placés dans deux rangées inégales, prouvent, par leur disposition, que les prêtres aztèques, comme nous l'avons observé plus liant, faisoient suivre les difïerens termes d'une série de droite à gauche^ et non de gauche à droite ^ comme les Hiudoux et presque tous les peuples qui babitent aujourd'hui l'Europe. On voit encore, à Mexico, la copie d'une peinture conservée jadis au musée du chevalier Boturini , dans laquelle le signe du mois Quecholli ^ suivi de treize points , est placé près d'un lancier espagnol, dont le cheval a sous ses pieds l'hiéroglyphe de la ville de Ténochtitlan. Cette peinture représente indubitablement la première entrée des Espagnols à Mexico, le i5 du mois QuecholU, qui, d'après Gama, correspond au 17 novembre iSig; mais il faut convenir que de simples dates de mois, exprimées par le nombre des jouis écoulés, ne se trouvent que très-rarement dans les annales mexicaines.

Qnaut aux années, on ne distinguoit jamais par des nombres celles d'un même cycle de cinquante-dcns ans; ou se seivoit, au contraire, pour ne pas les confondre, d'un artifice particulier que nous décriions plus bas, et qui est d'autant plus curieux, qu'il ofire des traits de ressemblance entre le système chronologique des Mexicains et celui des peuples de l'Asie. Les ronds ou signes de nombres ne se trouvent ajoutés qu'aux ligatures qui indiquent des cycles de cinquante-deux ans. C'est ainsi que l'iiiéroglyphe du Xiuhmolpillij, suivi de quatre ronds placés près des îlots sur lesquels fut construit le temple de Mexitli, rappeloit au Mexicain que ses ancêtres avoient lié quatre fois les années, ou que, depuis le sacrifice de Tlalixco, quatre fois cinquante - deux ans s'étoient écoulés , lorsque la ville de Ténochtitlan fut fondée dans le lac de Tezcuco. Ces ronds indiquoient, par conséquent, que cet événement remarquable avoit eu lieu après l'armée 1399, et avant l'année i55i. Examinons maintenant les moyens ingénieux, mais assez compliqués, doLit se servoient ces peuples pour désigner le jour et l'année d'un cycle de cin([uante-deux ans.

Ce moyen comme nous l'exposerons dans la suite , est identique avec celui

ET MONUMENS DE l'aMÉRIQUE. l5g

dont se servent les Hindoux, les Tliibûlains, les Chinois, les Jnponois et d'autres peuples asiatiques de race tartare, qui distinguent aussi les mois et les années par la correspondance de plusieurs séries périodiques dont le nombre des termes nVst pas le même. Les Mexicains emploient, pour le cjcle des années, les quatre signes suivans, qui portent les noms de

Tochtlij lapin ou lièvre. Acatl, eannes.

Tecpatlj silex, ou pierre à fusil. Calh , maison.

On trouve ces quatre hiéroglyphes dans plusieurs des planches précé- dentes. Poui' la ligure du lapin (tochtii), vojez, Planche xiii , lanimal à grandes oreilles iiguré dans la huitième case, en comptant d'en bas à dioite; Planche xxiii, la troisième case au bas à gauche, et surtout Planche XAvir, n." I, la huitième case. Pour cannes (acatl), «7e:c (tecpatl), et mai>o« (calli), voyez, sur la pierre circulaire représentée Planche xxiii , la cinquième, la dixième et la quinzième case qui suivent celle du lapin, de gauche à droite. On reconnoitra facilement ces mêmes formes, Planche axvii, n." i, dans les cases treize, dix-huit et trois, en comptant dans la même rangée de droite à gauche, et en commençant par la rangée inférieure. Le signe silex se voit aussi, Planche xiii, derrière la figure qui est en adoration. Sur celte même planche, le calli est représenté par la figure entière d'une maison, dans laquelle on reconnoît la porte et un toît très-élevé.

Qu'on imagine à présent le cycle, ou la derni-vieillesse , divisé en quatie tlalpilli , chacun de treize ans, et les quatre signes lapin ^ cannes, silex et maison^ ajoutés dans une série périodique aux cinquante-deux ans renfermés dans un cycle, on trouvera que deux indictions ne peuvent pas commencer par le même signe ; que le signe placé à la tête d'une indiction doit nécessairement la terminer, et que le même signe ne peut pas appartenir au même nombi e. Voici le tableau du cycle mexicain , appelé ligature ou xmhmolpilU :

l/Jo VUES DES C0I\D1I,I,ÈRES,

PREMIER TLALPILLI.

SECOND TLALPILI.l.

TROISIÈME TLALPILLI.

QUATRIEME TLALPILLI,

Ce Tochlli.

Ce Acoll.

1. Cannes.

Ce Tecpalt.

1, Silex.

Ce Calli.

1 . Maison.

Orne Acall.

■j. Caanes.

Orne Tecppll.

3. Silex.

Orne Calh.

3. Maison.

Orne Tochlli.

3. Lapin,

Je! Tpcpall.

3. Silei.

Jti Calli.

3. Maison.

Jei Tochlli.

Jfî Acall.

3. Cannes.

Nahui CoIlL.

'i. Maison,

Nahui Tochlli.

4. Lapin.

Nahui Acall.

i. Cannes.

Nahui Tecpall.

4. Silex,

Macuilli ToclillL,

Mocuilli Acflll.

Macuilli Tecpall.

5. Silex.

Macuilli Calli.

5. Maison.

Cliieuacc âcall.

G. Canoës.

Chicuace Tecpall.

6. Silex.

Chicuace Calli.

6. MaUon.

ChicuacE Tochlli.

Chiconie TccpaLl.

Chiconie Calli.

7. Maison

Chicome Tochlli.

Cliicome Acall.

7. Cannes.

Chicuei Calli.

S. Maison.

Chicuei Tochlli.

8. Lnpin.

Chicuei Acatl.

Chicuei Tecpall.

S. Silex.

CliiculmahuiToclilli

9. Lapin.

Chicuhnahui Acall.

9. Cannes.

Chicuhnahui Tecpall

Chicuhnahui Calti.

9. Maison.

Malkclli Acatl.

10, Cannes.

Msllaclli Tecpotl.

10. Silei.

MalUclli Calli.

10. Maison.

Mallaclli Tochlli.

Mallact.oiceTecpall

11. Silex.

Mallacllioice Calli.

11. Maison

Mail, ozcc Tochlli.

Mallaclli oice AcaO

11. Cannes.

iMallai^LomomeCalti

L3. Maison

Mail, omomeTochlti

Mail, oroome Acoll.

13. Cannes

Mall.oraoraeTccpatl

la. Silex.

Matl. omey Totlilli.

i.î.Upin.

Mallaclli omej- Acall

i3. Cannes

Mail, omey Tecpall.

i3. Silex.

Mallaclli omey Calh

i3. Maison.

Les iiiol.s ce j ome_, jei, placés avant les noms de quatre hiéroglyphes des années, indiquent les nombres dont la série ne va pas au-delà de treize, et qui se trouvent par conséquent répétés quatre fois dans une ligature. La table suivante offre les nombres de un à treize, en mexicain ou aztèque, dans la langue deNoutka, en miij'sca on mosca, en péruvien ou qquichua, en mantchou, en oïgour et en mongol.

L A K G TJ E S A fil £ R 1 C A I K E S.

LANGUES TABTAllES.

( ar«,ç«. )

C'ÛIc du Nard Ouol.)

{TarlarU î'"'/^".)

i.Ce

Hue.

Ala,

Sahuac.

Emou.

Negufe.

Pir,

Alla.

Tehouc.

Khour.

Iki.

3. Jei.

Quiniza.

Mica,

Cal^,■..

Ilan.

Courba,

Oulcîie.

4. Nahui.

Tawa.

MujhicB.

Nu.

Durha.

Tourou,

5. Macuilli.

Plchca.

Ilisca.

Sutcha.

Sounlcha.

Tahoù-

Pich.

6. Chicuace.

Zocla.

Ta.

Nupu.

Nicgoun.

Djourg».

Ahi.

7. Chicome.

Canchis.

Coh upqua.

Allipu.

^"adon,

Dolo,

Ili.

B. Chicuei.

Pussflc.

Suhuza.

Allcual,

Tchakoun.

Naimn.

SaLis.

9. Chicuhnahui.

Yscon.

Tiahuacuall.

Ouyoun.

Youiou.

Toutous.

10. Mallaclli.

Chunco.

Ubchica.

Ayo.

Tchouan.

OUD,

ii.MatlDctli ozcc.

Chunca hucnioc.

Quicha Dia.

Ayo sahuac.

Tchouan emou.

Arban neguc.

Pir oun.

13.Mallacllioinanie

Quicha boso.

Tcliouan IcliQué.

Arhan Lliour.

Iki oun.

i3. Mallaclli omey.

Chuncaquimia^oc

Quicha mica.

Ayo calza.

Tchouan ilan.

Arban gourhâ.

Oulctie oun.

On peut être frappé de Textréme dissemblance qui se trouve entre les sept langues dans lesquelles nous venons d'indiquer les nombres cardinaux. Les langnes américaines sont aussi éloignées les unes des autres qu'elles le sont des

ET 5IONUIVIEÎNS DE i/aIMKRIQUE. l^.l

langues tartares.Ce manque d'analogie ne doit cependant pas être allégué comme une preuve contre ropinlon que les peuples américains ont eu d'anciennes communications avec l'Asie orientale. Les dilïerens gioiipes de peuples taitares, les Mantclioux et les Oïgours, dont les derniers, deux siècles avant notre ère, ont e'migré des bords du Selinga vers le plateau de Turfan , situé sous les 43° de latitude, parlent des langues qui ddïèrent plus entre elles que Tallemand et le latin. Lorsque des tribus d'une même origine sont séparées pendant une longue suite de siècles par des mers et de vastes déserts, leurs idiomes ne conservent qu'un très-petit nombre de racines et de formes communes.

De même que les Mexicains , en parlant de l'année d'un cycle , plaçoient les nombres cardinaux ce^ oine,jei, devant le nom des quatre biérogljpbes lapin ^ cannes, silex et maison^ ils joignoieut, dans leurs peintures, les signes de ces nombres aux signes des années. La métliode étoit identique avec celle employée pour distinguer les cycles ou ligatures. Comme la série périodique des nombres n'avoit que treize termes , il suffisolt d'ajouter aux biéroglyplies les ronds qui figurent les unités.

L'écriture symbolique des peuples mexicains olTroit des signes simples tant pour vingt que pour la seconde et la troisième puissance du même nombre qui rappelle celui des doigts de la main et du pied. Un petit étendard , ou pavillon, représentoit vingt unités: le carré de vingt, ou qviatre cents, étoit ligure par une plume ^ parce que des grains d'or renfermés dans le tuyau d'une plume servoient, dans quekjucs endroits, de raonnoie ou de signe d'échange. La figure d'un sac indiqnoit le cube de vingt, ou huit mille , et portoit le nom de xiciuipilli , donné de même à une sorte de bourse qui renfermoit huit mille grains de cacao. Un étendard, divisé par deux lignes croisées et colorié à moitié, indiquoit un demi-vingt, ou dix. Si l'étendard étoit colorié à trois quarts, il désignoit quinze unités, ou trois quarts de vingt. En comptant, le Mexicain ne nommoit pas les multiples de dix que les Arabes appellent nœuds, mais les multiples de vingt. Il disoit : un-vingt, cem-pohualli ; deux-vingts, ojn-pohualli trois-vingts, y ei-pohuallij et quatre-vingts, naliui- pohualli. Cette dernière expression est identique avec celle employée en françois. Il est presque superflu d'observer ici que les Mexicains ne connoissoient pas la méthode de donner aux signes des nombres des valeurs de position ' ,

La Place, Expos., Toni. ii; pay'. 2-G.

36

1^2 VUKS DES CORDILLÈRES,

méthode admirable, inventée soit par les Hindous, soit par les Tibétains', mais également ignorée des Grecs', des Romains, et des peuples civilisés de TAsie occidentale. Les Mexicains accoloient leurs liiéroglyplies des nombres à peu prés comme les Romains répétoient les lettres de leur alphabet, qui leur servolent de chiffres. On ne sauroit être surpris de voir que l'arithmétique mexicaine ne piésente pas d'hiéroglyphe simple pour des centaines au-dessus de quatre cents, lorsqu'on se rappelle'' que les Arabes, jusqu'au cinquième siècle de l'hégire, connoissoient tout aussi peu des signes poiii- les nombres centenaires au-dessus de quatre cents, et que, pour écrire neuf cents, ce peuple, justement célèbre dans les annales des sciences, étoit obligé de placer deux fois le signe de quatre cents à côté du signe de cent.

Il résulte de ce que nous avons exposé sur la manière de distinguer entre elles les ligatures ^ et les années renfermées dans une ligature^ qu'une époque étoit déteimincc en nonmiant à la fois le nombie des ligatures ou cycles, et deux termes qui se correspondent dans les deux séries périodiques de treize nombres et de quatre signes. La table suivante offre plusieurs époques remarquables de l'histoire mexicaine, indiquées d'après l'ère des Aztèques. Il faut se rappeler que ces peuples ne comptoient le nombre de leurs cjcles, ou xuihmolpillis , que de l'année 1091, parce que, dans leurs annales, ils avoîent établi un nouvel ordre chronologique depuis leur sortie d Aztlan, ou depuis le commencement de leurs migrations vers le sud.

Nahui XiulimolpilH , orne Calli (4.= Cjcle, 2. Maison )

iSaS. Fondation de Ténochlitlan.

Macuilli Xiuhmolpilli, ce C;illi (3.» Cycle, 1. Maison.'

1 38ç). Avènement au trône du roi Huilzilihuitl.

Chicuace Xiuhmolpilli, chicuace Tochlli (6.^ Cycle, 6

Lapin. )...

i446- Grande inondation de la ville de Mexico.

Chicome Xiuhmolpiili, matIactliomeyTocblli(7.«Cycle,

iS.LapiD.).

1492. Arrivée de Colon aux Isles Antilles.

Chicuei Xiuhmolpilli, ce Acall (8,'Cyde, 1. Canne,]

laig. Entrée de Cortez à Ténochlitlan.

Chicuei XiuhmoIpUli, orne Tecpatl (8.= Cycle, 3. Sile

iSïo. Mort de Montezuma.

Chicuei Xiuhmolpiili. jvi G.lli (8.' Cycle, 3. Maison. )

iSsi. Piise et destruction c!e Ténochlitlan.

Le même artifice de la concordance de deux séries périodiques étoit emploj'é pour distinguer les jours d'une même année. Il paroit qti oi iginaiiement ,

' Geoiigii Alph. Tibet. C. xxin, pag. 637.

Delahbre, sur les fonds et les analogues des Grecs. {Œuvres d'Jrchinièdf . par PEvit.vfin, pag. Sylî.) ' Sylvestre DE Sacy, Granuuaire arabe ; iSio, P. 1, pajj.

F.T MIWUMENS DE 1,'amÉHIQUE. I,/J'

chez IcsptMiplra mexicains comme cliez les PeiSoiiis, cLïicjue jdiii du mois avoit un nom et un signe particulier: ces vingt signes rappellent les yogas que, dans l'almanacli astrologique des Hindoux, Ton trouve ajoutes aux vingl-luiit jours des mois lunaires. Dans le Melztlapohualli , ou compte de la timc des Aztèques, on les distribua parmi les petits ojcles des demi - lunaisons ; de sorte qu'une série périodique de treize termes, qui tous étoient des chiffres, correspondoit à une série périodique de vingt termes, qui ne lenfermoit que des signes hiéroglyphiques. C'est dans cette série des jours que l'on retrouve les quatre giands signes, lapin, canne, silex et maison, par lesquels, comme nous venons de le voir plus haut, on désignoit les années d'un même cj'cle; seize autres signes d'un ordre inférieur étaient répartis de manière qu'en nombre égal de quatre ils séparaient les grands signes les uns des autres.

En se rappelant que chaque mois mexicain étoit divisé en quatic petites périodes de cinq jours, on conçoit qu'originairement les hiéroglyphes lapin, canne, silex et maison, indiquoient le commencement de ces petites périodes dans les années dont le premier jour portoit un des quatre signes nommés. En efiét, lorsque le premier du mois Tititl a le signe calli, le six de tous les mois suivans sera tochtli, le onze sei a acatl, et le seize lecpall : chaque mois commencera pour ainsi dire par un dimanche, et ces dimanches tomberont pendant toute l'année sur les mêmes jours des mois. Les Mexicains mettoient un intérêt paiticuher aux événemens arrivés un des quatre jours qui avoieut les hiéroglyphes du cycle des années. Nous retrouvons les traces de cette superstition chez les Persans, qui, pour donner un signe {harhunan) à chaque jour du mois, ajoutoient aux douze esprits célestes préposés aux mois dix-huit ministres d'un ordre inférieur. Les Mexicains regardoient comme heureux le jour qui portoit le signe de l'année : les Persans ' distinguoieut les jours présidés par le même ange qiri gouverne le mois entier.

Comme la plupart des peintures hiéroglyphiques repiésentées sur les planches qui accompagnent cet ouvrage, ont rapport aux sacrifices qui doivent être faits dans chaque période de treize jours, on y trouve répétées plusieurs

La^clès , sur le Calendrier persan , tlaos Chardin, Voyage a Upitlinn, Tom. ii , pat^ 265.

YIJES DES COnDIlJ.ÈRES ,

fois les figures des vingt signes ties jours. Je ne citerai ici que les Planclies xiii, XXIII et XXVII. Voici les iiojns de ces signes :

Calli, maison. Cuetzpaliiij lézard.

Cohuatl^ couleuvre. Ce mot se retrouve dans Cihuacoliuatt ' femme au

Serpent 3 l'Eve des Mexicains. Micjuiztli mort, tête de mort. Mazatl , chevreuil ou cerf. ToCHTLi, lapin. Atl, eau. iLzcuintlij chien. Ckomatli j singe. MalinaUij herbe. AcATL, canne. Ocelodj tigi e , jaguar. Quaiiliill , aigle.

Cozcacjuauhtli , roi des vautours. Ollirij mouvement annuel du soleil. Tecpatl, siles. Quiahuitl , pluie. XochiH, fleur.

Cipactli, aniinal marin : Teocipactii, dieu- poisson est un des noms que les Mexicains donnoient à Coxcox, qm est le Noé des peuples de race sémitique.

Ehecad j vens.

Les nombres treize et vingt n'ayant pas de facteurs communs, dans l'alma- nach des demi-lunaisons, les deux séries périodiques ne peuvent correspondre deux fois aux mêmes termes qu'après ï3 x 20, ou deux cent soixante jours. Dans une année dont le premier jour a le signe cipactlLj aucune demi-lunaison ne commence avec le signe cipactti, dans les treize premiers mois; mais, depuis le mois pachtli, les mêmes signes reviennent avec les mêmes chittres.

' Vujeiî plus liant, pug-, 83.

ET MONUMENS DE l'amÉHIQUE. 1^5

Pour éviter cette cause d'erreur, les Mexicains, fidèles à leur principe de ne pas nommer le nombre des petites périodes de treize jours , ont eu de nouveau recours à Fartiflce des séries périodiques. Ils ont formé une troisième série de neuf signes, appelés les seigneurs ou maîtres de la nuit; savoir :

Xiuhteuctli Tletl^ feu, ou maître de l'année.

Tecpatl , silex.

Xochitl i fleur.

Cinteotl^ déesse du maïs.

MiquiztU j, mort.

Atl , eau.

Tlazolteotl , déesse de famour.

TepeyollotU esprit qui habite l'intérieur des montagnes. Quiahuiilj pluie.

On peut être étonné de trouver une série de neuf termes dans un calendrier qui ne fait usage que des nombres cinq, treize, dix-huit, vingt et cinquante-deux ; on pourroit même être tenté de chercher quelque analogie entre les neuf seigneurs de la nuit des Mexicains, et les neuf signes astro- logiques de plusieurs peuples de l'Asie', qui joignent aux sept planètes visibles deux dragons invisibles auxquels ils attribuent les éclipses : mais ce n'est sans doute que la facilité avec laquelle les neuf seigneurs de la nuit se répartissent quarante fois en trois cent soixante jours ^ qui a fait donner la préférence au nombre neuf.

Les cinq jours complémentaires, appelés par les Persans jours furtifs , ou pendjéhi-douzdideh ^ portent, chez les Mexicains, le nom de nemontemi ou vides , parce qu'on ne leur ajoute pas de ces termes de la troisième série que les auteurs indiens regardent comme les compagnons des signes des jours. Il faut observer , et cette circonstance peut devenir embarrassante dans la chronologie aztèque, que cinq de ces compagnons portent le même nom que les liiérogljphes du jour : mais , d'après les rêveries des astrologues améri- cains , les esprits qui appartiennent à la série des neuf signes, gouvernent la nuit, taudis que les vingt autres signes gouvernent le jour. Les Hindoiix

.^7

1^6 VUES DES CORDILLKRES,

connoissent aussi des génies {caraiias)^ préposés à un demi-jour {ii'thi) lunaire.

Gomme il y a vingt signes du jour, et neuf" compagnons ou seig/teurs de la nuit^ le même compagnon doit correspondre, tous les 9 x 20 ou cent quatre-vingts jours, aux mêmes hiéroglyphes; mais il est impossible que, dans la même année de trois cent soixante-cinq jours, le même terme des trois séries, savoir le nombre^ le signe du jour, et le compagnon ou esprit nocturne, puissent coïncider plus d'une fois. Dans une année qui commence par Cipactlij

Le II Janvier sera 5 Calli , xoehitl.

Le 10 Juillet i Calli, sochitl.

Le 3 Février 12. Coliualt, tlazolteotl.

Le i."Août 10 Cohuatl, tlazolteotl.

Le 8 Mai 3 Xoehitl , xoehitl.

Le 4 Novembre i Xoehitl, xoehitl.

L'emploi de la troisième série péiiodique, au mojen de laquelle on distingue deux jours ((ui ont le même nombre et le même hiéroglyphe, par exemple 1 Cipactlij correspondant au 9 janvier et au 26 septembre, a été ignoré de la plupart des historiens espagnols : c'est M. Gama qui l'a fait connoître le premier, d'après les manusciits mexicains de l'indien Christoval del Castillo. Pour désigne!' un jour, selon la méthode compliquée des Mexicains, nous dirions un (juatre d'un mois , qui est à la fois un mercredi du calendrier grégorien et un (juiiitldi du calendrier républicain. Cette expression indiqueroit la coïncidence de certains termes de trois séries périodiques ; savoir , des trente ou trente-un jours du mois, des sept jours de la semaine, et des dix jours de la décade. Pour lever entièrement les doutes qui pourroient rester sur le système chronologique des Mexicains, nous ajouterons ici un tableau qui réunit les divisions des calendriers rituel et civil, et leur coi-respondance avec le calendriei' gi-égorien.

ET MONUfllENS DE l'amÉRIQUK.

METZLAPOHUALLI

1R1EH KITUEL

TOSALPOHliALLl,

liRIES PÉRIODIQUE

1 DES q SEIGNI

Cipactli

Ehecall

Calli

Cuetzpalin. ,

Cohuatl

MiquizQi

Mazall

Tochtli.

Atl

Ilzcuiiitli. . . . OzoHiatli . . . Malinulli.... Acatl.

Ocelotl

Qiiauhtli

Cozcaqnauhlli. Ollin

îf/..

Quiahuid. . Xochill.. . Cipactli.. - Eliecatl. . . Calli. .... Quetzpalin Cohuatl.. . Miquizlli..

Mazatl.. Toc/Uli.

Itzcuiiitli.. Ozoniatli. .

Tà-tl.

Tecpall

Xochitl

Cinteotl

Miquizlli

Atl

Tlazolteotl. . Tepeyollotli. Quialiuitl. . .

'Jhll.

Tecpatl

Xochitl

Cinteotl

Miquizlli. . . .

Atl

Tlazolleotl.. Tepeyollotli. Qgialiuitl . . .

Tletl.

Tecpatl

Xochitl

Cinteotl

Miquiztli. . . .

Atl

Tlazol teotl . . Tepeyollotli,

Quiahuitl. . ,

TletL

Tecpatl

Xochitl

Cinteotl

Il seroit inutile d'ctendre ce tableau au-delà des premiers trente-un jours de Tannée mexicaine; mais nous rappellerons ici que les Indiens de Cliiapa , qui employoient les mêmes divisions du temps et le même artifice des séries périodiques, doniioient, aux hiéroglyplies des jours renfermés dans un mois, les noms de vingt guerriers illustres qui, dans les temps les plus reculés, avoient conduit les premleis colons dans les montagnes de Teochiapan. Parmi

l48 VUES DES CORDILLÈRES,

ces signes dos jours {Idrhind/t des Persans), les Chijipnnois dislingiiolent, de même que les Aztèques, quatre grands et seize petits signes. Les piemieis commençoient les périodes de cinq jours; mais aux noms de maison ^ lapin ^ canne et silex- (calli, LocMli, acatl et tecpati), les Chiapanois avoient siilistitm- ceux de Votaji, hamhat, Been et Chinax , quatre chefs célèbres dans leiiis annales liîstoiiques.

Nous avons déjà fixé plus haut l'attention de nos lecteurs sur ce Votan ou Wodan, Américain qui paroît de la même famille avec les Wods ou Odins des Goths et des peuples d'origine celtique. Comme, d'après les savantes recherches de sir William Jones, Odin et Boudlia sont prohahlement une même personne il est curieux de voir les noms de Boud-var , TVodans~da^ (Wednes-daj) et l'oian désigner, dans l'Inde, en Scandinavie et au Mexique, le jour d'une petite période. Selon les traditions antiques recueillies par Févêque François Nuîïez de la Vega, « le Wodan des Chiapanois étoil petit-fils de cet illustre vieillard qui, lors de la grande inondation dans laquelle périt la majeure partie du genre humain , fut sauvé dans un radeau , lui et sa famille. » Wodan coopéra à la construction du grand édifice que les hommes entreprirent pour atteindre les cieux : l'exécution de ce projet téméraire fut interrompue ; chaque .famille reçut dès-lors une langue diflTérente, et le grand esprit Teotl ordonna à Wodan d'aller peupler le pajs d'Anahuac. Cette tradition américaine rappelle le Menou des Hindoux , le Noé des Hébreux , et la dispersion des Couschites de Singar. En la comparant soit aux traditions hébraïques et indiennes conservées dans la Genèse et dans deux pouranas sacrés % soit à la fable de Xelliua le Cholulain ^ , et à d'autres faits cités dans le cours de cet ouvrage, il est impossible de ne pas être frappé de l'analogie qui existe entre les souvenirs antiques des peuples de l'Asie et de ceux du nouveau continent.

Nous prouverons ici , comme nous l'avons avancé plus haut , que cette analogie se manifeste surtout dans la division du temps, dans l'emploi des séries périodiques, et dans la méthode ingénieuse, quoique embarrassante et compli- cjuée, de désigner un jour ou une année, non par des chiffres, mais par des signes astrologiques. Les l'oltèques , les Aztèques, les Chiapanois et d'autres

' Rech. Asiul., Vol.i, p. 3ii , Vol. ii, p. 7,1^7^. ' L. c. Vol. lu, p. ^36. ' Voj'ezjilus haut, p. 5-2.

ET MONUMEJNS DE l'amÉRIQUE. 1 /■()

peuples de lace mexicaine, comptoieiiL d'après des cycles de cinquante-deux ans, divisés en quatre périodes de treize ans; les Chinois, les Japonnois , les Galmouks, les Moghols, les Mantchoux et d'autres hordes tartares, ont des cycles de soixante ans divisés en cinq petites périodes de douze ans. Les peuples de l'Asie, comme ceux de l'Améiiqne, ont des noms particuliers pour les années renfeimées dans un c^cle : on dit encore à Lassa et à Nangasacki, comme jadis à Mexico, que tel ou tel événement a eu lieu l'année du lapin ^ du tigre ou du chieti. Aucun de ces peuples n'a autant de noms qu'il y a d'années dans le cjcle : tous doivent, par conséquent, recourir à l'artiPice de la correspondance des séries périodiques. Chez les Mexicains, ces séries sont de treize nombres et de cpiatre signes hiérogljphi((ues ; chez les peuples de l'Asie, que nous venons de nommer, les séries ne renferment pas de chiffres; elles sont formées tant par des signes qui correspondent aux douze constellations du zodiaque, que par les noms des élémens qui présentent dix termes, parce que chaque élément est considéré comme mâle ou femelle. L'esprit de ces méthodes est le même dans la chionologie des peuples américains, et dans celle des peuples asiatiques : en jetant les jeux sur le tableau des années que nous avons tracé phis haut", on voit que l'avantage de la simplicité est même du côté des Mexicains. Le Japonnois, pour désigner l'époque à la(fuelle un Daïii est monté sur le trône, ne dit pas que c'ctoit dans l'année ouma (cheval), de la seconde période de douze ans; il appelle la dix -neuvième année du cycle l'année eaii mdle^ cheval ^ placée entre les années eau femelle , brebis j et métal femelle, serpent. Pour se laire une idée nette de ces séries périodiques du calendrier japonnois, il faut se rappelei- que ce peuple, comme les Tibétains, compte cinq élémens; savoir: le bois (Zf/io), le feu (Jino)^ la terre {tsuisno)^ le métal ou plomb (lianno), et l'eau (mids/io). Chaque élément est mâle ou femelle, selon tpie l'on ajoute les syllabes Je ou to , distinction qui étoit aussi en usage chez les Egvptîens \ Pour distinguer les soixante années du cjcie, les Japonnois combinent les dix élémens ou principes terrestres avec les douze signes du zodiaque, appelés les principes célestes. Nous ne rapporterons ici que les deux premières indictions que renlerme le cjclc jajjonnols.

Voyez pag. i 'iq.

' Seneci, Qiiîest. nal., 1. , c, i^.

' K^MpiER, Hist. du Japon, 1729, Tom, i, pag. liî;, Tub. xv.

i5o

VUF.S DES CORDITJ.KKES ,

Kino je ne ( rat ).

2.

Kino to us (hœuf).

Fino lo us.

J^i/io je torni ( tigre ).

i5.

Tsutsno je torra.

4-

Pîno to av (lièvre).

iG.

Tsutsno to ou.

5.

Tsutsno je tats { crocodile ou dragon ).

Kanno je tais.

6.

Tsutsno to mi. (serpent).

i8.

Kanno to mi.

?■

Kanno je uma (cheval).

'9-

Midsno je uma.

8.

Kanno to tsitsuse (brebis).

Midsno to tsituisc:

9'

Mîdsno je sar ( singe ).

Kino to sar.

Midsrto to torrî (poule).

Kino to torri.

Kino je in ( chien ).

Fino je in.

12

Kino to j ( porc )■

24.

Fino lo j.

Dans le calendrier mexicain, chacune des qualie iiidictioiis de treize ans commence ayec un signe dilî'érent; dans le calendrier japonnois, chaque période de douze ans est présidée par un des cinq élémens mâles. De même que chez les Mexicains , le quatrième terme de la série des nombres, Jiahui, ne peut correspondre, en cinquante-deux ans, qu'une seule fols au second ternie de la série des signes, acablj chez les Japonnois, dans un cycle de soixante ans, un des cinq élémens mùles ne peut se trouver placé qu'une seule fois auprès d'un des douze signes du zodiaque. Le tableau suivant, qui renferme quatorze années mexicaines et japonnoises, servira à mettre dans le plus grand jour Tanalogie qu'ollrent les calendriers des peuples du Mexique et de l'Asie orientale.

CYCLE DES JAPONNOIS.

CYCLE DES MEXICAIKS.

Soient a, g, 5,^',.. les L-lémrns

SoiUNT a,Çt,-i, -T les (iUfltTE sienes tits

AHWÉES.

màlea et femelles, el a, h, c... les

des cbi'ffres/el'nons aurons:

2

a', ù.

i>\ a.

f^. y.

4

0, d.

d, j:

5

6

./■

f. 13.

7

S-

ëy y-

8

s\ h.

h,

9

f', -!■.

/.

l. 7-

m, ï.

i4

Ii\ h.

ET MONUMENS DE I.AMF.iUQUE. l5l

LVis.nge des séries périodiques se retrouve aussi en Chine, oîi dix ccm combinés avec douze tchi servent à désigner les jours ou les années des périodes de soixante jours ou de soixante années'. Chez les Japonnois, les Chinois et les peuples du Mexique, les séries périodiques ne peuvent servir qu'à caractériser cinquante- deux ou soixante ans. Les Tibétains, au contraire, ont tellement compliqué l'artifice des séries, qu'ils ont des noms pour cent quatre-vingt-douze et même pour deux cent cinquante -deux ans. En désignant, par exemple, l'époque mémorable à latpielle le grand hh^ma Kaiig-la-gnimb à réunit, avec le consentement de l'empereur de la Chine , les pouvoirs ecclésiastique et séculier', l'habitant de Lhassa cite l'année Jeu mdle j oiseau [me po cia), du quatorzième cycle écoulé depuis le déluge. Il compte quinze élémens; savoir: cinq du genre masculin, cinq du genre féminin, et cinq neutres. En combinant ces quinze élémens avec les douze signes du zodiac[ue , et en ne nommant les premières douze années du cycie que d'après les signes célestes, sans ajouter aucun élément, il obtient des dénominations pour I2xi5+i2^ cent quatre-vingt-douze années. En ajoutant enfm soixante années désignées par la combinaison de dix élémens mâles et femelles avec douze signes du zodiaque, il trouve son grand cyc\e de deux cent cinquante - deux ans.

Soient c les signes du zodiaque, «, (3, les élémens neutres,

<x', /3', y... les élémens mâles, et <x", /3", les élémens femelles, on aura: i." pour les premiers douze ans, a, h, c, d...; pour les années 15—72,

CL a, a. h , ac...; /3 a, /S b, ^ c...; y a, y b , yc....; 5." pOUr Ics années ^5 iSs , a.' a, a! b, a' C... ; |3' fl,/3' b... ; z^." pour les années lâa— igiï, a" a" a" c...; /3" a, ^' b,^" c...; 5." pour les années igj 25:!, a , ci' h , ^' c , d, y e, y f, A' g, h, ^ i, i" cC l,

a.' m, ^ a, f a h' , y h Les Tzihi-clien , on calculateurs pidilics de Lhassa^,

allèguent, en faveur de la chronologie tibétaine, que les années de même nom ne revenant à peu près que tous les deux siècles, la date d'un événement histoiique est fixée, lors même que le cjcie n'est pas indiqué. L'inceititude est plus grande chez les Japonnois et chez les Mexicains, les mêmes noms se retrouvent tous les soixante ou cinquante-deux ans. On peut être surpris que les l'ibétains, qui, depuis la plus haute antiquité, se servent des mêmes

' Observ. astr. du P. Sodciet, publiées par le P. G^ubil, Tom. r, p. 26, Tom. 11, p. 173. ^ Georgi, Alj>h. Tibet., p. 5i6. ^ Ibid.^ p. 46g.

iSa VUES DES CORDILLÈRES,

chitFies et du même sjstème de numération que les Hindoux, n'aient pas abandonné la méthode compliquée des séries périodiques. Cette méthode tire son origine des rêveries asti*o]ogi(jues : elle n'auroit être employée que par des peuples qui, comme les Aztèques et les Toltèques, trouvoient de la difficulté à exprimer des nombres très-considéi ables , et dont les annales étoient écrites en caractères hiérogljphiques.

Nous venons de voir que les Mexicains , les Japonnois , les Tibétains et plusieurs autres nations de l'Asie centrale, ont suivi le même système dans la division des grands cycles, et dans la dénomination des années qui les composent. Il nous reste à examiner un fait qui intéresse plus directement ITiistoire des migrations des peuples, et qui paroît avoir échappé jusqu'ici aux recherches des savans. Je crois pouvoir prouver qu'une grande partie des noms par lesquels les Mexicains désignoient les vingt jours de leurs mois, sont ceux des signes d\ni zodiaque usité depuis la plus liante antiquité chez les peuples de l'Asie orientale. Pour faire voir que cette assertion est moins hasardée qu'elle ne le paroît d'aboid , je vais réunir dans un seul tableau, i." les noins des hiéroglyphes mexicains, tels qu'ils nous ont été transmis par tons les auteurs du seizième siècle; 3." les noms des douze signes du zodiaque tartare, tibétain et japonnois; 5." les noms des nàkchalras ^ ou maisons lunaires du calendrier des Hindoux. J'ose me flatter que ceux de mes lecteurs qui auront examiné attentivement ce tableau comparatif, s'intéresseront aux discussions dans lesquelles nous devons entrer sur les premières divisions du zodiaque.

SIGNES

DU ZODIAQUE.

kakcuathas,

IIIKDOUX,

G il i; c S ,

MANÏCHOUX.

J APONN OIS.

TIBÉTAINS.

MEXICAIN.

DES HINDOUX.

Verseau.

Ne.

Tcliip, rfll, eau.

Ail, eau.

Ous.

L.nie, bœuf.

Cipaclli , -ncnifrï mnrln.

{LeMuhnraeslunmonstr>-

Sagillaire.

Pars,

Torra.

Taii, ti^.

Occloll, liff-e.

Taoulai.

Oy.

lu , liivre.

ToclillL, lièvre.

Balance.

Lon.

Tais.

Cohiiall, serpent.

Serper^t.

MogaV

Mi.

Proul, .erpenl.

{Acall, .a,o,e).

(.\m.ie.

Lion.

Morin.

Ouma.

Tlia , chrval.

{Tecpall,sllei,eon/™ii).

n„sùir.

K..in.

TsIUousc.

{QWia. chemin dasoUiV).

TratesclespiésdeVlùlinou.

Gcmeaus.

Pptcl.i.

Sar.

PrcSiou, i,;ng€.

Oioraslli, linge.

Taureau.

Ti.l,ia.

Torri.

Quaulllli, aiseiiu.

Bélier.

Nûkai.

Td.

Ky, ohUn.

llicuiulli, •■/dmi.

Queue (le chien.

Poissoni.

Gacai.

y.

(cm, .maison).

ET MOiXUMENS DE l'amÉRIQUE.

Depuis les lemps les plus recules, les peuples de l'Asie connoissoient deux divisions de réclipticjue, lune en vingt-sept ou vingt-huit maisons on préfectures lunaires, l'autre en douze parties. C'est à tort {ju'on a avancé que cette dernière division ne se trouvoit que cliez les Égypiiens. Les monumens les plus anciens de la littérature indienne , les ouvrages de Calidas et d'Amarslnli ' , font mention à la fois des douze signes du zodiaque et des vingt -sept compagnes de la lune. D'après ce que nous savons sur les communications cjui, plusieurs milliers d'années avant notre ère, ont eu lieu entre les peuples de TEtliiopie, de la Haute-Egjpte et de l'Hindoustàn, il n'est pas permis de regarder comme appartenant exclusivement aux Ég^'ptiens, tout ce que ces deiniers ont transmis aux peuples de la Grèce.

La division de l'écliptique en vingt-sept ou vingt-huit maisons lunaires, est probablement' plus ancienne que la division en douze parties, qui se rapporte au mouvement annuel du soleil. Des phénomènes qui se répètent toutes les lunaisons dans le même ordre, fixent bien plus rattention des hommes que des changemens de position , dont le cjcie n'est achevé C|ue dans l'espace d'un an. La lune étant presque placée , dans chaque lunaison , près des mêmes étoiles, il paroîl naturel qu'on ait donné des noms paiticuliers aux vingt -sept ou vingt -huit constellations qu'elle parcourt dans une révolution synodique. Peu à peu les noms de ces constellations ont passé aux jouis lunaires mêmes, et cette liaison apparente entre le signe et le jour est devenue la base principale des calculs chimériques de l'astrologie.

En examinant attentivement les noms que les nalchatras^ ou hôtelleries lunaires, portent dans l'Hindoustàn, on y reconnoît non seulement presc|uc tous les noms du zodiaque tartare et tibétain, mais aussi ceux de plusieurs constellations qui sont identiques avec les signes du zodiaque grec, Chaque nakchatras a iS" 20', et 2 î nalichatras correspondent à un de nos signes. \jv tableau suivant rend assez probable que le zodiaque solaire a tiré son oiigine du zodiaque lunaire, et ([ue les douze signes du premier ont été choisis en grande partie parmi les vingt-sept nalichalras.

' Rech. Asiat. , \ ol. n, pag;. 5_'i6. " Lb Gewtil, Vol.i, pag. y6i.

3!)

i54

VUES DES CORDlLTiÈRES,

MAISONS LUNAIRES.

SIGNES {DoneciTEMom.,) UU ZODIAQUE.

JitU, \erseini.

Gazelle.

Bœuf, capricorne.

Flèche, (irc.

Tigre, sagitinirc:

Queue de iion.

Lion.

Fléau de balance.

Dragon , bnlance.

Serpent.

Serpenl j vierge.

Cheval.

Cheval.

Chèvre.

Brebis, cHncer.

Singe, gémeaux.

Aigle.

Oiseau, taureau.

Queue de chinn.

Chien, bélier.

Poisson.

Dans le ciel ainbe , le baudiler d'Oiion est désigné solis le jioin de fléau de balance, Micdn , et il paroit d'autant pins ieinai(|naljle cpi'nne station lunaire des Hindoux porte la même dénomination, que, depuis la découverte du zodiaque de Tent_yra, on a élevé des doutes sur l'ancienneté de la constellation de la balance. On ne sauroit nier que les signes qui composent le zodiaque égyptien, clialdéen et giec, sont connus dans l'Inde depuis les temps les plus reculés, et il est piobabic que, loist|ue Jules-César ajouta la balance au zodiaque romain, il le lit en suivant les conseils de l'astronome Sosigènes ' , qui, en Egypte, ne pouvoit pas ignorer les divisions de Técliptique usitées dans 1 Orient. On n'a pas besoin', d'ailleurs, de jeter des doutes sni' la haute antiquité du signe de la balance, pour inlirmer l'hypothèse hasardée d'après laquelle nn temple de la Haute-Egypte a été construit plus de quatie mille ans avant notre ère.

Frappé de l'analogie qui existe entre les dénominations des nakchatras et celles de plusieurs signes du zodiaque tibétain et grec, jai examiné si les constellations qui pojtent le même nom, répondoient aux mêmes poinls du ciel. Cette correspondance n'a pas lieu, soit que l'on suppose que le pre- mier nakchatras, connu sous la dénomination de cheval, est le cheval du

' BuTTMANN, dans Ideleu, Tlist. Unt., p. 072 078.

" Voyez un savant Mémoire de M. Visconti , inséré dans la traduction à'fférodole de M. Labcher (éd. a.'), Tom. II, pag, 676; et Viscokti, Miscell. di Museo Pio-Clemenlino , ïom. vi, pag. aS, note c.

ET MONUMENS DE 1,'amÉriQUE. i55

zoJinque libcLiiîo, et par coiis«|uent le lion du zodiaque grec, soit que Ton admette, avec MM. Jones et Colbrooke", que rortgiue des uakcliatras est placée dans le signe du bélier, qui est le chien du zodiaque tibétain. Cette dernière hjpotlièse n'offriroit quelque probabilité que dans le cas les liùtelleiies lunaires auroient été comptées contre l ordre des signes: alors les six nakcliatras, désignés par les noms de deux faces j, de trois empreintes des pieds de f^ichnoUj de la queue du lion, du feston de feuilles, de la flèche et de la tête de gazelle^ auroient représenté nos signes gémeaux, écrevisse, lion, vieige, sagittaire et capricorne. Mais, dans aucune des suppositions que nous venons d'indiquer, la balance, le lion et le bélier ne se trouvent placés dans l'éloignement réciproque qui leLir convient. D'apiès les savantes recherches des membres de la société de Calcutta, les nakchatias aswini^ cheval; pushia^ flèche; et mula , (|ueue de lion, lépondent à et du bélier, de Técievisse, et y du scorpion du zodiaque grec, ou au chien, à la brebis et au lièvre du zodiaque tartare et tibétain.

Il peut paroître extraordinaire, au premier abord, qu'en formant des vingt -sept ou vingt -huit signes du zodiaque lunaire les douze signes du zodiaque solaire , les pcuph's aierit consei les noms d'un grand nombre de constellations, sans avoir égard à leur position absolue et à Tordre dans lequel elles se suivent ; mais il ne faut pas en conclure que l'analogie frappante qu'olfrent douze nakchatras avec autant de signes du zodiaque tibétain et gi ec , soit purement accidentelle. Comme les dénominations des mansions lunaires ont passé peu à peu aux jours mêmes, on conçoit qu'elles étoient devenues familières au peuple, qui ignoroit sans doute la position des étoiles dont se composent les divisions de fécllptique. Il se pourroit que des nations, retombées dans la barbarie, n'eussent conservé qu'une réminiscence confuse des noms des nakchatras, et qu'en reformant leur calendrier, elles eussent choisi parmi ces noms ceux des signes du zodiaque solaire, sans suivie l'ordre anciennement adopté. Il se pourroit aussi, et j'incline à donnei' la préférence à celte dernière opinion, que le zodiaque composé de douze signes eût tiré son origine d'un ancien zodiaque lunaire, dans lequel les nakchatras étoient plact.'s selon ini ordre plus analogue à celui que nous rejuarquons aujourd'hui dans les dodecatemoria des peuples du l'ibet et de la Tartarie.

» Asiat. Res.j Tora. ix^ (lag. ii8.

l50' VUES BES CORDIEEKUES ,

En etTeL, It-s tllvisions de Tecliplique que sir William Joncs, Colbiooke et Sonnerat ont fait connoître, dilYèrcnt essentiellement entre eux. La flèche qui, selon un auteur indien, est le huitième nakchatras, n'est que le vingt-troisième d'après im auti e auteur. Nous verrons même plus bas , en parlant d'un bas-relief" romain décrit par Bianchini , que dans l'Orient il esistoit jadis dos zodiaques solaires qui avoient les mômes signes, mais placés dans un ordre difTérent. De phis, le retour du soleil des tropiques vers Téquatenr, et le phénomène de l'égale durée des jours et des nuits , dévoient engager les hommes à faire de grands changemens aux figures des nakchatras, lorsqu ils en employèrent une pai lle pour former le zodiaque solaire.

Cette liaison intime entre les liotelleries lunaires et les signes du zodiaque, se manifeste encore dans les noms que les Hindoux donnent aux mois et aux années. Ces noms , d'après les recherches curieuses de M. Davis ' , ne sont pas ceux des dodecafcmoria du zodiaque solaire; ils sont tirés des nakchatras mêmes, chaque mois portant le nom de la mansion lunaire dans laquelle la pleine lune a hou. Nous avons vu plus haut qu'au Tibet, en Chine et chez les peuples tartares, chaque année des cinq indictions du grand cjele porte le nom d'un des douze animaux du zodiaque solaire. Chez les Hindoux , les années prennent le nom du nakchatras dans lequel se trouve Jupiter à son lever holiaque. C'est ainsi (^[uaswini (cheval), ou magha (maison), sont les noms d'une année, d'un mois, et d'un ii'lhi ou jour lunaire, comme au Mexique les signes tochili. (lapin), ou calli (maison), président à la fois à l'année, à !a demi-lunaison et au jour.

Il résulte de l'ensemble de ces considérations, que la division de l'écliptlque en douze signes a tiré probablement son origine de la division en vingt-sept ou vingt-huit maiisions lunaires, et que le zodiaque solaire a été primitivement un zodiaque lunaire, chaque pleine lune étant à peu près éloignée de la précédente de deux nakchatras et un quart, ou de iS" ^o'. C'est ainsi que la plus ancienne astronomie des peuples se trouve liée aux seuls mouvemens de la lune. S'il arrive que les douze signes du zodiaque portent des noms qui diffèrent totalement de ceux des nakchatras, il ne faut pas en conclure que les étoiles mêmes aient été distribuées d'après une double division. Dans l'Asie orientale, le zodiaque en douze signes n'a été, pendant long-temps, qu'une

' On liie cjcle of sixly yeurs. Asiat. Itus., Vol. ôj pag. 217—2(51,

ET MONUMENS DE l'amÉKU^)UE. iSy

division abstraite ', tandis que le zodiaque en vingt-sept ou vingt-huit nakcliatias etoit seul un véritable zodiaque étoile. J'ai cru devoir insister sur la liaison intime qui existe entre les deux divisions de l'écliptique, pour faire voir que Tune et l'autre peuvent avoir donné naissance aux signes du zodiaque mexicain.

Examinons d'abord Tanalogie qu'offrent les dcnomi nations des jours mexicains avec celles des signes du zodiaque tibétain, chinois, tartare et mongol. Cette analogie est frappante dans les huit hiéroglyphes appelés atl^ cipactli, oceloLlj tochtli, cohuail, (juaiihtli, ozomath et UzcuintU.

Atlj eau , est indiqué souvent par un hiéroglyphe dont les lignes parallèles et ondulées rappellent le signe que nous employons pour désigner le verseau. Le premier tse ou catastérisme du zodiaque chinois, le rat {chou) se trouve aussi fréquemment représenté sous la figure de Veau Lors du règne de l'empereur Tchouen-hiu, il y eut un grand déluge; et le signe céleste hiuen-biao, qui, par sa position, répond à notre verseau, est le symbole de ce règne. Ainsi, observe le père Souciet dans ses Recherches sur les cycles et les zodiaques, la Chine et l'Europe s'accordent à jeprésenter , sous des dénominations différentes, le signe que nous nommons ajnphora ou aquarim. Chez les peuples occidentaux, l'eau qui sort du vase de Yaquarius ( ;^tjïjç vê'a.rai;) formoit aussi une constellation particulière (ù'Jiwp), à laquelle appartenoient les belles étoiles /''o/jm/iflHfZ et Deneb ha 'Uos ^ comme le prouvent ^ plusieurs passages d'Aratus , de Geminus et dn Scholiaste de Germanicus.

Cipactli est un animal marin '. Cet hiéroglyphe présente une analogie frappante avec le capricorne que les Hindoux et d'autres peuples de l'Asie appellent monstre marin. Le signe mexicain indique un animal fabuleux, un cétacée dont le front est armé d'une corne. Gomara et Torquemada^ l'appellent espadartc , nom par lequel les Espagnols désignent le narval, dont la grande dent est connue sous le nom de corne de Jicorne. BotLirini a pris cette coi nc pour un harpon , et traduit faussement cipactli par serpent

' Baillt, Ast ind-, p 5; Astr. niod. , Tom, m. pag. Soi.

' Obs. inaihém. du P. Souciet , publiées par le P. Gaubil , Tom. m , pag'. .Î5.

' Ideler, Stemnamenj pag. 19T.

* Gama, Descripc. kislor.j cmrio/. de dos Pîedrus (Mexico, 1792), pag, 27 et 100. ' Conqukla, fol. cxix. Mon. ind. , Tom. lu, p. 235.

1,0

l58 TUKS DES CORDILI.F.RKS,

armé de harpons. Comme ce signe ne représente pas un animal réel, il est assez naturel que sa forme varie plus que celle des autres signes. Quelquefois la corne paroît un prolongement du museau, comme dans le fameux poisson oxyrinfjue^ représenté à la place du poisson austral sous le ventre du capricorne, dans quelques planisphères ' indiens : d'autres fois la corne manque entièrement. En jetant les yeux sur les iigures, Planches x.mii et xxvii , faites d'après des dessins et des reliefs très-anciens, on voit combien Valadès, Botmini et Clavigero ont eu tort de représenter le premier hiéroglyphe des jours mexicains comme un requin ou un lézard. Dans le manuscrit du musée Borgia, la tète de cipactii ressemble à celle d'un crocodile; et ce même nom de crocodile est donné, par Sonnerat , au dixième signe du zodiacpie indien, qui est notre capricorne.

D'ailleurs l'idée de l'animal mai in cipactii se trouve liée , dans ia mjthologie mexicaine, à l'histoire d'un homme qui, lors de la destruction du quatrième soleil, après avoir long-temps nagé dans les eaux, se sauva seul en atteignant la cime de la montagne de Golhuacan. Nous avons fait observer plus haut que le Noé des Aztèques, appelé communément Coxcox, porte aussi le nom de Teo-CipacHi j dans lequel le mot clieii ou f/iV/// est ajouté à celui du signe cipactii. En jetant les ^yeux sur le zodiaque des peuples de l'Asie, nous trouvons que le capricorne des Hindoux est le poisson fabuleux maharan ou iOHro % célèbre par ses exploits, et représenté, depuis la plus haute antiquité, comme un monstre marin à tête de gazelle^. Gomme les habitans de l'Inde, de même que les Mexicains, indiqLient souvent les nalchatras (maisons lunaires) et les kupœnom ( dodecatemoria ) par les seules têtes des animaux qui composent les zodiaques lunaire et solaire, il ne faut pas être surpris que les peuples occidentaux aient transformé le mahara en capricorne (a(5'0XÊpwç), et qu'Aratus, Ptolémée et le persan K.azwini , ne lui donnent pas même une queue de poisson. Un animal qui, après avoir long-temps habit(' les eaux, prend la forme d'une gazelle et gravit les montagnes, rappelle à des peuples, dont l'imagination inquiète saisit les rapports les plus éloignés, les traditions antiques de Menou, de Noé, et ces Deucalions célèbres paiiiil

' Phdos. transact., 1772. pag, 55Ô.

' SuKNERAT, Voyage aux Iniles , Tom. 1, pag'. 3lo. Baij,ly, Aslr. ind,, pag. 210. ' Rech. usiat., Toni. n, pag. 555, 11." 7.

ET MONUMENS DE l'amÉRU)UE.

les Scythes et les Tliessalieiis. Il est vrai que, d'après Germanicus, Deucalloii que Ton peut considérer comme le Coxcox ou le Teo-Cipactli de la my thologie mexicaine, étoit placé, non dans le signe du capiicorne, mais dans le signe qui le suit immédiatement, dans celui du verseau {vi'^o^^^ooç) ; cette circonstance n'a cependant rien qui puisse nous surprendre : elle confirme plutôt l'opinion ingénieuse de M. Baillj sur l'ancienne liaison des trois signes des poissons, du verseau et du oapricoine, on poisson-gazelle'.

Ocehtlj tigre, le jaguar ( fe/is onça) des régions cliaudes du Mexique; toclilU , lièvre; ozomalli ^ singe femelle; ûzcuinlli , chien; cohua.il ^ serpent; (juauhtUj oiseau, sont des catastérismes qui se trouvent, sous les mêmes noms, dans le zodiaque tartare et tibétain. Dans l'astronomie chinoise, le lièvre ne désigne pas seulement le quatrième tse , ou signe du zodiaque; la lune, depuis l'époque reculée du règne dTao, étoit figurée comme un disque dans lequel un lièvre', assis sur ses pieds de derrière, tourne un bâton dans un vase, comme s'il étoit occupé à faire du beurre; idée puérile qui peut avoir pris naissance dans les steppes de la Tartarie, abondent les fièvres, et qui sont habitées par des peuples pasteurs. Le singe mexicain, ozomatli ^ répond au heou des Chinois^, au petchi des Mantchoux, et au prehou des Tibétiiins, trois noms qui désignent le même animal. Procyon paroît être le singe haniian ^, si connu dans la mjthniogie des Hlndoux; et la position de cet astre, placé sur une même ligue avec les gémeaux et le pôle de l'écliptique , répond tiès-bien à la place qu'occupe le singe dans le zodiaque tartare, entre l'écrevisse et le taureau. Des singes se trouvent aussi dans le ciel des Arabes : ce sont des étoiles de la constellation du grand chien, appelées El-lurûd^ dans le catalogue de Kazwini. J'entre dans ces détails sur le signe ozomatli, parce qu'un animal de la zone torride, placé parmi les constellations des peuples mongols, mantchoux, aztèques et toltèques, est un point très-important, non-seulement pour l'histoîi e de l'astronomie, mais aussi pour celle des migrations des peuples.

Le signe itzcunith ^ cluen, répond à l avant-dernier signe du zodiaque tartare,

Astr. moderne, Toni. iir, pag, 297. ' Gbosier. Hist. gén. de la Chine, 'J'oin. i, piig'. ii4- ' Decuighes, Hist. des Huns, Tom. i, pag. xlvii. * Dupiris, Origine des Culles, Toni, ut, pag. 365.

l6o VUES DES CO!\DILT.ÈRES,

au Jij des Tibétains, au noliaï des Manlchoux, et à Vin des Japonnois. Le père Gaubil uous apprend que le chien du zodiaque tartare est notre dodécatemorion du bélier^ et il est très-remarquable que, d'après Le Gentil, chez les Hindoux, quoique ce peuple ne connoisse pas la série des signes qui commence pai- le rat, le hêlier est remplacé quelquefois par un cJiien marron. De même, chez les Mexicains, itzcuinili désigne le chien sauvage: ear celui qui est domestique s'appeloit techlchi. Le Mexique abondoit jadis en quadrupèdes ' carnassiers qui tenoient à la fois du chien et du loup, et que Hernandez ne nous a fait connoître qu'imparfaitement. La race de ces animaux, connus sous les noms de xoloitzctiintli^ itzcuintepoizodi^ tepeitzcuintîi ^ n'est vrai- semblablement pas entièrement détriiite : mais il est probable qu'ils se sont retirés dans les forêts les plus désertes et les plus éloignées : car, dans la partie du pays que j'ai parcourue, je n'ai jamais entendu parler d'un chien marron. Le Gentil^ et Bailly ont été induits en eneur, lorsqu'ils ont avancé que le mot mècha^ qui désigne notre bélier, signifie un chien marron. Ce mot de la langue sanskrite est le nom vulgaire du bélier ; on le trouve employé ^ d'une manière très - poétique par un auteur indien t|ui décrit le combat de deux guerriers, en disant «que par leurs tètes c'étoient deux mècha (béliers); par leurs bras, deux éléphaus; par leurs pieds, deux nobles coursiers. »

Le tableau suivant réunit les signes du zodiaque tartare avec ceux des jours du calendrier mexicain ;

ZODIAQUE TARTARES-MANTCHOUX.

ZODIAQUE

DES MEXICAINS.

Pars, tigre. Taoulai, lièvre. Mogai, serpent. Petchij singe. Nokaï, chien. Tukia j oiseau , poule.

OceIoiI, ligre. 'Tochili , lièvre, lapin. Cohtiall, serpent. Ozoïiiatli, singe. Itzcuinili, chien. Quauhtli, oiseau, aigle.

Sans rappeler les hiéroglyphes eau {ail), et monstre marin (cipactii) ^ c[ui offrent une analogie happante avec les catastérismes du verseau et du

' Voyez mes Tableaux de h Nature, Toni. i, pag. 1J7. ' LeGebtil, Voyage, Tom. i, pag. 2/17. ' Observation de M. de Chézy,

ET MONUMENS DE l'aMF.KIQUE. l6l

r.'iprioorno , les six signes du zodiiujue tartarc, retrouves dans le calendrier mexicain, suffisent pour rendre extrêmement probable que les peuples des deux continens ont puisé dans une source commune leurs idées astrologiques. Ces tiaits de ressemblance sur lesquels nous insistons, ne sont pas tirés de peintures informes ou allégoriques , susceptibles d'être interprétées selon la nature des h^'potbèses que Ton désire faire valoir. Si l'on consulte les ouvrages composés, au commencement de la conquête, par des auteurs espagnols ou indiens qui ignoroient jusqu'à roxistcnce d'un zodiaque tartare. Ton verra qu'au Mexique, depi!iis le septième siècle de notre ère, les jouis sappoloient tigre j chien j singe ^ lièvre ou lapin, comme, dans toute l'Asie orientale, les années portent encore les mêmes noms en tibétain, en tartare-mantcbou, en mogol, en kalmouk, en chinois, en japonnois, en coréen, dans les langues du Tonquin et de la Cocbincliine '.

On conçoit que des nations qui n'ont jamais eu de rapports entre elles, divisent également r('cliptic|ue en vingt-sept ou vingt-huit parties, et donnent à chaque jour lunaire le nom des étoiles près desquelles la lune se trouve placée dans son mouvement progressif de l'ouest à l'est. Il paroît très-naturel aussi que des peuples chasseurs ou pasteurs désignent ces constellations et ces jours lunaires, par les noms des animaux qui sont l'objet constant de leurs affections ou de leurs craintes. Le ciel des hordes nomades se trouvera peuplé de chiens, de cerfs, de taureaux et de loups, sans qu'on doive en conclure que ces hordes ont jadis fait partie d'un même peuple. Il ne faut pas confondre des traits de ressemblance purement accidentels, ou naissant d'une identité de position, avec ceux qui attestent une origine commune ou d'anciennes communications.

Mais les zodiaques tartare et mexicain ne renferment pas seulement les animaux propres aux climats que ces peuples habitent aujourd'hui ; on y trouve aussi des tigres et des singes. Ces deux animaux sont inconnus sur les plateaux de l'Asie centrale et orientale, auxquels une grande élévation donne une température plus froide que celle qui règne vers l'ouest sous la même latitude. Les Tibétains, les Mogols, les Mantchoux et les Ralmouks, ont dune reçu d'un pays phis méridional le zodiaque que l'on ajDpelle trop exclusivement le c^cle tartare. Les Toltèques, les Aztèques, les Tlascaltèques,

' SouciET, Tom. Il, pn-. i5S.

4^

iGa VUES DES CORrtTLLÈllES,

ont reflué du nord vers le sud : nous connoissons des monnmens aztèques jusqu'aux rives du Gilii, entre les SS" et 54" de latitude nord. L'histoire nous montre les Toltètiues venant de régions plus septentrionales encore. Ces colons , sortis d'Aztlan , n'arrivoient pas comme des hordes barbares : tout annonçoit chez eux les restes d'une ancienne civilisation. Les noms imposés aux villes qu'ils constniisoient, étoient les noms des lieux qu'habitoient leurs ancêtres : leurs lois, leurs annales, leui- chronologie, Tordre de leurs sacrifices, étoient modelés sur les connoissances qu'ils avoient act|uises dans leur premièie patrie. Or, les singes et les tigres ([ui figurent parmi les hiéroglj-phes des jours et dans la tradition mexicaine des quatre âges ou destructions du soleil^ n'habitent pas la partie septentrionale de la Nouvelle - Espagne et les côtes nord-ouest de l'Amérique. Par conséquent les signes ozomatli et ocelotl rendent singulièrement probable que les zodiaques des Toltèques, des Aztèques, des Mogols, des Tibétains, et de tant d'autres peuples qui sont séparés aujourd'hui par une vaste étendue de pays, ont pris naissance sur un même point de l'ancien continent.

Les mansions lunaires des Hindnux, dans lesquelles nous tiouvons aussi un singe, un serpent, une queue de chien et la tète d'une gazelle ou d'un monstre marin, oflrent encore d'autres signes dont les noms rappellent ceux de calli, acatl ^ tecpatl et olliii du calendrier mexicain.

KAKCHATBAS INDIENS.

SIGNES MEXICAINS,

mou , canne. Criticaj rasoir.

{Sravana , trois emprcinles de pieds.)

Calli, maison. Acail, canne.

Tecpatl^ siiex, couteau de pierre, {^OlUn , mouvemenl du soleil, figuré par Iruis eiiipreiiiles de pieds.)

Nous observerons d'abord que le mot aztèque calli a la même signification que !e huala ou kôUa ' des Wogouls qui habitent les rives du Kama et de flrtisch, comme aiel (eau) en aztè<:|ue, et ifels (rivière) en vilele, rappelleni les mots atl , alelch ^ etel ou idel (rivière) dans la langue des Taitares Mognls, Tscheremisses et Tschuuwasses La dénomination de calli, maison, désigne

' Vati^h., à mer, B-^/vlkt-r. , S. i«0.

' Ekuei., iirif^ar. Gescli., T. i, S. j4'j. jGi, Geojigi, Rcisen, B. ii, p. i)o/t. Tinvnor?, Chran. Hurigaror.. p. /ji).

ET MOiNUMENS DE l'am ÉRU;) U E. l65

ti(\s-I)ien une station ou hùtellerie lunaire (en arabe, mendzil el kamar), un lieu de repos. C'est ainsi que, parmi les nakchatias indiens, outre les maisons (magha et punarvasu), on trouve aussi des hois de lit et des couchettes.

Le signe mexicain acatlj, canne, est généralement figuré comme dei]\ roseaux liés ensemble'. Mais la pierie trouvée à Mexico en 1790, et qui offre les hiéroglyphes des jours, représente le signe acatl d'une manièie très-differente. On j reconnoit un faisceau de joncs, on une gerije de mais renfermée dans un vase. Nous rappellerons à cette occasion que, dans la première période de treize jours de Tannée tochlli, le signe acatl est constam- ment accompagné de Cinleotl ^ c|ui est la déesse du mais, Cérès, la divinité qui préside à l'agi-icnlture. Chez les peuples occidentaux, Cérès est placée dans le cinquième dodecatemorion : on trouve même des zodiaques très-anciens, dans lesquels un faisceau d'épis ^ remplit toute la place que dévoient occuper Cérès, Isis, Astrée ou Erigone, dans le signe des moissons et des vendanges. C'est ainsi que, depuis une hante antiquité, chez les peuples les plus éloignés, nous trouvons les mêmes idées, les mêmes sj'mboles, la même tendance à ramener les phénomènes physiques à l'influence mystérieuse des astres.

L'hiéroglyphe mexicain tecpatl indique une pierre tiancliante de forme ovale, allongée vers ses deux extrémités, semblable à celles dont on se servoit comme couteau ou que l'on attachoit au bout d'une pique. Ce signe rappelle le critica j> ou couteau tranchant du zodiaque lunaire des Hindoux. Suc la grande pierre représentée Planche riiiéroglyphe tecpatl est figuré d'une

manière qui diffère un peu de la foi-me que Ton donne ordinairement à cet instrument. Le silex est percé au centre, et l'ouverture paroît destinée à recevoir la main du guerrier qui se sert de cette arme à deux pointes. On sait que les Américains avoient un art pni ticulier pour percer les pierres les plus dures et pour les travailler par frottement. J'ai rapporté de l'Amérique méridionale, et j'ai déposé au Musée de Berlin un anneau d'obsidienne qui a servi de bracelet à une jeune lîlle, et qui forme un cjlindie creirx de près de sept ceutirnètros d'ouverture, de quatre centimètres de hauteur, et dont l'épaisseur n'est pas de trois millimètres. On a de la peine à concevoir comment une masse vitreuse et Itagile a pti être réduite à l'état d'une lame si mince. Le tecpatl diffèie d'ailleuis

Planche xxvii.

* loELEB, Sternnamen ) S. 172. Dupuis, Oi'i^ïne des Cukes. Tom. 11, p:jg. 228-a5'|. Alins. 11.° (S.

l64 VLTF.S DES CORDILLKRES,

de l'obsidienne, substance tjue les Mexicains appeloient iztli ; on confond sons la dénomination de tecpatl_, les jades, les bornstein et le silex pjromatjne.

Le signe ollin^, ou olliii tonatiuh^ préside, dans le commencement du c_ycie de cinquante-deux ans, au dix-septième jour du premiei- mois. L'explication de ce signe a beaucoup embarrassé les moines espagnols (|ui, dépourvus des connoissances les plus élémentaires de l'astronomie , ont fait connoître le calendrier mexicain. Les auteurs indiens traduisent ollin par niouvemens du soleil. Lorsipi ils trouvent ajouté le nombre nahid , ils rendent naliui ollin par les mots soleil (tonatiuli) dans ses qualre mouvemens. Le signe ollin est figur(' de trois manières : tantôt (Pl. xaxvii) comme deux rubans entrelacés, ou plutôt comme deux portions de courbes cjui se croisent et qui ont trois inflexions sensibles à leurs sommets; tantôt (Pi. AXiii) comme le disque solaire entoure de quatre carrés , qui renferme les liiérogl^' plies des nombres un {ce) et cjuatre [7iahiii); tantôt comme trois empreintes de pieds. Les quatre cari'és faisoient allusion, comme nous l exposerons plus bas, à la fameuse tradition des quatre âges ou quatre destructions du monde, arrivées les jours 4 iig^'^ ^ nahui ocelotlj 4 vejitj nahni ehecall j 4 p^f^'<^j nahui (juiahuiil^ et 4 eau, nahui atlj dans les années ce acatl, i canne; ce tecpatl^ i silex; et ce calll, I maison. A ces mêmes jours répondoîent à peu près les solstices, les équinoxes et les passages du soleil par le zénitli de la ville de Ténoclititlan.

La représentation du signe ollin par trois xocpalli, ou empreintes de pieds, telle qu'on la trouve souvent dans les manuscrits conservés au Vatican et dans le Codex Borgiemusj fol. 47? n- ^lo, est remarquable par l'analogie qu'elle oiFre en apparence avec sravana, ou les trois empreintes des pieds de Kichnou, une des mansions du zodiaque lunaire des Hindoux. Dans le calendrier mexicain, les trois empreintes indiquent ou les traces du soleil dans son passage par l'équateur et dans son mouvement vers les deux tropiques , ou les trois positions du soleil au zénith , dans l'équateur et dans un des solstices. Il seroit possible que le zodiaque lunaire des Hindoux renfermât (pielque signe cjui , comme celui de la balance, eût rapport à la marche du soleil. Nous avons vu que le zodiaque de vingt- huit signes peut avoir été transformé peu à peu en un zodiaque de douze mansions de la pleine lune , et que cjuelques nakchatras peuvent avoir changé de dénomination, depuis que, par Ja connoissance du mouvement annuel du soleil , le zodiaque des pleines

ET MO^LI.^IKNS DF. l"a51 lîll IQIÏE. l65

lunes est devenu un véritable zodiat/ue solaire. Criclma, l'Apollon des Hindoux, n'est en eiVet autre chose que Vichnou, sous la foi me du soleil ' qui est adoré plus particulièrement sous le nom du dieu Sodrya. Malgré cette analogie d'idées et de signes, nous pensons que les trois empieintes qui forment le vingt- troisième nakchatras sramiuij n'ont qu'une ressemblance accidentelle avec les trois vestiges de pieds qui représentent le signe oUin. M. de Chézy , qui réunit une connoissance profonde du persan à celle de la langue sanskiile, observe que le sravana du zodiaque indien fait allusion à une légende très-célèbre parmi les Hindoux, et consignée dans la plupart de leurs livres sacrés, particulièrement dans le Bhagavat-Poiirdnam. Vichnou, voulant punir l'orgueil d'un géant qui se croj'oit aussi puissant que les dieux, se présente devant lui sous la forme d'un nain : il le prie de Jui accorder, dans son vaste empire, l'espace qu'il pourroit embrasser par trois de ses pas. Le géant accorde la prière en souriant; mais aussitôt le nain grandit si prodigieusement, qu'en deux pas il mesuie l'espace tpi'il y a entre le ciel et la terre. Gomme il demande, au troisième pas, il pourroit placer son pied, le géant reconiioit le dieu Vicbnou, et se prosterne devant lui. Cette fable explique si bien la figure du nakchatras sravana^ qu'il seroit difficile d'admettre (|ue ce signe soit lié à celui de olUn, comme cipacili et le Noé mexicain, Teo-Cipactli^ sont liés à la constellation du capricorne et à celle de Deucalion , placée anciennement dans le verseau.

Nous venons de développer les rapports qui existent entre les signes dont sont composés les dilïerens zodiaques de l'Inde, du Tibet et de la Tartarie, et les hiéroglyphes des jours et des années du calendrier mexicain. Nous avons trouvé que, parmi ces rapports, les plus frappans et les plus nombreux sont ceux que présente le cycle des douze animaux, tpie nous avons désigné sous le nom de zodiaque tartare et tibétain. Pour teiminer une discussion dont les résultats sont si importans pour l'histoire des anciennes communications des peuples, il nous reste à examiner de plus près ce dernier zodiaque, et à prouver que, dans le système de l'astrologie asiatique avec laquelle l'astrologie mexicaine paroît avoir une origine commune, les douze signes des zodiaques président non seulement aux mois, mais aussi aux années, aux jours, aux heures, et même aux parties les plus petites des heures.

' Rech. asiat. , ïoin- i, pag. 2oo.

43

l66 VUES DES CORDILl,ÈRl';S,

Lorsqu'on considère (jue les peuples de l'Asie orientale emploient à la fois des divisions de récliptique en vingt-sept ou vingt-huit, en douze et en vingt-quatre parties, et que les mêmes signes du zodiaque solaire y portent des dénominations et souvent des figures entièiement dilîerentes, on est tenté de croire que cette multiplicité de signes doit produire une confiision extrême dans les limites assignées aux constellations zodiacales. Chez les Hindoux, par exemple, nous trouvons, outre les nakcliatras ou mansions lunaires, douze laffuenons dont les noms sont les mêmes que ceux des signes du zodiaque grec et ég^-ptien. Les Chinois divisent l'écliptique de trois manières, savoir; en vingt-huit nakcliatras qu'ils appellent che ou eul^che-po-steou ' ; en douze tse qui répondent à nos signes, mais qui portent des noms en partie mystiques, en partie ejnpiuntés aux productions du pajs, comma grande spiendeur-j vide profond j (pieiie et téte de caille et en vingt-quatre tsieki. Les dénominations de ces tsieki j ou denii-tse, sont relatives au climat et aux vaiiations de la température^. Les Chinois ont, en outre, deux autres cycles de douze signes: celui des tchi et celui des animaux, dont les noms sont identiques avec ceux des cycles tibétain et tartare : sept che répondent à trois tse ^ comme six tsieki répondent à trois tchi et à trois animaux célestes. Le cycle de ces douze animaux chinois, parmi lesquels nous avons trouvé le singe, le tigre, le rat (symbole de l'eau), le chien, l'oiseau, le serpent et le hèvre du calendrier mexicain, donne les noms au cycle de douze ans comme à la petite période de douze jours. On se sert des douze animaux, dit le P. Gaubil pour marquer les douze lunes de l'année, les douze heures du jour et de la nuit, et les douze signes célestes. Mais toutes ces divisions en douze parties désignées par dillerens noms, ne sont, dans l'est de l'Asie, que des divisions abstraites ou imaginaires : elles servent pour rappeler à l'esprit le mouvement du soleil dans l'écliptique; le véritable zodiaque étoilé, comme l'a très-bien observé M, Bailly ^, et comme cela est coniiimé par les recherches plus récentes de MM. Jones et Colbrooke, consiste, dans les vingt-liuit mansions lunaires. Il est vrai qu'on dit en Chine que le soleil entre dans le singe et le lièvre, comme nous disons qu'il

' SouciET et Gadbil, Tout, m, pag. 80. ^ L. c, Tom. m, pag. 98.

^ L c, Tom. III, pag. 94. Bailly, Astr. iod., pag. lxxxxvi. * SouciET, Tom. Il, pag. i56, ly^. ' Aslr. inci., p. v.

F.T MONUMEXS DE l'amÉi\10[JE. 167

entre clans les gémeaux ou clans le scorpion; mais les Ciiinois, les Hindonx et les Tartares ne distiibueut les étoiles (jne d'après le système des uakchatras. La division du zodiaqiie en vingt-sept ou vingt-huit parties, connue depuis TYemen jus(]u'au plateau de TurFun et à la Cocliinchine, appartient, avec la petite péiiode de sept jours, aux mouLimens les plus anciens de l'astronomie.

Partout l'on observe à la (bis plusieurs divisions de l'écliptique qui diQ'èrent, non par le nombre des catastérismes, mais par leurs déuoiniuatious, comme les ise^ les tchi et les animaux célestes des Chinois, des Tibétains et des Tartares , Cette multiplicité de signes est probablement due à un mélange de plusieurs nations qui ont été subjuguées les unes par les autres. Les efiets de ce mélange, ceux de rinlluence exercée par les vainqueurs sur les peuples vaincus, se manifestent surtout dans la partie nord-est de l'Asie, dont les langues, malgré le giand nombre de racines mogoles et tartares qu'elles renferment, dillèieut si essentiellement' entre elles, qu'elles semblent se refuser à tonte classification méthodique. A mesure que l'on s'éloigne du Tibet et de l'Hindoustiin, on voit s'évanouir le t_ype unifoj me des institutions civiles, celui des connoissances et du culte. Or, si les hordes de la Sibérie orientale, chez lesquelles les dogmes du Bouddhisme ont évidemment pénétrt-, parolssent cependant ne tenir que par de foibles liens aux peuples civilisés de l'Asie australe, pouriions-nous être siu'pris que, dans le nouveau continent, auprès de quelques traits d'analogie dans les traditions, dans la chronologie et le stjie des monumens, on découvie un si grand nombi e de dissemblances frappantes? Lorsque des peuples d'origine tartare ou mogole, transplantés sur des rives étrangères, mêlés aux hordes indigènes de l'Amérique, sont parvenus à se frayer péniblement une route vers la civilisation, leurs langues, leur mythologie, leurs divisions des temps, tout prend un caractère d'individualité qui efface, pour ainsi dire, le type primitif de leur physionomie nationale.

En effet, au lieu des cycles de soixante ans, des années divisées en douze mois et des petites périodes de sept joins, usitées chez les peuples d'Asie, nous trouvons chez les Mexicains des cycles de cinquante-deux ans, des années de dix -huit mois, dont chacun de vingt jours, des demi -décades et des demi -lunaisons de treize jours. Le système des séries périodiques, dont les termes correspondans servent à désigner les dates des jours et des années, est

Adeutïno, MithriUaies , Tum. 11, pag, 555 et jGo.

l68 VUES DES COnDlL.l,KRES,

le même dans les deux continens; une grande partie des signes qui composent les séries dans le calendriei- mexicain, sont empruntés du zodiaque des peuples du Tibet et de la Tarlarie; mais ni leur nombre ni Tordre dans lequel ils se succèdent, ne sont ceux que l'on observe en Asie.

Le zodiaque tartare ne commence pas, comme celui des Hindoux, par lu chien qui coriespond à noire signe tlu bélier, mais par le ral (|ul repiésente le Verseau'. Ce même zodiaque a en outre la particularité fiappaute, que les animaux célestes sont comptés conti-e Tordi'C des signes : au lieu de placer ces derniers dans celui (|ui est martjué par le mouvement tlu soleil dans l'écliptique d'occident en orient, les l'ibétains, les Chinois, les Japonnois et les Tartares, comptent les signes dans l'ordre suivant : ral ou verseau , hœiif ou capricorne, tigre ou sagittaire, lih're ou scorpion, etc. Cette habitude bizarre a pent-ètre sa cause dans la circonstance que les douze constellations zodiacales, lors de leur passage par le méridien, président aux dlIFérenies heures du jour et de la nuit. Comme elles participent au mouvement généial de la splière céleste de l'est à l'ouest, on les a rangées dans l'ordre selon lequel elles se lèvent ou se couchent les unes après les autres.

Dans le calendrier mexicain, les signes des jours, qui sont identiques avec les signes du cjcle tartare, ceux du chien, du singe, du tigre ou du lièvre, sont placés de manière qu'on n'j reconnoît aucune analogie de position relative. Cipacllij que nous avons prouvé plus haut être le poisson-gazelle j est le premier catastérisme , comme le capricorne paioît l'avoir été chez les Égyptiens Il règne parmi les signes mexicains à peu près l'ordre suivant : cipactli , cohuutlj tochlli^ ilzcuinlU, ozomatli et ocelotl; on, en substituant les noms de nos signes; capricorne, vierge, scoipion , bélier, gémeaux ei sagittaire. Cette dissemblance dans la distribution des signes seroit-elle purement apparente, et tiendioit-elle à une cause analogue à celle qui, selon le témoignage d'Hérodote et de Dion Cassius % a fail nommer chez tous les peuples de l'Oiieul les jours de la semaine d'après les planètes, placées dans un oidre très-diiïerent de celui que leur assigne l'astronomie des Hindoux, des Egyptiens et des

SouciET, Tom. it, p. i56. Baillvj Asl. ind., p. 213. Lanclès, Notes du Voyage deThunberg, p.ôiij. > Fragmentuw ejc Gazophj/ucio Card. Burbvrini (KincuEni Oetlipus, iG55, Tom. m, pag. 160). ' Dio Gassius, Lib. xxxïii , c. jg ( cd. Fabric. , ijûo, Toui. 1, pag. 124 ). Herod., Lib. 11, c. 8g (ed. Wcsseliiig, ijfiô ., pag. io5 ).

liT MONUMENS DE l'amÉRIQUE. i6g

Grecs? Eu considérant le nombre de termes qui composent la série des heures et celle des hiorogl vplies mexicains, on leconnoit que cette li^'potlièse n'est pas admissible.

Nous avons développe plus haut, eu parlant de l'analogie que l'on observe entre les noms de plusieurs mansions lunaires et ceux des signes du zodiaque solaire, comment Tordre primitif des catastérismes peut être chaugé, lorsque des peuples, replongés dans la barbaiie, cherchent, d'après une léminiscence obscure, à rétablir le système de leui- chronologie. Quoique la supposition de ces ehangemens se présente d'elle-même, nous ne sommes cependant pas forcés de l'admettre pour expliquer la dissemblance qu'ollVe la position des mêmes signes dans les zodiaques tartare et mexicain. Les Hindoux conservent plusieurs divisions de Técliptique en vingt-sept ou vingt-huit nakchatras, dont les noms sont en grande partie les mêmes, sans être placés dans le même ordre. Un monument antiqtie, que Bianchini a fait connoître au commencement du dernier siècle, prouve qu'il existoit dans l'Orient des zodiaques solaires dans lesquels on retrouve les catastérismes tartares du cheval, du chien, du lièvre, du dragon et de l'oiseau, rangés de manière que le chien répond au taureau, et non au bélier du zodiaque grec, et que le chien et le lièvre sont séparés non par quatre, mais seulement par deux signes. Or, si dans l'Asie les mêmes nakchatras et les mêmes dodécatémorions n'ont pas toujours suivi le même ordre dans les dilîerens zodiaques lunaires et solaires, il ne faut pas être surpris de la transposition des signes que nous observons dans le cycle des hiéroglyphes du jour chez les Mexicains. Il se pourroit même que cette transposition fût purement apparente, et qu'elle nous parût réelle, parce que nous ne pouvons comparer le calendrier toltèque et mexicain qu'aux cycles que nous tiouvons aujourd'hui chez les Tartares et les Tibétains. Peut-être d'autres peuples de l'Asie orientale ont-ils communiqué leur zodiac^ue à ces hordes guerrières qui , depuis le septième siècle , ont inondé le Mexique. PcLit-être, en parcourant le plateau de l'Asie centrale, en examinant plus attentivement les restes de civilisation conservés dans la petite Bukharie, au Turfan, ou près des ruines de Karacnrum, l'ancienne capitale de l'empire des Monghols, les voyageurs découvriront-ils un jour cette même séiie de signes que renferme le zodiaque des Mexicains.

Le monument astronomique dont Bianchini adressa un dessin a l'Académie,

43

1^0 VVES DES CORDILLÈRES ,

est un fi;iginent de maibie conserve au Vatican, et trouvé à Rome en iyo5. Nous nous proposons ici de l'examiner avec ini soin pariiculiei' , parce qu'il nons paroit propre à jeter du jour sur les divisions de l'écliplique, usitées au Mexique et dans TAsie orientale. Il odic, dans cinq zones concentriques, les figures des planètes, les decans , les catastérismes du zodiaque grec, répétés deux fois, et les signes d'un autre zodiaque qui a la pins grande analogie avec celui des peuples tartares. On peut être surpris que Fontenelle, BaiUj, Dupuis et d'autres savans qui ont éciit sur Torigine des zodiatjucs, aient pris ce bas-relief pour un ouvrage égyptien D apiès l'obscivation d'un savant illustre, M. Visconti, ie style des figures qui repiésentent les planètes prouve évidemment qu'il a été sculpté du temps des Césars. Ou reconnoît, dans ce monument mutilé, paimi les signes de la zone intérieure, un clieval, une écrevisse, un serpent, un chien qui tient un peu du loup, un lièvre, deux oiseaux dont un paroît placé vis-à-vis d'un serpent, et deux quadrupèdes, l'un à longue c[ueue, et l'autre à coi'nes de chèvre. Comme les catastérismes du zodiaque grec sont lapprochés un à un de ceux du zodiaque inconnu, on voit que le cheval et le lièvie lépondent, comme dans les dodécatémorions tartares, à nos signes du lion et du scorpion. Le tableau suivant présenle l'ordre dans lequel les catastérismes se trouvent placés dans le planisphère de Bianchiui. J'ai ajouté les signes du c^cle tartaie dont nous avons trouvé des vestiges chez les peuples du nouveau continent.

ZODIAQUE

DE UlAISCPIIISI.

CYCLE TARTAEE.

ZOBE EXTÉREEUHE.

Sag'ittaire.

Oise.au.

Ti-re.

Scorpion.

Balance.

Chk'i-e.

Dragon.

Plerge.

ylnimala longue ijueue.

Serpe ni.

Lion.

Cheval.

Cheval.

Cancer.

Cancer.

Brebis.

Gémeaux.

Serpent.

Singe.

Taureau.

Chien ou loup.

Poule.

Bélier.

Oiseau.

Chien.

Poisson.

Cochon.

Verseau.

R;ii.

Capricorne.

Bœuf.

Hi'il. île I'AckI. (ies Sciences, 1708, Tom. i, pag'. 1 jo. Bailly, Hisl. de l'Aslr. anc, pa^. igâ et So^. Dlpuis. Origine (les Cultes, ïoni. i, pag. iSo. H,\Oi;]i, illuHiaz. d'uno z-ociiaco oricnt<d<: , jSij. pag. i5.

ET aïONUMElVS DE l'amÉRIQUE. I7I

On a impiimc en ilalujue les noms des animaux qui sont trop mutilés pour tju'on les leconnoisse avec certitude : on a distingué de la même manière les catastérismes de la sphère grecque qui manquent entièrement, mais qu'il est facile de suppléer. J ai rangé ces derniers, contre l'ordre des signes ^ d '^iprès l'usage des peuples tartares. Il est assez remarquable que, dans ce monument curieux, les planètes et les decans, dont les derniers seuls sont figurés dans le stjle ég_yptiea avec des tètes ou des masques d'animaux, se trouvent placés dans des directions contraires. Quoique , dans les deux zones qui représentent le zodiaque grec, il y ait quatre signes répétés sous les mêmes formes, on ne peut en conclure que les autres étoient également identiques. Il seioit surtout à désirer que les gémeaux et Pan ou le capricorne eussent été conservés dans les deux zones; car le sculpteur paroît avoir eu l'intention de réunir les zodiaques de dilVérens peuples, et les formes hétérogènes ' données aux mêmes catastérismes chez les Chaldéens, les Egyptiens et les Grecs. Les gémeaux sont représentés par deux figures que M. Bailly a cru être de sexe difï'érent, et dont l'une tient une massue et l'autre une l_yre. C'est sous cette même forme que ce signe est décrit dans V Astronomicon d HNgiu^; c'est ainsi qu il est désigné dans des vers sanscrits du poêle Sripeti : « le couple, inithouna^ dit cet auteur hindoux, est formé d'nnc fdle qui joue du vina, et d'un jeune homme qui bi audit une massue ^ . »

Le zodiaque intérieur ne renferme, comme celui des Tlliètains, des Chinois et des Tartares, que des animaux, de vrais lôiSia.. Dans la sphère grecque, la moitié des signes est formée d'animaux que l'on retrouve dans la natuie; l'autre moitié est composée de figures humaines et d'êtres fabuleux ou allégo- riques. La balance, (^wyoç ou AiVpct, est tenue tantôt par les pinces ;;^MActi du scorpion'^, tantôt par une ligure màle, comme dans le planisphère de Bianchini et dans le zodiaque indien, tantôt par la vierge qui, dans ce cas, prend le nom d'Astrée ou de Awn. Les signes des mansions lunaires, ou les hiéioglyphes des jours du calendrier mexicain, présentent à la fols des animaux et des

> Eeatosthenis Cataster., ed. Schaubach, 1795, pag. 31. Hrcm. Poeticon astr. , Lib. 11, c. 28; Lib. iir, c. 27 [Juctores mjthogi-aphi latini , ed. van Staveren , i7(l3, Tum. 11, pag. 48i-528).

' Lib. III, c. 21 {jJucl. mjtkagmph . , Toni. 11, pag. 520 ), Du Cuoul, Discours de la religion des anciens Romains, i33fi, pag. 180. Ideler, Sternnameiif S. i5i.

' Recb. Asiat., Toni. 11, p;ig. 555.

< BIahil., Lib. I, V. Gog.

lyiï Vl^ES DES CORDlT.I.ÈllF.S,

objets inniiimés. Si l'on adopte V'idve ingénieuse du M. Hager, d'npiès hujucllr la pierre sacrée, rapportée par Michaux des bords du Tigre, est un ancien zodiaque, on reconnoîtra que, chez les Chaldéens, la séiie des véritables l^d^ict étoil aussi interrompue par des autels, des tours et des maisons'. Ce dernier fait favorise l'hjpothèse que les dodécatémorions doivent leur origine aux maisons ou liùtelleries lunaires. La même pierre semble ollrir une autie analogie. Dans le cyc\(i tartare , le tigre correspond au sagittaire, indiqué souvent par une simple flècbe. Dans le zodiaque décrit par M. Hager, on reconnoit, outre le loup ou chien marron, et le capricorne ou poisson-gazelle, une flèche qui représente le fleuve du Tigre. Cette analogie est purement accidentelle, car le nom du fleuve ir'a rien de commun avec celui que porte l'animal tigi-e dans les langues de l'Orient.

Lorscju'on se rappelle que le zodiaque (|ui renferme un chien, un lièvre et un singe , appartient exclusivement à l'Asie orientale , et que de il a vraisemblablement passé en Améri<|ue, on est surpris de voir qu'on en ait eu connoissance à Rome dans les premiers siècles de notre èi e , époque à laquelle le planisphère de Biancbini a été sculpté. Les astrologues ou Chaldéens, établis en Grèce et en Italie, communi([uoient sans doute avec ceux de l'Asie ; ces communications dévoient être d'autant plus fréquentes et plus étendues, que l'astrologie étoit plus en vogue chez le peuple et à la cour des Césars. Sur huit signes (jui sont recounoissables dans le planisphère de Bianchini, il n'y en a qu'un seul, le cancer, qui n'appartienne pas au zodiaque tartare. Le lièvrt^ qui se retrouve chez les Tibétains et les Mexicains, est un peu haut de jambes, mais sa place dans le scoi pion le caractérise sufTisammeut. J'ignore pourquoi M. Bailly a piis le chien ou le loup pour un cochon. Ce dernier animal se trouve cejjendant aussi dans le zodiaque tai tare; il coriespond au signe des poissons de la sphère gi-ecque; et, ce qui est très-remarquable, dans les planisplières du temple de Tentera on voit deux fois, près de ce même signe % une figure qui tient un cochon dans sa main. Le monument d('ct it pai- Bianchini est d'autant plus intéressant que, dans aucun ouvrage d'astronomie, grec ou latin, pas même dans les Saturnales de Macrobius , écrites du temps de Théodose, on ne recomioît les traces de ce cycle d animaux , dont les

' Ilhtshnzinne d'iino Zod. oiitntal,^ , Cup. pa^'- âg, Tav. -2.

' D£Mii\, A'Djiiye, l'I. i5o eL iJ2.

ET MONUMENS DE l'amÉBIQUE. 1^5

Monghols et d'antres hordes tartares qui ont dévasté l'Europe, ont fait, sans doute, usage dans leur chronologie, et que nous n'avons cependant appris à bien connoître que par nos communications avec la Chine et le Japon. IL est étrange que l'éloquent historien de l'Académie , Fontenelîe , n'ait pas reconnu f|iie les rêveries astrologiques sont intimement liées aux premières notions de l'astronomie, et qu'elles peuvent servir à répandre du jour sur les anciennes communications des peuples. «Le monument, dit-il, sur lequel « Bianchini a désiré des renseignemens, appartient à l'histoire des folies des « hommes, et l'Académie a quelque chose de mieux à laire que de s'occuper « de ce genre de recherches. »

En réunissant maintenant ce que nous avons exposé sur les différentes divisions de l'écliptique, et sur les signes qui président, dans les deux conti- nens, aux années, aux mois, aux jouis et aux heures, nous trouvons les résultats suivans. Chez les peuples qui ont fixé leur attention sur la voûte étoilée du ciel, le zodiaque lunaire, divisé en vingt-sept ou vingt-huit mansions, est plus ancien que le zodiaque en douze parties; ce dernier, qui n'a d'abord été qu'un zodiac/ue des pleines lunes ^ est devenu plus tard un zodiaque solaire. Les noms des mois sont tantôt choisis parmi les mansions lunaires, comme chez les Hindoux ; tantôt ils sont ceux des dodécatémorions , comme dans Tannée dionjsienne. On dit encore, sur les rives du Gange : les mois Flèche^ Blaisoii ou Téte d'Antilope; comme, du temps de Ptolémée Philadelphe, on disoit à Alexandrie : les mois Didfmonj, Parihenon et Jegon^ mois des gémeaux, de la vierge et du capricorne '. Une liaison intime s'observe entre les noms des dodécatémorions et ceux des nnkchatras : chez plusieurs peuples, les dei^niers ont passé aux jours lunaires. Outre la division réelle de l'écliptique qui est une zone du ciel étoilé , il existe encore, et surtout dans l'Asie orientale, des divisions du temps que le soleil emploie pour revenir à peu près aux mêmes étoiles ou au même point de l'horizon. Ces c_yeles, composés généralement de douze ou de vingL-quaiie parties, d'après le nombie des lunaisons ou demi-lunaisons écoulées, appartiennent plutôt à la chronologie qu'à l'astiognosie ; ils ne présentent qu'une division idéale de l'écliptique, dont chaque partie prend un nom et un signe particulier. Tels sont les animaux tartares, les tse et les Isieki des Chinois. Ces signes, qui ne mesurent que

Ideleiv, IJi.-I. Vnlemich., S. alii.

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ly^ VUES DES CORDILLÈRES,

le temps et qui subdivisent les saisons, peuvent être inventes chez des peuples qui ne fixent point leur attention sur les étoiles. On auroit pu trouver un véritable zodiaque composé de douze signes qui président aux mois, et, par l'artifice des séries périodiques, aux années, aux jours et aux heures, dans la région basse du Pérou, même une couche épaisse de vapeurs dérobe aux habitans la vue des étoiles, sans leur cacher les disques de la lune et du soleil. Les signes du zodiaque idéal, dont la révolution complète (le cercle, artnulus) forme une année, [amiiis, iviaviaq), passent facilement aux constel- lations mêmes : dès-lors, la division du temps devient une division de l'espace.

Nous ne discuterons point si le zodiaque des Hindoux, des Ghaldéens, des Egj'pliens et des Grecs, n'a point aussi été originairement un cycle", dont les signes déslgnoient les variations du climat dans un pays sujet à des inondations périodiques. L'inégale étendue qu'occupent la vieige et !e cancer, et le manque de liaison' que I on observe entre les figures des dodécatémo- rions et les constellations extrazodiacalcs , semblent donner quelque probabilité à cette supposition. Nous voyons, en ellet, qu'il est des peuples qui emploient à la fois plusieurs divisions de l'écliptique , et que les signes qui, chez une nation, appartiennent à des constellations, ne sont chez une autre que des divisions du temps. Peut-être existoit-il jadis quelque région de l'Asie dans laquelle le cycle tartare des animaux célestes que Bailly regaide comme le plus ancien des zodiaques, tandis que Dupuis^ s'eftbrce à le faire passer pour une table des paranatellons , étolt une division réelle des étoiles placées dans l'écliptifiuc. Pour bien saisir les rapports qui, dès les temps les plus reculés, se sont fijrmés entre les peuples des deux continens , il ne faut pas perdre de vue la liaison intime qui existe entre le zodiaque imaginaire et le zodiaque réel, entre les cycles et les constellations de fécliptique, entie les mansions et les divisions de l'orbite solaire.

Ce sont ces mêmes considérations sur le développement progressif de l'astrognosie , qui nous empêchent de décider si les hiérogly phes des jours et des années du calendrier toltèque et aztèque, comme les tse et les tchi chinois, n'appartiennent qu'à un zodiaque imaginaire ou fictif, ou s ils désignent

' Rhode, l^ersuch iiber das Aller des Hik-rh-ehes , iSog, S. i5 et loi.

' Recherches sur l'origine des conslellaliuns de lit sphère j,>TCC<:jue , 1807. pug. 65.

' Origine des cultes, Tom, m, pag. âGa,

ET MONUMEÎVS DE l'amÉIIIQOF.. 176

des constellations zodiacales. Nous avons déjà observé plus liant ([iie les grandes roLies qui représentent le cyc\e de ciiKjLiante - deux ans , étoient entourées d'un serpent qui se jnordoit la queue, et dont les quatre replis marquoient les quatre indictions. Les liiéroglyplies étant disposés par séries périodiques de quatre termes, et les intei valles qui séparent un repli de l'autre renfermant douze années, chaque nœud du serpent cotrespondoit à un autre signe. Je pense que ces quatre nœuds, désignés pai- les catastérismes lapuij, canne, silex et maison j faisoient allusion aux points des solstices et des équinoxes, ou à l'intersection des colures avec récliptique. La plus ancienne division du zodiaque, dit Albntegnius est celle en quatre parties. En clfet, dans la première année du grand cjcle des jours, mailactli tocliili ( lo lapin) , chicuei acatl (8 canne), chicome calli (7 maison), et matlactli tecpactl (ii silex), répondoient aux 22 décembre, 23 mars, ?-0 juin et 33 septembre. Ces jours s'éloignent très-peu des équinoxes et des solstices; et, comme l'année mexicaine commencoit au solstice d'hiver, de même (jiie l'année des Chinois , il est assez naturel que, dans la série périodique des signes des' années, le premier terme soit tochtli^ quoique, dans la série des vingt signes des jours, lochtli soit précédé par calli.

Nous savons en outre, par les notions tpie Siguenza a puisées dans les ouvrages d'Ixtlilxochit] , que les quatre replis du serpent et les quatre catasté- rismes qui leur appartiennent indiquoîent les quatre saisons, les quatre élémens et les points cardinaux. La terre étoit dédiée au lapin, et l'eau à la canne; en traitant plus haut des signes de la nuit, nous avons vu que Tepeyolloili une des divinités qui habitent les cavernes, et Cinteotl^ la déesse des moissons, accompagnent les signes diurnes lapin et canne. Le sens de ces allégories est trop clair pour cpi'elics aient besoin d'explication. Les quatre signes des équinoxes et des solstices, choisis dans une séiie de vingt signes, rappellent en outre les quatre étoiles royales, Aldebaian, Regulus, Antares et Fomahault, célèbres dans toute l'Asie, et présidant aux saisons'. Dans le nouveau continent, les indictions du cycle de ciu([uante - deux ans forment , pour ainsi dire , les quatre saisons de la grande année ^ et les astrologues mexicains se plaisoient à voir présider chaque période de treize ans par un des quatre signes équinoxiaux ou solsticiaux.

' De scientia stellarum , cap. 3 (ed.Bonon., i6^5, pag. 3.) ^ Firmicus f Lib. vi, c. i.

irjQ VUES DES COnDlLLÈRES,

Quoique, dans toutes les parties de l'Empire mexicain, on se servît des mêmes signes, et qu'on les rangeât dans le même ordre, on observe cependant quelque différence dans le choix du signe solsticial et ëquiuoxial placé à la tète du xiuhmoljnlU, ou ligature des années. Les habïtans de Tezcuco commençoient la grande année par acatl; ceux de Téotiliuacan, par calli j les Toltèques, par iecpad. On a révoque en doute si, chez ces mêmes peuples, malgré la diffé- rence que nous venons d'indiquer, le premier jour de l'an efit constamment le signe cipactii : mais les fragmens de leurs annales liistoriqiies, conservés dans le musée de Boturini et dans la collection du père Picbardo , à Mexico, semblent indiquer que la variété des dates provient de l'époque à laquelle se faisoit riiiLercalatlon des treize jours, et non de la différente manière de marquer le commencement du c_)'cle.

Nous ignorons si les vingt signes des jours mexicains sont les restes d'une ancienne division du zodiaque en vingt-huit mansions hmaires, ou si, avec les quatre signes de la nuit, dont les noms ne se retrouvent pas parmi ceux des jours, ils ont formé anciennement vingt-quatre catastérismes, comme les tsieki du zodiaque chinois. Peut-être avoit-on placé entre les quatre signes équinoxiaux et s(}lsticlaux un nombre égal de signes ; peut-êti e le nombi e de vingt ne dérive-t-il que d'une division de l'hémisphère visible en dix parties. Il est certain que cette même division a engagé les Mexicains à partager en dix-huit mois l'année de trois cent soixante jours, et qu'elle est devenue la base d'un système dont nous ne trouvons aucun vestige dans l'ancien continent. J'incline à croire cependant que la division en dix-buit mois de vingt jours est postérieure à une autre en douze lunes de trente jours; car la méthode de faire présider chaque jour par un signe du zodiaque, et de déterminei le nombre des mois par le retour des séries périodiques, a du se présenter pins tard que l'idée plus simple de diviser l'année d'après le nombre des lunaisons qu'elle renferme. Quoiqu'en Asie il existe des divisions de récliptlt|ue en vingt-quatre tsieJiis^ et en trente-six âecans-, ces divisions n'y ont pourtani pas donné lieu à des années de dix ou de C|uinzc mois; et si l'antiquité nous en offre de quatre, de six ou de vingt-quatre mois, ces divisions ne tiennent pas à l'usage des séries périodiques , comme les dix-huit mois de i'annc'e

' Amiot, clans les Bltmoires coiifemant les Cliiiioïs, Vol. ii, pag. 161. Gaobii.j Trailé dfi rAsIronomie chinoise, pii^'. 52,

ET MONLiMENS DE LAMÉRIQUE. 1']'J

mexicaine, mais à l'importance attachée aux points e'quinoxiaus et solsticiaiix , aux cycles de soixante jours, et à la durée des demi-lunaisons.

Nous avons rappelé plus haut que l'année mexicaine , comme celle des Egyptiens et des Perses, étoit composée de trois cent soixante jours, auxquels on ajoutoit cinq jours épagomcnes fnrtifs {musteraka) ^ ou inutiles [nemoniemi). Si les Mexicains n'avolent pas connu l'excès de la durée d'une rc'vohition du soleil sur trois cent soixante-cinq jours, le commencement de leur année, comme celui de l'année vague des Egyptiens, auroit passé, à peu près en quatorze cent soixante ans, par toutes les saisons (Jii par tous les points de l'éeliptique. Quatre siècles s'étoient écoulés depuis la réforme du calendrier mexicain , en 1091, jusqu'à l'arrivée des Espagnols. Les écrivains de ce temps afiirment tous, qu'à cette époqvie , le calendrier des Euiopéens coïncidoit, à peu de jours près, avec le calendrier aztèque : le calcul exact des éclipses de soleil marquées dans les annales mexicaines, a même rendu probable ([ue la dilhîrence observée entre les deux calendriers piovenoit en entier de ce que le nôtre n'avoit pas encore subi la correction grégorienne. Examinons maintenant quel étoit le mode d'intercalation par lequel les Mexicains parvcnoicnt à éviter les erreurs de leur chronologie.

L'année mexicaine étant solaire et non lunaire, le mode d'intercalation pouvoit être d'une bien plus grande simphcité que celui employé par les Grecs et les Romains, avant l'introduction du Merkidinus. En jetant un coup d'œil général sur les intercalations usitées cliez difl'érens peiiples , nous voyous que les uns laissent s'accumuler les heures jus([u'à ce qu'elles foi-ment nn jour entier, tandis ([ue d'autres négligent l'intercalation jusqu'à ce que les heures excédantes forment une période tjui égale une des grandes divisions de leur année. Le premier mode d'intercalation est celui de l'année julienne; le second est celui des anciens Perses, qui ajontoient tous les cent vingt ans, à une année de douze mois, un mois entier de trente jours, et de manière que le mois intercalaire parcourût toute l'année en 12x130, ou quatorze cent quarante ans'. Les Mexicains ont évidemment suivi le système des Perses : ils conservoient l'année vague jusqu'à ce que les heures excédantes formassent une demi-lunaison; ils intercaloient , par conséqtient , treize jours toutes les ligatures ou cycles de cinquante-deux ans. Il en résultoit, comme nous l'avons obsej'vé plus haut , que chaque ligature renfl'rmoit ^ ou quatorze cent

' Idele!!, TJist. Unlers., S. Ôjg.

45

178 V(JES DES CORDILLÈRES,

soixante-une petites périodes de treize jouis. L'année mexicaine commenroit la première année du xiiiluiiulpilti , le jour qui correspond au 9 janvier du calendrier grégoiieu. La ciucpiième, la neuvième et la treizième année du cyde, le premier jour de l'an étoit le 8, le 7 et le 6 janvier : à cliatiue année du signe tochtlij les Mexicains peidoient un jour; et, par l'elTet de cette rétrogradalion , l'année calli de la quatrième indiction commençoit le 37 décembre, et fiuissoil au solstice d'hiver, le ai décembre, en ne faisant pas entrer en ligne de compte les cinq joui s inutiles ou complémentaires. Il en résulte que le dernier des nemonteml, appelé cohuatl (serpent), et regardé comme le jour le plus malheureux, parce qu'il n'appartient à aucune période de treize jours, tombe à la fin du c_)'cle sur le 26 décembre, et que treize jours intercalaires ramènent le commencement de l'année au 9 janviei'. Pour rendre plus clair ce que nous venons d'exposer, nous ajouterons ici le tableau des derniers vingt-cinq jours de la première aimée d'un cjcie.

METZLAPOII UALLL

CALENOniEll

ORÉOORIEN.

' ,5

3 Cipaclli.

Tepcjollolli.

16

4 Eliecatl.

(Juiaiiuitl.

'7

3

5 Ca//l.

itj

■i

G Cui'lipalïn.

TEcpatl.

'9

7 Cniiuall.

X.icliùl.

G

S Miquiilli.

Cinleoll.

7

9 MdiulL

II

8

10 Ihchtli.

Ail.

9

11 Ail.

TlninlU-oll.

a4

13 llicuinlli.

lepeyullDiti.

a5

i3 Oiomalli.

Quialuiill,

a6

1 Mnlinalli.

TUl.

a;

i3

ïcxpal.

aS

3 Oteloll.

XocImiI.

=9

i5

4 Quaul.lli.

CillIC'Oll.

3o

ifi

5 Cnicaqusiilillï.

Mifjuiilli.

17

6 Oliio,

Atl.

(■ ,

18

7 Te.p^,',l.

Tlniolteotl.

'9

S QuIahuUI.

Ttpejollolli.

3

9 XochilL

Qui:.hiiill.

4

10 Cipaclli.

5

11 Eliecall.

Ë

3

12 Ci-iii.

0

s

a

i3 Caelzpalin.

° <

5

i Coliuatl,

9

1 Cipactii.

TM.

a Elifiatl.

Tecpîill.

3

3 Calii.

Xocbil!.

4

4 Cuelzpalia.

Cinleoll.

i3

5

5 Coliualt.

Mlquiilli.

Ail.

7 Muisll.

Tlamltffoll.

ET MOiSUMENS DE l'amÉkTQUE. l'jg

L'iiilcicaliUion de treize jours donnoit lieu à la grande fête séculaire appelée xhihniolpia ou toxinhiiiolpilta (ligature de nos années), et décrite par tous les liistoriens de la conquête. Les Mexicains croyoient, d'après une prédiction très-ancienne, que la fin du monde arriveroit à la fin d'un cjcle de cinquante- deux ans ; que le soleil ne reparoîti oit plus sur Thorizon , et que les hommes seroient dévorés par des génies malfaisans et d'une figure hideuse, connus sous le nom de Tzitzimimes. Cette cro^yance tenoit sans doute à la tradition toltèque des (fuatre dges ^ d'après laquelle la terre avoit déjà subi quatie grandes révolutions, dont trois étoient arrivées à la fin d'un cjcle. Le peuple passoit dans une profonde consternation les cinq jours cpagomènes qui précédoient le jciulimolpia : le cinquième jour, le feu sacré étoit éteint dans les temples, par ordre du teoteuctU , ou grand-prêtre : dans les couvens , dont le nombre étoit aussi considérable à Ténoclititlan qu'il l'est depuis les temps les plus reculés au Tibet et au Japon, les religieux ou tlamacazquis se livroient à la prière : à l'approche de la nuit, personne n'osoit allumer du feu dans sa maison; on brisoit les vases d'argile, on déchiioit ses habits, on détruisoit ce qu'on possédoit de plus précieux , parce que tout paroissoit inutile au moment terrible du dernier jour. Par une superstition bizarre, les femmes enceintes devenoient des objets d'épouvante pour les hommes ; on leur cacboit la figure sous des masques faits de papier à aga\>e : on les enfermoit même dans les magasins de maïs , parce qu'on étoit persuadé que si le cataclysme avoit lieu , les femmes transformées en tigres se joindioient aux génies mallaisans {tzitzimimes) pour se venger de l'injustice des hommes.

C étoit dans la soirée du dernier jour des nemontemi qui est présidé par le signe du serpent ^ que commençoit la fête du feu nouveau. Les prêtres prenoient les vêtemens de leuis dieux; et, suivis d'une immense fouie de peuple, ils alloient, en procession solennelle, à la montagne de Huixachtecatl ^, située à deux lieues de Mexico, entre Iztapaliapau et Culhuacan. Cette marche lugubre s appcloit la marcJie des dieux j teoneucmi ^ dénomination (|ui rappeloit aux Mexicains que les dieux quittoient leur ville, et que peut-être ils ne les reverroient plus. Lorsqu'on étoit arrivé à la cime de la montagne porphjritique

' TonQUEMADA, de una Fiesta grandïssîma , Lib. x, c. 55-36, Toni. ii, pog. 5i3 et 52i. Acosta , Lib. vi ,

c. 2, pa^. 359. ' Vixachlla^ d'après Gomara, ConquisUi, [ol. i5j (a).

l8o VUKS DES CORDILLÈRES,

de Huixachtecatl, on atteiidoit l'instant les PIciatles occupoient le milieu du ciel, pour commencer répouvaiitable sacrilice dont nous avons parle plus haut', et qui est représenté Planche xv, n." 8. Le cadavre de la victime restoit étendu sui' la terre, et l'instrument dont on se servoit pour allumer le feu par frotlemeiit ( Tfv^iia, chez les Grecs, tletlaxoni chez les Mexicains), étoit placé dans la plaie même que le prêtre de Copulco, armé d'un couteau d'obsidienne, avoit faite dans la poitiine du prisonnier destiné au sacrifice. Lorsque les parcelles de bois ( harina del palillo) ^ détachées par le frottement lapide du C3'lindie, avoient pris feu, on allumoit un énorme bûcher qui avoit été préparé d'avance pour recevoii' le corps de la malheureuse victime. Le peuple jetoit des cris de joie; la lueur du bficher pouvoit être vue dans une giande partie de la vallée de Mexico, à cause de la hauteur de la mojitagiie sui' laquelle se faisoit cette sanglante cérémonie. Tous ceux qui u avoient pu suivre la procession éloient placés sui' les terrasses des maisons, sur les sommets des téocallis, sur les collines qui s'élèvent au milieu du lac, les _yeux fixés sur le lieu devoit paroître la flamme, présage certain de la bienveillance des dieux, et de la conservation du genre humain pendant le cours d'vui cycle nouveau. Des messagers, postés de distance en distance , et tenant des torches de bois de pin très-résineux, portoient ie feu nouveau de village en village , jusqu'à la distance de quinze ou vingt lieues ; on le déposoit partout dans les temples, d'oii il étoit distribué dans les maisons des particuliei s. Lorsqu on vojoit le soleil se lever sur l'horizon, rallégresse redoubloit, la procession retournoit de la montagne d'Iztapalapan à la ville , et le peuple cro^oit voir rentrer ses tlieux dans leius sanctuaires. Alors les femmes sortoïent de leur prison : on se paroit de nouveaux habits, et l'on emp!o>oit les treize jours intercalaiies à nettoyer les temples, à blanchir les murs, et à renouveler les meubles, la vaisselle et tout ce qui sert à la vie domestique.

Cette fête séculaire, cette crainte de voir le cinquième soleil s'étehidre à l'époque du solstice d'hiver, semble olfrir un nouveau trait d'analogie enhe les Mexicains et les habitans de l'Égjpte. Acliilles l atins % dans son commen- taire sur Aratus, nous a conservé la notice suivante, que Scaligci' croit être

' Pag. loo.

=< ACHILL. T.\T., hag. in Phienom. , c. 25 ( Peta* ius d,; Dorli: Ic/iipor. , l'joô , Tom. m , pag. 85. ) Scalic. , Jebiol. Muni/. Jst'-o/i. , Lîb. i, v. (Jy, pag. 83. \oyez ;iTissi la traduction (!es Lettres du cociite Cajilij Tom. I, p;ig. ûg8, uoL i.

ET MONUMENS DE l'amÉRIQUE. i8i

enipriiiitL-c tle l Octaétéride d'Eiidoxe : « Les Eg^'ptiens , lorsqu'ils vojoient descendre le soleil du cancer vers le capricorne, et cjLie les jours se raccour- cissoient de plus en plus, avoient coutume de gémir, craignant que le soleil ne les abandonnât entièrement. Cette époque coïncidoit avec la fête d'Isis : mais quand l'astre commencoit à se montrer de nouveau, et que la durée des jours devenoit plus grande , ils mettoicnt des habits blancs et se couronnoient de fleurs {Mv^sifÀ.ùV^(Ta.VTs<; içT€'pavn<^ôfnmv ).» En lisant ce passage d'AclîilIes Tatius, on croit lire ce que Gomara et Torquemada rapportent de la fête du jubilé mexicain : de même ' que, dans l'ouvrage de Sextus Empiricus ' contre les astrologues, on trouve pour ainsi dire décrite la figure symbolique^ que nous avons fait représenter Plancbe xv, d'après le manusci it conservé à Veleti i. Chez tous les peuples de la terre , les idées superstitieuses prennent la même forme au commencement et au déclin de la civilisation, et c'est à cause de cette analogie qu'il est diCTicile de distinguer ce qui a été communiqué de nation à nation, et ce que les hommes ont puisé dans une source intérieure.

En parlant de la fête séculaire, le père Torquemada désigne l'instant du sacrifice d'une manière très -précise en apparence, mais qui renlèrme une contradiction réelle; « Lorsque la procession, dit-iH, arrivoit à la montagne d'Huisachtecalt, les prêti es attendoient qu'il fût minuit, ce qu'ils reconnoissoient par !a position des Pléiades, qui, à cette heure, étoient montées au milieu du ciel {estavan enciimbrodas en medio del ciehy. car le temps du jubilé ou de la fête séculaire étoit venu quand ces étoiles se levoient au commencement de la nuit; ce qui, pour l'Jwrizoïi du 3Iexif/ue j, est généraleme/ii au mois de décembi e. »> L'expression « lorsque les Pléiades se tiouvent au milieu du ciel » signifie sans doute le passage de ces étoiles par le méridien , ou , ce qui est à peu près la même chose pour la latitude de Mexico, leur passage par le zénith. Or, la dernière fête séculaire fut célébrée dans la sixième année du règne de Montezuma, et, à cette époque, la culmination des Pléiades avoit heu à minuit, en tenant compte de la piécession des équinoxes, non au mois

DuPTJis, Mém. explicatif du zodiaque, 1806, pag. i/^5.

' Sext. Ë»Pin. contra Mathem., Lïb. v {ed. Stepkan., Tom. m, pa^. 1S7). FrnMicus, Lib. ii, c.

(ed/. Àîd. Manut. , i5o5, fol. cv). Oricek. contra Celsum , Lib. viii, c. 55 [al. Dahtme, 1755,

Tom. I, pag. 7S5 ), ' Voyez plus haut pag. go, Pl. xt.

' ToKQDBH^DA, Tom, 111, pag. 5)3 h. et Ssi a. *

46

l83 VUES DES CORDILLÈRES,

de décembre, mnis le 8 novembre. Le 26 décembre, cette constellation se levoit déjà 5' aS' avant le couclier du soleil, et son passage par le méridien étoit à 8' 53' du soir. Ces circonstances sont naturellement les mêmes pour tous les lieux de la terre Ton pourroit supposer cpie le calendiier mexicain a été formé; et si l'on remonte au premier sacrifice célébré à Tlalixco en 1091, ou aux migrations des Toltèques dans le sixième siècle de notre ère, on trouve c]ue , vers le solstice d'hiver, par l'effet de la précession des équinoxes, la culmination des Pléiades se rapproche davantage du coucher du soleil. Il est piobable que les expressions «au moment de minuit,» et «au milieu du ciel,» ne doivent pas être prises dans un sens très-précis. Le père Torquemada parle en général d'une manière si confuse du système de la chronologie des Mexicains, qu'on peut supposer qu'il a mal entendu presque tout ce que les Indiens lui ont rapporté des phénomènes astronomiques. Après avoir dit formellement que le c_ycle, et par conséquent l'année, fmissoit au mois de décexTibre, il admet que le premier jour de fan est le i." février; et il ajoute qu'au solstice d'hiver, le soleil arrive à Mexico au point le plus élevé de sa course. Torquemada a réuni, avec la plus scrupuleuse exactitude, des noms, des traditions et des faits isolés : mais, dépourvu de toute critique, il se contiedlt lui-même chaque fois qu'il essaie à combiner ces faits, ou à juger de leurs rapports mutuels. Comme les Mexicains ne connoissoient pas l'usage des clepsydres, qui sont très-anciens' en Chaldée et à la Chine, ils ne pouvoient pas indiquer avec précision le moment de minuit. D'ailleuis, le coucher cosmique des Pléiades étoit aussi regardé, dans toute l'Asie, comme une indication du commencement de l'hiver^. On chercheroit en vain une exactitude rigoureuse dans des traditions populaires, qui peut-être avoient pris naissance dans des régions plus boréales, on le froid se lait sentir un mois avant le solstice.

Ce que nous venons de dire sur la constellation des Pléiades suffit d'ailleurs pour prouver combien quelques auteurs ont eu tort de regarder comme incertain si 1 année commençoit vers l'équinoxe du printemps, ou vers le solstice d'hiver. Plus on s'éloigne de l'époque du 5 novembre, jour du lever acronique des Pléiades, moins il est possible qu'au milieu de la nuit se faisoit le sacrifice

' Sext. Esipin. pag. Slephan. i lô. Lettre du Père Du Cnoz, dans Souciet, Observât, Tom. i, * Baillï, Astv. mod., pag. 477.

ET MONUMENS DE l'amÉRIQUE. i83

séculaire, les Mexicains aient vu cette constellation près du ze'nitli'. Cependant Torquemada, Léon et Betancourt ont cru que l'année commenroit le i." ou le 2 février; Acosta et Clavigero, le 26 du même mois; Valadès et Alva Ixllilxochitl, le I." et le 20 mars; Gemelli et Vejtia, le 10 avril. Au seizième siècle, la culmination des Pléiades avoit lieu le jour de Téquinoxe du printemps, 5' S' avant le coucherdu. soleil. 11 est vrai que, d'après une ancienne tradition % la disparition de cette constellation au lever du soleil marquoit jadis le jour de l'équinoxe d'automne, ce qui suppose une observation faite trois mille ans avant notre ère : mais nous ne saurions admettre que les Mexicains avoient reçu leur chronologie d'un peuple ([ni commençoit Tannée à l'entrée de l'automne. La concordance des dates, plusieurs phénomènes astronomiques, le témoignage des auteurs espagnols, qui ont accumulé des matériaux sans connoître le véritable système du calen- drier, tout parle pour le système de Gama. Je me contenterai de citer ici une seule de ces preuves. L'historiographe indien Christoval del Castillo, dans un ouvrage manuscrit^ écrit en mexicain et conservé à Mexico, alïirme que les cinq jours complémentaires étoient ajoutés à la fin du mois Âlemoztli^ qui corres- pondoit, d'après le témoignage unanime des auteurs indiens et espagnols, à notre mois de décembre. Torquemada dit en outre que la troisième fête du dieu de l'eau étoit célébrée au solstice d'hiver, qui a lieu vers la fm A' Atemoztlij, et que le cycle finit au mois de décembre. Toutes ces circonstances s'accordent à placer les jours intercalaires peu de temps après le solstice d'hiver. La crainte de voir s'éteindre ou s'éloigner l'astre du jour, les idées de deuil et de joie exprimées dans la fête séculaire, se rapportent aussi bien mieux à l'époque de raccour- cissement des jours qu'à celle de réc[uinoxe. Il est vrai que c' étoit à l'entrée du printemps, qu'à Rome le pontife prenoit le feu nouveau sur l'autel de Vesta , et que les Perses célébroient les grandes fêtes du Neurouz : mais les motifs de ces fêtes étoient difFérens de ceux qui guidoient les Mexicains et les Égyptiens dans les fêtes solsticiales et isiaques.

J'ai exposé le système de l'intercalation, tel qu'on le voit indiqué dans les manusciits mexicains , tel qtie l'ont adopté Siguenza , Glavigero , Carli ,

' Gasia, ^. 55, pag. 52, uole.

' Plik. Hisl. Nal., Lib. xviii, c. 35 (ed. Harduin, ijkv. Tom. ii, pag. lag-) ' MSS., cap. 71.

* Dupuis, Origine des Cuiles, Tuni. 1, pag. i56; Tom. n, P. a, pag. 96.

VUES DES CORDILLÈRES,

et long-temps avant eux, Boulanger et Freret. D'après ce système, la longueur de l'année est supposée de 365',25 : d'où il résulte que, depuis la réforme du calendrier en 1091 jusqu'à l'arrivée des Espagnols, les Mexicains auroient se trouver en erreur de plus de trois jours. Or, les recherches que Gama a faites sur les éclipses de soleil du 23 février 1477 et du 7 juin 1481, qui sont indiquées dans les annales hiéroglyphiques; sur plusieurs époques mémorables de la conquête, et sur les jours où, d'après les fastes mexicains, le soleil passe par le zénith de Ténoclititlan , semblent prouver que cette erreur de trois jours n'avoit pas lieu, et qu'au commencement du seizième siècle, comme nous t'avons observé plus haut, les dates du calendrier aztè(|ue correspondoient mieux avec les jours des solstices et des équlnoxes, que celles du calendrier espagnol.

Sans connoître la longueur exacte de Tannée, les Mexicains auroient pu rectifier de temps en temps leur calendrier, à mesure que des observations gnomoniques les avertissoient que, dans la première année du cycle, les équinoxes du printemps et de l'automne s'éloignoient de quelques jours du 'j malinalli et du 9 cozcacfuauhtli. Les Péruviens du Couzco, dont l'année étoit lunaire, régloient leur intercalallon, non d'après l'ombre des gnomons, qu'ils mesurolent d'ailleurs très-assidùmeni, mais d'après des maï ques placées dans l'horizon pour désigner les points le soleil se levoit et se coucholt le jour des solstices et des équinoxes. Une intercalatlon périodique et exacte, comme celle que les Persans ont connue depuis le onzième siècle, est sans doute préférable à ces changemens bi usques que l'on désigne sous le nom de réformes du calendrier; mais une nation qui, depuis des siècles, emploierolt un mode d'intercalation très-imparfait, pourroit cependant conserver l'accord entre son calendrier et celui des peuples les plus policés, si, conduite par l'observa lion directe des phénomènes célestes , elle cbangeoit de temps eu temps le commencement de son année. L'histoire mexicaine, dans ses annales, n'oflVe aucune trace de ces changemens brusques ou de ces intercalatlons extraordinaires. Depuis l'époque célèbre du sacrifice de Tlalixco, le calendrier n'avoit subi aucune réforme; l'intercalation se fil imiformément à la fin de chaque cycle ; et , pour expliquer comment quatre siècles n'avoient pas suffi pour produire une erreur sensible dans la chronologie, M. Gama admet que les Mexicains n'intercaloient que vingt-cinq jours tous les cycles de cent quatre ans cehuehuetiliztli j ou douze jours et demi à la lin de chaque cycle de

ET MO^^UJIENS DE l/ AMERIQUE. l85

cint|uante-Lloux ans, ce qui fisc la tlniee de l'année à 565', a4o. Il croit pouvoir conclure du nicit même des liistoriens du seizièn:ie siècle, que la fête séculaire se célébroit alternativement le jour et la nuit, et que si les années d'un cjcie commençoient toutes à minuit, celles d'un autre commencoient toutes à midi. Ne pouvant pas examiner les ouvrages écrits en langue mexicaine, je ne suis point en état de prononcer sur la justesse des idées de M. Gama. Les raisons qu'il allègue dans sa dissertation sur les monumens découverts en 1790, ne me paroissent plus aussi concluantes que je les ai crues autrefois, avant d'avoir pu faire une cttidc appiolbndic du calendrier mexicain. Lorsque ses héritiers aurout obtenu les moyens de faire imprimer son traité de Chronologie toltèque et aztèque j il sera plus facile de juger du vrai nombre des jours intercalaires. Les travaux astronomiques de Gaina, dont nous avons eu occasion de vérifier l'exactitude, doivent d'ailleurs inspirer beaucoup de confiance, et il est probable qu'un savant qui a eu la patience de calculer, pour le parallèle de l'ancien Téuocbtitlan , d'après les tables de Majer , un grand nombre ïl'éclipses de soleil, liées à des époques historiques, u'auroit pas hasardé légèi'ement une lijpotbèse nouvelle, s'il n'y avoit été conduit par une comparaison soignée des dates et par l'étude des peintures hiéroglyphiques.

« L'intercalalion de vingt-cinq jours en cent quatre ans, dit M. La Place' dans son excellent précis de riiistoire de l astronomie , suppose une durée de l'année tropique plus exacte r[ue celle d'Hlpparquc, et, ce qui est très- remarquable, presque égale à l'année des astronomes d'Almamon. Quand on considère la difTiculté de parvenir à une détermination aussi exacte, on est porté à crolie qu'elle n'est pas l'ouvrage des Mexicains, et qu'elle leur est venue de l'ancien continent. Mais de quel peuple et par quel moyen l'ont-ils reçue? Pourquoi, si elle leur étoit transmise par le nord de l'Asie, ont-Us une division du temps si différente de celles qui ont été en usage dans cette partie du monde?» Dans l'état actuel de nos connoissances , nous ne pouvons nous flatter de résoudre ces questions : mais, en se refusant même à admettre l'intercalatlon de douze jours et demi par cycle, en n'accordant aux Mexicains que la connoissance de l'ancienne année perse de 36S',35o , on trouvera pourtant, dans les liiéroglyphes des jours et dans l'emploi des séries périodiques, des témoignages irrécusables d'une ancienne communication avec l'Asie orientale.

Exp- du Sjstème du Monde, ô." L'dil-, Tom. ii, pag. .ïiS.

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l86 VUES DES CORDILLKUES,

Quoique le cjcle mexicaÏQ commençât par l'anaee du lapin, iochlll , comme le cycle tartare commence par l'année du rat, sin^ueri^ rintercalation ne se faisoit que dans l'année ome acatl : c'est même cette circonstance qui a engage les Mexicains à designer dans leurs peintures un xiuhmolfnlU , ou cjcle de cinquante-deux ans, par un faisceau de cannes. Les Mexicains etoient sortis d'Aztlan en Tannée io64, ou i tecpatl ; leurs migrations durèrent vingt-trois ans jusqu'en 1087, ou 11 acatl^ ils arrivèrent à Tlalixco. Or, quoique la réforme du calendriei' eût lieu en 1090, ou l'année i toclitli , la fête du feu nouveau ne fut pourtant célébrée que l'année suivante 1 acatl: « parce que, dit l'historien indien Tezozomoc ', le dieu tutélaire du petiple, HitilzilopochtU avoit fait sa première apparition le joiu' i tecpall de l'année 2 acatl. »

Quelques auteurs ont soupçonné qu'avant la réforme du calendrier à Tlalixco, les Mexicains avolent intercalé un jour tous les quatre ans; une lête du dieu du feu {Xiuhteucth) ^ célébiée avec plus de solennité dans les années qui portoient le sjmbole tochtli j paroît avoir donné lieu à celte opinion. Le comte Garli , dont les Lettres américaines oiFrent un mélange singulier d'observations exactes, d'idées purement ingénieuses et d'Iiypotlièses incompatibles avec les piincipes d'une bonne physique et la vraie théorie des mouvemens célestes, a cru reconnoitre, dans les fêtes de neuf jours célébrées tous les quatre ans, les restes d'une intercalation lunaire. Il suppose que les prêtres mexicains comptoient, dans une année, douze lunaisons de viugt-neuf jours huit heures, et que, pour ramener tous les quatie ans ces années de trois cent cinquante-deux jours, à de véritables années lunaires, ils ajoutoient neuf joints. Cette supposition est presque aussi hasardée que celle d'après laquelle !e même auteur attribue aux corps célestes l'erreur des anciens calendriers, en admettant que, quelques milliers d'années avant notre ère, la terre achevoit sa révolution autour du soleil en trois cent soixante jours*, et qu'un mois lunaire n'étoit cjuc de vingt-sept jours et demi.

Comme une série périodique de quatre termes étoit employée pour distinguer les années renfermées dans un c^cle, les Mexicains se voj'oient très-naturellement conduits à des fêtes quatriennales. Telles étoient le jeûne

Gama, 5. 7. pag. 31. LelUes américaiaes, Toiii. ii, pag. i55, iGi, 167, 355 et ^71-

ET MONUMENS DE l'amÉRIQUE. 187

solennel de cent soixante jours, eélébré, à l'équînoxe du printemps, dans les petites républiques de Tlascalla, Cliolula et Huctxocingo, et Tliorrible sacrilice qui avoit lieu tous les quatre ans à Quaulilillan, au mois Uzcalii. Dans ce dernier, les pénitens se scaritioient le coips, en luisant ruisseler le sang à travers des tiges de roseau qu'ils introdnisoient dans les plaies' et qu'ils déposoient dans les temples, comme des marques publiques de leur dévotion. Ces fûtes, qui rappellent les pénitences usitées au Tibet et dans Tlnde, se lépétoient chaque ibis qu\m même signe présidoit l'année.

En examinant, à Rome, le Codex Borgianus de Vcletri , j'y ai reconnu le passage curieux ' duquel le jésuite Fabi ega a conclu que les Mexicains connoissoient la véritable durée de Tannée tropique. On trouve indiqué, sur quatre pages, vingt cyc?les de cinquante-deux ans, ou mille quarante ans : à la fin de cette graiule pi'riode, on voit le signe du lapin fochtli piécéder immédiatement, parmi les hiéroglyphes des jours, loiseau cozqiimihtli^ de manière que sept jours sont supprimés, ceux de Veau^ du chien j du singe , de rherbe malinallij de la canne , du tigre et de Y aigle. Le pèie Fabrega suppose, dans son Commentaire manuscrit, que cette omission se rapporte à une réforme périodique de rinleicalation julienne, parce qu'une soustraction de huit jours, à la fin d'un cycle de mille quarante ans, ramène, par un moyen ingénieux, une année de 5665',35o à une année de 565', 24^, qui n'est que de i' 26", ou de o',ooio plus grande que la véritable année moyenne, telle que la donnent les Tables de M. Delambre. Quand on a eu occasion d'examiner un grand nombre de peintures hiéroglypliiques des Mexicains, et que l'on a vu le soin extrême avec lequel elles sont exécutées dans les plus petits détails, on ne sauroit admettre que l'omission de huit termes, dans une série périodique, soit due au simple hasard. L'observation du père Fabrega mérite sans doute d'être consignée ici, non qu'il soit probable qu'une nation n'emploie effectivement une réforme du calendrier qu'après de longues périodes de mille quarante ans, mais parce que le manuscrit de Vcletri semble prouver que son auteur a eu connoissance de la véritable durée de l'année. S'il existoit au Mexique, à l'arrivée des Espagnols, une intercalation de vingt-cinq jours en cent quatre ans, il est à supposer que cette intercalation j)lus parfaite a

' GouABA, pag. cxYXi, cxxxii. ToRQvizMAnA, Toni. ]i, pag. 307. Gemelli, Toin. vi, pag. 73. " Cod. Borg., fol. /,8-61 Fabrega, MSS., fol. k, pa-. 7.

l88 VUES DES C01\DILLF,l\ES,

été précédée d'une iiileicnlatioii de treize jours eu cinquante-deux ans. Oi', la mémoire de cette ancienne méthode se sera conservée parmi les hommes, et il se peut que le prêtre mexicain, qui a composé le rituel du musée Borgia, ait voulu indiquer dans son livre un artifice de calcul propre à rectifier l'ancien calendrier, en retranchant sept jours d'une grande période de vingt cycles. On ne pourra juger de la justesse de cette opinion, que lorsqu'un plus grand nombre de peintures mexicaines aura été consulté en Europe et en Amérique : car, je ne saurois le répéter assez, tout ce que nous avons appris jusqu'ici de l'ancien état des peuples du nouveau continent, n est licn en comparaison des lumières qui seront répandues un jour sur cet objet, si Ton parvient à réunir les matériaux qui sont épars dans les deux mondes, et qui ont survécu à des siècles d'ignorance et de barbarie.

Le monument précieux que j'ai fait représenter sur hi Planche xxill, et qui avoit déjà été gravé à Mexico, il J a près de vingt ans, sert à confirmer une partie des idées c|ue nous venons de développer sur le calendrier mexicain. Cette pierre énorme a été trouvée, au mois de déeembie 1790, dans les fondations du grand temple de Mexitli , à la Plaza major de Mexico, à peu près soixante -dix mètres à l'ouest de la seconde porte du palais des vice-rois, et trente mètres au nord du marché des fleurs ap|)clé Portai de las Floresj à la petite profondeur de cinq décimètres. Klle etoit placée de manière que la partie sculptée ne pouvoit être vue qu'en la mettant dans une position verticale. Cortez , en détruisant les temples , avoit fait briser les idoles et tout ce qui tenoil au culte ancien. Les masses de pierre qui étoient trop grandes pour qu'on les détruisît, furent enterrées pour les soustraire aux veux du peuple vaincu. Quoique le cercle qui renfeinie les hiéroglyphes des jours n'ait que 3",4 de diamètre, on reconnoit que la pierre entière formoit un parallélipipède rectangle de quatre mètres de longueur, d'autant de mètres de largeur, et d'mi mètre d'épaisseur.

La nature de cette pierre n'est pas calcaire, comme l'affirme M. Gama , mais de poi'phyie trappéen gris-noirâtre, à base de wacle basaltique. En examinant avec soin des fragmens détachés, j'y ai reconnu de famphihole, bcaucoiqi de cristaux très-alongés de feldspath vitieux, et, ce qiii est assez remarquable, des paillettes de mica. Cette roche, fendillée et remplie de petites cavités, est dépourvue de quarz, comme presque toutes les rocJies de la formation de li ajip.

ET MONUMENS DE L AMÉRIQUE. l86

Comme son poids actuel est encore de plus de quatre cent quutre-vuigt-deux quintaux (34,400 kilogrammes), et qu'aucane des montagnes qui entourent la ville à huit ou dix lieues de distance, n'a pu fournir un porphyre de ce grain et de cette couleur, on se figure aisément les diîïicultes que les Mexicains ont éprouvées pour transporter une masse si énorme au pied du téocaUi. La sculpture en relief a le même fini que l'on trouve dans tous les ouvrages mexicains : les cercles concentricpies, les divisions et les subdivisions sans nombre sont tracés avec une exactitude mathématique; plus on examine le détail de cette sculpture, plus on y découvre ce goût pour la répétition des mêmes formes, cet esprit d'ordre, ce sentiment de la symétrie qui, chez des peuples à demi-civilisés, remplacent le sentiment du beau.

Au centre de la pierre se présente le fameux signe nahui olUn Tonatiuh (le soleil dans ses quatre mouvemens) dont nous avons parlé plus haut'. Huit rayons triangulaires entourent le soleil ; ces rayons se reti-ouvent dans le calendrier rituel, tonalamall, dans les peintures historiques, partout est figuré le soleil, Tonatiuh^. Le nombre huit fait allusion à la division du jour et de la nuit en huit parties''. Le dieu Tonatiuh est représenté ouvrant une large bouche armée de dents : cette bouche ouverte , cette langue (jui en sort, rappellent la figure d'une divinité de l'Hindoustàn , celle de Kdla , le Temps. D'après un passage du Bhagavat-guita^ « Kdla engloutit les mondes, ouvrant une bouche enflammée , armée d'une rangée de terribles dents , et montrant une langue énorme^. » Tonatiuh , placé au milieu des signes des jours, mesurant l'année par les (jualre mouvemens des solstices et des équinoxes , est en effet le véritable symbole du Temps : c'est Krichna prenant la forme de Kdlaj c'est Kronos qui dévore ses enfans, et que nous croyons reconnoître sous le nom de Moloch chez les Phéniciens.

Le cercle intérieur offre les vingt signes des jours : en se souvenant que cipactli est le premier, et xochitl le dernier de ces catastérismes , on voit qu'ici, comme partout ailleurs, les Mexicains ont rangé les hiéroglyphes de droite à gauche. Les têtes des animaux sont placées dans une direction opposée,

' Pag. M.

' Pl. XV , n. ^1. { Cod. Bnrg. f'clàr., fol. ig.) ' Voyez plus haut, pag. 128.

* Traduction de M. Wilkiss. Voyez aussi 77ic Hhidii Punlhsan , art. Killa.

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igo VUES DES CORDILLERES,

sans doute pjirce que l'animal <|ui tourne le clos à un niitie, est censé le précéder. M. Zoega a observé cette même particularité chez les Egyptiens La tête de mort, miquiztli, placée près du serpent j, et Taccompagnant comme signe de la nuit dans la troisième série périodique, fait exception à la règle générale; elle seule est dirigée vers le dernier signe, tandis que les animaux ont la face tournée vers le premier. Cet arrangement n'est pas le même dans les manuscrits de Veletri , de Rome et de Vienne.

Il est probable que la pierre sculptée dont M. Gama a entrepris l'explication, étoit anciennement placée dans l'enceinte du téocalli , dans un sacellum dédié au signe oUin Tonatiuh. Nous savons, par un fiagment d'Hernandez, que le jésuite Nieremberg nous a conservé dans le huitième livre de son Histoire naturelle, que le grand téocalli renfermoit dans ses murs six Ibis treize ou soixante-dix-huit chapelles, dont plusieurs étoient dédiées au soleil, à la lune, à la planète Vénus, appelée Ilcuicatitlan ou Tlazolteotl, et aux signes du zodiaque \ La lune, que tous les peuples regardent comme un astre qui attire l'humidité, avoit un petit temple [teccizcalli) construit en coquilles. Les grandes fêtes du solci! {Tonatiuh) étoient célébrées au solstice d'hiver et dans la seizième période de treize jours , qui étoit présidée à la fois par le signe nahui ollin Tonatiuh, et par la voie lactée, connue sous le nom de Citlalinycue ou Citlalcueye. Pendant une de ces fêtes du soleil, les rois avoient l'usage de se retirer dans un édifice situé au milieu de l'enceinte du téocalli, et appelé Huejcjuauhxicalco. Ils j passoient quatre jours dans le jeûne et la pénitence : ensuite on faisoit un sacrifice sanglant en l'honneur des éclipses {Netonatiuhciualo j malheureux soleil mangé). C'est dans ce sacrifice que de deux victimes masquées, Tune représentoit l'image du soleil, Tonatiuh , et l'autre celle de la lune, Meztli, comme pour rappeler que la lune est la vraie cause de l éclipse du soleil.

Outre les catastérismes du zodiaque mexicain et la figure du Signe nahui oîlin_, la pierre offre aussi les dates de dix grandes fêtes qui étoient célébrées depuis l'équinoxe du printemps jusqu'à l'équinoxe d'automne. Comme plusieurs de ces fêtes correspondent à des phénomènes célestes, et ([ue l'année mexicaine

Zosok, de Obel., p. j164(où, par erreur lypo^raphique, les mots dexlrorsum el sinistro/sum sont confondus).

EusEBU NiiLiiEMBERGii f/ist. nal.. Lit. viu , cap. aa (Jntveipiœ, i635, pag. i(i3-i56). TempU

parles, ô. S, (), 2o, 25.

ET MONUMENS DE l'amÉRIQUE. 191

est tmgue pendant l'espace d'un cj'cle, l'intercalation ne se faisant que de cinquante-deuK en cinciuantc-deux ans , les mêmes dates ne désignent jias, quatre ans de suite, les mêmes jouis. Le solstice d'hiver qui, la première année du cycle, a lieu le jour 10 tochtli, huit ans plus tard a déjà rétrogradé de deux signes, et tombe sur le jour 8 miqiiizili. II en résulte que, pour indiquer les dates par les signes des jours, il faut ajouter l'année du cycle à laquelle ces dates correspondent. En elFet le signe i5 cannes j, ou matlactly omey acatlj placé au-dessus de la figure du soleil, vers le bord supérieur de la pierre, nous annonce que ce monument renferme les fastes de la vingt-sixième année du cycle, depuis le mois de mars jusqu'au mois de septembre.

Pour faciliter l'intelligence des signes qui indiquent les fêtes du culte mexicain, je dois rappeler de nouveau que les ronds > placés auprès des hiéroglyphes des jours , sont des termes de la première des trois séries périodiques dont nous avons développé l'usage plus haut. En comptant de droite à gauche et en commençant à la droite du tiiangle qui repose sur le front du dieu Ollin Tonatiuh , et dont la pointe est dirigée vers cipactli , on trouve les huit hiéroglyphes suivans : 4 tigre; i silex; iletl, feu, sans indication de nombre; 4 ^ent; pluie ; 1 pluie; 1 singe, et 4 Voici maintenant

l'explication des fastes mexicains d'après le calendrier de M. Gama et d'après l'ordre des fêles indiquées dans les ouvrages des historiens du seizième siècle.

Dans l'année i3 acatlj qui est la dernière année de la seconde indiction du cycle, le commencement de l'année a rétrogradé de six jours et demi, parce que l'intercalation n'a pas eu lieu depuis vingt-six ans. Le premier jour du mois tititlj qui porte le signe i cipactli tletl^ correspond par consécpient non au 9, mais au 3 janvier; et le signe qui préside à la septième période de treize jours, i quiahuitl ou i pluie ^ coïncide avec le 32 mars ou avec l'équinoxe du printemps. C'est à cette époque que l'on célébroit les grandes fêtes de Tlaloc ou du dieu de l'eau, qui commençoient même déjà dix jours avant l'équinoxe, le jour 4 ^tl, ou 4 eaUj sans doute parce que, le 12 mars, ou le 3 du mois Tlacaxipehualiztli , l'hiéroglyphe de l'eau, atl, étoit à la fois ' le signe du jour et celui de la nuit. Trois jours après l'équinoxe du printemps, le jour 4 eliecatl, ou 4 vent, commençoit un jeûne solennel de quarante jours, institué en l'honneur du soleil. Ce jeune finissoit le 00 avril, qui correspond à

' Nakui ail, ail, atlj voyez plus haut , pag. i46.

ig2 WES DKS CORDIT.T.ÈRES,

I tecpail ou I s 'iîe.x. Comme le signe de ce jour est accompagné du seigneur de la niiiij ilellj feu, nous trouvons placé riiiérogljpbe iletl près de i tecpailj à gauche du triangle, dont la pointe est dirigée vers le commencement du zodiaque. A droite du signe i tecpatl se trouve celui 4 oceloil, ou l\ tigre; ce joui' est remaï quable par le passage du soleil pai- le zénith de la ville de Mexico. Toute la petite période de treize jours, dans laquelle ce passage ;i lieu, et qui est la onzième de l'année rituelle , étoît encore dédiée au soleil. Le signe

3 ozoïnatli ou 2 singe coirespond à l'époque du solstice d'été : il se trouve placé immédiatement auprès de i (iiiiahuillj, ou i pluiejiouv de l'équiuoxe.

On peut être embarrassé' pour l'explication de 4 quiahuill ou 4 pluie: dans la première année du cycle, ce jour correspond exactement au second passage du soleil par le zénitli de la ville de Mexico ; mais dans l'année i5 acatl j dont ce monument offre les fastes, le jour 4 pluie précédoit déjà ce passage de six jours. Gomme toute la période de treize jours, dans laipielle le soleil parvient au zénitli , est dédiée au signe oUin Tonatiuh et à la voie lactée, citlalcueye , et comme le jour 4 pluie appartient constamment à cette même période, il est assez probable que les Mexicains ont indique de préférence ce dernier jour, pour que la figure du soleil fut entourée de quatre signes qui eussent tous le même nombre quatre, et surtout pour faire allusion aux quatre destructions du soleil, que la tradilion place dans les jours 4 tig^'e^ l\ vent,

4 eau, et 4 pluie. Les cinq petits ronds que l'on trouve à gauche du jour 3 singej immédiatement au-dessus du signe malirtallij paroisscnt faire allusion à la fête du dieu 3Iacuil- 3Ialinalli j qui avoit des autels particuliers : cette fête étoit célébrée vers le 13 septembre, appelé Macuilli Malinalli. La pointe du triangle qui sépare le signe du jour i silex du signe de la nuit , lletl ou feu, est dirigée vers le premier des vingt catastérismes des signes du zodiaque, parce que, Tannée i5 cannes ^ le jour i cipacili correspond au jour de l'équinoxe d'automne: vers ce temps on célêbroit une fête de dix jours, dont le plus solennel étoit le jour 10 ollin^ ou 10 soleilj, qui correspond à notre 16 septembre. On croit, à Mexico, que les deux cases, placées sous la langue du dieu OUin Tonaliuh ^ présentent deux fois le nombre cinq : mais ceLle exjilication me paroit aussi hasardée que celle que l'on a tenté de donner des quaiante cases qui entourent le zodiaque, et des nombres six, dix et dix-huit, que l'on

' Gama-, §- 73, pag. 109.

ET MONUMENS DE l'amÉRIQUE. ig5

trouve répètes vers le bord de la pierre. Nous n'examinerons pas non plus si les tious cveusès dans cette énorme pierre ont été laits, comme Ta pensé M. Gama, pour y placer des fds qui servoient de gnomons. Ce qui est plus certain et très-important pour la chronologie mexicaine, c'est que ce monument prouve, contre Topinion de Gemelli et de Botnrini, que le premier jour, quel que soit le signe de l'année, est constamment présidé par cipactli, signe qui correspond au capiicotne de la splière grecque. On peut croire que, près de cette pierre, en étoit placée une autre qui renfermoit les fastes depuis l'équinoxe d'automne jusqu'à Téquinoxe du printemps.

Nous venons de réunir, sous un même point de vue , tout ce que nous savons jusqu'ici de la division du temps chez les peuples mexicains, en distinguant avec soin ce qui est certain de ce qui est simplement pro- bable. On voit, d'après ce qui a été exposé sur la forme de Tannée, combien sont imaginaires les hypothèses d'après lesquelles on attribuoit aux Toltèques et aux Aztèques, tantôt des années lunaires, tantôt des années de 286 jours, divisées en 32 mois Il seroit intéressant de connoitre le système de calendrier suivi par les peuples les plus septentrionaux de l'Amérique et de l'Asie. Chez les habitans de Noutka nous retrouvons encore les mois mexicains de 20 jours, mais leur année n'a que i4 mois, auxquels ils ajoutent, d'après des méthodes très-compliquées, un grand nombre de jours intercalaires*. Dès qu'un peuple ne règle pas les subdivisions de l'année d'après les lunaisons, le nombre dos mois devient pour lui assez arbitraire, et son choix ne paroît dépendre que d'une prédilection particulière pour certains nombres. Les peuples mexicains ont préféré les doubles décades, parce qu'ils n'avoient de signes simples que pour les unités, pour vingt et pour les puissances de vingt.

L'usage des séiies périodiques et les hiéroglyphes des jours nous ont offert des traits fiappans d'analogie entre les peuples de l'Asie et ceux de l'Amérique. Quelques-uns de ces traits n'avoient pas échappé à la sagacité de M. Dupuis % quoic|u'il ait confondu les signes des mois avec ceux des jours, et qu'il n'ait eu qu'une connoissance très-imparfaite de la chronologie mexicaine.

' Waddilove, dans Robertsow's Hîst. of America, Vol. m, p. lio^, note xxxv.

' Don José Moziwo, f^iage a NouOia, manuscrit. (Voyez mon Essai politique sur la Nouvelle -Espagne,

Vol. I, p. 335.) ' Mémoire explicutil' sur le Zodiaque, p. gg.

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ig^ VUES DES CORDILLÈRES,

Il seroit contraire au but que nous nous sommes proposé dans cet ouvrage, de nous livrer à dos h_ypothèses sur l'ancienne civilisation des habitans du nord et du centre de l'Asie. Le Tibet et le Mexique présentent des rapports assez remarquables dans leur biérarcbie ecclésiastique, dans le nombre des congrf'gations religieuses, dans l'austérité extrême des pénitences et dans l'ordre des processions. 11 est même impossible de ne pas être frappé de cette ressemblance, en lisant avec attention le récit que Cortez fit à l'empeieur Charles-Quint, de son entrée solennelle à Cholula, qu'il appelle la ville sainte des Mexicains.

Un peuple qui régloit ses fêtes d'après le mouvement des astres, et qui gravoit ses fastes sur un monument public, étoit parvenu sans doute à un degré de civilisation supérieur à celui que lui ont assigné Pauw, Rajnal, et même Robertson, le plus judicieux des historiens de l'Amérique. Ces auteurs regardent comme barbare tout état de l'homme qui s'éloigne du type do culture qu'ils se sont formé d'apiès leurs idées systématiques. Nous ne saurions admettre ces distinctions tranchantes en nations barbares et nations civilisées. En examinant dans cet ouvrage, avec une scrupuleuse impartialité, tout ce que nous avons pu découvrir par nous-mêmes sur l'état ancien des peuples indigènes du nouveau continent, nous avons tâché de recueillir les traits qui les caractérisent individuellement, et ceux c[ui paroisscnt les lier à difFérens groupes de peuples asiatiques. Il en est des nations entières comme des simples individus; de même que, dans ces derniers, toutes les facultés de l'ame ne parviennent pas ;i se développer simultanément ; chez les premiers, les progrès de la civilisation ne se manifestent pas à la fois dans l'adoucissement des moeurs publitpies et privées, dans le sentiment des arts, et dans la forme des institutions. Avant de classer les nations, il fant les étudier d'après leurs caiactères spécifiques; car les circonstances extérieures font varier à l'infmi les nuances de culture qui distinguent des tribus do race différente, surtout lorsque, fixées dans des régions très-éloignées les unes des autres, elles ont vécu long -temps sous l'influence de gouvernemens et de cultes plus ou moins contraires aux progiès de l'espiit et à la conservation de la liberté individuelle.

ET MONUMENS DE l'amÉRIQUE.

PLANCHE XXIV.

Maison de l'inca, à Callo , dans le royaume de Quito.

Après queTupac-Yopanqui et Huajna-Capac, père de l'infortuné Alaliualpa, eurent achevé la conquête du royaume de Quito, ils fuent non-seulement tracer de superbes routes sur le dos des Cordillères, mais ils ordonnèrent aussi, pour faciliter les communications entre la capitale et les provinces les plus septentrionales de leur empire, que, sur le chemin de Gouzco à Quito, on construisît, de distance en distance, des hôtelleries (tambos), des magasins et des maisons propres à servir d'habitation pour le prince et pour sa suite. Ces lambos et ces maisons de Tlnca , que d'autres voyageurs qualifient de palais, existoient depuis des siècles dans cette portion de la grande route qui conduit de Couzco à Caxamarca ; on ne doit aux derniers conquérans de la race de Manco-Capac que la construction des édifices dont nous trouvons aujourd'hui les ruines depuis la province de Caxamarca, limite méridionale de ^ancien royaume de Quito, jusqu'aux montagnes de los Pastos. Parmi ces édifices, un des plus célèbres et des mieux conservés est celui du Callo ou CaïOj décrit par La Condamine, don Jorge Juan et Ulloa, dans leurs voyages au Pérou. Les descriptions de ces voyageais sont très-imjiarfaites ; et le dessin qu'TJUoa a donné de la maison de l'Inca indique si peu le plan d'après lequel elle a été construite, qu'on seroit presque tenté de croire qu'il est purement imaginaire.

Lorscju'au mois d'avril de Tannée 1802, dans une excursion au volcan de Cotopaxi , nous visitâmes, M. Bonpland et moi, ces fbibles restes de Tarchitecture péruvienne , je dressai les coupes qu'olFre la Planche xxiv : de retour à Quito, je montrai mes dessins et la planche que renferme le voyage d'Ulloa à des religieux très-âgés de l'ordre de Saint- Augustin. Personne ne connoît mieux qu'eux les ruines du Callo, qui se trouvent sur un terrain appartenant à leur couvent; ils ont habité jadis une maison de campagne voisine, et ils m'ont assuré que, depuis i^5o, et même avant cette époque, la maison de Tlnca a toujours été dans le même état qu'aujourd'hui. 11 est probable qu'UUoa a voulu représenter un monument restauré^, et qu'il

Iq6 vues des CORDILLÈRB-S,

a suppose l'(;sistence de murs iutéi ieurs ' partout il a vu des amas de décombres ou des élévations accidentelles du terrain. Son plan n'in- dique ni la véritable forme des appai temens , ni les quatre grandes portes extérieures , t[ui nécessaiiement ont exister depuis la consti iictlon de Tédifice.

Nous avons déjà observé plus haut que le plateau de Quito se prolonge entre une double crête^ de la Cordillère des Andes : il est sépare du plateau de Llactacunga et d'Hambato par les hauteurs de Chisinche et de TiopuUo, qui, semblables à une digue, s'étendent transversalement de la crête orientale vers la crête occidentale, ou des rochers balsatiques de Rumiiiahui vers les pyramides élancées de l'ancien volcan d'Ilinissa. Du haut de cette digue qui partage les eaux entre la mer du Sud et l'Océan atlaiitic[ue , on découvre, dans une immense plaine couverte de pierre ponce, le Panecillo du Callo et les l'uines de la maison de l'inca Huayna-Capac. Le Panecillo , ou pain cle siicrcj est une butte conique d'environ quatre-vingts mètres d'élévation , couverte de petites broussailles de Molîiia^ de Spermacoce et de Cactus : les indigènes sont persuadés que cette butte , qui ressemble à une cloche et dont la forme est d'une régularité surprenante, est un tumuliis ^ une de ces nombreuses collines que les anciens habitans de ce pays ont élevées pour servir de sépul- ture au prince ou à quelque autre personnage distingué. On allègue, en faveur de cette opinion , que le Panecillo est tout composé de débris volcaniques, et que les mêmes ponces qui entourent sa base, se rencontrent à son sommet.

Cette raison pourroit paroître peu convaincante aux yeux d'im géologue; car le dos de la montagne voisine de Tiopullo , cpii est beaucoup plus élevée que le Panecillo y présente aussi de grands amas de pierre ponce, dus vraisemblable- ment à d'anciennes éruptions du Cotopaxi et de l'Ilinissa. On ne sauroit révoquer en doute que , dans les deux Amériques, de même que dans le nord de l'Asie et sur les bords du Borysthène, il ne se trouve des tertres élevés à maùi d'homme, de véiitables tumulus d'une hauteur extraordinaire. Ceux que nous avons trouvés dans les ruines de l'ancienne ville de Mansiche , au Pérou, ne cèdent pas beaucoup en élévation au pain de sacre du Callo. Il se pourroit cependant,

' Voyage historique de l'Amérique méridionale, Toni, i, pag. 58;, Pl. iS.

» Voyez plus haut, pag. io4, et mon Recueil d'Observationii astronomiques. Vol. ( , pag. Sog.

ET MONUMENS DE l'amÉRIQUE. 19^

et cette opinion me paroit plus probable, que ce dernier fût une butte volcanique, isolée dans la vaste plaine de Llactacunga , et à laquelle les natifs ont donné une forme plus régulière. Ulloa, dont l'autorité est d'un grand poids, paroît adopter l'opinion des indigènes : il croit même que le PaneciUo est un monument miUiaire , et qu'il servoit de befFroi pour découvrir ce qui se passoit dans la campagne, et pour mettre le prince en sûreté à la pre- mière alarme d'une attacpio imprévue. Dans l'état de Rentucky, on observe aussi , près d'anciennes fbrtillcations de forme ovale , des tumulus très-élevés renfermant des ossemens humains, et couverts d'arbres que M. Cutter suppose avoir près de mille ans '.

La maison de ïlnca se trouve située un peu au sud-ouest du PaneciUo^ à trois lieues de distance du cratère de Cotopaxi, environ dix lieues au sud de la ville de Quito. Cet édifice forme un carré dont chaque coté a trente mètres de longueur : on distingue encore quatre grandes poites extérieures, et huit appartemens dont trois se sont conservés. Les murs ont à peu près cinq mètres de hauteur sur un mètre d'épaisseur. Les portes semblables à celles des temples ég^'ptiens; les niches, au nombre de dix-huit dans chaque appartement, distribuées avec la plus grande svmétrie ; les cj-lindres servant à suspendre des armes; la coupe des pierres, dont la face extérieure est convexe et coupée en biseau, toiit rappelle l'édifice du Canar, qui est représenté sur la Planche xx. Je n'ai rien vu au Callo qui annonçât ce qu'Ulloa appelle de la somptuosité, de la grandeur et de la majesté : mais ce qui me paroît digne du plus grand intérêt, c'est l'uniformité de construction que l'on remarque dans tous les monumens péruviens. Il est impossible d'examiner attentivement un seul édifice du temps des Incas, sans reconnoître le même tjpe dans tous les autres qui convient le dos des Andes, sur ime longueur de plus de quatre cent cinquante lieues, depuis mille jusqu'à quatre mille mètres d'élévation au-dessus du niveau de l'Océan. On diroit qu'un seul architecte a construit ce grand nombre de monumens, tant ce pcLiple montagnard tcnoit à ses habitudes domestiques, à ses institutions civiles et religieuses, à la forme et à la distri- bution de ses édifices. Il sera facile de vérifier un jour, d'après les dessins que renferme cet ouvrage, si, dans le Haut-Canada, comme le prétend le savant auteur des Noticias americanas , il existe des édifices qui, dans la coupe des

' Caheï's Pochel Allas oj llie Uiiited^Slates , 179(1, P- ^^i.

5fi

igS VUES DES CORDILLÈRES,

pierres, dans la forme des portes et des petites niches, et dans la distribution des îippnrtemens, offrent des traces du style péruvien : cette vérification intéresse d'autant plus ceux qui se livrent à des recherches historiques, que nous savons, par des ti'inoigiiages certains, que les Incas construisii'ent la forteresse du Gouzco, d'après le modèle des édifices plus anciens de Tiahuanaco, situés sous les ly" 11' de latitude australe.

La pierre qui a servi à la maison de Hua_yna-Capac , désignée parCieça' sous le nom des .îposejitos de Mulahalo , est une roche d'origine volcanique, im porphyre à base basaltique brûlé et spongieux. Elle a été vraisemblablement lancée par la bouche du volcan de Cotopaxi; car elle est identique avec les blocs énormes que j'ai trouvés en grand nombre dans les plaines de Gallo et de Mulalo. Comme ce monument paroît avoir été construit dans les premières années du seizième siècle, les matériaux qui y ont été employés prouvent que c'est à toit qu'on a regardé comme la première éruption du Cotopaxi, celle qui a eu heu en i5j5, lorsque Sébastien de Belalcazar fit la conquête du royaume de Quito. Les pierres du Callo sont taillées en parallélipipèdes; elles ne sont pas toutes de la même grandeur , mais elles forment des assises aussi régulières que celles des fabiiques romaines. Si l'illustre auteur de V Histoire de l' Amérique * avoit pu voir un seul édifice péruvien , il n'auroit pas dit sans doute « que les indigènes prcnoient les pieries telles qu'ils les avoient tirées des carrières ; tjue les unes étoient triangulaires , les autres carrées; les unes convexes, les auties concaves; et que l'art trop vanté de ce peuple ne consistoit que dans l'arrangement de ces inatériaux informes. »

Pendant notre long séjour dans la Cordillère dos Andes, nous n'avons jamais trouvé aucune construction qui ressemblât à celle que l'on appelle cyclopéenne : dans tous les édifices qui datent du teiups des Incas, les pierres sont taillées avec un soin admirable sur la face extihieure, tandis que la face postéiieure est inégale et souvent anguleuse. Un excellent observateur, M. Don Juan Larea, a remarqué que, dans les murs du Callo, l'interstice entre les pierres extérieures et intérieures est rempli de petits cailloux cimentés par de l'ai'gile. Je n'ai point observé cette particularité, mais je lai indiquée sur la Planche xxiii ,

' Chiaiiica Hfl Péril j cap. 4i (éd. de i53-'i, p. loS). ' RoBEUTsos, liist. of America, Vol. m, pag. 4i4.

ET MONUMENS DE l' AMERIQUE. lyy

d'après un croquis de M. Larea. On ne voit aucun vestige de planclier ou de toit; on peut supposer que ce dernier a (itë en bois. Nous ignorons également si redilice n'étoit primitivement que d'un seul étage; il a été dégradé, tant par l'avidité des fermiers voisins qui en ont ariaclié des pierres poui- les emplojer ailleurs, que par les treml)lemens de terre auxquels ce malliemeux pajs est sans cesse exposé.

Il est probable que les constiuctions que j'ai entendu désignei- au Pérou, à Quito et jusque vers les boi'ds de la rivière des Amazones, par le nom (\'lnga-Pilca_, ou édifices do Tlnca, ne remontent pas au-delà du treizième siècle de notre ère. Des constructions plus anciermes sont celles de Vinaque et de Tiabuanaco, de même que les murs de briques non cuites, qui doivent leur origine aux anciens liabilans de Quito, les Puruays , gouvernés par le Conchocando j ou roi de Lican, et par des Guastays _, ou princes tributaii es. 11 seroit à désirer qu'un voyageur instruit pût visiter les bords du giand lac de Titicaca, la province du Collao, et suitoot le plateau de Tiabuanaco, qui est le centre d'une ancienne civilisation dans l'Amérique méridionale. Il y existe encore quelques restes de ces édifices, que Pedro de Cieça ' a décrits avec une admirable simplicité : ils paroissent n'avoir jamais été achevés, et, à l'arrivée des Espagnols, les indigènes en attribuoient la construction à une race d'bommcs blancs et l:)aibus qui habitoient le dos des Cordillères lo[ig- temps avant la fondation de l'empire des Incas. L'architecture américaine, nous no saurions assez le répéter, ne peut surprendre ni par la grandeur des masses, ni par l'élégance des Formes; mais on la considère avec d'autant plus d'intérêt, qu'elle répand du jour sur l'bistoîre de la première culture des peuples montagnards du nouveau continent.

J'ai dessiné, i." le plan de la maison de l'inca Hua_yna-Capac; 2.° une portion du mur intérieur de l'appartement le plus septentrional, vu de dedans; 3." la même partie vue de dehors, mais cependant de l'intérieur de la cour. Dans les murs extérieurs opposés aux poites des appartemens, on trouve, au lieu de niches, des ouvertures donnant sur la campagne environnante. Je ne déciderai pas si ces fenêtres sont des niches {hocos)^ cpi'on a peicées dans des temps postérieurs à la conquête , lorsque cet édifice a servi de demeure à quelques familles espagnoles. Les indigènes croient, au contraire, qu'elles

' CiËÇA, cap. io5, p. 2ù5.

20O VUES DES COI\DTLX.ÈrF.S,

avoient été faites pour observer si quelque ennemi vouloït tenter une attaque contre la troupe de l'Inca.

PLANCHE XXV.

Le Chimhoraso , vu depuis le plateau de Tapia.

La montagne a été dessinée telle qu'elle se découvre dans la plaine ai'ide de Tapia, près du village de Lican, Tancienne résidence des souverains de Quito, avant la conquête de Finca Tupac-Yupanqui. Il j a à peu près cinq lieues en ligne droite de Lican au sommet du Cliimborazo. La Planche xvi représente cette montagne colossale environnée d'une zone de neiges perpé- tuelles qui, près del'équatenr, se soutiennent à la hauteur de quatre mille huit cents mètres au - dessus du niveau de la mer. La Planche xxv oiïi e le Chimborazo, comme nous l'avons vu après une chute de neige des plus abondantes, le 24 juin 1802, jour qui suivit immédiatement celui de notre excursion vers la cime. Il m'a paru intéressant de donner ime idée précise de l'aspect imposant des Coidillères , aux deux époques du maximum cl du minimum de la hauteur des neiges.

Les voyageurs qui ont vu de près les sommets du Mont-Blanc et du Mont- Rose, sont seuls capables de saisir le caractère de cette scène impo- sante, calme et majestueuse. La masse du Chimborazo est si énorme, que la partie c|ue l'œil embrasse à la fois près de la limite des neiges éternelles, a sept mille mètres de largeur. L'extrême rareté des couches d'air, à travers lesquelles on voit les cimes des Andes, contribue' beaucoup à l'éclat de la neige et à l'effet magique de son reflet. Sous les tropiques, à une hauteur de cinq mille mètres, la voi^ite azurée du ciel paroît d'une teinte d'indigo'. Les contours de la montagne se détachent du fond de cette atmosphère pure et transparente, tandis que les couches inférieures de l'air, celles qui reposent sur un plateau dénué d'herbes, et qui renvoie le calorique rayonnant, sont vaporeuses, et semblent voiler les derniers plans du paysage.

Le plateau de Tapia, qui s'étend à Test jusqu'au pied de TAltai' et du

' Essai polilique sur 1,1 Nouvellc-Espag'ne , Vol. i, pa^'. Lxxvii. ' Voyeï mu Géographie des Plantes, pag. 17.

i

ET MONUMENS DE l'amÉRIQUE. i.OT

Condorasto, est élevé de trois mille mètres. Sa liauteui' cgnle ;i peu piès celle du Canigou, l une des hautes cimes des Pjrciieea. La plaiue aride oUre quelques piods de Schinus molle, de Cactus, d'Agave et de Molina. On voit, sur le premiei' plan, des lamas {Camelus lacmà) dessinés d'après nature , et des groupes d'Indiens allant au marché de Lican. Le flanc de la montagne présente cette gradation de la vie végétale que j'ai essa^j é de tracer dans mon Tableau cle la Géographie des Plantes j et qu'on peut suivre sur la pente occidentale des Andes, depuis les bosquets impénétrables de palmiers jusqu'aux neiges éternelles bordées par une couche mince de plantes licheneuses.

A trois mille cinq cents mètres de hantevir absolue, se perdent peu à peu les plantes ligneuses à feuilles lustrées et coriaces. La région des arbustes est séparée de celle des giaminées par des herbes alpines, par des touffes de Nerteria, de Valérianes, de Saxifrages et de Lobelia, et par de petites plantes crucifères. Les graminées forment une zone très-large et qui se couvre de temps en temps de neiges , dont la durée n'est que de peu de jours. Cette zone, appelée dans le pays le pajonalj se présente de loin comme mi tapis d'un jaune doré. Sa couleur contraste agréablement avec celle des masses de neige éparses : elle est due aux tiges et aus feuilles des graminées bi ùlées par les rayons du soleil, dans le temps des grandes sécheresses. Au-dessus du pajonalj on se trouve dans la région des plantes cryptogames qui convient çà et les rochers porphyritiques , dénués de terre végétale. Plus loin la limite des glaces éteinelles est le terme delà vie organique.

Quelque surprenante que soit la hauteur du Chimborazo , son sommet est pourtant de quatre cent cinquante mètres plus bas que le point auquel M. Gay Lussac, dans son mémorable voyage aérien, a fait des expériences également impoitantes pour la météorologie et pour la connoissance des lois magnétiques. Les indigènes de la province de Quito conservent une tradition d'après laquelle une cime de la crête orientale des Andes, appelée aujourd'hui l'Autel {elAltar), et en partie écroulée au quinzième siècle, a été jadis plus élevée que le Ctiimborazo. Au Bontan, la montagne la plus haute dont les voyageurs anglois nous aient donné la mesure , le Soumounang n'a que 44^9 rnètres (2268 toises) de hauteur; mais, d'après l'assertion du colonel Crawfoid ' , la plus haute cime des Cordillères du Tibet a au-delà de vingt-cinq mille pieds anglois, ou 761^ mètres (5909 toises). Si cette

' JiMESori's Sj stem of Mineralogj-, Vol. nij pag. 329.

5i

303 VUL.S DES COKDILLKR ES ,

('■valiiatiou est fontlec sur une mesLire prticise , une montagne de l'Asie centrale est de mille quatre-vingt-dix mètres plus élevée que le Cliiniborazo. Aux yeux du vrai géologue, qui, occupe de Tétude des foi-matioiiSj, s'est habitué à voir la natuie en grncid , la hauteur absolue des monlngiies est un phénomène peu important ; il ne sera guère surpris si, par la suite, dans quelque partie du globe, on découvre une cime dont l'élévation excède autant celle du Chimborazo, que la plus haute montagne des Alpes surpasse le sommet des Pyrénées.

Un architecte distingué , qui r('unit à la connoissance des monumens de ranticjuité le sentiment profond des beautés de la nature, M. Thibault, a bien voulu exécuter le dessin colorié dont la gravure fait le principal ornement de cet ouvrage. Le ciO(|uis que j'avois fait sur les lieux n'avoit d'autre mérite que celui d'indiquer, avec précision, le contour du Chimborazo, déterminé par des mesures angulaires. La vérité de l'ensemble et des détails a été scrupuleusement conservée. Pour q\ie l'œil puisse suivre la gradation des plans, et saisir l'étendue du plateau, M. Thibault a animé la scène par des ligures groupées avec beaucoup d'intelligence. On aime à publier des services rendus par l'amitié la plus désintéressée.

PLANCHE XXVl.

Epoques de la Nature, d'après la Mythologie a.ziècjut.

De tous les traits d'analogie que l'on obsei've dans les monumens, dans les mœurs et dans les traditions des peuples de l'Asie et de l'Amérique, le plus frappant est celui que présente la mythologie mexicaine dans la fiction cosmogo- nique des desti uctlons et des rcgénéi ations périodiques de l'Univers. Cette fiction, qui lie le retour des grands cycles à l'idée d'un renouvellement de la matière supposée indestructible, et qui attribue à l'espace ce qui semble n'appartenir qu'au temps', remonte jusqu'à la plus haute antiquité. Les livies saciés des Hindoux, surtout le Bhdgm'ata Pourdna, parlent déjà (^les (|uatre âges et des pralajasj ou cataclysmes, qui, à diverses époques, ont lait périr l'espèce humaine ^

Hrumanpt, Mythologie dcr Griedien, Th. ir, s. 532.

' HAiMiLTo^ cl Lanclès, Calalogue des Murusciits sanskrits c!e la Bilil. impér. , pa^. iù. Rech. asiatic|ues, Toiii. Il, p;if;-. 171, Moon, Hmdu Pantlwon , pafj. 27 ft 101.

ET MONUMENS DE L AIHERIQUK. 200

Line ti .ulitiou de cinq dges , analogue à celle des Mexicyias, se l etimive suf le phiteau tlii 'l'ibet S'il est vrai que celte fiction astrologit|ue , qui est devenue la hase d'un système particulier de cosmogonie, a pris naissance dans l'Hindoustiui, il est probable aussi que, de , par Tlran et la Clialdco, elle a passe aux peuples occidentaux. On ne saurolt meconnoîtrc une certaine lesseinblance entre la tradition indienne des foiigas et des halpas, les cycles des anciens habitans de l'Étrurie, et cette série de générations détruites, caractérisées par Hésiode sous l'emblème de quatre métaux.

■< Les peuples de Culhua ou du Mexique, dit Gomara ' qui écrivoit au milieu du seizième siècle, cioient, d'après Icul-s peintures hiéroglyphiques, qu'avant le soleil qui les éclaire maintenant, il y en a déjà eu quatre qui se sont éteints les uns après les autres. Ces cinq soleils sont autant d'âges dans lesquels notre espèce a été anéantie par des inondations, pai- des tremblemens de terre, par un embrasement général et par l'effet des ouragans. Après la destruction du quatrième soleil, le monde a été plongé dans les ténèbres pendant l'espace de vingt-cinq ans. C'est au milieu de cette nuit profonde, dix ans avant l'appaL'ition du cinquième soleil, que le genre humain a été régénéré. Alors les dieux, pour la cinquième fois, ont créé un homme et mie femme. Le jour parut le dernier soleil, poita le signe loclitll (lapin), et les Mexicains comptent huit cent cinquante ans, depuis cette époque jusqu'en i552. Leurs annales lemontent jusqu'au cinquième soleil. Ils se servoient de peintures histoi iques {escritura pintada)^ même dans les quatre âges précédens ; mais ces peintures, à ce qu'ils afilrmeivt, ont été détruites, parce qu'à chaque âge tout doit être renouvelé,» D'apiès Torqnemada'', cette fable sur la révolution des temps et la régénération de la nature, est d'origine toltèque : c'est une tradition nationale qui appartient à ce gLOupc de peupli'S que nous connoissons sous les noms de Toltètpies , Cicimè(|ues , Acolhues, Nahuatlaques, Tlascaltèques et Aztèques, et qui , paiiant une même langue, ont reflué du noid au sud depuis le milieu du sixième siècle de nolie ère.

En examinant à Rome le Cod. Vaiicanus ^ n. 5y38, copié en i56'6 par un religieux dominicain, Pedro de los Rios'^, j'ai trouvé le dessin mexicain que

' Gr.oiiGi Alphnb. Tiietanum , pug. 220.

* Gomara, CotufuisUi, fol. cxix.

' ToRQïiEMADA, Vol. \, pag- 4o; Vol. n, pa^. Sâ.

^ Voyez plus haut pag. Sa et 87.

304 VUES DES C0RD1TJ.,KRF,S ,

représente la Planche xxvi. Ce monument historique est d'aiilant phis curieux, qu'il indique la durée de chaque âge par des signes dont nous connoissons la valeur. Dans le commentaire du père Rios , l'ordre d'après lequel les catastrophes se sont succédées, est entièrement confondu; la dernière, qui est le déluge , y est regardée comme la première. La même erreur se ti ouve dans les ouvrages de Gomara, de Clavigero ', et de la plupart des auteurs espagnols qui , ouhliant que les Mexicains rangeoient leurs hiéroglyphes de droite à gauche, en commençant par le has de la page, ont nécessairementinterverti l'ordre des quatre destructions du monde. J'indiquerai cet ordre tel qu'il est représenté dans la peinture mexicaine de la bibliothèque du Vatican, et tel que le décrit une histoire très-curieuse écrite en langue aztèque, dont l'indien Fernando de Alva Ixtlilxochitl " nous a conservé des fragmens. Le témoignage d'un auteur indigène et la copie d'une peinture mexicaine faite sur les lieux peu do temps après la conquête, méritent sans doute plus de confiance que le récit des liistoriens espagnols. Ce man(jue d accun.1, dont nous venons d'intliqner la cause, ne porte d'ailleurs que sur Tordre des destructions ; car les circonstances dont chacune d'elles a été accompagnée, sont rapportées de la manière la plus uniforme pai' Gomara, Pedio de los Rios, Ixtlilxocliid, Clavigeio et Gama.

Premier cycle. Sa durée est de i5x4oo+6 -= 53o6 années : ce nombre est indiqué à droite dans le tableau inférieur par dix-neuf ronds, dont treize sont surmontés d'une plimie. Nous avons fait observer plus haut'', en parlant du calendrier, que l'hiéroglyphe du carré de vingt est une plume, et que, semblables aux clous des Étrusques et des Romains", de simples ronds indiquoient, chez les Mexicains, le nombre des années. Ce premier âge, qui correspond à Tàge de justice (Sakia Vouga) des Hindoux, s'appela Tlaltonaduh , âge de la terre; c'est aussi celui des géans ( Qzocudliexerjue ou Tuinametin ); cai' les ti;tditions historiques de tous les peuples commencent par des combats de géans. Les Oimèques ou Hulmèques, et les Xicalanques , deux peuples (jLii ont précédé les Toltèques et qui se vantoient d'une haute antiquité, prétendoient en avoir trouvé it leur arrivée dans les plaines de Tlascala'. Selon les Pourànas

' Stojia antlca dl Messico, Tom. n, pag. 67.

' G*.MA,J. 62, pag. 97. BoTunisi, Cm. cleiMusuo, ^. mu, n. ij. ^ Voyez pag. 14.1-

■> TiT. Lrv., HisLj Llb. vn, c. 3 {ed. Gesneri, lyZ'i, Toni.i, pag. ^61).

' TORQUEMADA, Vol. I , pa^'. Ô7.

ET MONUMENS DE l'aMERIQUE. 200

sacrés, Bacchus, ou le jeune Rama , remporta aussi sa première victoire sur Ravana, roi des géans de l'île de Ceylan

L'année présidée par le signe ce acatl, fut une année de famine, et la disette fit péril- la première génération des hommes. Cette catastrophe commença le jour 4 tigre [nahui ocelotl), et c'est probablement à cause de l'hiéroglyphe de ce jour, que d'autres traditions rapportent cpie les géans qui ne périrent pas par la famine, furent dévorés par ces mêmes tigres {tequanes)^ dont les Mexicains redoutoient Tapparition à la fm de chaque cycle. La peinture hiérogl_yphique représente un génie malfaisant qui descend sur la terre pour arracher l'herbe et les fleurs. Trois figures humaines, parmi lesquelles on reconnoît aisément une femme à sa coiffure formée de deux petites tresses qui ressemblent à des cornes ont dans la main droite un instrument tranchant, et, dans la gauche, des fruits ou des épis coupés. Le génie qui annonce la famine, porte un de ces chapelets ^ qui, de temps immémorial, sont en usage au Tibet, en Chine, au Canada et au Mexique, et qui de l'orient ont passé aux chrétieus de l'occident. Quoique, chez tous les peuples de la terre, la fiction des géans, des Titans et des Gjclopes paroisse indiquer le conflit des élémens, ou l'état du globe au sortir du chaos, on ne sauroit douter que, dans les deux Amériques, les énormes squelettes d'animaux fossiles répandus sur la surface de la terre n'aient eu une grande influence sur l'histoire m_ythologique. A la pointe Sainte-Hélène, au nord de Gua^yaquil, se trouvent d'énormes dépouilles de cétacés inconnus : aussi, des traditions péruviennes portent-elles qu'une colonie de géans, qui se sont détruits mutuellement, a débarqué sur ce même point. Des ossemens de mastodontes et d'éléplians fossiles, appartenans à des espèces qui ont disparu de la surface du globe, abondent dans le royaume de la Nouvelle-Grenade, et sur le dos des Cordillères mexicaines''': aussi la plaine qui, à deux mille sept cents mètres de hauteur, s'étend de Suacha vers Santa-Fe de Bogota , porte-t-elle le nom de Champ des Géans. Il est probable que les Hulmèques se vanloient que leiLrs ancêtres avoient combattu les géans sur le plateau fertile de Tlascalla, parce qu'on y trouve des dents molaires de mastodontes et d'éléplians, que dans tout le pajs le peuple prend pour des dents d'hommes d'une stature colossale.

Paol. de Sanct. Bahthol., Sysl. Brahmaii.j pag. 2 i et i^S. = Pl. XV, n." 5 7, ô. ' Pl. XIV, n." 8.

* CuvtER, Méui. de l'InstiLul, classe des Sciences plijs. et malhéni. , an 7, pajj.

3oG vtjl;s des coRDri.i.ÈaES,

Second cycle. Sa Juice est de 12 x 4oo -r 4 =48o4 ans : c'est l'ilge du feu , Tlelonai'mh, ou l'âge rouge, Tzoncliicliiltèfjue. Le dieu du feu, Xiiditouctli , descend sur la terre Tanuce présidée par le signe ce lecpal^ le jour nahid (juiahuitl. Comme les oiseaux seuls pouvoient échapper à l'embrasement gênerai, la tradition porte que tous les hommes furent convertis en oiseaux, excepté un homme et une femme qui se sauvèrent dans Vinti-rieur d'une caverne.

Troisième cycle y l'âge du vent ou de l'air, Ehecatonatiuh. Sa durée est de 10 X 400 I io=4oio ans. La catastrophe eut lieu le jour 4 vent {naliui ehecall) de l'année ce iecpall. Le dessin représente quatre fois rhiérogljphe de lair ou du vent, ehecatl. Les hommes périrent par l'effet des ouragans, quelques-uns furent convertis en singes : ces animaux ne parurent au Mexique que dans ce troisième âge. J'ignore quelle est la divinité qui descend sur la terre, armée d'une faucille : seroit-ce Quetzalcohuatl, le dieu de l'air, et la faucille slgnifieroit-elle que l'ouragan déracine les arbres comme si on les avoit coupés? Je doute d'ailleurs que les stries jaunes indiquent, comme le prétend un commentateur espagnol , la forme des nuages chassés par .la tempête. Les singes sont en généial moins fréquens dans la partie chaude du Mexique que dans l'Améiique méiidiouale. Ces animaux entreprennent des migrations lointaines, lorsque, chassés par la faim ou par l'intempérie du climat, ils se voient forcés d'abandonner leur séjour primitif Je counois dos contrées dans la partie montagneuse du Pérou, dont les habitans se rappellent l'époque à laquelle de nouvelles colonies de singes se sont fixées dans telle ou telle vallée. La tradition des cinq âges renfermeioit-elle un trait de l'histoire des animaux? désigneroit-elle une année des ouragans et des bouleversemens causés par les volcans ont engagé les singes à faire des incursions dans les montagnes d'Anahuac? Dans ce cycle des tempe les j, deux hommes seuls survécurent à la catastrophe, en se réfugiant dans une caverne, comme à la fin de l'âge précédent.

Quatrième cycle , l'âge de l'eau , Atonatiuh ^ dont la durée est de 10 X 4oo + 8 = 4008 ans. Une grande inondation, qui commença l'année ce calliy le jour 4 eau {nahui a(l), fit périr l'espèce humaine : c'est la dernière des grandes révolutions que le monde a éprouvées. Les hommes furent convertis en poissons, à l'exception d'un homme et d'une femme qui se sauvèrent dans le tronc d'un ahaliuéte, ou cvprès chauve. Le dessin repiésonte la déesse de

ET MONUJIENS DE l'aMF.RIQUE. ffO^

l'eau, appelée Matlalcueje ou Chcdchiukcueje ^ et regardée comme la compagne de Tlaloc, s'élançant vers la terre. Coxcox, le Noé des Mexicains, et sa femme Xochiquetzal sont assis dans un tronc d'arbre couvert de fouilles, et flottant au milieu des eaux.

Ces quatre âges, que l'on désigne aussi sous le nom de soleils, renferment ensemble dix-huit mille vingt-huit ans, c'est-à-dire six mille ans de plus t[ue les quatre âges persans décrits dans le Zend- Avesta '. Je ne vois nulle part indiqué combien d'années s'étoient écoulées depuis le déluge de Coxcox jusqu'au sacrifice de Tlalixco, ou jusqu'à la réforme du calendrier aztèque; mais, quelque rapprochées que l'on suppose ces deux époques, on trouve toujours que les Mexicains attiibuoient au monde une durée de plus de vingt mille ans. Cette dur<'e contraste sans doute avec la grande période des Hindoux, (jui a (piatre millions trois cent vingt mille ans, et surtout avec la fiction cosmogonique des Tibétains, d'après laquelle l'espèce humaine compte déjà dix-huit révolutions, dont chacune a plusieurs paclu exprimés par des nombres de soixante-deux chiffres^: il est cependant bien i-emanpiahle ([u'on trouve un peuple américain qui, d'après le même sjstème de calendrier dont il se servoit lors de l'arrivée de Cortez, indique les jours et les années oîi le monde a éprouvé de grandes catastrophes, il J a plus de vingt siècles.

Le Gentil, Baillj et Dupuis ^ ont donné des explications ingénieuses de la durée des grands cycles de l'Asie. Je n'ai pu découvrir aucune propriété particulière au nombre de 18028 ans; il n'est pas multiple de 10, ig, 5a, Go, ^2, 56o, ou de 144^5 qui sont les nombres que l'on retrouve dans les cycles des peuples asiatiques. Si la durée des tjuaire soleils mexicains ctoit plus longue de trois ans, et si aux nombres 6206, 4^04, ^oio et 4oo8 ans, on substituoit les nombres SaoG, 4^07, 4009 et 40095 on pouiroit croire que ces cycles étoient dus à la connoissance de la période lunaire de dix-neuf ans. Quelle que soit leur véritable origine, il n'en paroit pas moins certain qu'ils sont des fictions de la mythologie astronomique , modifiées ou par une réminiscence obscure de quelque grande révolution qu'a éprouvée notre planète, ou d'après les hypothèses

AsçtiîTiL . Zi-'riii-jA'esla , Tom. iiipag. oSa. ' Alphab. Tibet., pag. 473.

' Le Gentil, Voyage dans les Indes, Vol. i, pag'. 2j3. Baillt, Astron. Indienne, pag. lxxxxviii el 312. Baii.lv, Histoire de l'Astronoitue ancienne, pag. 76. Diipurs, Origine des Cultes, Vol. m, pag. 164.

308 VUES DES CORDILLÈRES,

de physique et de géologie que l'aspect des pétiifications marines et celui des ossemens fossiles font naître, même chez les peuples les plus éloignés de la civilisation.

En examinant les peintures représentées sur la Planche xxvi, on l'ctrouve, dans les quatre destructions, l'emblème de quatre élémens : la terre ^ le feuj Vair et Veau. Ces mêmes élémens étoient aussi indiqués par les quatre hiéroglyphes' des années, lapin maison ^ silex et canne. Calli ou maison j regardé comme symbole du feu, rappelle les mœurs d'un peuple septen- trional que l'intempérie du climat force à chaufTer ses cabanes, et l'idée de Vesta ( EcTTta.), qui, dans le plus ancien système de la mythologie grecque, représente à la fois la maison j \e foyer et le feu domestique. Le signe tecpail, silex, ëtoit dédié au dieu de l'air, Quetzalcohuatlj personnage mystérieux qui appartient aux temps héroïques de l'histoire mexicaine, et dont nous avons eu occasion de parler plusieurs fois dans le cours de cet ouvrage. Selon le calendrier mexicain, tecpatl est le signe de nuit qui, au commencement du cycle, accompagne riiiérogljphe du jour appelé ehecatl ou vent. Peut-être l'histoire d'un aéiolithe qui étoit tombé du ciel sur le sommet de la pyramide de Cholula , di'diée à Quetzalcohnatl , a-t-elle engagé les Mexicains à établir ce rapport bizarre entre un silex pyromaque {tecpatl) et le dieu des vents.

Nous avons vu que les astrologues mexicains ont donné à la tradition des destructions et des régénérations du monde un caractère lùstorique , en désignant les jours et les années des grandes catastioplies , d'après le calendrier dont Us se servoient au seizième siècle. Un calcul très -simple pouvoit leur faire trouver l'hiéroglyphe de l'année cjui précédoit de 52o6 ou de 48o4 ans une épocjue donnée. C'est ainsi que les astrologues chaldéeus et égyptiens indiquoient, selon Macrobc et Nonnus , jusqu'à la position des planètes à l'époque de la création du monde et à celle de l'inondation générale. En recalculant , d'après le système des séries périodiques , les signes qui présidoient aux années, plusieiu-s siècles avant le sacrifice de Tlalixco (l'an orne acatl ou 2 cannes , correspondant à l'an logi de l'ère chrétienne), j'ai trouvé que les dates et les signes ne correspondent pas tout-à-fait à la durée de chaque âge mexicain. Aussi ne sont-elles pas marquées dans les peintures du Vatican; je les ai tirées d'un fragment d'iiistoire mexicaine conservé par

' Voyez plus baut pag. 75, el Sicuenza, clans GtsiELLi, Cîro del Ma/ido, Toin. vi, pag. G3-

ET MONUMEÎVS DE l'amÉIUOUE. 209

Alva Ixtlilxocbitl , qui fixe la tlurûe des qiiatie âges, noa à 18,028, mais seulement à 1,417 ^ias. Cette diflei'ence ne doit pas nous sutpiendre dans des calculs astrologiques : car le premier nombre renferme presque autant d'indiclions que le dernier compte d annees. De même, dans la chronologie mystique des Hindoux, la substitution des jours aux années divines' leduit les quatre Ages de 45^20,000 ans à i?-,ooo.

SYSTÈME DU CODEX rATIC, N.° SjSS.

Durée c!u premier âge loo x 62 -^ 6 = 52ti6 ai

Epoque de la première destruclion

Durée de la catastrophe

Durée du second âge jja ,-. 52 + 20 = ^80^ ai

Epoque de la seconde destruction

Durée du troisième ige 77 x 52 + 6 = 4oioai

Epoque de la troisième destruction

Durée du tjuatriéme âge 76 >' H- i 4oo8ati

Epoque delà quatrième destruction

t X Sa G76 ans.

7 X 52 ~ 064 i

i iGcyclesdeS

ogiiid. de 1.1 ans, uu 1^17 ai

En examinant, d'après le système du calendrier mexicain, les nombi es fjuî sont renfermés dans ce tableau, ou voit ([ue deux âges sépares par un inlervalie d'amiées, dont le nombre est un multiple de 52, ne peuvent pas avoir des signes difTérens. Il est impossible que la quatrième destructioti ait eu lieu Tannée calli-, si la troisième est arrivée Tannée iecpatl. Je ne saurois deviner ce qui a causé cette erreur : il se pourroit cependant qu'elle ne fut qu'apparente, et que, dans les monumens historiques qui nous ont été transmis, il n'eut pas été fait mention du petit nombre d'années que la nature employoit pour chaque régénération. Les Hindoux distinguent l'intervalle entre deux cataclysmes et le temps que chacun d'eux a duré : de même , dans le fragment d'Alva IxtlilxocbiU, nous lisons que la première catastroplie est éloignée de la seconde de sept cent soixante-seize ans, mais que la famine qui tua les géans dura treize ans ou le fpiart d'un cycle. Dans les deux systèmes chronologiques que nous venons de rappoiter, l'époque de la création du monde, ou plutôt le point de départ des grandes périodes, est Tannée présidée par ioc/itlij ce

' Bailly, Astr. ind., pag. ci.

53

2IO VUES DES CORDILLÈRES,

signe étoit pour les Mexicains ce que le catastcrisme d^aries étoit pour les Perses. Chez tous les peuples, l'astrologie indicpie la position tlu soleil au moment Jes astres commencent leur cours; et, en parlant jjIus haut' des rapports qu'on observe entre la fiction des âges et la signification de riiiérogljphe oUin , nous avons rendu probable que tochtli correspond à l'un des points solsticiaux.

D'après le système des Mexicains, les quatre grandes révolutions de la nature sont causées par les quatre élémens ; la première catastrophe est l'anéantissement de la force productrice de la terre; les trois autres sont dues à faction du feu, de l'air et de l'eau. Après chaque destruction, l'espèce humaine est régénérée, et tout ce qui n'a pas péri de la race ancienne est transformé en oiseaux, en singes ou en poissons. Ces transfoimations rappellent encore les traditions de l'Or ient : mais dans le système des Hindoux, les âges ou yougas se terminent tous par des inondations; et dans celui des Egyptiens', les cataclysmes alternent avec des conflagrations, et les hommes se sauvent tantôt sur les montagnes, tantôt dans les vallées. Ce seroit nous écarter de notre sujet, que d'exposer ici les petites révolutions locales arrivées à plusieurs reprises dans la partie montueuse de la Grèce^, et de discuter le fameux passage du second livre d'Hérodote, qui a tant exercé la sagacité des commentateurs. Il paroit assez certain que, dans ce passage, il n'est pas question A apocaiasiases j mais de quatre changemens (apparens) arrivés dans les lieux du coucher et du lever du soleil'' et causés par la prccession des équinoxes ^

Comme on pourroit être surpris de trouver cinq âges ou soleils chez les peuples du Mexique, tandis que les Hindoux et les Grecs n'en admettent que quatre, il est utile de faire remarquer ici que la cosmogonie des Mexicains s'accorde avec celle des Tibétains qui regarde aussi l'âge présent comme le cinquième. En examinant avec attention le beau morceau d'Hésiode ^, dans lequel il expose le système oriental du renouvellement de la nature , on voit tpie ce

' Pag. i6(i et 191.

* TiM^us, cap. 5 (Platok, Oper. 1S78, ed. Serran., Tom. m., pajf. 22). De Lcgib., Lib. m ( Op.

omn.j Tom. n, pag. 676-679). Origekes contra Cehuin, Lib. i, c. 30; Lib. iv, c. 20 {ed. Delarue , pag. 358 et 5i4)-

' Aeist. Meteor., Lïb. i, c. i4 ( Op. nmn., ed. Dmuil, 16^9 , png. 770).

* Hgrod., Lib. H, c. ij12 (Larcher, 1802, Tom. 11, pag. ^82). ' DuPDis, Mémoire expUcalifiJu zodiaque, pag. 07 el Sg.

Hesiod. Opéra et die s , v. 174 (Op. onm. , ed.Ch'ric, 1701. pag, "s^).

ET MONUMENS DE L AMERIQUE. 211

poète compte eU'ectivement cinq générations en quatre îtgcs. Il divise le siècle de bronze en deux parties qui embrassent la troisième et la quatrième génération et l'on peut être surpris qu'un passage si clair ait quelquefois été mal interprété Nous ignorons quel étoit le nombre des âges rapportés dans les livres de la Sjbille^ ; mais nous pensons que les analogies que nous venons d'ii^diquer ne sont pas accidentelles, et qu'il n'est pas sans intérêt pour l'histoiie philosopliique de l'bomme de voir les mêmes fictions répandues depuis TÉtrurie et le Lnlium jusqu'au Tibet, et de jusque sur le dos des Cordillèi'cs du Mexique.

Outre la tradition des quatre soleils, et les costaracs fjue nous avons décrits plus haut'', le Cod. T'atican. anon.,n. 5y38, contient encore plusieurs figures curieuses, parmi lesquelles nous citerons : fol. 4^ le chichiiihakjuehuulj, arhre de lail uw arbre célesle, qui distille du lait de l'extrémité de ses branches, et autour duquel sont assis les enfans morts peu de jours après leur naissance; fol. 5, une dent molaire, peut-être de mastodonte, du poids (le trois livres, donnée, en 1564, par le P. Rios, au vice-ioi Don Luis de Velasco ; fol. 8, le volcan CotcitepetL, montagne qui parle fameux par les exercices de pénitence de Quetzalcolmatl , et désigné , par une bouche et une langue qui sont les hiéroglyphes de la parolej^o/. lo, la pyramide de Cholula; et fol. Gy, les sept chefs des sept tribus mexicaines, vêtus de peaux de lapin et sortant des sept cavernes de Chicomoztoc. De la feuille G8 à la feuille 90, ce manuscrit renferme des copies de peintures hiéroglyphiques composées après la conquête : on y voit des indigènes pendus à des ai bres , tenant des croix en main; des soldats de Cortez à cheval mettant le feu à un village; des moines qui baptisent de malheureux Indiens au moment on les jette dans l'eau pour les faire périr. A ces traits on reconnoît l'arrivée des Européens dans le nouveau monde.

' Hesiod., V. iilô et i35.

=■ pABRicn Biltt. grœca , Hmnh. , 1790 , Vol. 1, pag. 246.

^ Vinc. BticoL, iVj V. 4 { cd. Heynv , Loncl. i-jijô , Vol. i, p. 7/, et 81).

" PJ. XIV, pag. 87.

2t2

TUES DES CORDILLÈRES,

PLANCHE XXVII.

Peinture hiéroglyphique tirée du manuscrit horgien de Veletri , et signes des jours de l'almanack mexicain.

Les TÏngt signes des jours ont été choisis dans les premières pages du manuscrit de Veletri, qui offrent cliacune cinq rangées de treize hiéroglyphes et en tout 5 x i3 x 4^260 jours, ou une année de vingt demi-lunaisons de l'almanach ritueL Ces deux cent soixante signes sont disposés de manière que quatre doubles pages servent à la réduction dos périodes de treize jours en demi-décades de ralmanacli civil, dont cinquante-deux forment une année rituelle. Il est digne de remarque aussi que, pour faciliter la lecture de ces tableaux, l'auteur a répété, au commencement de chaque rangée, le dernier signe de la rangée précédente. M. Zoega a observé cette même particularité dans la disposition des hiéroglyphes égyptiens, et c'est d'après des observations de ce genre qu'il a jugé si les hiéroglyphes étoient lus de droite à gauche ou de gauche à droite. On trouve dans le Codex Borgianus le signe du mouvement, l'empreinte d'un pied, ajouté quelquefois au signe d'un jour : j'ignore quelle peut être la cause de cette réunion bizarre.

Parmi les cinq rangées des hiéroglyphes du jour (Pl. xxvii, n. i), la premiéi'e qui, d'après le système de Téciituie mexicaine, est la série inférieure, présente, de droite à gauche, cipacilij ehecatlj calli^ cuetzpalin et cohuatl; la seconde, micjuiztli , mazad, toclidi^ ail et ilzcuindi^ la troisième, ozoïnailij malin alli acatl, ocehid, (juauhtli et cozcaffuauhUi ; la quatrième ou la série supérieure, olUn ^ iecpallj qulahuitl et xochitl. Nous avons donné plus haut ' la signification de ces hiéroglyphes. En comparant les figures de la Planche xxvir avec celles publiées par Valadès, Gemelli, Clavigero et le cardinal Lorenzana, on voit combien sont inexactes les notions données jusqu'ici sur les signes du calendrier mexicain,

La peinture représentant une figur e que l'on pourroit croire avoir quatre mains (Pl. xxvii, n. 3), est tirée du Codex Borgianus^fol, 58. J'ai fait copier

P;if;. i."»!)^ i44, et lo^-tGS.

ET MONUMENS DE T.'amÉKIQUE. ai5

une page entière pour donner une idée plus claire de Y écoiiomie de ce manuscrit curieux. De même que, parmi les hièrogl^plies mexicains, on ne trouve rien c|ui annonce le culte du lingani (i|3ct^Aûç), on n'_y observe pas non plus ces figures à plusieurs têtes et à plusieurs mains, qui caractérisent pour ainsi dire les peintures mystiques des Hindoux. L'homme placé à droite dans la case supérieure, est un prêtre vêtu de la peau d'une victime humaine, récemment immolée. Le peintre a marqué les gouttes de sang qui couvrent cette peau : comme celle des mains pend au bras du sacrificateur, ce dernier paroît avoir cjuatre mains. Ce costume et les cérémonies horribles et dégoûtantes qu'il rappelle sont déciits par ïorquemada '. Une chapelle, connue sous le nom de yopico, étoit construite au-dessus de la caverne qui renfermoit les peaux humaines. Nous avons vu pins haut que le quatrième mois mexicain, tlacaxipehualiztli ^ qui correspond à notie mois de mars, avoit reçu sa dénomination de ces fêtes sanguinaires. Dans le Codex iJorgianus j, ([ui est un calendrier rituel, on trouve effectivement la figure d'un prêtre enveloppé dans une peau d'Iiomme, sous le signe du jour cpji inditpie l'équinose du printemps La tête du sacrificateur est couverte d'un de ces bonnets pointus dont on se sert en Chine et sur les côtes nord-ouest de l'Amérique. En face de cette figure est assis le dieu du feu, Xiuhteuctli Tletl : aux pieds de ce dernier se trouve un vase sacré. Dans la première année du cjcle mexicain, Tletl est le signe de nuit du jour siu" lequel tombe l'équinoxe du printemps.

La case inférieure (Pl. xxvii, n. 2) représente le dieu Tonacaleuctli, tenant dans la main droite un couteau, des feuilles d'agave et un sac d'encens. Nous ignorons absolument ce que signifient les deux enfans qui se tiennent par la main, et dont un commentateur a dit «qu'ils semblent parler la même langue. >■ Le serpent placé au-dessous du temple pourroit faire soupçonner cpie ce sont les enfans jumeaux de Cihuacokuatl j la fameuse femme au serpent^ l'Eve des Aztècpies. Mais les petites figures du Codex Borgianus , fol. 6'i , sont femelles, comme l'indique évidemment la disposition de Icuis cheveux, tandis que celles représentées dans le manuscrit du Vatican sont mfdcs.

' Mon. inii., Lil). lo, cap. 12 ( Vol. 11, \y.i%. 271).

" Cad. Borg., fol. {Fabr. MSS., a. io5., 273 et 299)- Voyez aussi plus liaut , pag. i55. ' Voyez Pl. XXIII de cel allas.

54

VUES DES CORDILLÈRES,

PLANCHE XXVIII.

Hache aslèque.

Cette hache, d'un feldspath compacte qui passe au vrai jade de Saussure, est charge'e d'hiérogljphes. Je la dois à la bienveillance de M. Don Andi ts Manuel del Rio, professeur de minéialogie à TÉcole des mines de Mexico, et auteur d'vm excellent Traite d'Orjctognosie ; je l'aï déposée au cabinet du roi de Prusse, à Berhn. Le jade, le feldspath compacte {dichier feldspath) ^ la pierre ludique et quelques variétés de basalte, sont des substances minérales cpiî , dans les deux continens comme dans les îles de la mer du sud, ont fourni aux peuples sauvages et aux peuples à demi civilisés la matière première pour leurs haclies et pour ditférentes armes défensives. De même que les Grecs et les Romains ont conservé l'usage du bronze long-temps après l'intiodiiction du fer, les Mexicains et les Péruviens se servolent encore de haches de pierre, lorsque le cuivre et le bronze étoient déjà assez communs parmi eux. Malgré nos courses longues et fréquentes dans les Cordillères des deux Amériques, nous n'avons jamais pu découvrir le jade en place , et plus cette roche paroît rare , plus on est étonné de la grande quantité de haches de jade que Ton trouve presque partout l'on creuse la terre dans des lieux jadis habités, depuis rOliio jusqu'aux montagnes du Chih.

PLANCHE XXIX.

Idole aztèque de porphyre hasallicpie ^ trouvée sous le pavé de la grande place de ÂJexico.

Les restes de la peinture et de la sculpture mexicaine que nous avons examinés jusqu'ici, prouvent tous, à l'exception du seul groupe de figures représenté sur la Planche xi , une ignorance entière des proportions du corps humain, beaucoup de rudesse et d'incorrection dans le dessin, mais une recherche de vérité minutieuse dans le détail des accessoires. On peut être surpris de trouver les arts d'imitation dans cet état de barbarie, chez un peuple

ET MONUMENS DE lVmÉIUQUE. 2i5

dont l'existence politique annonroit, depuis des siècles, un certain degré de civilisation, et cliez lequel l'idolâtrie, les superstitions astrologiques, et le désir de conserver la mémoire des événemons, multiplioient le nombre des idoles, comme celui des pierres sculptées et des peintures historiques. Il ne faut pas oublier, cependant, que plusieurs nations qui ont joué un rôle sur la scène du monde, principalement les peuples de l'Asie centrale et orientale, auxquels les liabitans du Mexique paroissent tenir par des liens assez étroits, olVrent ce même contraste de perfectionnement social et d'enfance dans les arts. On seroit tenté d'appliquer aux habitans de la Tartarie et aux peuples montagnards du Mexique ce qu'un grand liistorien de l'antiquité' a dit des Arcadiens : « Le climat triste et froid de l'Arcadie donne aux; babîtans un caractère dur et austère, parce qu'il est naturel que les hommes, par leurs mœurs, leur ligure, leur couleur et leurs institutions, ressemblent au climat.» Mais, à mesure que l'on examine l'état de notre espèce dans dilFérentes régions , et que l'on s'accoutume à comparer la physionomie des pajs avec celle des peuples qui s'j sont fixes, on se méfie de cette théorie spécieuse qui rapporte au climat seul ce qui est au concours d'un grand nombre de circonstances morales et physiques.

Chez les Mexicains , la férocité des mœurs sanctionnée par un culte sanguinaire, la tyrannie exercée par les princes et les prêtres, les rêves chimé- riques de l'astrologie et l'emploi fréquent de l'écriture symbolique, paroissent avoir singulièrement contribué à perpétuer la barbarie des arts et le goût pour des formes incorrectes et hideuses. Ces idoles , devant lesquelles ruisseloit journellement le sang des victimes humaines, « ces premières divinités enfantc'es par la crainte,» réunissoient dans leurs attributs ce que la nature ofFre de plus étrange. Le caractère de la figure humaine disparoissoit sous le poids des vêteraens, des casques à tête d'animaux carnassiers, et des serpens qui entortilloient le corps. Un respect religieux pour les signes faisoit que chaque idole avoit son type individuel dont il n'étoit pas permis de s'écarter. C'est ainsi que le culte perpétuoit l'incorrection des formes, et que le peuple s'accoutumoit à ces réunions de parties monstrueuses, que l'on disposoit cependant d'après des idées systématiques. L'astrologie et la manière compliquée de désigner graphiquement les divisions du temps , étoient la principale cause de ces écarts d'imagination. Chaque événement paroissoit influencé à la fois par les

PoLYB. Hist., Lib. IV, 80 (ed. Cisaiti. , 1609, pag. 290, D).

2l6 TUES DES CORDILLÈRES,

hiérog'lyplies qui prcsidoienl au jour, à la denii-decide, ou à l'année. De l'idée d'accoupler des signes, et de créer ces êties purement fantastiques t[ue nous trouvons répétés tant de Ibis dans les peintures astrologiques parvenues jusqu'à nous. Le génie des langues américaines qui, semblable à celui du sanscrit, du grec et des langues d'origine germanique, permet de rappeler un giand nombre d'idées dans un seul mot, a facilité sans doute ces créations bizarres de la m_)'tliologie et, des arts iniitatifs.

Les peuples, fidèles à leurs premières habitudes, quel que soit le degré de leur culture intellectuelle, poursuivent, pendant des siècles, la route (|u'ils se sont tracée. Un écrivain plein de sagacité' a remarqué, en pailant de la simplicité imposante des hiéroglj plies égyptiens, « que ces hiéroglyphes oQVent plutôt une absence qu'un vice d'imitation. » C'est au contraiie ce vice d'imitation, ce goût pour les détails les plus minutieux, cette répétition des formes les plus communes, qui caractérisent les peintures historiques des Mexicains. Nous avons déjà rappelé plus haut ' ([u'il ne faut pas confondre des représentations, dans ' lesquelles presque tout est individualisé, avec des liiérogljphes simples, propres à représenter des idées abstraites. Si les Grecs, dans ces derniers, ont puisé le sentiment du stjle idéal ^, hîs peuples ïiiexieains ont trouvé, dans l'emploi fréquent des peintures historiques et astrologiques, et dans leur respect pour des formes le plus souvent bizarres et toujours incorrectes, des obstacles invincibles au progrès des arts iniitatifs. C'est en Grèce que la religion est devenue le principal soutien de ees arts auxquels elle a donné la vie. L'imagination des Grecs a su répandre de la douceur et du cbarme sur les objets les plus lugubres. Chez un peuple qui porte le joug d'un culte sanguinaire, la mort se présente partout sous les emblèmes les pins efFrajans : elle est gravée sui' chacjue pierre, on la trouve Inscrite sur chaque page de leurs livres; les monumens religieux n'ont d'autre but que de produire la terreur et l'épouvante.

J'ai cru devoir rappeler ces idées, avani de fixer l'attention du lecteui' sur l'idole monstrueuse que repi'éseute la Planche Cette roche, sculptée

' QuATHEMiiHE DE QuiNci , sur l'itlùul dans les arts du dessin , dans les Archives liltéraires, iSoS , n.° 21,

pag. âoo et 5io. ' Pag. i65.

^ QuATiviîsiRRc DE QuiKCE, pag. ,ïo5 .107.

ET MOWUMENS DE l'amÉrIQUE. 21 'J

sur toutes ses faces , a plus de trois mètres de hauteur et deux mèties de largeur. Elle a été trouvée sous lu pavé de h Plaza 3Iaj or de Mexico, dans l'enceiute du g-rand temple, au mois daout 1790, par conséquent peu de mois avant' que Ton découvrît la pierre énorme qui représente les fastes et les hiéroglyphes des jouis du calendrier aztèque. Les ouvriers qui faisoient des excavations poni- construire un aqueduc souterrain, la rencontrèrent dans une position horizoLitale, trente-sept mètres à Touest du palais du vice-roi, et cinq mètres au nord de yjzequia de Saji Josef. Comme il n'est guère probable que les soldats de Cortez, en enterrant les idoles pour les soustraiic ans yeux des indigènes, aient fait transporter des masses d'un poids considérable très-loin du saceîliim elles étoient originairement placées, il est important de désigner avec précision les endroits dans lesquels on a trouvé chaque reste de la sculpture mexicaine. Ces notions deviendront surtout inti'ressantes, si un gouvernement jaloux de répandre des lumières sur Tancienne civilisation des Américains, fait faire des fouilles autour de la cathédrale, sur la place piincipale de l'ancien Ténoohtitlan, et au marché de Tlatelolco où, dans les derniers jours du siège, les Mexicains s'étoient retirés avec leui s dieux pénates {Tepitotau) ^ avec leurs livres sacrés {Teuanioxtli) ^ et avec tout ce qu'ils possédoient de plus précieux.

En jetant les yeux sur l'idole figurée sur la Planche xxix, telle qu'elle se présente vue par devant {Fig. i), par derrière {Fig. 5 ) , de côté {Fig. 3), par dessus {Fig. 4), par dessous {Fig. 5), on pourroit d'abord être tenté de croire que ce monument est un teotetlj, pierre divine, une espèce de bét_yle^ orné de sculptures , une roche sur laquelle sont gravés des signes hiéroglyphiques. Mais, lorsqu'on examine de plus près cette masse informe, on distingue, à la partie supéiieùre , les têtes de deux' monstres accolés; et l'on trouve, à chaque face ( Fig. i e;* 5 ), deux yeux et une large gueule armée de quatre dents. Ces figures monstrueuses n'indiquent peut-être que des masques : car, chez les Mexicains, on étoit dans l'usage de masquer les idoles à l'époque de la maladie d'un roi'^, et dans toute autre calamité publique. Les bras et les pieds sont cachés sous une diaperie entourée d'énormes serpens , et que

Voyez plus haut, pag.

' Cama, descripcion de las Piedras , t-lc, pag, 3.

' ZoEGA, de Obel., pag. 208.

* GouAHA, Conijuista de Mexico, pa^. laô.

55

2l8 YUES DES CORDILLÈRES,

les Mcxir.'iiiis désignoiciit sous le nom de cohitallicuye ^ vêlement de serpens. Tous ces accessoires, surtout les franges en forme de plumes, sont sculptés avec le plus grand soin. M. Gama, dans un mémoire particidier, a rendu très - probable (jue cette idole représente ( F'tg. 5 ) le dieu de la guerre, Huitzilopochdi , ou Tlacahiœpanciiexcotzm et {Fi'g. i) sa femme, appelée Teojamùfui' (dé mûjuij, mourir, et de teojao ^ gueirc divine), parce qu'elle conduisoit les ames des guerriers morts pour la défense des dieux, à la maison du Soleil j, le paradis des Mexicains', elle les transfoimoit en colibris. Les tètes de morts et les mains coupées, dont (jvuitre entourent le sein de la déesse, rappellent les horribles saciillces ( teocfuauhcjiietzoliztU. ) célébrés dans la t|uinzième période de treize jours, après le solstice d'été, à l'hovuieur du dieu de la gueiie et do sa compagne Teoyainifjui. Les mains coupées alternent avec la ligure de certains vases dans lesquels on brùloit rencens. Ces vases étoient appelés top'xicallij sacs en forme de calebasse (de topillj bourse tissue de fU de pite, et de xicalU^ calebasse).

Cette idole étant sculptée sur toutes ses faces, iDême par dessOLis {Fig. 5), oi'i Ton voit représenté MictlanteuhtU ^ le seigneur du lieu des niorls, on ne sauroit douter qu'elle étoit soutenue en l'aîr au moyen de deux colonnes sur les(|uelles reposoient les parties marquées a et d, dans les ligures i et 5. D'après cette disposition bizai re, la tète de l'idole se trouvoit vraisemblablement élevée de cinq à six mètres au-dessus du pavé du temple, de manière que les prêtres ( Teopixfjui) tiainoient les malheui-euses victimes à l'autel, en les faisant passer au-dessous de la ligure de Micilaiileulilli.

Le vice-roi, comte de Revillagigedo , a fait transporter ce monument à l'édifice de l'Université de Mexico, qu'il a regardé « comme l'endroit le plus propre pour conserver un des restes les plus curieux de l'antiquité américaine-'. » Les professeurs de cette Université, religieux de l'ordre de Saint-Dominique, n'ont pas voulu exposer cette idole aux ^'eux de la jeunesse mexicaine; ils l'ont enterrée de nouveau dans un des corridors du collège, à une profondeur d'un demi-mètre. Je n'aurols pas été assez heureux pour pouvoir l'examiner, si l'évèqae de Montere_y, Don Feliciano Marin, (|ui passa par Mexico pour se

' BdtiksijsIj Idea de una nucva Historia général , pag. 27 et 66. ToRfjuEMADA, Lib. xui, c. 48 ( ïoiii. Il, pg. 36g ). ' OJflcio dtil 3 sept. ijgo.

ET MONUMENS DE l'amÉRIQUE. 319

rendre clans son diocèse, n'avoit pas, à ma prière, engagé le recteur de l'Université à la faire déterrer. J'ai trouvé très-exact le dessin de M. Gama, que j'ai fait copier sur la Planche sxia. La pierre qui a servi à ce monument, est une wàkhe basaltique gris blenâtie , fendillée et remplie de feldspath vitieux.

Les mêmes fouilles auxquelles nous devons les sculptures représentées Planches xxi, xxiii et xxix, ont aussi fait découvrir, au mois de janvier 1791, un tombeau de deux mètres de longueur sur nn mètre de largeur, rempli de sable très-fm, et renfermant un squelette bien conservé d'un quadrupède carnassier. Le tombeau étoit carré et formé de dalles d'amjgdnloïde poreuse, appelée tezontle. L'animal paroissoit un coyote ou loup mexicain. Des vases d'argile et des grelots de bronze très-bien fondus se trouvoient placés à côté des ossemens. Ce tombeau étoit sans doute celui de quelque animal sacré; car les éciivains du seizième siècle nous apprennent que les Mexicains érigeoient de petites chapelles au loup, chanlico^ au tigre, tlatocaocelotl ; à l'aigle, quetzalhiiexoloquauhlli ^ et à la couleuvre. Le cou , ou sacelluin du chajiticOj s'appeloit tetlanman ; et, qui pins est, les prêtres du loup sacré formoient une congrégation particulière, dont le couvent portoit le nom de Tetlocmancalmecac \

Il est facile de concevoir comment les divisions des zodiarjoes, et les noms des signes qni président aux jours, aux demi-lunaisons et aux années, ont pu conduire les hommes au culte des animaux. Les peuples nomades comptent par lunaisons; ils distinguent la lune des lapins, celle des tigres, celle des chèvres, etc., selon qu'à différentes époques de l'année les animaux sauvages ou domestiques leur offrent des jouissances, ou leur inspirent des craintes. Lorsque peu à peu les mesuies du temps deviennent des mesuies de l'espace", et que les peuples forment la dodécatomérie du zodiaque des pleines lunes ^ les noms des animaux sauvages et domestiques passent aux constellations mêmes. C'est ainsi que le zodiaque tartare, qui ne renferme que de vrais ^«Jjo., peut être considéré comme !e zodiaque des peuples chasseurs et pasteurs. Le tigre, inconnu à l'Afrique, lui donne un caractère exclusivement asiatique.

' NiEREMBERG , llist. nii/., Lib. VIII, c. 22, pag. i44- Toiiquesiada , LiL. ii, c. 58; Lib. vui, c. i5

(Toni i, pag. 19/,, Tojii. 11, pag. 29). ' Voj'ez plushuut, pag. ij^.

220 VUES DES CORDILLÈRES,

Cet nnimal ne se retrouve plus clans les zodincjues chakléen , égyptien ou grec, dans lesquels le tigre, le lièvre, le chevnl et le chien, sont remphicés par le lion de l'Afrique, de la Thiace et de TAsie occidentale, par !a balance, les gémeaux, et, ce qui est très-remai (pi;iMe, par les symboles do Tagriculture ; le zodiacpic égyptien est le zodiacjue d'un peuple agricole. A mesure que les nations se sont civilisées, et que la masse de leurs idées s'est acciuc, les dénominations des constellations zodiacales Qnt perdu leur uniformité jirimitive, et le nombre des animaux célestes a diminué; ce nombre cependant est lesté assez considérable pour exercer une influence sensible sur les religions. Les rêveries astrologiques ont porté les hommes à attacher une haute importance aux signes qui président aux difTérentes divisions du temps. A Mexico, chaque signe des jours avoit son autel. Dans le grand /eoralli { S^oÇ -/.aXia.), on voyoit, près de la colonne qui supportoit l'image de la planète Vénus {Ilhuicadtlan)^ de petites chapelles pour les catastérismes macuilcalli (5 maison), orne tochtli ( 2 lapin ) , cliicome ail ( ^ eau ) , et nuhid ocelotl ( 4 tigre ) : comme la majeure partie des hiérogfjphes des jours étoit composée d'animaux, le culte de ces derniers se trouvoit intimement lié au système du calendrier.

PLANCHE XXX.

Cascade du Rio f'inagre, près du volcan de Puracé.

La. ville de Popajaa, chef-lieu d'une piovince du royaume de la Nouvelle- Grenade, est située dans ia belle vallée de Rio Cauca, au pied des grands volcans de Puracé et de Sotara. Sa liauteur an-dessus du niveau de la mer du sud n'étant que de dix-huit cents mètres, elle jouit, sous une latitude de 3" 26' 1^", d'un climat di;licieux, beaucoup moins chaud que celui de Carthago et d'Ibagué, et infiniment plus tempéré que celui de Quito et de Santa-Fe de Bogota. En montant de Popa^yan vers la cime du volcan do Puracé, ime des hautes cimes des Andes, on trouve, à deux mille six cent cinquante mètres d'élévation, une petite plaine {Llano del Covazon), habitée par des Indiens, et cultivée avec le plus grand soin. Cette plaine charmante est limitée par deux ravins extrêmement profonds, et c'est au bord des précipices que sonL construites les maisons du village de Puracé. Des sources jaillissent

ET MONUMEJVS DE l'amÉRTQUE. 221

partout du roc poipli;yri tique : chaque jardin est entouré d'une haie vive d'euphorbes ( îechero ) à feuilles minces et du vert le plus tendre. Rien de plus agréable que le contraste de cette belle vei diire , avec le rideau de montagnes noires et arides qui entourent le volcan , et qui sont déchirées par l'efFet des tremblemens de terre*

Le petit village de Puracé, que nous avons visité au mois de novembre i8oi, est célèbre dans le pnjs à cause des belles cascades de la rivière de Pusamhio^ dont l'eau est acide, et que les Espagnols appellent Rio Vinagre. Cette petite rivière est chaude vers sa source : elle doit probablement son origine à la fonte journahère des eaux de neige, et au soufre qui brûle dans l'intérieur du volcan. Elle forme, près de la plaine du Corazon^ trois cataractes, dont les deux supérieures sont très-considérables* C'est la seconde de ces chutes [cHorreras) qu'offre la Planche sxx : je l'ai dessinée telle qu'on la voit du jardin d'un Indien, voisin de la maison du missionnaire de Puracé, qui est un religieux franciscain. L'eau, qui s'ouvre un chemin à travers une caverne, se précipite à plus de cent vingt mètres de profondeur. La cascade est d'un effet extrêmement pittoresque : elle attire l'attention des voyageurs ; mais les habitans de Popayan désireroient que la rivière, au lieu de se mêler au Rio Cauca, s'engouffrât dans quelque crevasse; car ce dernier, pendant quatre lieues , est dépourvu de poissons à cause du mélange de ses eaux avec celles du Rio Finagre j qui sont chargées à la fois d'oxide de fer et d'acides sulfurique et muriatit[ue.

Le premier plan du dessin présente un groupe de Pourretia pyramidata , plante voisine du Pitcairnia j connue dans les Cordillères sous le nom achupallas. La tige de cette plante est remplie d'une moelle farineuse qui sert de nourriture au grand ours noir des Andes, et quelquefois, dans les temps de disette, aux hommes mêmes.

PLANCHE XXXI.

Poste aux lettres de la province de Ja'én. de Bracamoros.

Pour rendre plus promptes les communications entre les côtes de la mer du Sud et la province de Jaën de Bracamoros, situe'e à l'est des Andes, le

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233 VUES DES CORDILLERES,

courtier du Pcrou descend, pendant deux jours, à la nage, d'abord la rivière de Guancabamba ou Chamaja, ensuite celle des Amazones, depuis Pomabuaca et Ingatambo jusqu'à Tomependa. Il enveloppe le peu de lettres dont il est chargé tous les mois, tantôt dans un mouchoir, tantôt dans une espèce de caleçon appelé guayuco , qu'il lie en forme de turban autour de sa tète. Ce turban renfeime aussi le grand couteau ( machette ) dont tout Indien est armé, moins pour sa défense que pour se faire jour à travers les forêts.

Le Rio de Chamaja n'est pas navigable, à cause d'une infmité de petites cascades : j'ai trouvé ' sa chute de cinq cent quarante-deux mètres depuis le gué de Pucara jusqu'à son embouchure dans la rivière des Amazones, au-dessous du village de Ghoros , sur la petite distance de dix-huit lieues. Le courrier de Truxillo est appelé, dans le pajs, le courrier qui nage (el coreo que jiada). La Planche xxxi le représente tel que nous l'avons rencontré au village de Chamaja, au moment de se jeter à l'eau. Pour se fatiguer moins en descendant la rivière, il embrasse un tronc de Bombax ou d'Ochroma {palo de valza) , qui sont des arbres d'un bois extrêmement léger. Lorsqu'un banc de rocher embarrasse le lit de la rivière, il prend terre au-dessus de la cascade, traverse la foret, et se rejette à l'eau dès qu'il n'j voit jîlus de danger. Il n'a pas besoin de prendre des provisions avec lui, car il trouve l'hospitalité dans un grand nombre de cabanes environnées de plantations de bananiers, et situées le long du rivage entre Las Hueitas de Pucara, Cavico, Sonanga et Tomependa. Quelquefois, pour faire le voyage d'une manière plus agréable, il se fait accompagner par un autre Indien. Les rivières qui mêlent leurs eaux à celles du Maragnon, au-dessus du Pongo de Majasi, n'ont heureusement pas de crocodiles; aussi les hordes sauvages vo^yagent - elles presque toutes à la manière du courrier péruvien. Il est assez rare que ce courrier perde des lettres ou qu'elles soient mouillées , pendant la traversée d'Ingatambo à la résidence du gouverneur de Jaon. Après s'être reposé quelques jours à Tomependa, il retourne ou par le Paramo del Pareton , ou par le chemin affreux qui conduit aux villages de San Felipe et de Sagiqué , dont les forêts abondent en quinquina de la plus belle qualité.

' Voj'ez mon Recueil d'Observ. astr. , Vol. I, pag. 3i4.

ET MONUSIENS DE I.' AMÉRIQUE.

223

PLANCHE XXXII.

Histoire hiéroglyphique des Astèques , depuis le déluge jusqu'à la fondation de la ville de Mexico.

Cette peinture historique a dqà ete publiée à la fin du dix-septième siècle, dans la relation du voyage de Gemelli Carreri. Quoique le Giro del Mondoj de cet auteur, soit un ouvrage assez répandu, nous avons cru devoir reproduire cette pièce, sur rauthentlcité de laquelle on a élevé des doutes peu fondes, et qui méritent d'être examinés avec la plus scrupuleuse attention. Ce n'est qu'en réiuiissant un grand nombi e de monumens qu'on peut espérer de répandre quelque jour sur l'histoire, les mœurs et la civilisation de ces peuples de l'Amérique , qui ignoroient l'art admirable de décomposer les sons et de les peindre par des caractères isolés ou groupés. La comparaison des monumens entre eux ne facilite pas seulement leur explication; elle offre aussi des données certaines sur la confiance que méritent les traditions aztèques consignées dans les écrits des premiers missionnaires espagnols. Je pense que des motifs si puissans nous justifieront assez d'avoir fait choix de quelques monumens épars dans des ouvrages imprimés, pour les ajouter à tant de monumens inédils , publics dans ce recueil.

Le dessin hiéroglyphique qu'offre la Planche xxxii a été d'autant plus négligé jusqu'ici qu'il se trouve dans un livre qui, par l'effet du scepticisme le plus extraordinaiie, a été considéré comme un amas d'impostures et de mensonges. « Je n'ai pas osé parler de Gemelli Carreri, dit l'illustre auteur de Y Histoire de ï Amérique , parce qu'il paroît que c'est maintenant une opinion reçue que ce voyageur n'a jamais quitté l'Italie, et que son Tour du Monde est la relation d'un voyage fictif. » II est vrai que , tout en énonçant cette opinion, Robertson ne paroît pas la partager : car il ajoute judicieusement que les motifs de cette imputation de fraude ne lui paroissent pas très-évidens Je ne déciderai pas la question si Gemelli a été en Chine ou en Perse; mais ayant (ait, dans l'intérieur du Mexique, une giande partie du chemin que le voyageur italien décrit si minutieusement, je puis affirmer

' RoBEBTSOis's Histoij of America, i8u3, Vol. Ht, pag, ijoi.

22;J VUES DES CORDILLERES,

qu'il est aussi indubitable que Gemelli a été à Mexico, à Âcapulco, et dans les petits villages de Mazatlan et de San Augustin de las Guevas, qu'il est certain que Pallas a été en Crimée, et M. Sait en Ab^ssinie. Les descriptions de Gemelli ont cette teinte locale qui Hiit le charme principal des relations de voyages écrites par les hommes les moins éclairés , et que ne peuvent donner que ceux qui ont eu l'avantage de voir de leurs propres jeux. Un ecclésiastique respectable, l'abbé Clavigero ', qui a parcouru le Mexique presque un demi - siècle avant moi, a déjà élevé la voix pour la défense de l'auteur du Giro del 3îondo : il a très- justement observé que , sans avoir quitté l'Italie, Gemelli n'amoit pu parler, avec cette grande exactitude des personnes qui vivoient de son temps, des couvens de la ville de Mexico, et des églises de plusieurs villages dont le nom étoit inconnu en Europe. La même véridicité, et nous devons insister sur ce point, ne se manifeste pas dans les notions que l'auteur prétend avoir puisées dans les récits de ses amis. L'ouvrage de Gemelli Carreri, comme celui d'un vojageur célèbre qui de nos joints a été traité avec une si grande sévérité, semble offrir un mélange inextricable d'erreurs et de faits exactement observés.

Le dessin de la migration des Aztèques a fait jadis partie de la fameuse collection du docteur Siguenza, qui avoit eu en héritage les peintures hiéroglyphiques d'un noble Indien, Juan de Alba ïxtlilxochitl. Cette collection, comme l'afhrme l'abbé Clavigero, a été conservée jusqu'en lySg, au collège des jésuites à Mexico. On ignore ce qu'elle est devenue après la destruction de l'ordre; j'ai vainement feuilleté les peintures aztèques conservées à la bibliothèque de l'université, je n'ai pas pu trouver l'original du dessin que représente la Planche xxxii; mais il en existe à Mexico plusieurs anciennes copies qui certainement n'ont pas été faites sur la gravure de Gemelli Carreri. Si l'on compare aux hiéroglyphes contenus dans les manuscrits de Rome et de Veletri, et dans les recueils de Mendoza et de Gama, tout ce que la peinture des migrations office de symbolique et de chronologique, on ne voudra certainement pas ajouter foi à l'hypothèse, d'après laquelle le dessin de Gemelli est la fiction de quelque moine espagnol qui a tenté de prouver, par des monumens apocryphes , que les traditions des Hébreux se retrouvent chez les peuples indigènes de l'Amérique. Tout ce que nous

' Sloria aniica di Mcsxico , Vol. I, pag;. 2!i.

ET MONUMENS DE l'amÉR tQUE. IlS

savons sur riiistoiie, le culte, rastiologîe et les fables cosmngonif[ues des Mexicains, Ibrme ua svstèiue dont les parties sont étroitement lii-es entre elles. Les peintures, les bas-reliefs j les ornemens des idoles et des pierres divines {teotell chez les Aztèques, 3-eoC mT^ct chez les Grées), tout porte le même caractère , la même physionomie. Le cataclysme par le(|uel commence l'histoire des Aztèques, et duquel Goxcox se sauve dans une barque, est indiqué avec les mêmes circonstances dans le dessin qui représente les destructions et régénérations du monde Les quatre indications ( tlalpilli ) qui ont rapport ' à ces catastrophes ou aux subdivisions de la grande année, se trouvent sculptées sur une pieire découverte en l'^go, dans les fondations du téocalh de Mexico.

Robeitson, qui emploie paitont la ciitique la plus sévère dans la recherche des laits , a reconnu aussi , dans la dernière édition de son ouvrage , rauthenticité des peintures du musée de Siguenza. On ne sauroit douter, dit ce grantl historien, que ces peintures ne soient dues aux indigènes du Mexique, et la correction du dessin semble prouver seulement que la c<jpie a été faite ou retouchée par lui artiste européen. Cette dernièi e obsei vation ne paroît pas entièrement confirmée par le grand nombre de peintures hiéroglyphiques conservées dans les archives de la vice-royauté à Mexico. On y reconnoit, depuis la conquête, surtout depuis rannce i54o, un perfectionnement sensible dans fart du dessin. J'ai vu, dans la collection de Boturini, des tuiles de coton ou des rouleaux de papier d'agave, sur lesquels étoient représentés, par des contours assez corrects, des évèques montés sur des mules, des lanciers espagnols à cheval, des bœufs conduisant une charrue, des vaisseaux arrivant à la Vera-Cruz, et nombre d'auties objets inconnus aux Mexicains avant l'arrivée de Gortès. Ces peintures sont faites, non par des Européens, mais par des Indiens et des Métis. Eu parcourant les manusciits hiéroglyphiques de différentes époques, on suit avec intérêt la marche progressive des arts vers la perfection. Les figures , de trapues qu'elles étoient , deviennent plus sveltes ; les membres se séparent du tronc; l'œil ne se présente plus de face dans les tètes vues de profil; les chevaux qui, dans les peintures aztèques, ressembloient aux cerfs mexicains, preiment peu à peu leur véiitable forme. Les ligures ne

Pl. a6.

' Voyez plus haut pag. i-ii et so8.

5?

326 VUES DES CORDILLERES ,

sont plus groupées en style de procession; leurs rappoits se mullipiient : on les voit en action; et la peinture symbolique, qui désigne ou rappelle les événemens plutôt qu'elle ne les espiime , se transforme insensiblement en une peinture animée qui n'emploie que quelques hiéroglyphes phonétiques ' propies à indiquer les noms des personnes et des sites. J'incline à croire que le tableau, que Slgueuza a communiqué à Gemelli, est une copie faite après la conquête, soit par un indigène, soit par un métis mexicain. Le peintre n'a sans doute pas voulu suivre les formes incorrectes de l'original : il a imité avec une scrupuleuse exactitude les hiéroglyphes des noms et des cycles ; mais il a changé les proportions des ligures humaines , qu'il a drapées d'une manière analogue à celle que nous avons reconnue ' dans d'autres peintures mexicaines.

Voici les événemens principaux qu'indique la Planche xxxil , d'après l'explication de Sigucnza, à laquelle nous ajouteions quelques notions tirées des annales historiques des Mexicains.

L'histoire commence par le déluge de Coxcox ou par la ((Lintrième destruction du monde qui , selon la cosmogonie aztèque , termine le Cjuatiième des grands cycles, atonatiuh , \dge de Veau^. Ce cataclysme arriva, selon les deux systèmes chronologiques reçus, ou mille quatre cent dix-sept ou dix-huit mille vingt-liuit ans après le commencement de Vdge de la terre , llaltonatiith. L'énorme différence de ces nombres doit moins nous ctonnei' quand nous nous rappelons les hypothèses fjue, de nos jours, Bailly, William Jones et Bentley ont mises en a\ant sui' la durée des quatre yoiigas des Hindoux. Parmi les diïlerens peuples qui habitent le Mexique , des peintin es qui représentoient le déluge de Coxcox se sont trouvées chez les Aztètjues, les Miztèques , les Zapotèques, les ïlascaltèques et les Méchoacaneses. Le Noë, Xisutrus ou Menou de ces peuples, s'appelle Coxcox, Tco-Cipactli ou Tezpi. Il se sauva, conjointement avec sa femme Xochiquetzal , dans une barque, ou, selon d'autres traditions , dans un radeau d'Ahuahuete ( Cupressus distichia ). La peinture représente Coxcox au milieu de l'eau, étendu dans une baicjue.

' VojcK plus haut pjig, fi/(. ' Pl. XIV, n." 5 et 7. ' Voje;^ plus haut p;\g. 206. Asiid. Becherc/ics , Yo\. VIII, pajj. içj5.

ET MONUMENS DE l'amÉR IQtlE. 22^

La montiigiic dont le sommet couronné criin arbre s'élève au-dessus des eaux, est TAraral des Mexicains, le Pic de Coiliuaean. L;i corne qui est représentée à gauche, est l'hiérogl yque plionétique de Colliuacan. Au pied de la montagne paroissent les tètes de Coxcox et de sa femme : on reconiioH cette dernière par les deux tresses en Ibime de cornes, qui, comme nous l'avons observé plusieurs Tois, désignent le sexe féminin. Les liommes nés après le déluge étoient muets : une colombe, du batit d'un arbre, leur distribue des langues représentées sous la forme de petites virgules Il ne faut pas confondre cette colombe avec l'oiseau qui rapporte à Coxcox la nouvelle que les eaux se sont écoulées. Les peuples de Mechoacan conservoieiit une tradition d'après laquelle Coxcox , qu'ils appellent Tezpi , s'embarqua dans un acalli spacieux avec sa femme, ses enfans, plusieurs animaux et des giaines dont la conservation étoit chère au genre humain. Lorsque le grand esprit Tezcatlipoca ordonna que les eaux se retirassent, Tezpi fit sortir de sa barque un vautour, le zopilote {Vultur aura). L'oiseau qui se nourrit de chair morte ne revint pas, à cause du grand nombre de cadavres dont (-toit jonchée la tei re lécemment déssécliéc. Tezpi envoja d'autres oiseaux , parmi lesquels le colibii seul revint en tenant dans son bec un rameau garni de feuilles : alors l'ezpi, voyant que le sol commençoit à se couvrir d'une verdure nouvelle, quitta sa barque près de la montagne de Colhuacan.

Ces traditions, nous le répétons ici, en rappellent d'autres d'une haute et vénérable antiquité. L'aspect des corps marins, trouvés jusque sur les sommets les plus élevés, pourroit faire naître, à des hommes qui n'ont eu aucune communication, l'idée de grandes inondations qui ont éteint, pour quelque tenqis, la vie organique sur la terre : mais ne doit-on pas reconnoître les traces d'une oiigine commune partout les idées cosmogoniques et les premièies traditions des peuples ofTrent des analogies frappantes jusque dans les moindres circonstances? Le colibri de l'ezpi ne rappe!le-t-il pas la colombe de Noé, celle de Deucalion, et les oiseaux que, d'après Berose , Xisutrus fit sortir de son aiche, pour reconnoître si les eaux étoient écoulées, et si déjà il pouvoit ériger des autels aux dieux protecteurs de la Chaldée?

Les langues que la colombe avoit distribuées aux peuples de l'Amérique (n." I ) étant infiniment variées, ces peuples se dispersent, et seulement (|ninze

' Vojez plus haut le Procès, Pl. xii.

228 VUES DES CODILLÈRES,

cljL'fs de fiimillc, qui pailoient une même langue, et desquels dcscendenl les Toltèques, les Aztèques et les Acolluies, se reunissent et arrivent à Aztian {pays des Garces ou Flamîngos ). Voisemi place sur rhié['Ogl_yplie de l'eau, atlj désigne Aztlan. Le monument pyramidal à gradins est un téocaUi. Je suis surpris deti ouverun palmier près de ce teocalli : ce végétal n'indique certainement pas une région septentrionale, et cependant il est presque certain qu'il faut cKerclier la première patrie des peuples mexicains, Aztlan, Hiiehuetlapallan et Amacjuemeconj au moins au nord du 43-^ degré de latitude. Peut-être le peintre mexicain, habitant de la zone toiiide, n'a-t-il plac(; un palmier auprès du temple d' Aztlan, que parce qu'il ignoroit que cet arbre est étranger aux pays du Nord. Les quinze cliefs ont au-dessus de leurs têtes les hiéroglyphes simples de leuis noms.

Depuis le teocalli érigé en Aztlan jusqu'à Chapoltepec, les figures placées le long de la route indiquent les lieux oii les Aztèques ont fait quelque séjour, et les villes cprils ont construites : Tocolco et Oztotlan (n." 5 et 4) j hunilUation et lieu des grottes ^ Miztjulaliuala (n.''5), désigné par un mimosa en fruits placé près d'un teocalli; Teotzapotlan (n." ii), lieu des fruits dn'ins ; Uhuicalepec (n." 13); Papantla (n." herbe à larges feuilles^ Tzoïnpango (n." i4)i ^^^^^

des ossejneiis humains; Apazco {n° i5), pot d'argile; Âtlicalaguian (un peu au-dessus de l'hiéioglyphe pré'cédcnt), crevasse dans laquelle se perd un ruisseau; Quauhlitlan (n." 16), bosfpiet qu'habile laigle; ^/rrapo^a/co (n." i^), fourmdlière ; Chalco ( n." i^),lieu de pierres précieuses; Pantitlan i^n." 19), lieu de Jilatures ; Tolpetlac ( n." 20 ) , nattes de joncs. Quauhlepec ( n.° 9), montagne de l'Aigle, de Quauhlli, aigle et tepec ( en turc : tepe ) montagne; Tetepanco (n." 8), mur composé de beaucoup de petiœs pierres; Cliicomoztoc (n.° les sept grottes; Huitzquilocan (n.° 6), lieu de chardons; Xallepozauhcaii (n." 11 ) , lieu d'où sort le sable ; Cozcaquaulico (n." 55), nom d'un vautour; Techcatitlan (n.° 5i), lieu des miroirs d'obsidienne; Azcaxochitl (n." 2i),Jleur de fourmi; Tepetlapan (n."a5), endroit l'on trouve le tepeiate , ou une brèche argileuse qui renferme de l'amphibole, du lèldspath vitreux et de la pierre ponce; Apan (n.'' Sa), liea d'eau; Teozoniaco (n." 24), heu du singe divin; Chapoltepec (n." 25), montagne des sauterelles, site ombragé par d'antiques cyprès, et célèbre par la vue magnifique dont on jouit du haut de la colline ';

Vojcï mon Essm polit, sur ht Noiwdle-Efpugne , Tom. I, pni^. 179, 2.

ET MONUMENS DE l'aMÉRTQUE. 229

Coxcox ^ roi de Culhuacan ( n." 5o ) , désigné par les mêmes hiéroglyphes phonétiques que Von trouve dans le carré qui représente le déluge de Coxcox, et lii montagne de Cidhuncan; iMixiuhcan ( n." 39 ), lieu d'accouchement; la ville de Temazcatitlan (n.^aG); la ville de Ténochlitlan ( n." 54 ), désignée par les digues qui traversent un terrain marécageux, et par le figuier d'Inde (cactus), sur lequel se reposa l'aigle qui avoit été désigné par roracle pour marquer Vendroit ovi les Aztèques dévoient construire la ville et finir leurs migrations ; les fondateurs de Té/iochtàlan {n." 55 ) ; ceux de Tlaielulco (n." 27 ) ; la ville de Tlatelulco (n." 38) , qui n'est aujourd'hui qu'un faubourg de Mexico.

Nous n'entrerons point dans le détail historique des événemens auxquels se rapportent les hiéroglyphes simples et composés de la peinture de Siguenza. Ces événemens sont rapportés dans Toiquemada et dans î'histoire ancienne du Mexique, publiée par l'abbé Clavigero. Aussi ce tableau est -il moins curieux comme nionLimeiil d'histoire f|u*intéressant par la méthode que l'artiste a suivie pour enchaîner les faits. JNous nous contenterons d'indiquer ici que les gerbes de joncs , liées par des rubans ( n." 3 ) , représentent non des périodes de cent quatre ans ou Huehuetiliztli , comme Gemelli l'a prétendu, mais des ojcles ou ligatures, Xiuhmolpilli, de cinquante-doux ans '. Le tableau entier n'olTre que huit de ces ligatures ou quatre cent seize ans. En se rajipelant que la ville de l'énochtitlan a été fondée dans la vingt - septième année d'un Xiuhmolpilli, on trouve que, d'apiès la chronologie du tableau (Pl. xxaii ), la sortie des peuples mexicains d'Aztlan a eu lieu cinq cjxles avant l'année 1298, ou l'an 1008 de l'ère chrétienne. Gama place cette sortie, d'après d'autics renseignemens , en io64- Les ronds qui accompagnent riiiéi oglYphe d'une ligature, désignent le nombre de fois que les années ont été liées depuis le fameux sacrifice de Tlalixco. Or, dans la peinture que nous examinons, on trouve l'hiéroglyphe du cycle suivi de cpiatre clous ou unitijs, près de l'hiéro- glyphe de la ville de Culhuacan ( n.° 5o). Ce fut donc dans l'an 208 de leur ère que les Aztèques soitii'ent de l'esclavage des rois de Culhuacan, et cette époque est conforme aux annales de Chimalpaiu. Les ronds placés à côté des hiéroglyphes des villes (n."' i4 et 17), marquent le nombre des années que le peuple aztèque a demeuré dans chaque endroit, avant de continuer ses migialions. Je pense (jue la ligature n." 2 indique le cycle terminé à Tlalixco;

Voyez plus haut, pa^j. i3o-

58

aSo VUES DES CORDILLÈRIlS.

car, d'apixs Cliimalpala, la ftHe du second cjcie fut célcbieo à Goliuatepctl ^ et celle du tioisième cycle , à Apuzco , tandis que les fêtes du quati ième et du cinquième c_ycle eurent lieu à Culliuacan et à Tênochtitlan.

L'idcc bizarre de consigner, sur une feuille de peu d'étendue, ce qui, d;ms d'autres peintures mexicaines , remplit souvent des toiles ou des peaux de dix à douze mètres de longueur, a lendu cet iibrêgè d'histoiL-e très-incomplet. Il ny est question que de la migration des Aztèques, et non de celle des Toltèques, qui ont précédé les Aztèques de plus de cinq siècles dans le pa js d'Anahuac , et qui difFéroient d'eux par cet amour pour les arts , et par ce caractère religieux et |)acifique , qui distinguoient les Etrusques des premiers habitans de Rome. Les temps héi'OÏ([ues de l'histoire aztèque s'étendent jusqu'au onzième siècle de l ère cbiétiennc. Jusque-là, les divinités se mêlent dos actions des liommcs ; c'est à cette époque que paroît, sur les côtes de Panuco, Qnetzalcohuatl , le Bouddha des Mexicains, homme blanc et barbu, prêtre et législateur, voué à des pénitences rigoureuses, fondateur de monas- tères et de congrégations semblables à celles du l'ibet et de l'Asie occidentale. Tout ce qui est antérieur à la sortie d Aztlan, est mêlé de fables puériles. Chez les nations barbares, qui sont dépourvues de moyens propres à conserver la mémoire des faits , la conscience d'elles-mêmes ne date pas de très-loin : il y a un point de leur existence au delà duquel elles ne mesui ent plus l'intervalle des événemens. Dans le temps, comme dans l'espace, les objets éloignés se rapprochent et se confondent; et ce même cataclysnie , que les Hindoux , les Chinois et tous les peuples de race sémitique placent des miliiers d'années avant le peiiectionnement de leur état social , les Américains , peuple non moins ancien peut-être, mais dont le réveil a été plus tardif, le croient antérieur de deux cycles à leur sortie d'Aztlan.

PLANCHE XXXIII.

Po7ït de cordage près de Pénipé.

La petite rivière de Cliambo, qui naît du lac de Coley, sépare le joli village de Guanando de celui de Pénipé. Elle arrose un ravin dont le fond est élevé de deux mille quatre cents mètres au - dessus du niveau di.'

ET ÎMON'UMENS DE l'amÉRTQXTE. 231

rOceaa et qui est célèbre par la culture de la coelienille ', à laquelle les indigènes s'adonnent depuis les temps les plus reculés. En parcourant cette contrée pour nous rendre de Riobaniba à la pente occidentale du volcan de Tuiiguiagua, nous nous arrêtâmes pour examinei' les terrains bouleversés par le raémoTable tremblement de terre, du lévrier 17975 qui, dans l'espace de quel(|ues minutes, fit périr trente à quarante mille Indiens : nous passâmes la rivière de Chambo sur le pont de Pénipé au mois de juin 1802. C'est un de ces ponts de cordes que les Esjiagnols appellent puenLe de inaroma ou de hamaca, et les Indiens péruviens, en langue qqiiichua ou de l'incas, c'unppachaca , de cimppa ou cimpasca , cordes, ti'csses, et de chaca , pont. Les cordes, de trois à quatre pouces de diamètre, sont faites avec la partie fibreuse des racines de \ Agave americana. Des deux côtés du rivage, elles sont attacln:es à une cbarpcnte grossière composée de plusieurs troncs de Sclùniis molle. Comme leur poids les fait courber vers le milieu de la rivière, et comme il seroit imprudent de les tendre avec trop de force, on est oblige, lorsque le rivage n'est pas très-élevé , de construire des gradins ou des écbelles aux deux extrémités du pont de hamac. Celui de Pénipé a cent vingt pieds de long sur sept ou buit pieds de large; mais il J a des ponts dont les dimensions sont beaucoiqj plus considéinbles. Les grosses cordes de pifte sont recouvertes transversalement de petites pièces cylindriques de bambou. Ces constructions, dont les peuples de l'Amérique méridionale se servoient long-temps avant l'arrivée des Européens, rappellent les ponts de chaînes que l'on rencontre au Boutan et dans l'intérieur de l'Afric|ue. M. Turner % dans son intéressant vojage au Tibet, nous a donné le plan du pont de Tcliintchieu, près du fort de Cbuka ( lat. 27"i4')î qui a cent quarante pieds de long, et que l'on peut passer à cheval. Ce pont du Boutan (chai/i bridge), repose sur cinq chaînes couvertes de pièces de bambou.

Tous les voyageurs ont parlé de l'extrême danger que présente le passage de ces ponts de cordes, qui ressemblent à des rubans suspendus an-dessus d'une crevasse on d'un torrent impétueux. Ce danger n'est pas bien giand, lorsqu'une seule personne passe le pont aussi vite que possible, et en jetant le corps en avant : mais les oscillations des cordes deviennent très -fortes

* Voyez mon Essai politique sur la Nouvelle Espagne, Vol. n, pag. /|65.

' Account of an embassy to the court of the Tashoo Lama in Tibet, 1800, pag. 55.

252 VUES DES CORDILLERES,

lorsque le voyageur se Aiit conjuiie par un Indien , qui marclie avec beaucoup plus de vitesse que lui, ou lorsqu'eflrajé par l'aspect de l'eau qu'il découvre à travers les interstices des bamhoux, il a l'imprudence de s'airèter au milieu du pont et de se tenir aus cordages qui servent de balustrade. Un pont de hamac ne se conserve généralement en bon état que pendant vingt à vingt-cinq ans; encore est-il nécessaire de renouveler quelques cordes tous les huit à dix ans. Mais dans ces pajs, la police est si peu active, qu'il n'est pas rare de voir des ponts dont les pièces de bamhoux sont brisées en grande paitie : c'est sur ces ponts anciens qu'il faut marcher avec beaucoup de circonspection pour éviter des trous si larges que tout le corps pourroit passer à travers. Pen d'années avant mon séjour à Pénipé, le pont de hamac du Rio Cliambo s'écroula en entier. Cet événement eut lieu, parce qu'un vent trcs-sec a_yant succédé à de longues pluies, toutes les cordes se brisèrent à la fois. Quatre Indiens se no_yèrent à cette occasion dans la rivière, qui est très-profonde et dont le courant est d'une rapidité extraoïdinaire.

Les anciens Péruviens construisnient aussi des ponts de bois dont la charpente ctoit appuyée sur des piles de piei re, mais le plus ordinairement ils se contentoient de ponts de cordage. Ceux-ci sont extrêmement utiles dans un pays montueux, la profondeur des crevasses et l'impétuosité des toriens s'opposent à la construction des piles. Le mouvement oscillatoire peut être diminué par des cordes latérales attachées an milieu du pont, et tendues diagonnlement vers le rivage. C'est par un pont de cordes, d'une longueur extraoïdinaire, et sur lequel les voyageurs peuvent passer avec des mulets de charge , que l'on est parvenu , depuis quelques années , à établir une comnumication permanente entre les villes de Quito et de Lima, après avoii- dépensé inutilement un million de francs pour constiuire, piès de Santa, UD pont de pierre sur un torrent qui descend de la Cordillère des Andes.

ET MONUMENS DE l'a5IÉRIODE.

233

PLANCHE XXXIV.

Coffre de Perole.

Cette montiignc de porpli^rc basaltique est moins remarquable par sa hauteur que par la forme bizarre d'un petit rocher placé à son sommet du côté de Test. C'est ce rocher, semblable à une tour carrée, qui lui a lait donner, parmi les indigènes de race aztèque, le nom de Nauhcampatepcll^ de nauhcaïupa j, quatre parties , et iepetl , montagne, et parmi les Espagnols, le nom de Coffre de Perole. De la cime de cette montagne on jouit d'une vue magnifique sur le plateau de la Pnebla, et sur In pente orientale des Cordillères du Mexique couverte d't'paisses foièts de liqiiidambar, de fougères arborescentes et de minioses : on distingue le port de la Vera-Gruz, le château de Saint-Jean d'Ulua et les côtes de l'Océan. Le Coffre n'entre point dans la limite des neiges perpétuelles; j'ai trouvé, par une mesiue barométrique, son sommet élevé de 4088"* ( 209^ ' ) au-dessus du niveau de la mer. Celte hauteui' excède de 4oo mètres celle du Pic de Téuérilïe. J'ai dessiné la montagne près de la grande bourgade de Perote, dans la plaine aride et couverte de pierre ponce que l'on traverse en montant de Vera-Cruz à Mexico. La erète du ColFre ne présente qu'un rocher nu, entouré d'une forêt de pins. En gravissant vers la cime, j'ai vu disparoître les chênes à DiGS" ( 1619' ) de hauteur; mais les pins qui, par leurs feuilles, ressemblent au Piniis slrobus j ne se perdent entièrement qu'à la hauteur absolue de Sg^a" ( 2032 ' ). Sous chaque zone, la température et la pression baiomctrique prescrivent aux végétaux des Hmitcs qu'il leur est impossible de fiancliir.

PLANCHE XXXV.

Montagne d'Ilinissa.

Par51I les cimes colossales que l'on découvre autour de la ville de Quito, celle d'Ilinissa est une des plus majestueuses et des plus pittoresques. Le sommet de cette montagne est divisé en deux pointes pyramidales : il est

5g

334 VUES DES CORDILLÈRES,

probiible que ces pointes sont les debiis d'un volcan écroule. Leur élévation absolue est de 3717 toises. La montagne d'Ilinissa se trouve placée dans la chaîne occidentale des Andes, dans le parallèle du volcan de Cotopaxi. Elle est réunie au sommet de Rumiîialiui, par \ Allo de Tiopidlo qui forme un chaînon transversal duquel les eaux coulent à la fois vers la mer du Sud et vers l'Océan Atlantique '. Les pyramides d'Ilinissa sont visibles à une énorme distance dans les plaines qui font partie de la province de las Esmeraldas. Elles ont été mesuiées trigonométriquement par Bouguer, tant au-dessus du plateau de la ville de Quito, qu'au-dessus des côtes de l'Océan. C'est par la diQerenee de hauteur obtenue par ces deux mesures, que les académiciens françois ont déterminé l'élévation absolue de la ville de Quito, et la valeur approximative du eoélïicient barométrique. Les physiciens qui s'intéressent à l'histoire du progrès des sciences placeront le nom d'Ilinissa à côté de celui du Puy-de-Dome, Perrier, guidé pat' les conseils de Pascal, tenta le premier de mesurer la hauteur des montagnes à l'aide du baromètre.

PLANCHE XXXVI.

Fragmens de Peinlures hiéroglyphiques ajjlèc/ues ^ déposés à la bibliothèque royale de Berlin.

Ces fragmens sont tirés de manuscrits anciens dont j'ai fait l'acquisition pendant mon séjour à Mexico. On ne peut révoquer en doute que ce sont des rôles dressés par les collecteurs de tributs , tlacalacpdlleca/ii ; mais il n'est pas facile d'inditjuer les objets désignés dans ces rôles.

N." I fait partie d'un Cod. Mex. , de pajiier tX agave ^ qui a trois à quatie mètres de long. On croit y reeonnoîtie du maïs, de l'or en barres, et d'autres productions qui composoient le tribut, tequill. J'ignore absolument ce que le peintre a voulu indiquer par ce grand nombre de petits carrés disposés symétriquement. Dans la deuxième rangée, en comptant de droite à gauche, on trouve quatre hiéroglyphes c[ui se suivent en séries péiiotliques. Les jours marqués çà et désignent l'<'po(jue à laquelle le tribut doit être payé.

' Voïe/. plus Ikiui, pag, 196.

1

ET MONUMENS DE l'amÉRIQUE. a55

N." II -IV. Comment expliquer ces têtes de femmes placées pics du signe de vingt? Les coc|S et les dindons, indic|ués n.° m, pourroient faiie croire tpie ces deux oiseaux ëtoient également connus des Mexicains avant la conquête, s'il étoit suffisamment prouvé que les peintures dont ces figures sont tirées remontent au delà du quinzième siècle. J'.ii lait voir, dans un autre ouvrage ', que le coq de l'Inde, répandu dans les îles de la mer du Sud, a été transplanté en Amérique par les Européens. Les tlamama^ ou porte-faix (n.° v), paroissent tenir en main des tiges de maïs ou de canue à sucre. Je n'entiepiendrai pas de déterminer l'espèce d'animaux figurés au-dessous des llamama , et ressendjlans uu peu au tochlli ou lapin mexicain, N.° vu indique le genre de punition qui étoit infligé aux mallieuieux indigènes lorsqu'ils ne payoient pas le tribut aux époques prescrites. Tiois Indiens, dont les mains sont liées derrière le dos , paroissent coiidanmés à l'cstiapade. Les rôles de ti ibuts étoient exposés, dans chaque commune, aux yeux des ieijuiùiid ou tributaires, et les collecteuis avoient coutume d'ajouter au bas du rôle le genre de punition destiné à ceux (jui n'obéissuicnt pas à la loi.

PLANCHE XXXVII.

Peintures hiéroglyphiques du musée Borgia à P^eletri.

Nous avons fait coniioîtie plus haut' ruconomie du Cod. Mex. conservé au musée Borgia. Comme ou ne peut espérer de voir paroître de si tôt ce rituel mexicaiu en entier, j'ai réuni sur une même planclie uu grand nombre de figures remarquables pai- leurs formes et leurs rapports avec les mœurs d'un peuple à la fois (eroce et superstitieux.

N." I. (Cod. Borg.j fol. II, Mss. Fabreg., n." i8.) La mère du genre humain, ïa femme au serpent, Clhuacohuall ^ que hîs piemiers missionnaires désignent par le nom de Senora de Jiuestra carne , ou Toiiacacdma (^de tonacayo notre chair, et cîkua, femme). Comparez le Cod. fat.. Pl. aiii, n." 2.

N." II. La même femme au serpent, l'Ève des Mexicains. Le lapin, tochtli, placé à droite, indique la première année du monde, chaque cycle

' Essai pol. , Tom. JI, pug, 432- Pl. -vxvn, pig. ^12.

256 VUES DES CORDILLÈRES,

commençant pai' le signe du lapin. Le père Fnbrega prétend, dans son commentaire, que la mère du genre humain est figurée dans un état d'humiliation, mangeant da cuiilad (x.ÔTr^oç').

N." m. {Cod. Borg.j i'o\. 58, Mss. n." 275.) Le seigneur du lieu des morts, Mictlanieithili', dévorant un enfant.

N." IV. {Cod. Borg.j, (bl. 24, Mss. n.° 98.) Noé déjà vieux, le menton garni d'une longue bai-be, Hiiehuetonacateocipactli , de huehite vieux, tonacajo notre chair, teotl dieu, et cipacUi. Voyez les éclaircissemcns donnés plus haut, pag. i58 et 307. Cette même ligure se ti-ouve répétée dans le Codex Borg.j, fol, 60.

N.° V. {Cod. Borg., fol. 56, Mss. n." 265.) Les mêmes divinités que nous avons vues réunies dans le groiq:)e hideux figuré Pl. .xaix ; savoir : le dieu de la guerre, Huitzilopochtli , une massue en main, et la déesse Teoyamiqui. Ils sont représentés assis sur un crâne humain. Je n'ai fait copier que la déesse seule, tenant dans sa main gauche une espèce de sceptre qui est tciminé par une main. Ce sceptre s'appeloit 3Jaquahuillj de inaitl main, et (juahiutlj, bois. Il est sans doute bien remarquable qu'on trouve, dans des peintures aztèques, une main de justice semblable à celle qui est figuiée sur le sceau de Hugues Capet % et qui rappelle la mamis erecta des colioi tes romaines ^.

N." VI. Teocîpaclli j la même figure représentée N." iv. Je l'ai choisie à cause de la conformation extraordinaire du front. Les indigènes du Mexique et du Pérou ont en général le front singulièrement déprimé, et les peinties s'eirorcent d'exagéicr ce caractère, en représentant des personnages héroïques.

N." vi[. {Cod. Borg.;, fol. 55, Mss. u." i5o.) Cinq diablotins, qui rappellent le fameux tableau de la tentation de saint Antoine. Sur la même page est représenté un temple de Quetzalcohuatl , dont le toit triangulaire est entouré d un serpent. L'idole, placée dans une niche, reçoit f ofli ande d'un cœur

Pl. sxix, Fig. 5, pag. 218.

^ MoNTFAucoK, Monumens de la monarcliie françoise, Tom. i, pag. 36. Mëkestaier, nouvelle Méthode raisonriée du Dluson [Ljon, 17S0), pag. 52, Dictionnaire de Trévoux, Tom. m, pag. 137. Gilbert Devarënnes ( Paris ^ ^655), pag. i84.

3 j-îugicsUims , Anliquitat. Romanor. Hispaiiiarumtjue in nummis vetemm Diiilogi (Anlverp., iG54 J , pag. iS. Lipsius de Militia nnnanii , pag. 4i.

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1

ET MONUMENS DE l'amÉRIQUE. aây

humain. A côté du temple, on voit la déesse de l'enfer, Mwllanleulwihua , étendant les bi-as vers le corps de la victime.

N." vni. [Cod. Borg., fol. 47, Mss. n.» aïo). Le signe astrologique nahia Ollin tonaûuh , le Soleil en ses cfuatre mouvemens , qui, par des empreintes de pieds, ou xocpalli, semble rappeler les positions du soleil au zénith, dans l'équateur et auï solstices '. On trouve indiijuée à coté la date des jours qui sont présidés par les catastérismes ozomatU, singe; calli , maison, et tiiiiahuiil, pluie. Si ces dates étoient 8 pluie, 5 maison et 3 singe, elles répondroient, d'après l'artifice des séries périodiques, aux jours le soleil se trouve dans un des ti-opiques, dans l'équateur et au zénith de la ville de Mexico; mais les chiffres ajoutés aux hiéroglyphes diffèrent de plusieurs unités de ceux que nous venons d'indiquer. Le signe ollin est placé à l'extrémité d'un insecte cylindiitiue qui paroît être un mille-pieds ou une scolopendie. J'ignore la signillcation de ce sjmhole astrologique qui ressemble à une croix.

N.° IX. {Cod. Borg., fol. 5g). Un homme et une femme seirant des enfans dans leuis bras et élevaiLt une main vers le ciel.

N.° x. (Cof7. Borg., fol. 30, Mss. n.°94). Le Diable huvciu', Tlacaiecolud motlatlaperiani , tenant un cœin- dans une main et buvant le sang d'un autre cœur ; un troisième est suspendu à son cou. Cette figure hideuse confirme ce que nous avons avancé plus haut " sur la férocité du peuple mexicain.

PLANCHE XXXVIII.

Migration des peuples a::tècjaes , peinture hiéroglyphique déposée à la bibliothèque royale de Berlin.

Ce fiag-nient, mal coriseivé, paioU avoir fait paille d'un grand tableau qui appartenoil jadis a la collectiou du clicvalicr Botuiini. Les ligures sont très-grossièiement peintes sur de Vamatl, ou papier de maguey ( j^gave americana). Ou y voit, gauche, un p<\Vs marécageux inditpie par l'Iiie- roglyplie de l'eau, ail; des tiaces de pieds (^xocj/al-machio/l), représentant

' Vojez plus haut, pag. ifj^ cl 189. Piig. 216.

60

358 YUES DES CORDILLÈRES,

les migroliolis tVun peuple guerrier; des flèches tirées d'une rive vers l'autre; des combats entre deux nations, dont l'une est armée de boucliers, et l'autre nue et sans mojens de défense. Il est probable que ces combats sont du nombre de ceux (jui ont eu lieu, au sixième siècle de notre ère, dans les guerres des Aztèques contre les Olomites et d'autres peuples chasseurs qui habitoient vers le nord et vers l'ouest de la vallée de Mexico. Les figures placées près de l'hlérogljplie calli, maison, indiquent peut-éti e la fondation de quelques villes. Les bouchers des Aztèques sont ornés d'armoiries propres à chaque tribu: ils ont de ces ajipendices en cuir et en toile de coton, destinés à amortir le coup des dards, et que l'on retrouve siœ quelques vases étiusques'. Les figures sont disposées dans un ordre sjmétrique : on pourroît être étonné de les voir agii' de la main gauche plutôt que de la droite ; mais nous avons eu occasion de Lcmaïquei- plus haut que souvent les deux mains se trouvent confondues dans les peintures mexicaines comme dans quelques bas-reliefs égyptiens.

PLANCHE XXXIX.

J^ases de granit , trouvés sur la côte de Honduras.

Ces vases en gianit, quatre fois plus grands que le dessin de la Pl. AAXiA , sont conscLvés , en Angleteire , dans, les collections de lord Hillsborough et de M. Brander. Ils ont été déterrés sur !a côte de Mosquîtos, dans nn pays habité aujourd'hui par ini peuple baibare qui ne pense pas à sculptei' des pieries : on les tiouvc iigurés et déciits pai- M.Thomas Po^vnal, dans les Mémoiies intcressans publiés par la Société des anticjuaires de Londies'. J'ai cru devoir en reproduire ici les dessins pour faire voir l'analogie qLii existe entre les ornemens dont ils sont chargés et ceux que présentent les ruines de Mitla. Cette analogie éloigne absolument le soupçon qu'ils ont été faits, apL-ès la conquête, par des Indiens qui ont tenté d'imiter la forme de cjuelque vase espagnol. On sait que les Toltéques, en passant par la |)rovincn

Voyez Pl. xn', n." 2.

Ârchœokigia on miscidluneoits Irncts iv/nliiig lo antiquily puUishtd hy tlic Soc. of Jnliqunrians ,

oJLumhH, Vul. ^, Pl. x.vvi, pg. 5iS.

ET MONUMENS DE l' AMÉRIQUE. qSq

d'Oaxaca, ont pénétré justju'aii delà du lac do Nicaragua. On peut donc conjecturer que ces vases , ornés de tètes d'oiseaux et de tortues , sont l'ouvrage de quek|ue tribu de race toltèque. En réfléchissant un moment sur la forme des meubles dont se servoient les Espagnols du seizième siècle, il est impossible d'admettre que les soldats de Cortès aient porté au Mcxi(jue des vases semblables à ceux C|ue M. Pownal nous a fait connaître.

PLANCHE XL.

Idole a:JtècjiLe en basalte , irouvée dans la vallée de Mexico.

Cette petite idole en basalte poreux, que j'ai déposée au cabinet du roi de Prusse, à Berlin, rappelle le buste de la prêtresse, placé à la tùte de cet ouvrage On y reconnoit la même coiffe qui resseml)!e à la calantica des têtes d'Isis, les pei les de Californie qui entourent le fiont , et la bourse attacbêe par un nœud et termine'e par deux appendices qui se prolongent jusqu'au milieu du corps. Le trou circulaire qu'offre la poitrine, paroît avoir servi pour rccevoii- rcriccns { copaîli ou xocltidciiamacili) que l'on brùloit aux idoles. J'ignore ce que la ligure tient dans sa main gaucbe : les formes sont de la plus grande incorrection, et tout annonce l'enfance de l'art.

PLANCHE XLL

T^olcan d'air de Tarhaco.

Pour éviter les cbalours excessives et les maladies qui régnent pendant l'été à Cartbagène des Indes, et sur les côtes arides de Ban'i et de Tierra Bomba, les Européens non acclimatés se réfugient dans l'intérieur des terres, au village de Turbaco. Ce petit village indien est placé siu' une colline, à l'entrée d'une forêt majestueuse , qui s'étend vers le sud et vers l'est, jusqu'au canal de Mahatés et à la rivière de la Madeleine. Les maisons sont en grande partie construites de bambous , et couvertes de feuilles de palmiers. Çà et des sources limpides naissent d'un roc calcaire qui

pl. I et II, paj,'. !î.

VUES DES CORDILLERES,

renferme de nombreux débris de coraux pétrifirs; elles sont ombi ngees par le feuillage lustre de VJnacaj'diimi caracoli, arbi-e de giandeur colossale, auquel les indigènes attribuent la propriété d'attirer de très - loin Iiîs vapeurs répandues dans l'atmosphère. Le terrain de Turbaco étant élcvc de plus de trois cents mètres au-dessus du niveau de l'Océan, on y jouit, surtout pendant la nuit, d'une fraîclieur délicieuse. Nous avons séjourné dans ce charmant endroit au mois d'avril 1801, lorsqu'après une traversée pénible de l'île de Cuba à Cartbagène des Indes, nous nous préparâmes à un long vovage à Santa-Fe de Bogota et an plateau de Quito.

Les Indiens de Turbaco, qui nous accompagnoient dans nos herborisations, nous parloient souvent d'un terrain marécageux, situé an milieu d'une foret de palmiers, et appelé, par les cre'oles, les Petits Volcans, los Volcancitos. Ils racontoient que, d'après une tradition conservée parmi eux, ce terrain avoit jadis été enflammé, mais qu'mi bon religieux, curé du village, et connu par sa grande piété, étoit parvenu, par de fréquentes aspersions d'eau bénite, à éteindre le feu souteriaiu : ils ajoutoient que, depuis ce temps, le volcan de feu étoit devenu un volcan d'eau , volcan de agua. Ayant habité long-temps les colonies espagnoles, nous counoissions assez les contes bizarres et merveilleux par lesquels les indigènes se plaisent à fixer l'attention des voyageurs sur les phénomènes de la nature : nous savions que ces contes sont généialement dus, moins à la superstition des Indiens qu'à celle des blancs, des métis et des esclaves africains, et que les rêveries de quelques individus, qui raisonnent sur les changemens progressifs de la surface du globe, prennent, avec le temps, le caractère de tiaditions historiques. Sans croiie à l'existence d'un terrain anciennement enflammé, nous nous fîmes conduire, par les Indiens, au Volcancitos de Turbaco, et cette excursion nous oIFrit des phénomènes bien plus importans que ceux auxquels nous nous étions attendus.

Les Volcancitos sont situés à six mille mètres à Test du village de Turbaco, dans une foret épaisse qui abonde en heaumiers de tolù , en gustavia à fleurs de nymphéa, et en Cavanillesia mocundo , dont les fruits membraneux et transparens ressemblent à des lanternes suspendues à l'extrémité des branches. Le teirain s'élève graduellement à quarante ou cinquante mèties de hauteur au-dessus du village de Turbaco; mais le sol étant partout

ET MONUMENS DE l'amÉRIQUE. 2^I

couvert de végétation , on ne peut distinguer la nature des roches superposées sur le calcaire coquiUicr. La Planche XLI représente la partie la plus australe de la plaine se trouvent les Folcancitos. Cette gravure a été exécutée sur un croquis fait par un de nos amis, M. Louis de Rieux. Ce jeune dessinateur, avec lequel nous avons remonté le Rio Grande de la Magdalena, accompagnoit alors son père, qui, sous le ministère de M. d'Urquijo, étoit chargé de l'inspection des quinc|uinas de Santa-Fe.

Au centre d'une vaste plaine bordée de Bromelia karatas, s'élèvent dix-huit à vingt petits cônes dont la hauteur n'est que de sept à huit mètres. Ces cônes sont formés d'une argile gris -noirâtre : à leur sommet se trouve une ouverture remplie d'eau. Lorsqu'on s'approche de ces petits cratères, on entend par intervalles un bruit sourd et assez fort qui précède de i5 à i8 secondes le dégagement d'une grande quantité d'air. La force avec laquelle cet air s'élève au-dessus de la surface de l'eau peut faire supposer que, dans l'intérieur de la terre, il éprouve une grande pression. J'ai compté généralement cinq explosions en deux minutes. Souvent ce phénomène est accompagné d'une éjection boueuse. Les Indiens nous ont assuré que les cônes ne changent pas sensiblement de forme dans l'espace d'un grand nombre d'années ; mais la force d'ascension du gaz et la fréquence des explosions paroissent varier selon les saisons. J'ai trouvé, par des analjses faites au moyen du gaz nitreui et du phosphore, que l'air dégagé ne contient pas un demi-centième d'oxjgène. C'est un gaz azote plus pur que nous ne le préparons généralement dans nos laboratoires. La cause physique de ce phénomène se trouve discutée dans la Relation historique de notre voyage dans l'intérieur du nouveau continent.

PLANCHE XLII.

Volcan de Cajambe.

De toutes les cimes des Cordillères, dont la hauteur a été déterminée avec quelque précision , le Cajambe est la plus élevée après le Cliimborazo. Bouguer et LaCondamine ont trouvé cette élévation de Sgoi mètres ( 3o28 ); et des angles que j'ai pris dans l'Exido de Quito, pour observer la marche

6i

VUES DES CORDILLÈRES,

des icfiactions terrestres à (liftV-rentcs lieiires du jour, confirment cette détermination. Les académiciens françois ' ont nommé cette montagne colossale Cayamburj au lieu de Cajambe-Uicu, qui est son véritable nom; le mot désignant, dans la langue C|quichua , montagne, comme tepetl

en mexicain et gua en mujsca. Cette erreur s'est répandue dans tous les ouvrages qui offrent le tableau des principales hauteurs du globe.

J'ai dessiné le Ca_)ambe tel qu'il se présente au-dessus de l'Exido de Quito, qui en est éloigné de trente-quatre mille toises. Sa forme est celle d'un cône tronqué : elle rappelle le contour du Nevado de Tolima, figuré sur la v.^ Planclie. Parmi les montagnes couvertes de neiges éternelles qui entourent la ville de Quito, le Cajambe est la plus belle et la plus majestueuse. On ne peut se lasser de l'admirer au coucher du soleil, lorsque le volcan de Guagua-Pichincha, situé à l'ouest, du côté de la mer du Sud, projette son ombre sur la vaste plaine qui forme le premier plan du paysage. Cette plaine, couverte de graminées, est dénuée d'arbres. On ny voit que quelques pieds de Barnadesia^ de Duranta, de Berberis, et ces belles Calcéolaires qui appartieinient presque exclusivement à l'hémisphère austral et à la partie occidentale de rAniéiique.

Des artistes distingués du Nord ont fait connoître récemment la cascade de la rivière de Kjro, près du village de Yervenkjle en Laponle, où, d'après les observations de Maupertuis et de M. Swanberg, passe le cercle polaire. La cjmie du Cajambe est traversée par l'équateur. Qn peut considérer cette montagne colossale comme un de ces monumens éternels par lesquels la nature à marqué les giandes divisions du globe terrestre.

PLANCHE XLIII.

T^olcan de Jorullo.

La Planche dont je vais donner l'explication rappelle une des catastrophes les plus remarquables qu'offre l'histoiie physique de notre planète. Malgré les communications actives établies entre les deux continens, cette catastrophe est restée presque entièrement inconnue aux géologues de l'Elurope. J'en

' La CosDAMiNE, Voyage à l'Equaicur, p, t63.

ET MONUMENS DE l'amÉRIQUE. 'xlfi

ai donné la description dans l'Essai politique sur le lojaume de la Nouvelle-Espagne '.

Le volcan de JoruUo est situé, d'après mes observations, par les 19° 9' de latitude, et les loS** 5i' 48" de longitude, dans l'intendance de Valladolïd, à l'ouest de la ville de Mexico, à 56 lieues de distance de TOcéan. Il a 5i3 mètres (260 toises) d'élévation au-dessus des plaines voisines. Sa hauteur est par conséquent triple de celle du Monto-Nuovo de Pouzzole qui est sorti de terre en i558. Mon dessin représente le volcan de Jorullo (Xorullo ou Jurujo), environné de plusieurs milliers de petits cônes basaltiques, tel qu'on le voit lorsqu'on descend d'Areo et des collines d'Aguasarco, vers les cabanes indiennes des Plajas. On trouve indiquée sur le premier plan une partie de la savane dans laquelle cet énorme soulèvement a eu lieu la nuit du 29 septembre lySg. C'est l'ancien niveau du terrain bouleversé que l'on désigne aujourd'hui sous le nom de Malpays. Les couches fracturées qui se présentent de front séparent la plaine restée intacte du Malpays. Ce dernier, hérissé de petits cônes de deux à trois mèties de liauteui-, a une étendue de quatre milles carrés. Dans l'endroit les eaux chaudes de Guitimba et de San Pedro descendent vers les savanes de Play as , l'élévation des couches fracturées n'est que de douze mètres : mais le terrain soulevé a la forme d'une vessie, et sa convexité augmente progressivement vers le centie; de sorte qu'au pied du grand volcan , le sol est déjà élevé de 160 mèties au-dessus des cabanes indiennes que nous habitions dans les Playas de Jorullo. Le profd, joint à l'Atlas géographique et phj^sique qui accompagnera la Relation historique, feia saisir plus facilement toutes ces dilférences de niveau.

Les cônes sont autant de fumaroles qui exhalent une vapeur épaisse et communiquent à l'air ambiant une chaleur insupportable. On les désigne, dans ce pays, qui est excessivement malsain, par la dénomination de petits fours, ïwrnitos. Ils renferment des boules de basalte enchâssées dans une masse d'argde endurcie. La pente du grand volcan, qui est constamment enflammé, est couverte de cendres. Nous sommes parvenus dans l'intérieur de son cratère en gravissant la colline de laves scorifiées et rameuses que l'on voit représentée dans la gravure vers la gauche, et ' qui s'élève à une

' Toni. j, p. 248. Vo/ez aussi mon Recueil d'Observ. astr., Tom. 1, p. 537, et Tom. 11, p. Ûai.

VUES DES CORDILLÈUES,

hauteur considérahle. Nous rappellerons ici comme un fait remarquable ' que tous les volcans du Mexique se trouvent rangés sur une même ligne, dirigée de l'est à l'ouest, et qui forme en même temps un parallèle des grandes hauteurs. En considérant ce fait et en le rapprochant de ce que l'on observe aux hoche nuove du Vésuve, on est tenté de croire que le feu souterrain s'est fait jour par une énorme crevasse qui existe dans l'intérieur de la terre, sous les 18° Sg' et 19° 13' de latitude, et qui se prolonge de la mer du Sud à l'Océan Atlantique.

PLANCHE XLIV.

Çalendrier des Indiens Muyscas, anciens liahitans du plateau de Bogota.

Une pierre, chargée de signes biérogl_)'phiques du calendrier lunaire, et représentant l'ordie dans lequel se fait l'intercalation qui ramène l'origine de l'année à la même saison, est un monument d'autant plus remarquable qu'il est l'ouvrage d'un peuple dont le nom est presque entièrement inconnu en Europe, et que l'on a confondu jusqu'ici avec les hordes errantes des sauvages de l'Amérique méridionale. La découverte de ce monument est due à M. Don José Domingo Duquesne de la Madrid, chanoine de l'église métropolitaine de Santa-Fe de Bogota. Cet ecclésiastique, natif du roj'aume de la Nouvelle -Grenade, et appartenant à une famille fiançoise établie en Espagne, a été long-temps curé d'un village indien situé sur le plateau de l'ancienne Cundinamarca. Sa position le mettant à même de se conciliei' la confiance des natifs , descendans des Indiens Muyscas , il a tâché de réunir tout ce que les traditions ont conservé , depuis trois siècles , sur l'état de ces régions avant l'arrivée des Espagnols dans le nouveau continent. Il a léussi à se procurer ime de ces pierres sculptées, d'après lesquelles les prêtres mujscas régloient la division des temps : il a appris à connoître les biérogl_yphes simples qui désignoient à la fois les nombres et les jours lunaires, et il a exposé l'ensemble de ses connoissances , fruits de recherches longues et pénibles, dans un mémoire qui porte le titre de

' Essai polllique, Toiii. i, p. 47'

ET MONUMENS DE l' AMERIQUE. 24''

Disertacion sohre el kalendario de los Muyscas ^ Indios naturales del Nuevo Reyno de Granada. Ce mémoire, momisciit, m'a été communiqué à Sauta-Fe, en 1801, par le célèbre botaniste Don José Celestino Mutis. J'ai obtenu de M. Duquesne la permission de faire dessiner la pierre pentagone dont il a tenté de donner l'explication, et c'est ce dessin qui a été gravé sur la XLIV." Planche. En oQ'rant ici des notions éparses sur le calendrier des Indiens Mujscas, je me seivirai des matériaux que renferme le mémoire espagnol que je viens de citer; j'y ai ajouté quelques considérations relatives à l'analogie que l'on observe entre ce calendrier et les cycles des peuples asiatiques.

Lorsque VJdalaniado Gonçalo Ximenez de Quesada , surnommé le Conquérant, parvint, en iSSy, des rives de la Madeleine aux savanes élevées de Bogota , il fut frappé du contraste ([ii'il observa entre la civili- sation des peuples montagnards et l'état sauvage des hordes épaises qui habitoieut les régions chaudes de Tolù, de Mahatès et de Sainte-Marthe. Sur le plateau oi'i , par les quatre et cinq degrés de latitude, le thermomètre centigrade se soutient presque constamment de jour entre 17 et 20 degrés, et de nuit entre 8 et 10 degrés, Quesada trouva les Indiens Muyscas, les Guanes, les Muzos et les Colimas, distribués par communes, adonnés à l'agriculture, vêtus en toile de coton; tandis tpie les tribus qui erroient dans les plaines voisines, peu élevées au-dessus de la surface de l'Océan, paroissoient abruties, dépourvues de vétemens, sans industrie el sans arts'. Les Espagnols étoient surpris de se voir transportés dans un pays où, sur un sol peu fertile, les champs oHroient partout de riches moissons de maïs, de Chenopodium quinoa et de tumias ou pommes de terre. Je n'examinerai pas si, malgré l'introduction des céréales et des bétes à cornes, le plateau de Bogota est moins peuplé de nos jours qu'il ne l'étoit avant la conquête. J'observerai seulement que, lorsque je visitai les mines de sel gemme de Zipaquira, on m'a montré, au nord du village indien de Snba , les indices certains d'une ancienne culture dans des terrains qui ne sont pas défrichés aujourd'hui.

Iliuoria gmitml de la, ccpùslu del Num Rejro d, Gmnad„ por el VoeUr D. Lucas Permdiz PiBD.ABiTi, p. 1.1. (L'auteur, qui mo.irul ëvéqne de P.inama , aïoit réJigé celle bisloirc sur les manuscrils de Qoesada-le-Conquéranl, de Juan de Caslellanos, curé de Tunja, et des moines franciscains Fra, Antonio Medraiio et Fr. Pedro .\{ruada ).

VUES DES CORDILLÈRES,

P.'ii mi les di{FiM*entcs nations de Cundinaraarca , celle que les Espagnols désignoîent par la dénomination de.Muysca ou Mozca, paioît avoir été la plus nombreuse. Les traditions fabuleuses de ce peuple remontent jusqu'à l'époque reculée oi'i la lune n'accompagnoit point encore la terre, et où, par les inon- dations de la livièrc de Fiinzlié, !e plateau de Bogota formoit im lac d'uni; étendue considérable. En donnant plus baut la description de la cascade de Tequendama ', nous avons parlé de cet bomme merveilleux, connu dans la mythologie américaine sous les noms de Bocbica ou d'Idacauzas, qui ouvrit un passage aux eaux du lac de Funzlié, réunit en société les hommes épars, introduisit le culte du soleil, et, semblable au Péruvien Manco Capac et au Mexicain Qnetzalcoatl , devint le législateur des IVInyscas. Ces mêmes traditions portent que Bochica , fds et symbole du soleil, grand-prêtre de Sogamozo ou d iracn, voyant les chefs des dilFéreutes tiibus indiennes se disputer l'autorité suprême, leur conseilla de choisir, pour zatfue ou souverain, un d'entre eux appelé Huncabua, et révéré à cause de sa justice et de sa haute sagesse. Le conseil du grand-piêlre fut universellement adopte-, et Huncahua, qui régna pendant deux cent cinquante ans, jiarvint à se soumettre tout le pa^s tpii s'étend depuis les savanes de San Juan de los Llanos jusqu'aux montagnes d'Opon. Bocbica, livré à des pénitences austères, vécut cent cycles muyscas , ou deux mille ans. Il disparut mystérieusement à Iraca, à l est de Tuuja. Cette dernière ville, qui ét{jit alors la plus populeuse de toutes, fut fondée par Huncahua, le premier de la dynastie des zaques de Cundinamarca. C'est du nom de son fondateur qu'elle prit celui de Hunca, que les Espagnols ont changé en Tunca ou Tunja.

La forme de gouvernement que Bochica donna aux habltans de Bogota est très - remarquable par l'analogie qu'elle présente avec les gonvernemens du Japon et du Tibet. Au Pérou, les incas réunissoient dans leurs personnes les deux pouvoirs séculiers et ecclésiastiques. Les fds du soleil étoient pour ainsi dire souverains et prêtres à la fois. A Cundinamarca, dans un temps probablement antérieur à Manco Capac, Bochica avoit constitué électeurs les quatre chefs des tribus, Gamcza, Busbanca, Pesca et Toca. II avoit ordonné qu'après sa mort, ces électeuis et leurs desccndaus eussent le droit de choisir le grand-prêtre d'Iraca. Les pontifes ou lamas, successeurs de Bochica, étoient

' Voyez p, 19.

ET MO-NUMENS DE i/amÉrIQUE. 2^^

censés héritef de ses vérins et de sa sainteté. Ce que, du temps de Montezuma , Cholula étoit pour les Aztèques, Irnca le devint pour les Mayscas. Le peuple s j portoit en foule pour offrir des présens au grand-prêtre. On visitoit les lieux devenus célèbres par les miracles de Bocliica ; et, au milieu des guerres les plus sanglantes, les pèlerins jouissoient de la protection des princes parle territoire desquels ils dévoient passer pour se rendre au sanctuaire [chimsua] , et aux pieds du lama qui y résidoit. Le clief séculier, appelé zaque de Tunja , auquel les zifipa ou princes de Bogota payoient un tribut annuel, et les pontifes d'Iraca , étoient par conséquent deux puissances distinctes, comme le sont au Japon le daïri et l'empereur séculier. Il m'a paru impor- tant de consigner ici ces notions bistoilques très-peu connues en Europe, pour répandre quelque intérêt sur un peuple dont nous allons faire connoîtie le calendrier.

Bocbica n'étoit pas seulement regardé comme le fondateur d'un nouveau culte et comme le législateur des Mujscas; symbole du soleil, il régloit aussi le temps, et on lui attrlliuoit Tinvcntion du calcndrîei-. 11 avoit prescrit de même l'ordre des sacrifices qui dévoient être célébrés la fm des petits cycles, à l'occasion de la cinquième intercalation lunaire. Dans l'empire du zaque, le jour (^«a) et la nuit {za) étoient divisés en quatie parties, savoir : siia-mena , depuis le lever du soleil jusqu'à midi; sua-meca ^ de midi au coucbcr du soleil; zasca j du coucher du soleil à minuit; et cagui, de minuit au lever du soleil. Le mot sua ou zuhè désigne à la fois, dans la langue muysca, le jour et le soleil. De sita^ qui est un des surnoms de Bochica, dérive sue. Européen ou homme blanc' - dénomination bizarre qui tire son origine de la circonstance que le peuple, lors de l'arrivée de Quesada, regaidoit les Espagnols comme fils du soleil, sua.

La plus petite division du temps chez les Muyscas étolt une période de trois jours. La semaine de sept jours étoit inconnue en Amérique, comme dans une partie de l'Asie orientale. Le premier jour de la petite période étoit destiné à un grand marché tenu à Turmequè.

L'année (socam) étoit divisée par lunes; vingt lunes composoient Yannce civile^ celle dont on se servolt dans la vie commune. Vannée des prêtres

> Gramatica de la lengua gênerai del JSuevo Rejno llamada Mosca, por el Piidre Fray- Bcmurdo de Lugo (professeur de la langue chibcLa à Santa-Fe de Bogota), Madrid, 1619, p. 7.

248 VUES DES CORDILLÈRF.S,

renfermoit tiente-sept lunes, et vingt de ces giandcs années formoicnt un cycle miiysca. Pour distinguer les jours lunaires, les lunes et les années, on se servoit de séries périodiques dont les dis termes étoient des nombres. Comme les mots qui désignent ces termes offrent plusieurs particularités très- remarquables , nous devons entrer ici dans quelques détails sur la langue de Bogota.

Cette langue, dont l'usage s'est presque entièrement perdu depuis la fin du dernier siècle, étoit devenue dominante par les victoires du zaque Huncahua, par celle des Zippas, et par l'influence du grand lama d'Iraca, sur une vaste étendue du pays, depuis les plaines de l'Ariari et du Rio Meta jusqu'au noid de Sogamozo. De même que la langue de l'Inca est appelée au Pérou (l^liiultuaj celle des Moscas ou Muyscas est connue dans le pa^'s sous la dénomination de chibcha. Le mot jnuyscaj dont mo^ca paroît une corruption, signifie homme ou persomie ; mais les naturels ne l'appliquent généralement qu'à eux-mêmes. 11 en est de cette expression comme du mot qquicliua runa qui désigne un Indien de la race cuivrée, et non un blanc ou descendant de colons européens. La langue chibcha ou mu_ysca qui, du temps de la découverte du nouveau continent, étoit, avec celles de l'Inca et la langue caribe, un des idiomes les plus répandus de l'Amérique méridionale, contraste singulièrement avec la langue aztèque, si remarquable par la réduplication de syllabes tetl, tli et Les Indiens de Bogota ou Bacata {extrémité des champs ou du terrain labouré) ne connoissent ni / ni d. Leur langue est caractéiiséc par la répétition fréquente des syllabes cha, che_, chu, comme par exemple dans chu chi nous; hjcha chamitjue moi-même; chigua chiguitynynga , nous devons battre ; muysca cha chro guy un homme estimable; la particule cha ^ ajoutée à muysca^ désignant le sexe masculin.

Les nombres , dont les dix premiers ont été choisis comme termes des séries périodiques propres à désigner les grandes et les petites divisions du temps, sont en langue chibcha : un, aia ^ deux, hozha ou bosa; trois, mica; quatre, mhuyca ou muyhica ; cintj, hicsca ou hisca; six, ta ; sept, (jhupqa ou cuhupqua; huit, shuzha ou suhuza ; neuf, aca ; dix, hubchibica ou ubchihica. Au delà di; dix, les Indiens Muyscas ajoutent le mot (piihicha ou cjhicha, qui signifie pied. Pour désigner onze, douze et treize, ils disent pied un, pied deux , pied trois, (pùhicha ata , quducha basa, (jiuhicha mica, etc. Ces expressions naïves

ET MONXJMENS DE l'arIÉhiQUE. 2^Q

annoncent qu'après avoir compté par les doigts des deux mains , on continue par les doigts des pieds. Nous avons vu plus haut, en parlant du calendrier des peuples de race mexicaine, que le nombre ving^t, qui correspond à celui des doigts des pieds et des mains, joue un grand rôle dans la numération américaine. En langue chibcha, vingt est désigné ou par pied dix, (/itihicha ubchihica j ou par le mot gueta qui dérive de guCj maison. On compte ensuite vingt et un, guetas asaqui ata; vingt- deux, guetas asafjui bosa; vingt- trois, guetas asaqid mica, etc., jusqu'à trente ou vingt plus {asac/ui) dix j guetas asac/uî uhchihica; quarante ou deux-vingts, gue-bosa; soixante ou trois- vingts, gue-mica; quatre-vingts, gue-rnuyhica; cent ou cinq-vingts, gue-hisca. Nous rappellerons ici que les Aztèques, après les unités qui ressem- bloient aux clous des Etrusques, n'avoient de chiffre ou hiéroglyphe simple que pour vingt, pour le carré de vingt ou quatre cents, et pour le cube de vingt ou huit mille. J'aime à insister sur cette uniformité que présentent les nations des deux Amériques, dans le premier développement de leurs idées les plus simples , et dans les méthodes propres à exprimer graphiquement des quantités numériques au delà de dix. Cette uniformité est d'autant plus digne d'attention qu'elle annonce un système de numération très-difTcrcnt de celui que nous trouvons dans l'ancien continent, depuis les Grecs, dont la notation étoit déjà moins imparfaite que celle des Romains, jusqu'aux Tibétains, aux Indoux et aux Chinois, qui se disputent l'honneur de cette admirable invention de chiftres dont la valeur change avec la position.

Parmi le grand nombre d'idées erronées qui se sont répandues sur les langues des peuples peu avancés dans la civilisation, 11 n'en est pas de plus extravagante que l'assertion de Pauw et de quelques autres écrivains également systématiques, d'après laquelle aucun peuple indigène du nouveau continent ne sait compter dans son idiome au delà de trois '. Nous connoissons aujourd liui les systèmes numériques de quarante langues américaines, et l'ouvrage seul de l'abbé Hervas, Y Âritlimétique de toutes les nations, en présente près de trente. En étudiant ces diverses langues, on observe que, dès que les peuples sont sortis de leur premier état d'abrutissement, leurs progrès ultérieurs n'établissent presque aucune différence 'sensible dans leur manière d'exprimer les quantités. Les Péruviens étoient au moins aussi habiles que

' Recherches philosophiques sur Ifs Américains , Part, i, sect. J , Tom. ii , pa^. 162 (éd. de i/'ig).

35o VUES DES CORDILLÈRES,

les Grecs et les Romains pour designer, clans leur langue, des nombres de plusieurs millions; ils avoient mèjpe, pour exprimer un million, un mot non composé {hunii) ^ dont les idiomes de l'ancien monde n'offrent pas

l'analogue. Hue, un; iscay , deux; (jimça_, trois ckiinca , dix; chue

huniyoCj onze; chiinca iscayniyoc j douze iscaychunca, vingt; qimça

chunca j trente; tahuachunca , quarante pachac^, cent; iscaypachac ,

deux cents huaranca j n)S)\e\ ' iscayhuarancaj deux mille chunca-

kuarancaj dix mille; îscay-chimca - hitaranca \'mgt mille; pachachuaranca_, cent mille ; hunUj un million ; iscayhunuj, deux millions; (jimça hunu^

trois millions Cette même marche, simple et régulière, se manifeste

dans plusieurs autres langues américaines dans lesquelles les expressions numériques n'ont d'autre défaut que d'être extrêmement longues et très-difficiles à prononcer pom' les organes des Eui opéens. Le besoin de compter se fait sentir dans un état de la société qui précède de beaucoup celui que nous nommons si vaguement l'état de civilisation.

Parmi cette multitude de peuples du nouveau continent, dont nous possédons la numération, il j en a quelques-uns qui, selon les missionnaires, ne savent pas compter au delà de vingt ou de trente , et qui nomment beaucoup tout ce qui excède ces nombres. Mais on nous assure en même temps que, pour désigner cent, ces nations font de petites piles de maïs ' de vingt grains chacune; ce qin prouve évidemment que les Jaruros de l'Orénoque et les Guaranis du Paraguay comptent par vingtaines , comme les Mexicains et les Muyscas, et que par stupidité, ou plutôt par l'est lême paresse d'esprit propre aux Sauvages les plus intelligens, ils se facilitent la numération de trois - vingts ou de quatre - vingts j en comptant à la manière des enfans, soit par les doigts des pieds et des mains, soit en amoncelant des grains de maïs. Lorsque les voyageurs rapportent que des nations entières en Amérique ne comptent pas au delà de cinq, on ne doit pas prêter plus de foi à cette assertion qu'on n'en prêteroit à celle d im Chinois qui prétendroil orgueilleusement que les Européens ne comptent pas au delà de dix, parce que dix-sept et dix-huit sont des composés de dix et des premières imités. Il ne faut pns confondre la prétendue impossibilité d'exprimer de grandes quantités, avec les limites que le génie des différentes langues prescrit au

' Hërvas, idca del Universo : Aritmetica di tulle le ntizioni canosciute , Tom. xrx, p. 96, 07 et 106.

ET MONUMENS DE l'amÉRIQUE. 25i

nombre des signes mimeritjiies non composés. Ces limites se trouvent atteintes, tantôt à cinq, tantôt à dix, tantôt à vingt, selon que les peuples se plaisent à s'arrêter, en comptant les iinite's, aux doigts d'une main, à ceux des deux mains, ou à ceux des mains et des pied sensemble.

Dans les idiomes des peuples américains, qui sont les plus éloignés du développement de leurs i'acuilés, six s'exprime par quatre avec deux j, sept par c/uaire avec trots j huit par cinq avec trois. Telles sont les langues des Guaranis et des Lulos. D'autres tribus, déjà un peu plus avancées, par exemple les Oniaguas, et en Afi-ique les Yolofs et les Foulahs, se servent de mots qui signiBent à la fois main et cinq ^ comme nous nous servons du mot dix : chez eux sept est exprimé par maiii et deux^ et quinze par trois mains. En persan, péndj désigne cinq, et péntcha la main. Dans les chifFres romains on observe quelques traces d'un système de numération quinaire : les unités se multiplient jusqu'à ce que l'on arrive à cinq qui a un signe particulier, de même que cinquante et cinq cents Chez les Zamucas comme chez les Muyscas, onze s'appelle pied un, douze, pied deux; mais le reste de la numération de ces peuples est d'une longueur fatigante, parce qu'au lieu de mots sinqjles ils se servent de circonlocutions puéiiles; ils disent par exemple , la main jinie pour cinq, un de Vautre (main) pour six, les deux mains finies pour dix, et les pieds Jinis puui' vingt. Quelquefois ce dernier nombre est identicpie avec le mot homme ou personne ^ pour indiquer que les deux mains et les deux pieds constituent la persoinie entière. C'est ainsi que, chez les Jaruros, noenipume signifie deux hommes ou quarante j dérivant de noefiij deux, et canipume , homme. Les Sapiboconos n'ont pas d'expression simple pour cent et pour mille : ils disent pour dix, tune a ; pour cent, tunca-lunca; et pour mille, tunca-tunca-iunca. Ils forment les carrés et les cubes par réduplication, comme les Chinois forment quelquefois leur pluriel et les Basques leur superlatif. Enfin, les groupes de vingt unités ou les vingtaines des Muyscas, des Mexicains et de tant d'autres nations de l'Amérique, se retrouvent dans l'ancien monde chez les Basques et chez les liabitans de l'Armorique. Les premiers comptent: un, bâton unan ; deux, bi ou daou; trois, ira ou tri; vingt, oguei ou hugent; quarante, berroguei ou daouhgent; soixante, iruroguei ou irihugent. Il est intéressant de suivre dans la formation

HERV,\s,p. aS, yti. 102, io5, 112, 116 et 127. Voyage de MijSGO-^xncK. , Tom. ya^. aS et qS.

253 VUES DES CORDILLÈRES,

des petits groupes de cinq, de dix ou de vingt, ces systèmes de numération si diversement nuancés et qui présentent cepend;uit cette même uniformité de traits par laquelle sont caractérisées toutes les inventions du genre humain au premier âge de son existence sociale.

M. Duquesne a fait beaucoup de recherches étymologiques sur les mots qui désignent les nombres dans la langue chibcha. Il assuie que « tous ces mots sont significatifs , que tous tiennent à des racines qui ont rapport, soit aux phases de la lune croissante ou décroissante, soit à des objets de l'agriculture et du culte. » Comme il n'existe aucun dictionnaire de la langue chihcha, nous ne pouvons véiifier la justesse de cette asseition. Ou ne sauioit être assez défiant lorsqu'il s'agit de recherches étymologiques, et nous nous conten- terons de présenter ici les significations des nombies de un à vingt, telles que les renferme le manuscrit que j'ai rapporté de Santa-Fe. Nous ajouterons seulement que le père Lugo, sons se livrer à d'autres discussions sur les nombres, rapporte, dans sa grammaire de la langue chibcha^ que le mot gue désigne une maison, et qu'il se retrouve en entier dans gue - ata (par élision gueta) , vingt, une maison; dans gue-hosaj, deux-vingts, quarante, ou deux maisons; dans g-we-Awcaj cinq-vingts, cent, ou cinq maisons.

I. jita, ttymologie douteuse : peut-être ce mot dérïve-t-il d'une ancienne racine qui signifioit eau, comme Yatl des Mexicains. Hiéroglyphe : une grenouille. Le cri de ces animaux, très- fréquens sur le plateau de Bogota, annonce que le temps approche l'on doit semer le maïs et le quinoa. Les Chinois désignent le premier tsé , eau^ non par une grenouille, mais par un rat à'emi.

1. Basa, à l'entour. Le même mot signifie une sorte d'enclos pour défendre les champs des animaux malfaisans. Hiéroglyphe : un nez avec des narines ouvertes, partie du disque lunaire figuré comme un visage.

3. Mica, variable; d'après une autre étymologie, ce qui est choisi. Hiéroglyphe ; deux yeux

ouverts, encore partie du disque lunaire.

4. Muyhica, tout ce qui est noir, nuage menaçant de la tempête. Hiéroglyphe : deux yeux fermés.

5. Hisca, se reposer. Hiéroglyphe : deux figures unies , les noces du soleil et de la lune. Conjonction.

6. Ta, récolte. Hiéroglyphe : un pieu avec une corde, faisant allusion au sacrifice dn Guesa

attaché à une colonne qui servoit peut-être de gnomon.

7. Cuhupqua, sourd. Hiéroglyphe : deux oreilles.

8. Suhuza, queue. M. Duquesne ignore la signification de ce chiiïro, de même que celle du mot suivant

9. Aca. Hiéroglyphe : deux grenouilles accouplées.

10. Ubchihica , lime brillante. Hiéroglyphe : une oreille, ao. Giieta , maison. Hiéroglyphe ; une grenouille étendue.

ET MONUMENS DE l'amÉRIQUE. 255

Les hiéroglyphes numériques se trouvent graves sur la Planche XLIV, fig. 4; et les explications que nous venons d'en donner sont celles que la tradition a conservées parmi un petit nombre d'Indiens que M. Duquesne a trouves instruits dans le calendrier de leius ancêtres. Les peisoiiiies qui ont étudie' les clefs chinoises et le peu que l'on sait de leur origine, ne regarderont pas comme entièrement chimériques les explications des chilTies américains. Les traits caractéristiques s'elTaccnt peu à peu par un long usage des signes. Qui reconnoitroit aujourd'hui dans la forme des lettres hébiaïques et samaritaines celle des hiéroglj'phes simples d'animaux, de maisons et d'armes qui paroissent leur avoir donne naissance? Nos chiffres tibétains ou indoux, appelés faussement arabes, recèlent sans doute aussi un sens mystérieux. Chez les Indiens de Bogota, quelques tiaits d'une image se sont indubita- blement conserve's dans bosa, mica.j hisca^ ubchihica et gue/a. Le deinier hiéroglyphe est presque identique avec le signe indien de quatre '.

Il est intéressant de trouver des chiQies chez un peuple à demi-barbare, qui ne connoîssoit ni l'art de préparer le papier, ni récrituie. Le nmgiiey (Agave ameiicana) est indigène dans les deux Amériques, et cependant c'est seulement chez les peuples de race toltèque et aztèque que l'usage du papier n'a été aussi connu qu'il l'étoit, depuis les temps les plus reculés, en Cliine et au Japon. Quand on se rappelle combien les Grecs et les Roinains éprou- voient de diflicultés pour se procurer du papyrus, même à une époque leur littérature brilloit déjà de l'éclat le plus vif, on regrette presque de voir la malicie du papier si commune chez des nations améi icaines, qui ignoroïent l'écriture syllabique, et qui n'avoient à transmeltic à la postérité, dans des peintures informes, que des rêveries astrologicjucs et les souvenirs d'un culte inhumain.

S'il étoit viai, comme le prétend M. Duquesne, que, dans l'idiome chihcha, les mots qui désignent les nombies ont des racines communes avec d'autres mots qui indiquent les phases de la lune ou des objets relatifs à la vie champêtre, ce fait seroit un des phis lemarquables que présente l'histoire philosophique des langues. On peut concevoir qu'une ressemblance accidentelle de sons se manifeste quelquefois entie des mots numériques et des choses qui n'ont aucun rappoit aux nombres, comme dans neuf {noi>emj en sanskrit nava^

' HjlCer, Ilfemoria sulle cifre de la Cina. (Blines de t'Orient, Tom.n, pag. yS).

fi',

VUES DES CORTJILI.ÉRES,

et neuf (iwi>us en sanskrit nava) ; acht , en allemand Imit, et achtung_, estime; 1^, sixj et e|, pieposition (7e,- hosa, en chibcha deux, et hosa, préposition poiir^ on conçoit de même comment, dans des langues riches en expressions figurées, les mots deux, trois et sept peuvent être appliqués aux idées de couple {Jugum) ; de toute - puissance {^trimurti des Hindoux } , d'cncliantement et de malheur ; mais est-il possible d'admettre que, lorsque l'homme inculte sent le premier besoin de compter, il nomme quatre, une chose noire (^miiy-hica); six, récolte {ta)^ et vingt, rtxaison {gue ou gueta) ^ parce que, dans l'arrangement d'un almanacli lunaire, par le letour des dix termes d'une série périodique, le terme fjuatre piécèdc d'un jour la conjonction de la lune, ou parce (|uc la récolte se fait six mois après le solstice d'hiver? Dans toutes les langues, on observe une certaine indi'pendance entre les racines qui désignent les nombres et celles qui expriment d'autres objets du monde physi(|ue, et nous devons supposer que, partout cette inde'- pendance dispaioit, il existe deux systèmes de numération dont l'un est postérieur à l'autre, ou bien que les affinités étymologiques que l'on a ciu découvrir ne sont qu'apparentes, parce qu'elles reposent sur des signilicalions figurées? Le père Lugo, qui écrivit en i6i8, nous apprend en effet que les MuYscas avoient deux manières de désigner le nombre vingt, et qu'ils disoient, ou gueta , maison, ou cjuihicha-iihchihica , pied dix; mais nous n'euti erons pas ici dans des discussions étrangères au but de cet ouvrage. Ce que nous savons de positif sur le calendrier lunaire des Mujscas , et sur l'origine de leurs hicrogH plies numériques, n'a pas besoin d'être appuyé par des argumens tirés de la giammaire d'une langue que l'on peut presque regai'der comme une langue morte.

Nous avons vu plus haut que les Mujscas n'avoient ni les décades des Chinois et des Grecs, ni les demi-décades des Mexicains et des peuples de Beuin ni les petites périodes de neuf jours des Péruviens, ni les ogdoades des Romains, ni les semaines de sept jours (^schebuas) des Hébreux, que nous retrouvons en Égypte et dans l'Inde, mais qui n'étoient connus ni chez les habitans du Latium et de l'Etrurie, ni chez les Persans et les Japonois. La semaine muysca se distinguoit de toutes celles que présente l'histoiie de la chronologie : elle n'éloit que de trois jours. Dix de ces groupes formoienl une lunaison appeh-c

' Palis, de l'élude des hîérngljphes , Tom. r, p,ij. Sa,

ET MONUMENS DE l'amÉRTQUE. 355

suua , qrajid chemin ^ chemin pavé j digue, à cause du sacrifice que l'on célëbroit, tons les mois, à Fe'poque de la pleine lune, sur une place publique à laquelle conduisoît, dans chaque village, un grand clicrnin {slna) qui partoit de la maison {tithua^ du chef de la tribu.

Le siuia ne commençoit pas à la nouvelle lune, comme chez la plupart des peuples de l'ancien monde, mais le premier jour qui suit la pleine lune, et dont rhierogljphe etoit une grenouille représentée sur la pierre intercalaire (PL xltv, fig. i a ). Les mots aia j hosa, mica, et leurs signes graphitpics rangés en trois séries périodiques, servoient à désigner les trente jours d'une lunaison; de sorte que mica étoit, comme le cjuartidi du calendrier républicain françois, à la fois ie quatrième, le quatorzième ou le vingt-quatrième jour du mois. Le même usage se trouvoit chez les Grecs qui ajoutoient cependant quelques mots poui' rappeler que le nondire appartient, ou au mois com- mençant, Kflvoç ctp;Ko^&'vt)u , ou au milieu du mois, ^fivoÇ ^zmvvroç^ ou ait mois expirant, fxmç d^^ivono^. Comme les petites fètcs (Jeriœ), ou les jours de mai'ché, revenoient tous les trois jours, chacune d'elles, pendant le cours d'un mois muysca, étoit présidée par un signe différent; car les deux séries périodiques de trois et de dix termes, celles des semaines et du suna , n'ont pas de diviseur commun, et ne peuvent coïncider qu'après trois fois dix joins. Selon le tableau suivant, dans lequel les petites fêtes sont marquées en caractère italique, cuhiipfjua (deux oreilles) tombe sur le dernier quartier; miijhica (deux yeux fermés) et hisca (jonction de deux figures, noces de la liinc, chla, et du soleil, 5«(z), coriospondent à Ti'poque de la conjonction; mica (deux yeux ouverts) désigne le premier quartier, et iihchihica (une oreille) la pleine lune. Le rappoi t que nous tiouvons ici entre la chose et l'hiéLOglyphe, entre les phases de la lune et les signes des jours binaires, prouve évidemment que ces signes, qui servoient en même temps de vrais chiffres, ont été inventés dans un temps 011 l'artifice des séries périodiques étoit d(;jà appliqué au calendrier. Chez ics Égyptiens j les hiéroglyphes des nombres paroissent avoir été indépendans de ceux des phases lunaires. D'après HorapoUon , l'image d'un astre indiquolt le nombre cinq, soit à cause des rayons divergens que présentent à la vue simple les étoiles de pLemlère et de deuxième grandeurs, soit en faisant une allusion mystique au régime du monde par cinq étoiles. Dix étoit ligm-é par une ligne horizontale placée sui' une ligne perpendiculaire. Un savant

a56 VUES DES CORDILl.ÈRES,

qui a eu le bonheur d'examiner sur les lieux les monumens de la Haute et de la Basse-Égjpte, qui les a dessinés et décrits avec soin, et qui, par sa position, a pu comparer plus d'iiiéroglj'phes qu'aucun antiquaire de nos jours, M. Jomard, s'occupe d'un travail extrêmement intéressant sur le s_ystème de numération des Égyptiens.

JOUIiS LUN-AIRES DU SUNA DES liNDIENS MOÏSCAS , DIVlSÉS EK DIX PETITES PÉRIODES DE TROIS JOURS.

Ala.

liosa.

Nica.

Muyhica.

Hisca.

Ta.

Cuhupqua '. Beroier quartier. Suhuza. j4ca. . Ubchihica.

' Ata. Bosa. Mica. Muyhica.

Hisca *. CoDjoiiction. Ta.

Cuhiipqua,

Suhuza.

Aca.

Uljcliiliica.

TROISIÈME SÉRIE >

Ata. Bosa.

Mica *. Premier quartier.

Hliifhica.

Hisca.

Ta.

Cuhupqua.

Suhuza.

Aca.

Lihchihica *. Pleine lune.

Vingt lunes ou sunas formant rannée vulgaire des Mujscas, appelée zocam,:, on conçoit que le zocam n'étoit qu'un petit cycle lunaire, et non une année dans le vrai sens des mots aiinusj aimulusj mcivràç, qui supposent le retour d'un astre au point duquel il est parti. Le zocam et le grand

ET MONUMENS DE l'amÉRIQUE.

c^cle de vingt années intercalaires ne doivent probablement leur origine qu'à la préférence donnée au nombre vingt, gueta. Outre le zocarrij les Mujscas avoient un c_ycle astronomique , une année des prêtres usitée dans les fêtes religieuses, et renfermant trente-sept lunes, de même qu'une année rurale, qui étoit comptée d'une saison de pluies à une autie.

Les sunas n'avoient pas de dénomination particulière, comme nous en trouvons cbez les Egj'ptiens, les Perses, les Hindous et les Mexicains : on ne les distinguoit que par leur nombre. Cet usage me paroît le pins ancien dans l'Asie orientale; il s'est conserve jusqu'à nos jours chez les Cbinois, et les Juifs le suivirent jusqu'à l'époque de la domination des Babyloniens. Mais les habitans de Cundinamarca ne comptoient pas dans leurs trois calendriers, rural, civil et religieux, jusqu'à douze, vingt ou trente-sept : ils n'emplojoient, pour les sunas, comme pour les jours d'une même lune, que les dix premiers nombres et leurs liiéroglj plies. Le premier mois de la seconde année agricole étoit présidé par le signe jnicaj trois; le troisième mois de la troisième année, par le signe culmpejua, sept, et ainsi de suite. Cette prédilection pour les séries périodiques et l'existence d'tni cjclc de soixante ans, qui est égal aux sept cent quarante sunas renfermés dans le cycle de vingt années des prêtres, parolssent déceler l'origine tartare des peuples du nouveau continent.

Comme l'année rurale étoit censée composée de douze sunas, les xeques ajoutoient, à l'insu du peuple, à la fin de la troisième année, un treizième mois, analogue au jun des Chinois '. La table que nous allons donner des lunes muyscas prouve que, par l'emploi des séries périodiques, ce suna intercalaire étoit présidé, dans la première indiction, par cuhupqua. C'est ce signe que l'on appeloit la lune sourde, parce qu'il ne comptoit pas dans la quatrième série qui, sans l'emploi d'un terme complémentaire , auroit du commencer, non par suhaza, mais par culntpcjua. Ce mode d'iuteicalation, qui se retiouve dans le nord de l'Inde, et d'après lequel, à deux années lunaires commîmes de trois cent cinquante-quatre jours buit beures, succède une année lunaire embolismique de trois cent quatre-vingt-trois jours vingt-une heures, est celui que les Athéniens suîvoient avant Méton : c'est la diétorlde dans laquelle on intercaloit, après

' SoDciET et Gaubil, Observ. maUiém. , Tom. i, pag. i83.

65

358 VUES DES COKDlLLÈllES,

le mois Posideoii, un Uotmê'im (fêurspoç.Hci odote en faisant l'éloge du calendrier solaire des Egyptiens, s'explique très-clairement sur ce procédé simple, mais assez imparfait : ôVw "EAhnvsç (jÀv Sia. t^Itov 'ireoç if^ÇioXifxov éwsf^ZcLxMvtn -, rm i^^îm

TROIS FORMES DE ZOCAMS DU CALENDRIER DES IMUYSCAS.

ANNÉES RURA

LES

ASBÉES DES PRÊTRES

de 12 et i5 lunes

de 07 lunes.

de 20 luues.

I Ata

2

3

4

4

4

Hisca

5

5

6

Ta

ti

6

ANNÉE COMMUNE..

7

Cuhupqua

7

7

S

Siilrac,

8

8

9

Aca

9

9

Ubchihica

10

10

Jla

1 1

12

12

II. Mien

Mica

i3

i3

3

14

14

Ilisca

i5

i3

l,

Ta

16

16

5

Cuhupqua

'7

>7

6

Suhuza

18

Récolte

18

AKKÉE COMMUNE..

7

'9

■9

8

DtcWiica

20

9

Jln

II.

0

2

Mica

24

4

m. Hisca

Ilisca

25

5

2

Tu

2(i

6

=7

7

l,

Suliuza

28

8

5

Aca

!"

^9

6

Ubcliihica

5o

£MB0I43uÎqUE ....

7

AItt

8

9

Mica

0

54

i4

Hisca

35

i5

2

Ta

36

16

Mois sourd ....

37

'7

rV. Suhuza....

n. Suhuza

18

3

Aca

2

■9

Ohchihica

2(1

4

Al«

4

HT. Al^i

' Hérod. , Lib. H, cap. 4. fFesscllng. , 1763, pag. io5. Censorin. de die iiatnii, c. f8. Ideleb , Histor. Untersuchungcii , pag. 176.

ET MOINUMENS DE l'amÉRIQUE. 'J.5g

Nous avons vu plus haut que les Mexicains intercaloient crunc manièie beaucoup plus exacte et très- régulière; tandis que les Péruviens rectifioient de temps en temps leur année lunaire par Tubservation des solstices et des e'quinoxes, Alite au mojen de toiii's cjlindilques ([u'on avoit érigées siu' la montagne de Carmenga près du Cuzco ' et qui servoient à piendrc des azimuts.

Chez les Muyscas, c'est à l'emploi bizarre de nombres, dont la série a deux terïTies de moins que Tannée rurale ne renferme de lunes, qu'il faut attribuer Timpeifection d'un calendrier dans lequel, malgié l'intercalation du trente- septième mois, cuhupqua, la récolte, pendant six ans, toml)oit chaque année dans un mois d'une dénomination dilFéienle. Aussi les xeifues annonçoient-ils tous les ans par quel signe seroit présidé le mois des épis de maïs j qui correspond à YAhih ou Nisan du calendi ier des Hébreux. Comme le pouvoir d'une classe de la société est souvent fondé sni- l'ignorance des autres classes, les lamas d iraca preftiruieut un calendiier bizarre dans lequel le huitième mois (octobre) s'appelolt tantôt le troisième, tantôt le cinquième, et dans lequel les différences de saison qui, malgré la proximiti? de l'équateur, sont encore assez sensibles sur le plateau de Bogota, ne c(tïncidoient pas avec les sunas du même nom. Les prêtres du Tibet et de l'Hindoustan savent profitei' de même de cette multiplicité de catastérismes qui président aux années, aux mois, aux jours lunaiies et aux heures; ils les annoncent au peuple pour lever un impôt sur sa crédidité ^

L'intercalation des Miivscas a voit pour but de ramener à la même saison le commencement de l'année rurale et les fêtes que Ton célébroit dans le sixième mois , dont le nom étoit consécutivement suna ta, suna suhuzuj suna uhchihica. M. Duques[ie pense que le commencement du zocam étoit, comme chez les Mexicains, les Péruviens, les Hindoux et les Chinois, la pleine lune qui suit le solstice d'hiver, mais cette tiadition est incertaine. Le premier chllTre, ata, représente l'eau sj'mbolisée par une grenouille. Chez les Chinois, le premier catastérisme, dans le cjcle des tse, est aussi celui de Veau, et il correspond à notre signe du verseau

' NiEREMBEitG, pag. log. CiECA, pag. aSo.

' Le Gestil, Vojage dans t'Inde, Toni. i, pag. 207.

' Voyez plus haut, pag. 137.

26o VUES DES CORDILLF.KES,

De nièmc que chez les peuples de race tartare le c_ycle de soixante ans, présidé par douze animaux, otoit divisé en cinq parties, le cycle des Mujscas, de vingt années de trente-sept sunas ^ étoit divisé en quatre petits cycles dont le premier se fermoit en hisca^ le second en ubchihicaj le troisième en quihicha hîsca^ et îe quatrième en gueta. Ces petits cycles représentoient les quatie saisons de la grande année. Chacune d'elles renfcrmoit cént quatre-vingt-cinq lunes qui correspondoient à quinze années chinoises et tibétaines, et par conséquent aux véritables indictions usitées du temps do Constantin. Dans cette division, par soixante et par quinze, le calendrier des Muyscas se rapproche bien plus de ceKii des peiq^les de l'Asie orientale que ne le fait le calendrier des Mexicains, (|ui avoient des cycles de quatre fois treize ou de cinquante-deux ans. Comme chaque année rurale, de douze et de \ve\ze simas^ étoit désignée par un de ces dix hiérogly phes qu'oITt e la 4-' figure, et que les séries de dix et de quinze termes ont un diviseur commun , les indictions se terminoient constamment par les deux signes de la conjonction et de V oppositioTi. Nous ne nous arrêterons pas ici à démontrer comment rhiéroglyphe de Tannée et l indlcation du cycle de soixante ans, auquel appartient cette année, pouvoient seivir à régler la chronologie : nous avons exposé ces moyens en faisant connoître les rapports des calendrieis mexicain, tibétain et japonois.

Le commencement de chaque i/ulirlio/t étoit marqué par un sacrifice dont les cérémonies baibares, d'après îe peu que nous en savons, paroissent toutes avoir eu rappoi t à des idées astrologitjues. La victime humaine étoit appelée guesa, errant, sans maison, et ffidliica, porte, parce que sa mort annonçoit pour ainsi dire l'ouverture d\m nouveau cycle de cent C]uatie-vingt-cinc[ lunes. Cette dénomination i appelle le Janus des Romains place aux portes du ciel, et auquel Numa dédia le premier mois de l'année , ianquam bicipitis dei mensem °. Le guesa étoit un enfant que l'on arrachoit à la maison paternelle. Il devoit nécessairement être pris d'un ceitain village situé dans les plaines que nous appelons aujourd'hui les Llanos de San Juan, et qui s'étendent depuis la pente orientale de la Cordillère jus<|ue veis les rives du Guaviare. C'est

' Voyez plus haut, pag. i^g et 175. Dupuis, Origine des cultes, Tom. m, Pl. i, pag. Bajllt, Asironomie indienne etorientale, 17S7, pag. 29. = SIackobius, Llb. 1, c. i3.

ET MONUMENS DE T.' AMERIQUE. 261

de cette même contre'e de VOrient qu'étoit venu Bochica^ symbole du soleilj, lors de sa première apparition parmi les Muyscas. Le guesa étoit élevé avec beavicoiip de soin dans le temple du soleil à Sogamozo, jusqu'à l'âge de dix ans : alors on le faisoit sortir pour le promener par les chemins que Bochica avoit suivis, à l'époque où, parcourant les mêmes lieux pour instruire le peuple, il les avoit rendus célèbres par ses miracles. A l'âge de f/uinze ans, lorsque la victime avoit atteint un nombre de su7ias égal à celui que renferme Vindictioji du cycle mu_ysca, elle étoit immolée dans une de ces places circulaires dont le centre étoit occupé par une colonne élevée. Les Péruviens connoissoient les observations gnomoniques. Ils avoient surtout de la vénération pour les colonxies érigées dans la ville de Quito, parce que le soleil, à ce ^[u'ils disoient, « se plaçoit immédiatement sur leur sommet, et que les ombres du gnomon y étoient plus courtes que dans le reste de l'empire de l'Inca. » Les pieux et les colonnes des Mujscas, représentés dans plusieurs de leurs sculptures, ne servoient- ils de même pour observer la longueur des ombres ét[uinosiales ou solsticiales? Cette supposition est d'autant plus vraisemblable que, parmi les dix signes des mois ^ nous trouvons deux fois, dans les cbilFres ta et suhuza, une corde ajoutée à un pieu^ et que les Mexicains connoissoient l'usage du gnomon jilaive '.

Lors de la célébration du sacrifice qui marquoit Vowerture d'une nouvelle indiction ou d'un c^cle de quinze années, la victime, gueso., étoit menée en procession par le situa, qui donnoit son nom au mois lunaire. On la condulsoit vers la colonne qui paroit avoir servi pour mesmer les ombres solsticiales ou équinoxiales , et les passages du soleil par le zénith. Les prêtres, xecfues, suivoient la victime : ils étoient masqués comme les prêtres égyptiens. Les uns représentoient Bochica, qui est l'Osiris ou le Mithras de Bogota, et auquel on attribuoit trois têtes , parce que , semblable au Trimurti des Hindoux, il lenfermoit trois personnes qui ne formoient qu'une seule divinité: d'autres portoient les emblèmes de Chia, la femme de Bochica, Isis, ou la lune; d'autres étoient couverts de masques semblables à des grenouilles, pour faire allusion au premier signe de l'année, ataj d'autres enfin représentoient le monstre Fomagala, symbole du mal, figuré avec un œil, quatre oreilles et une longue queue. Ce Pomagata, dont le nom, eu langue cliihcha, signifie

' Sur une pierre sculptée tcouvée à Cliupultcpec. VoyCK Gama , Descn'pcîon cron. dd dos picdrus, pag. 100.

m

262 VUES DES CORDILLÈRES,

feu ovi masse fondue qui bouillonne , étoit regardé comme un mauvais esprit. Il vojageoît par l'air, entre Tunja et Sogamozo, et transformoit les hommes en serpens, en lézards et en tigres. Selon d'autres traditions, Fomagata étoit oi iginnircment un prince cruel. Pour assurer la succession à son frère, Tusatua, Bochica l'avoit fait traiter, la nuit de ses noces, comme Uranus l'avoit été par Saturne. Nous ignorons quelle constellation portoit le nom de ce fantôme; mais M. Duqnesne croit que les Indiens y attachoicnt le souvenir confus de l'apparition d'une comète. Lorsque la piocession, qui rappelle les processions astrologiques' des Chinois et celle de la fête d'Isis, étoit arrivée à l'extrémité du siina ^ on lioit la victime à la colonne dont nous avons fait mention plus haut : une nuée de flèches la couvroit, et on lui arrachoît le cœur pour en faire offrande au Hoi Soleil^ à Bochica. Le sang du guesa étoit recueilli dans des vases sacrés. Cette cérémonie barbare présente des rapports fiappans avec celle que les Mexicains célébroient à la fm de leur grand cycle de cinquante-deux ans, et que Ton trouve figurée sur la Planche XV \

Les Indiens Mujscas gravoient sur des pierres les signes qui présidoient aux années, aux lunes et aux jours lunaiies. Ces pierres, comme nous l'avons dit plus haut, rappeloient aux prOties, xeijues , dans cjuel zocam ou année rnnjsca telle ou telle lune devient inteicalaire. La pierre de petrosilex, représetrtée en projection orthographique, figure i, en perspective et dans ses vraies dimensions, figure a, paroit indiquer les mois emholismiques de la première indiction du c^cle. Elle est pentagone, parce que cette indiction renferme cinq années ecclésiastiques de trente-sept lunes chacune : elle offre neuf signes, parce que cinq fois trente-sept lunes sont contenues en neuf années muvscas. Pour bien saisir l'explication que M. Duqnesne donne de ces signes, il faut se rappeler d'abord que, par l'emploi des séries périodiques, dans une indiction de neuf années et cinq mois muvscas, les mois intercalés tombent successivement sur cuhupqua, muykicaj ata ^ suhuza et hisca^ et qu'aucune intercalation ne peut avoir lieu dans la première, la troisième, la septième et la neuvième année. Ces coïncidences sont rendues sensibles par les trois cercles concentiiques qu'offre la troisième figure. Le premier ceicle, qui est

' SoitciET, Tom. m, pug-. 35.

' Voyez plus liiiut, pag. 100 el 180, Pl. xv, n.°S,

ET MONUMKNS DE l' AMERIQUE. 365

rinterieiir, indicjue les signes des lunes on sunas ; le second cercle, celui du milieu, rappelle en quelle année muysca, de vingt sunas_, un des signes contenu dans la série de dix termes devient intercalaire; enfin, le cercle extérieur détermine le nombre des intercalations qui ont lieu en trente -sept ans. Par exemple, si Ton demande dans qiiel zocam est intercalé le signe hosa^ on trouve que cette intercalation est la sixième, et qu'elle se fait dans la douzième année du cycle.

M. Duquesne, guidé par des Indiens qui ont conservé une connoissance des signes du calendrier mnjsca, croit reconnoître sur trois faces de la pierre les intercalations A'ata^ de suhuza et de hisca^, c'est-à-dire celles qui ont lieu dans neuf années de douze et treize sunas qui correspondent à la sixième, à la huitième et à la dixième aimée muysca, de vingt sunas. J'ignore pourquoi les deux premières intercalations, celles de cuhupqua et muyhica^ ny sont pas marquées. Voici l'interprétation, souvent un peu arbitraire, des fig. i et 3.

La grenouille sans tète, a.^ rappelle que Tlndiction commence par le signe ata^ emblème de l'eau. En c et d, sont sculptées trois petites pièces de bois, dont chacune est marquée de trois lignes transversales. Celle du milieu ne se trouve pas sur la même rangée avec les autres, pour indiquer qu'il ne s'agit que de six années muyscas, après lesquelles l'intercalation tombe sur (juihichata , e, têtard de grenouille muni d'une longue queue et dépourvu de pattes, grenouille en repos. Cet emblème annonce que le mois auquel l'animal préside est inutile,, et ne compte pas dans les douze sunas qui s'écoulent d'une récolte à une autre. Les deux figures de la grenouille, a et sont placées sur une sorte de plateau quadrangulaire. On pourroit douter de l'interprétation de riiiéroglyphc e, mais M. Du([uesne affirme avoir observé dans plusieurs idoles de jade le même symbole astrologique d'une lune intercalaire. Dans ces idoles, l'animal sans pattes étoit couvert de la tunique indienne (capisayo) qui est encore usitée parmi le bas-peuple. On se rappelle que, chez les Aztèques, les sig?tes des jours avoient même leuis autels'. Les figures/ et h indiquent, par huit lignes transversales disposées par cinq et par trois, qn'à la huitième année mu_ysca on intercale la lime présidée par suhuza. C'est ce signe qui est représenté en i par un ceicle tiacé, au moyen d'une corde, autour d'une colonne. Les Indiens assurent que / et 7i représentent des

' Vojez plus haiil, pag. aao.

VUES DV.S COKUILLÈIIES,

scrpens nui, chez tous les peuples, sont les emblèmes du temps. Le dessous de la pierre ofïVe en g le signe Jiisca„ qui fait allusion aux noces de Bochica el de Cliia', signe de la conjonction lunaire, figurée sous la forme d'un temple fermé. C'est la fui de la première lèvolution du cycle. Le sacrifice àw guesa va rouvrir le temple et commencer la seconde indiction. L'intcrcalation de hisca se fait après neuf années muyscas, ce qui est désigné par neuf traits en h^, c et d, La serrure qui feime le temple, est d'ailleurs la même que celle dont les indigènes se servent encore aujourd'hui. Elle est percée des deux côtés pour recevoir deux morceaux de bois cylindriques. En comparant cette serrure à celle des Égyptiens, scidpLée sur les murs de Karnak, et usitée depuis des miniers d'années sur les bords du Nil % on observe la même différence qui existe entre les ouvrages d un peuple giossier et ceux d'une nation ingénieuse et avancée dans les arts.

Quatre de ces pierres pentagones enseiguoient, à ce qu'assuient les Indiens, les vingt intercalations de la lune sourde qui, d'après le calendrier imparfait des Muyscas, avoient lieu dans un cycle de sept cent quai ante sunas. Ce cycle renfermoit vingt années des prêtres de trente-sept lunes chacune, ou soixante années rurales : il est connu de tous les peuples qui vivent à l'est de l'Indus , et il paioît lié au mouvement apparent de Jupiter dans l'écliplique. Nous avons démontré plus haut ' que, chez les Hindoux, la dodécatémorie du zodiaque solaire a tiré son origine des nakchatras ou du zodiaque lunaire, chaque mois prenant le nom de l'hôtellerie lunaire dans laquelle la pleine lune a lieu : nous avons de même fait observer que les indictions de douze années, et les noms des nakchatras donnés à ces années, ont rapport au lever héliaque de Jupiter. On peut croire qu'à cette époque reculée, se développoient les premières idées astronomiques, les hommes étoient happés de voir une planète parcourir les vingt-huit hôtelleries hinaiies à peu près dans autant d'années qu'ils observoient de lévolutions lunaires d'un solstice d'hiver à un autre. Pour réunir en groupes ces grandes années de douze années solaires , on devoit nécessairement employer un des nombres qui , chez tous les peuples , servent de points de repos dans la numération;

Pl. xLiv, fig. 4, n.o 5.

' Dënok, Voyage en Egypte, Pl. cxsxix, %. i^. ' Pa-. i56.

ET MONUMENS DE j/AMIifllQUE. 365

savoir : 5, lo ou ao. Peut-ctie donnoit - on la pirfeienco aa plus petit de ces nombres, parce cjue 5 x 12 ou 60 est renfermé six fois dans le nombre 36o qui servoit pour la division du cercle , à cause des trois cent soixante jours que les plus anciens peuples de FOiient attribuoient à Tannée représentée sous remblènie d'un anneau. Chez les nations américaines, par exemple chez les Mexicains et les Muj scas, nous trouvons quatre indictions au lieu de cinq; et cette préférence singulière pour le nombre quatie est due à l'intéiêt attache aux points solsticiaux et équinoxiaux cpiî désignent les quatre saisons ou grandes semaines de la grande année D'ailleurs le nombre de cinq intercalations conduisit les Mujscas à des groupes de quinze années rurales, dont quatre forment le cycle asiatique de soixante ans.

D'après les notions vagues qui nous sont par\emies sur les ,s7^7(e.s- lunaires portés dans la procession du guesa^ et sur le rapport qui existe entie la constellation de la grenouille, ata , et le signe de Veau ou du rai d'eau, qui, chez les Chinois et les peuples de race tartare, ouvre la niarclie des catastérismes, on peut conjecturer que les dix hiéroglyphes' d'ala, de bosUj, de mica j etc., marquoient originairement, comme les signes des jours mexicains'', les divisions d'un zodiaque en dix parties. Nous retrouvons chez les Chinois, et ce fait est très-important, un cjcle de dix cans , auxquels les Mantchoux donnent les noms de dix coLdein-s'^ Il est probable ((u'ancien- nement les cans des Muyscas avoient aussi des noms particuliers, et l'on peut soupçonner que les chifïres que M. Duquesne nous a transmis faisoient allusion à ces mê'mcs noms. Tout cela me fait piésumer que les mots numéri(|ues ataj bosa, mica j etc., n'ont été substitués aux noms des signes que pour indiquer \c premier signe du zodiaque, le second signe, le (roisième signe, etc., et que cette substitution a fait naître insensiblement l'idée bizarre que les nombres mêmes étoient significatifs. Cette matière, qui n'est pas sans intérêt pour l'histoire des migrations des peuples, ne pouira être éelaircie que lorsqu'on aura comparé un plus giand nombre de monumens américains.

' Voyez plus haut, p;ig. i^S.

= Pl. xnv, fig. 4-

' Voyez pins \n,ui , p.g. ty^.

* SouciET el Galbil, Toin. ii, pag'. iô5.

67

266

VUES DES CORDILLÈRES,

PLANCHE XLV.

Fragment d'un manuscrit hiérogljphkjue conservé à la Bibliothèque royale de Dresde.

D'après ce même principe, c[ue les monumcns s'expliquent les uns les autres, et que, pour bien approfondir l'histoire tl'un peuple, il faut avoir sous les yeux l'ensemble des ouvrages auxquels il a imprimé son caractère, je me suis déterminé à faire ginver, sur les Planches xlv-slviii, des fragmens tirés des manuscrits mexicains de Dresde et de Vienne. Le premier de ces manuscrits m'étoit entièrement inconnu lorscju'on a commencé l'impression de ces feuilles. Il n'est pas facile de donner une notice complète des peintures hiéroglyphiques échappées à la destruction dont les menaçoient, lors de la découverte de TÂmérique, le fanatisme monacal et la stupide insouciance des premiers conquérons '. Un antiquaire, qui a fait de savantes recherches sur les aits, la mythologie et la vie privée des Grecs et des Romains, M. BoUiger, m'a fait connoître le Codex mexicanus de la bibliothèque royale de Dresde : il en a parlé tout récemment dans un ouvrage qui offre les notions les plus étendues tant sur la peinture des peuples baibares que sur celle des Hindoux, des Perses, des Chinois, des Égyptiens et des Grecs'. C'est à l'amitié de ce savant et à la bienveUlance particuhère de M. le comte de Maicolini, que je dois la copie du hagnient que renferme la Planche alv.

Selon les renseiguemens que M. Bôttiger a eu la bonté de me communiquei-, ce manuscrit aztècjue pnioît avoir été acheté à Vienne par le bibliothécaire Gôtz dans le voyage littéraire qu'il fit en Italie en 17^9- Il est de papier ou carton de Blell (Agave mesicana), comme ceux que j'ai rappoités de la Nouvelle-Espagne : il forme une iahella pUcatdis de près de six mèties de long, renfermant C[uaiante feuillets qui sont couveits de peintures des deux côtés. Chaque page a o" ,295 (7 pouces 5 lignes) de long, sur o"' ,o85 (5 pouces 2 ligues) de large. Ce format, analogue à celui des anciens Diptiques^ distingue

' Png-. 75.

DoTTiGEiij /i/eeH ziir Àrchaologie der Malerei, Tom. I, pag'. 17-21.

' GoTZE, DeTi1;wurdigkeilL'n lier Dresdner Bibliothek , erste Sammlung, pa;^. 4-

ET MONUMENS DE l'amKRIQUE. 267

le manuscrit de Dresde de ceux de Vienne, de Veletri et du Vatican; mais ce qui le rend surtout très-remarquable, c'est la disposition des hiéroglyplies simples, dont plusieurs sont ranges par lignes comme dans une véritable écriture symbolique. En comparant la Planche xlv avec les Plauclies xui et xsviT, on voit que le Codex mex. de Dresde ne ressemble à aucun de ces rituels dans lesquels l'image du signe astrologique, qui préside à la demi- lunaison on petite période de treize jours, est environnée des catastérismes des jours lunaires. Ici un giand nombre d"hi('rogh plies simples se suivent sans liaison, comme dans les hiéroglyphes égyptiens et dans les clefs des Chinois.

En général, rien ne me paroit porter à un plus haut degré le caractère des ouvrages de ce dernier peuple, que les peintur es infoimes d animanx sacrés couchés et percés de flèches, que l'on voit au bas des trois premières pages. Cette analogie s'étend jusque sur \es signes linéaires: ces signes rappellent les Tioiias que, deux mille neuf cent quarante-un ans avant notre ère', l'enipereur Tai-han-fo-hi substitua aux cordelettes ou cfuippjts (pie nous retrouvons sur' rinscription de Rosette, dans rintcrieur de l Afiiquc, en ïartarie, au Canada, au Mexique et au Pérou. Les Jcoiias_, et surtout les Ho-tous^ ne sont peut-être qu'une imitation linéaire ' des cordelettes : car le premier des huit trigrammes renferme aussi des lignes non brisées, comme les hiéroglyplies du manusciit de Dresde. Nous ne déciderons pas si ceux - ci , dans lesquels des points se trouvent entremêlés à des lignes parallèles entre elles , expriment des quantités numériques, par exemple une liste de tributs, ou si ce sont de vrais caractères curslfs.

PLANCHES XLVI, XLVII ET XLVIII.

Peintures hiéroglyphiques tirées du manuscrit mexicain conservé à la Bibliothèque impériale de T^ ienne, n." i , 2 e/ 3.

De tons les manuscr its mexicains (jiii existent dans les difier entes bibliothèques de l'Europe, celui de Vienne est le plus anciennement connu. C'est celui dont

' JuLiDS Kl4PR0TH, Asiati.'icties Magazii! , i8o2, B. I, pag'. 91, 52i et S^.").

Palin, de l'étude des hiéroglyphes, 1S12, Toni. 1, pag. 58, 107, 120; Tom. v, pag. 19, âi

et lia. SouciET el Gadbil, Observ. astron. , Tom. 11 , pag, SS et 1S7 ; Tom. m , pag. 4 . ûg- 7-

26'8 VITES DES COH.D1LLÈKES,

Lambeciiis et Ncssel ' ont pnilé dans leurs catalogues, et dont Robei Ison a fait graver un fiagment an simple Irait, .l'ai eu oerasion lIo revaniliiei pendant mon dernier séjour à Vienne, en 1811, et je dois la copie coloriée de trois pages, que présentent les Planclics XLv i, xLvn et alviii, à l'obligeance d'un savant distingué, M. de Han-imer, dont les dilTéicns ouvrages, et snrtoul les Mines cîe V OiieJit , ont beaucoup contribué à faciliter Tétude des rapports qui existent entre les peuples de l'Asie centrale et ceux de l'Amérique.

Le Codex mexicaniis de la bibliotbéque impériale de Vienne est très- remarquable à cause de sa belle conservation et de la grande vivacité des couleurs (|ui distingui.'ut les (Igui'es alb'goi iqucs. Il ressemble, par sa Ibrme extérieure, aux manuscrits du Vatican et de Veletri, qui sont pliés de la même manière. Il a cinquante-deux pages, et chaque page a o'^ p.^a (10 ponces i ligne) de long, et o^aao ( 8 pouces 2 lignes) de large. La peau ([ue couvrent ces peintures liiérogljpbiques n'est cerlainemcnt pas nue peau d'Iiomnie, comme on l'a avancé laussemcnt : il est piolîable que c'est une j)eau du Mazall que les naturalistes appellent Ceif de la Louisiane, et qui est commun dans le nord du Mexique. Les pages sont luisantes comme si elles étoient vernies : c'est l'efTet d'un enduit blanc et terreux qui est iixé sui' la peau. Un enduit pareil se tiouve sur le manuscrit de Dresde, quoique ce dernier ne soit pas de parchemin, mais de papier de metl. Le Codex mex. vindohon. rerirerme plus de mille figures humaines disposées de la manicie la plus variée; on n'y observe aucunement cet arrangement uniforme que Ton trouve dans les Rituels de Veletri et du Vatican. Quelquefois deux ligures sont représentées en action l'une avec l'autre, mais le plus souvent eiiaque ligure est isolée, et paroît montrer (juelque chose du d(jigt. La tielzième, page est très- remarquable : divisée par trois lignes horizontales, elle iudi(|ue évidemment que les Mexicains lisoient de dioite à gaucbe et de bas en haut, f3ûyïrpoîiv)d''àif. Quoique le nombi e des pages soit égal au nombie d'années contenues dans un cycle mexicain, je n'ai pu rien découvrir (|ni ait rappoi t au retour des (|uatie liiërogl y phes qui distinguent les années. Piesque sur chaque feuillet on voit représentés, outre les signes solsticlaux et équinoxiaux, lapin, canne, silex et maison., les cataslérlsuies du Jaguar, Oceloil; du singe, Ozonialh , et de

Nessel, Ciital. Bibiioth. Cœsareœ ^ Tom. vi, pag'. \Çiîi. Vojez aussi plus liiiiit , pug'. 76.

ET MONUaiEsVS DE l'aMÉrIQUE. 269

Vaigle à riches plumes j Cozcacfuauhtli ; ces signes pi'ésident aux jours et non à l'année. En examinant la suite des pages de treize en treize, on n'y voit rien de périodique; et, ce qui est surtout très - frappant , les dates, dont j'ai compté 5^5 sui- les premières vingt - deux pages de manuscrit, sont rangées d'une manière qui n'a auciui rappoit à Toidre dans lc(|uel elles se suivent dans le calendrier mexicain. On tiouve orne ehecatl (i vent') immédiatement avant matlactU calli ( lo maison)., et ce mit/uizfli (i téie de mort) accolé à chicome mifjuiztU (y iétes de mort), quoique les jours présidés par ces signes soient très-éloignés les uns des autres. Si ce manuscrit traite de matières astrologiques, comme il est très -probable, on a lieu de s'étonner que des pages entières, par exemple la première et la vingt- deuxième, n'ofi'rent aucune indication de dates; s'il _y en avoit, on les recon- noîtroit facilement par les ronds qui expiiment les diflérens termes de la série périodique de treize cbilFres.

On trouve, Planche xlvi, une figure symbolique très-bizarre représentant un homme qui a le pied pris dans la fente d'un tronc d'arbre, ou d'un rocher : Planche XLVii, une femme qui file du coton; une tùte isolée et baibnc; des coquilles; un grand oiseau, peut-être un alcatras qui boit de Veau; un prêtre qui alUnne le feu sacré par flottement'; ua homme à baibe toulliie, portant en main une espèce de vexdUun, etc. Ces mêmes personnages, environnés de dix autres hiéroglyphes, se trouvent répétés sur !a Planche alviii.

En jetant les yeux sur cette écLiturc informe des Mexicains, l'observation se présente d'elle-même, que les sciences y gagneront bien peu, si jamais l'on parvient à déchilTrer ce qu'un peuple peu avancé dans la civilisation a consigné dans ses livies. Malgré le respect que nous devons aux Égyptiens qui ont influé si puissamment sur le progrès des lumières, on doit craindre aussi que les inscLiptions nombreuses, tracées sur leurs obélisques et sur les frises de leurs temples, ne renferment pas des vérités très-importantes. Ces considérations , quelque justes qu'elles puissent être, ne doivent pas, à ce que je pense, faire négliger l'étude des caractères symboliques et sacrés. La connolssance de ces caractères est intimement liée à la mythologie, aux mœurs et au génie individuel des peuples : elle répand du jour sur l'histoire des anciennes migrations de notre espèce, et elle intéresse vivement le philosophe,

Voyez plus li.'iul . loo, et Pl. %y, n." S.

m

2yO VUES DES CORDILLÈRES,

en lui présentant, sur les points les plus éloigiiùs de la terre, tliins la marche uniforme du langage des signes, une image du prumiei' développement des facultés de Thomme.

PLANCHES XLIX ET L.

Raines de Miguilïan ou Miila , dans la province d'Oaxacaj plan et élévation.

Après avoir décrit dans cet ouvrage tant de monumcns barbares qui n'ofîreut cju'un intérêt purement historique, j'éprouve quelque satisfaction à faire connoitre un édifice construit par les Tzapotèques, anciens habitans d'Oaxaca , et couvert d'ornemens d'une élégance très - remarquable. Cet édifice est désigné , dans le pays , sous le nom de Palais de Mitla. Il est situé au sud -est de la ville d'Oaxaca ou Guaxaca, à dis lieues de distance, sur le chemin de Téhuantepec, dans un pajs granitique. Mitla n'est qu'une contraction du mot 3Iiguitlan ^ qui signifie, en mexicain, lieu de désolation , Heu de tristesse. Cette dénomination paroit bien choisie pour un site tellement sauvage et lugubre que, d'après le récit des vojageurs, on n'j entend presque jamais le ramage des oiseaux. Les Indiens Tzapotèques appellent ces ruines Leoba ou Luiva^ scpulturcj, en faisant allusion aux excavations qui se trouvent au-dessous des murs chargés d'arabesques. J'ai eu occasion de parler de ce monument dans mon Essai politique sur le royaume de la Nouvelle-Espagne '.

D'après les traditions qui se sont conservées, le but principal de ces constructions étoit de désigner l'endroit reposoient les cendres des princes tzaputèfjues. Le souverain, à la mort d'un iils ou d'un frère, se retiroit dans une de ces habitations, qui sont placées au-dessus des tombeaux, pour s'3' livrer à la douleur et a des cérémonies religieuses. D'autres prétendent qu'une famille de prêtres, charg('e des sacrifices expiatoires que l'on faisoit pour les lepos des moits, vivuit dans ce lieu solitaiie.

Le plan du Palais % levé par un architecte mexicain très - distingue,

Tool. I, pa^''. 2G5.

' Pl. XLIX.

ET MONUMENS DE l'amÉRIQUE. 2^1

Don Lnis Mni tin, montre qu'originairement à M itla , il existolt cinq fabriques isolées et disposées avec beaucoup de régularité. Une porte très-laige (G), dont on voit encore quelques vestiges, conduisoit à une cour spacieuse, de cinquante mètres en carré. Des monceaux de terre rapportée et des restes de constructions souterraines indiquent que quatre petits édifices, de forme oblongue (8 et 9), entouroient la cour. Celui qui est à droite est encore assez bien conservé; on y observe même les restes de deux colonnes. Dans rédifice principal, on distingue :

I. Une terrasse élevée d'un à deux mètres an -dessus du niveau de la cour, et entourant les murs auxquels elle sert en même temps de soubassement , comme on le voit plus distinctement Pl. l;

3. Une niche pratiquée dans le mur, à la liantenr d'un mètre et demi au-dessus du niveau dn Salon à Colonnes. Cotte niche , plus large que haute, renfermuit sans doute une idole. La porte principale du snlon est couverte d'une pierre qui a ^'^,5 de .long, 1"°,^ de large, et o™,8 de haut;

3 et 4- Entrée de la cour intérieure;

5 et 6. Puits ou ouverture du tombeau. Un escalier très-large conduit à une excavation en forme de croix, soutenue par des colonnes. Les deux galeries, qui se coupent à angle droit, ont chacune vingt- sept mètres de long sur huit de large. Les murs sont couverts de grecques et d'aiabestjues;

■y. Six colonnes destinées à soutenir des poutres de Sahino qui formoïent le plafond. Trois de ces poutres sont encore très-bien conservées. La couverture étoit en dalles très - larges. Les colonnes , qui annoncent l'enfance de l'ait, et qui sont les seules qu'on ait trouvées jusqu'ici en Améi ique, sont dépourvues de chapiteaux. Leur fût est d'une seule pièce. Quelques personnes, très-instruites en minéralogie, m'ont dit que la pierre en est un beau porph_yre amphibollque; d'autres m'ont assuré que c'est un granité porphj- ritique. La hauteur totale des colonnes est de Ô^jS; mais elles

2«^2 TUES DES CORDILLÈRES,

sont enterrées au tieis de leur hauteur. J'ai fait représenter une colonne séparément et dans des dimensions ])lus glandes;

10. La cour intérieure;

11, 12 et i5. Trois petits appaitemens entourant la cour et ne commu-

nit|uant pas à un cpiatrième qui se trouve derrière la niche. Les diverses parties de cet édifice offrent des inégahtés ou défauts de s^'mélrie tiès - fi appans. Dans I intérieur des appnrtemens, on remarcjue des peintures cjui représentent des .ni'mcs, des trophées et des sacrifices. Rien n'annonce qu'il _y ait eu des fenêtres.

Don Luis Martin et le colonel de la Lagtuia ont dessiné, avec beaucoup d'exactitude , les grecfjiics, les lahyrutllies et les méiuidres qui couvrent extérieurement les murs du palais de Mitla. Ces dessins, qui inériteroient bien d'être gravés en entier, se trouvent entie les mains du marquis de Branciforte, un des dcL-nieis vice-rois de la Nouvelle-Espagne. C'est M. Martin, avec lequel j'ai eu le plaisir' de faiie plusieurs excursioLis géologiques dans les environs de Mexico, f[ui m'a commnnitpié la coupe qu'olïie la cinquantième planche. Elle réunit trois fragmens de murs, et démontre que les ornemens qui se touchent ne sont jamais semblables. Ces arabesques ' foiment une sorte de mosaïque, conqinsée de petites piencs carrées, qui sont placées avec beaucoup tl'art les unes ;i côté des autres. La mosaïque est appliquée à line masse d'argile (jui paroit remplir l'intéiieur des muLs, comme on l'obseLve aussi dans quelques édifices péruviens. Le développement de ces murs, sur une rnOme ligne, n'est à Mitla (ju'à peu près de (piarante mètres; leur hauteur n'a vraisemblablement jamais di-passé cinq à six. mètres. Cet édifice, quoique assez petit, pouvoit cependant prodirire de l'efièt par' l'ordonnance de ses parties et la forme élégante de ses oinemcns. Plusieurs temples de l'Egypte, près de Sjcne, Pliilœ, Eleth^ia et Latopolis ou Esné', ont des dimensions encore moins considérables.

Dans les environs de Mitla, se trouvent les restes d'une grande pyramide et quelques autres constructions qui ressemblent beaucoiqi à tielles que nous

' Comparez plus haut. Pl. xxxix, pag'. 208.

* Description de l'Egypte, monumens anciens, Toii). 1, Pl. xxxviii, fig'. 3 et G; Pl. Lxxi . fi^;'. 1 et 2 ;

Pl. LXXIII et Pl. LXXXV.

ET MONUMENS DE l'amÉIIIQUE. 'y.']^

venons de cleciiic. Plus au sud, près de Guatimala, dans un endroit appelé El Paleiifjiie , les ruines d'une ville entière prouvent le goût des peuples de race tollèque et aztèque pour les ornemens d'architecture. Nous ignorons absolument rancienneté de tous ces édifices : il n'est g-nère probable qu'elle remonte au delà du treizième ou f[uatorzième siècle de noti-e ère.

Les grecques du palais de Mitla présentent, sans doute, une analogie frappante avec celles des vases de la Grande-Grèce et avec d'autres ornemens qu'on trouve répandiis sur la surface de presque tout l'ancien continent; mais j'ai déjà fait observer, dans un autre endroit, que des analogies de ce genre prouvent très-peu pour les anciennes communications des peuples, et que, sous toutes les zones, les hommes se sont plu à une répélidon rJiylhmique des mêmes formes , répétition qui constitue le caractère principal de ce que nous appelons y ^^uevntni grecques ^ méandres ^ et arabesques. Il y a plus encore : la perfection de ces ornemens n'indique pas même une civilisation très -avancée chez le peuple qui les a emplo_ycs. L'intéressant voyage du chevalier Rrusenstern ' nous a fait conuoître des arabesques d une élégance admirable, iïxées ^iiv tatouage sur la peau des habitans les plus féroces des îles de Washington.

PLANCHE LI.

P^ae du. Corason,

La montagne du Corazon, couverte de neiges perpétuelles, a pris sou nom de la forme de son sommet, qui est à peu près celle d'un cœur. Je l'ai dessinée telle qu'elle se présente à \ Alto de Poiiigasi , près de la ville de Quito. Ce Nevado se trouve dans la Cordillère occidentale, entre les cimes de Pichincha et d'ilinissa. Une des pyramides de cette dernière montagne ' se découvre à gaucho , au - dessus de la pente orientale du Corazon. La proximité apparente de ces deux sommets et le contraste de leurs formes oftrent un point de vue très-singulier.

C'est sur la cime du Corazon qu'avant notre voyage en Amérique,

Krusenster?,-, Reise uni die JVelt, Pelersburg, i8iû, Tom, i , paj,-. 168. Atlas, Tufel 8, 10 et iG. ' PI. XXXV.

69

VUES DES CORDILLÈRES,

le mercure avoît été observé au point le plus bas dans le baromètre. «Nous étions partis, M. Bouguer et moi, dit M. de La Gondamine dans son Introduction historique ', par un assez beau temps : ceux que nous avions laisses dans nos tentes nous perdirent bientôt de vue dans les nuages qui n'étoient plus pour nous que du brouillard, depuis que nous y étions plongés. Un vent fioid et piquant nous couvrit en peu de temps de verglas : il nous fallut, en plusieurs endroits, gravir contre le rocber, en nous aidant des pieds et des mains; enfin nous atteignîmes le sommet. Là, nous vo>a!it l un et l'autre, avec tout un côté de nos habits, un sourcil et une moitié de la barbe hérissés de petites pointes glacées, nous nous donnâmes mutuellement un spectacle singulier. Le mercure ne se soutenoit plus qu'à quinze pouces dix lignes. Peisonne n'a vu le baromètre si bas dans l'iiir libie, et vraisemblablement personne n'est monté à une plus grande hauteur: nous étions 2.470 toises au-dessus du niveau de la mer, et nous pouvons répondi e , à (juatre ou cinq toises près , de la justesse de cette détermination. »

Aujourd'hui que nous connoissons Tinfluence qu'exercent la température et le décroissement du caloriipie sur les opérations faîtes au mojen du baromètre, il nous est permis de douter un peu de l'exactitude d'une mesure dans laquelle l'erreur ne s'élèveroit pas à de la hauteur totale , cpjoique le calcul fût fait par la simple soustraction des logarithmes. M. de La Gondamine n'avoit pas d'instrumcns , lorsqu'il visita le cratère de Rucu- Pichinclia. Si ce célèbre astronome a atteint alors une élévation égale à celle d'un rocher dont je parlerai dans un autre endroit, et sui' lequel j'ai lailli péiir avec l'Indien Philippe Aidas, le 26 mai 1802, il s'est trouvé, sans le savoir, plus haut^ qu'il ne l'étoit sur la cime du Corazon. La hauteur absolue de ce rocher est, d'apiès la formule de M. Laplace , de 4858 mètres (2490 toises); elle excède, par conséquent, de pics de quaiante mètres, l'élévation du point mesuré en lySS par les Académiciens françois : an surplus, les déterminations de ces savons sont tontes affectées de l'incertitude qui règne ' sur l'élévation du signal de Garaburn, autjuel Bouguer assigne i566 mètres (i2i4 toises), et Ulloa 1270 mètres (1268 toises).

' / oynge ù l'éijiiateitr, pag. 5S. Cctle excursion euL lieu eu juillet 1738. ' Vojez mon Recueil d'Observutions ystronmiiiqucs , Tojii. 1, iioS

ET MONUMENS DE l'amÉRIQTJE.

PLANCHES LU ET LUI.

Costu77ics cJes Indiens de Méchoacan,

Les Indiens delà province de Valladolid, l'ancien rojaume de Me'clioacan, sont les plus industrieux de la Nouvelle-Espagne. Ils ont un talent remarquable pour découper de petites figures en bois, et pour les costumer avec des vêtemens faits de la moelle d'une plante aquatique. Cette moelle très-poreuse s'imbibe des couleurs les plus éclatantes; et, taillée en spirale, elle olfre des morceaux d'une dimension considérable. J'avais rapporté, pour Sa Majesté la Reine de Pi-usse, un groupe de ces figures indiennes, disposées avec beaucoup d'intelligence. Cette piiricesse, qui réunissoit un goût éclairé pour les arts à une grande élévation de caractère, avoit lait dessiner celles de ces figures qui avoient le moins souH'ert par le transport. Ce sont ces dessins que présentent les Planclies Lll et lui : en les examinant, on est frappé du mélange bizarre de l'ancien costume indien avec le costume introduit par les colons espagnols.

PLANCHE LIV.

yue de l'intérieur du cralère du Pic de Ténérijfe.

Comme les V ues des Corddlères forment en même temps Vj4tlas pittoresque de la Relation du vo_yage aux Tropiques , on a cru pouvoir ajouter cette planche, quoiqu'elle n'ait aucun rapport au nouveau continent. Elle piësente le sommet du Piton ou Pain de Sucre^ qui renferme la Caldera du Pic de Teneriiie. On y distingue la pente rapide du cône couvert de cendres volcaniques, un mur circulaire de laves entouiant le cratcie qui n'est plus qu'une solfatare, et une large brèche qui se trouve dans ce ixinr, du cùté de l'ouest. J'avois esquissé ce dessin sous un point de vue purement géologique ; les laves lithoïdes, rongées par lactioii constante des vapeurs d'acide sulfureux, sont superposées par couches, conune les bancs que présentent les montagnes de formation secondaire.

2'^6 VUES DKS COKmLLÈRKS,

Ces couches analogues à celle que l'on reconnoît au bord de l'ancien cratère du Vésuve, à la Somma j pnroissent le résultat d'cpanchcmens successifs. Elles sont forniccs de laves vitrifiées, d'un porphyre à base d obsidienne et de pecbstein. Depuis des siècles, le Pic de Ténériffe, dont la hauteur peipendi- culaire est de plus de dix -neuf cents toises, n'agit que par des éruptions latérales. La dernière de ces éruptions est celle de Ghaliorra qui a eu lien en 1798. En voyant dans la plaine du Sparlium nubigenum l'énorme masse des déjections dn Pic, on est étonné de la pclitesse du cratèie duquel on suppose être sortis tant de cendres, de pierres ponces, et de blocs de verre volcanique; mais M. Cordier, qui de tous les minéralogistes a séjourné le plus long-temps à l'île de Ténériffe, a fait l'observation importante que le ciatère actuel, la Caldera du Piton, n'est pas l'onverture principale du volcan. Ce savant voyageur a trouvé, sur la pente septentrionale du Pic, un entonnoir d'une grandeur énoime qui paroît avoir joué le rôle principal dans les anciennes éruptions du volcan de Ténériffe.

SUPPLÉMENT.

PLANCHES LV ET LVL

Fragmens de peintures hiéroglyphkjucs lires du Codex Telleriano- He/jiensis.

La Bibliothèque de Paris ne possède pas de manusciit mexicain original, mais on y conserve un volume très-précieux dans lequel un Espagnol, habitant de la Nouvelle-Espagne, a copié, soit vers la fm du seizième siècle, soit au commencement du dix-septième , un grand nombr e de peintures hiérogly- phiques. Ces copies sont généralement laites avec soin ; elles ])0[lent le caractère des dessins originaux, comme on peut en juger par les hgures sjmbolitjues répétées dans les manuscrits de Vienne, de Veletri, et de Rome. Le volume' très-peu connu dont nous avons tiré les fragmens représentés sur les Planches lv et LVi, a appartenu jadis à Tarchevêque de Reims, Le Tellier : on ignore par quelle voie 11 est tombé entre ses mains. Il ressemble, Cjuant à Textéiieur, au manuscrit conservé dans la Bibliothèque du Vatican, sous le n." 5758. Cliaque figure biéiogljphique est accompagnée de plusieurs explications écrites, à ce qui paroit, à des époques diflerentes, tant en mexicain qu'en espagnol. Il est probable que ces notes, qui répandent du jour sur fhistoire, la chronologie et ie culte des Aztèques, ont été compôsées, par quelque religieux espagnol, au Mexique même, et sous la dictée des indigènes. Elles sont plus instructives que celles que l'on trouve dans le Raccolta di Mendoza, et les noms mexi- cains y sont beaucoup plus correctement écrits.

' Manuscrit de 9G pages in-folio, sous îe tit?-e de Geiogljjlcos dp que usavnn los Mcxicanos. {CqA. Tellei'. Remens. i/j. Reg. iGifï).

280 VUES DES CORDILLÈRES,

Le Codex Mex, Telïerianus renferme la copie de trois ouvrages clilTerens dont le premier est un almanach rituel, le second un livre d'asti ologie, et le troisième une histoire mexicaine depuis l'année 5 tochiU^ou 1 19^, jusqu'à l'année 4 callij, on i56i. Nous donneions une idée succincte de ces trois manusciits.

R'tLueL On y trouve les images de douze divinités toltèques et aztèques, les fêtes principales qui ont donné leur nom aux dix-huit mois de l'année; par exemple, les fêtes de Tecnilhuitontl , ou de tous les seigneurs; de Micajlhuitl , ou de tous les morts; de Quecholi, etc. L'hiéroglj^phe des cinq jours com- plémentaires ' termine la série des fêtes. Le propriétaire du manuscrit a suivi dans ses notes le système erroné, d'après lequel on admet que Tannée mexicaine commençoit dix-huit jours avant l'équinoxe de printemps.

2." Partie astrologique. On y voit l'indication des jours qui doivent être consi- dérés comme indiflerens, heureux ou malheureux. Parmi ces dernieis jours il j en a onze que les Mexicains crojoient très-dangereux pour la tranquillité domes- tique. Les maris dévoient craindre les femmes nées à cette époque, et l'on peut supposer que celles-ci avoient grand soin de cacher ou Talmanach astrologique ou le jour de leur naissance. L'infidélité, regardée comme l'eilet d'une aveugle destinée, n'en étoit pas moins sévèrement punie par la loi. On metloit une corde au col de la femme adultère, et on la traînoit dans une place publique , elle étoit lapidée en présence du mari. Cette punition est représentée sur la neuvième feuille* du manuscrit.

5." Annales de l'Empire mexicflm. Elles renferment trois cent soixante-quatre années. Cette partie de l'ouvrage, dont Boturini, Clavigero et Gama n'ont pas eu connoissance , et qui semble de la plus grande authenticité, mérite d'être consultée par ceux qui voudront CLitreprendrc ime histoire classique des peuples mexicains. Depuis l'année 1197 jusqu'au milieu du quinzième siècle, ces annales ne rapportent qu'un très-petit nombre de faits, souvent à peine un ou deux dans un intervalle de treize ans : depuis i^S^, la narration devient plus circonstanciée; et depuis 1472 jusqu'en 1549, J ti'oiiv'^ en détail, et presque année par année, ce que l'état physique et politique du pays a pLcsenté de I cmarquablc. Il manque les pages renfermant les périodes de 1274 i385 , de 1 '196 à i5o2 et de i5i8 à lôag. C'est dans ce dernier' intervalle que tombe

' Pl. LV, %. I.

' Même Pl., fij. 2.

KT MONTJMEINS DE l'amÉRIQUE. 281

l'entrée des Espagnols à Mexico. Les peintures sont informes, mais souvent d'unegrande naïveté. Nous citerons, |)arnii les objets dignes d'attention, l'image du roi Huitzilihuid , C|ui, n'ayant pas eu d'enfans légitimes de son ('pouse, prit pour maîtresse une femme peintre' , et qui mourut" l'année i3 lochtli, ou i4i4; les chutes de neige' qui eurent lieu en i447 et i5o5, et qui causèrent une grande mortalité parmi les indigènes , en détruisant les semences ; les tremblemens de terre de 1460'', 1462, i468, i48o, 1495, 1607, i533 et i542 ; les éclipses de soleil = de 1476, i496, i5o7, i5io, i53i ; le premier sacrifice humain'; l'apparition de deux comètes en i49o' et en i52g ; l'arrivée ° et la mort' du premier évêque de Mexico, Fjay Juan Znmaraga , en iSSa et i54g; le départ de Nuriez de Gusman'° pour la conquête de Xalisco; la mort ilu fameux Pedro Alvarado, appelé par les indigènes Tonatiuh, le xo/ei^j à cause de ses cheveux blonds"; le baptême d'un Indien jiar un moine"; une épidémie qui dépeupla'^ le Mexique, sous le vice-roi Mendoza, en i544 et i545 ; l'émeute et la punition'^ des nègres de Mexico en 1507; une tempête qui déviista les forêts'^; les ravages que la petite vérole''' fil parmi les Indiens en i558, etc.

Si les Annales du Manuscrit Le Tellier sont d'accord avec la chronologie adoptée par l'abbé Clavigero dans une dissertation que l enferme le quatrième volume de l'ancienne histoire du Mexique '?, la coi-icspondance des années aztèques et chrétiennes diffère d'autant plus de celle suivie par Boturini et Acosta. Les annales commencent à l'année 5 iocJu/i^ ou 1197, à

Pl. IV, fi;. 3.

Même Pl., fig. 4.

' Même Pl. , lig. 0 et 6.

' Même PJ., fig. 7, et Pl. Lvi, Cf. j.

' Pl. ivi, fijr. 7.

^ Voyez plus liaut , pay. (j'S.

' FI. i,v, fig. 8.

Pl. Lïl, Cj. 1.

Même Pl., fij. 6. ■■ Pl. IV, fig. 9. " Pl. 1.V1, lig. i. " I/iiitm/i. ■' Pl. ivi , fig. 5. '* Même Pl. , %. 2.

Même Pi. fig. 5. ■= Même Pl. , lig. 5. " Slon'n aniica , T. iv j pag. 5i.

71

282 VUES DES CORDir.Tj'.AES,

l'époque de ranivée des Mexicains i\ Tida, (jui est la limite septentrionale de la vallée de Ténoclitillan. La gramle comète dont l'npparition est indiquée près de riiiérogljphe de Vannée 11 (och/li, ou 1490, est celle qui fut regardée comme un présage de Tarrivée des Espagnols en Amérl([ue. Montezuma , mécontent de l'astrologue de la onui', le fit périr à cette occasion". Les présages sinisties continuèrent jusqu'en i5og, l'on vit, selon le Manusciit Le Telliei', pendant quarante nuits, une vive lymière vers l'est. Cette lumière, qui paroissoit s'élever de la terre même, étoit peut-être la lumière zodiacale, dont la vivacité est très-grande et tiès-inégalc sous les Tropiques. Le peuple regarde comme nouveaux les phénomènes les plus communs, dès cjue la super- stition se plaît à y attacher un sens m^stéiieux.

Les comètes de 1490 et i5:*9 sont ou des comètes qui ont paru près du pôle austral, ou celles que le PèrePingié ' Indique comme ajant été également vues en Europe et en Chine. Il est remartpiable (juc riiiéroglyplie qui désigne une éclipse du soleil^ est composé des discjues de la lune et du soleil, dont l'un se projette sur l'autre. Ce symbole prouve des notions exactes sur la cause des éclipses; il rappelle la tlansc allégorique des prêtres mexicains , qui repré- sontoit la lune dévorant le soleil. Les éclipses de ce dernier astre correspondantes aux années Blatlaclh Tecpatl , Nahui Tecpatl et Orne Acatl^ sont celles du 25 lévrier i47'Jî tlu 8 août 149(5, du i5 janvier i5o^ et dti 8 mai i5io: ce sont autant de points fixes pour la chronologie mexicaine. L\lH de i>éri/ier les dates ne fiiit mention d'aucune éclipse de soleil dans le cours de i^oi; tandis que nos annales en indiquent pour Matlactli Orne Acatl, qui correspond à cette année de nolie ère. L'éclipsé de 1476 a servi aux historiens mexicains à fixer l'époque de la victoire (pic le roi Axajacatl rempoLta sur les Matlatzinques ; c'est celle sur laquelle M. Gama a fiiit im si grand nombre de calculs''.

J'ignore (juel est le phénomène ^ qui, dans le commentaire, se trouve souvent désigné paL- les mots: «Cette année, I ctoile répandoit de la fumée. » Le volcan

-' Clavigcro, t. I, pag. 288.

" Comélographie , T. i, pag. 478 el^SG.

' Pl. LTi, fig. 7. Voyez plus haut , p. 190.

^ G.^M.*, Dfscripcion de dos Piedias , pag. 8j - 89. Tonyi i;mai.>a ^ T. 1, lili. [i, ciip. Botlt.iki, j. 8, n. i3.

' Pl. LVl, Cj. 2.

I

I

ET MONUMENS DE l'amÉiIIQUE. 285

cl'Orizava poi loil le nom de CillaltepetI , montagne de l Etoile^ et l'on poHrroit cioiie que les Annales de TEinpiie renrcrmoietit les diverses époques de l'éruption de ce volcan. Cependant, à la page 86 du Manuscrit Le Teilier, il est dit expressément «que Tétoilc qui fiimoit, la estrella que humeava^ étoit Sitlal choloha que les Espagnols appellent Vénus, et qui étoit l'objet de mille contes fabuleux. » Or, je demande quelle illusion d'opllque peut donner à Vénus Tapparence d'une étoile qui répand de la fumée ? Seroit-il question d'une espèce de balo formé autour de la planète? Gomme le volcan d'Orizava est placé à l'est de la ville de Cbolula, et t[ue son cratère enflammé i-essemble de nuit à une étoile cpii se lève, on a confondu peut-être, dans un langage symbolique, le volcan et l'étoile du matin. Le nom f[ue V('nus porte encore parmi les indigènes de race aztèque, est celui de TUizolleoll.

PLANCHE LVIL

Fragment d'un Calendrier chrétien tiré des njanuscrils aztèques conservés à la Sibliothéque royale de Berlin.

C'est le calendiler biéioglypbiquc fait après l'aiTivée des Espagnols dont nous avons parlé au commencement de cet ouvrage'. Le papier est de metl; les figures sont au simple trait, et dépourvues de couleurs comme dans quelques bandelettes de momies égyptiennes; c'est de l'écriture plutôt que de la pein- ture. Les jours de fêtes sont indiqués par les ronds qui désignent les unités. Le Saint-Esprit est représenté sous la forme de l'aigle mexicain Gozcucfiiaulitli, «A l'épofpje oii ce calendrier a été composé, le christianisme se confondoit avec la mjtliologie mexicaine; les missionnaires ne toléroient pas seulement, ils favorisoient même, jusqu'à un certain point, ce mélange d'idées, de symboles et de culte. Ils persuadèrent aux indigènes que l'Evangile, dans des temps très-reculés, avoit déjà été prêché en Amérique; ils -en chcrclièrent les traces dans le rite aztèque avec la même ardeur que, de nos jours, les savans qui s'adonnent à l'étude du sanscrit, mettent à discuter l'analogie de la mytho- logie grecque avec celle des bords du Gange et du Bourampouter \ »

' Essai politique sur la I\om-. Espagne, T i. p. 9^-

284

YUES DES CORDlLLÈnL'.S,

PLAINCHES LVIII ET LIX.

Peintures hiéroglypIiUpies de la Raçcolla di Mendosa.

Ces planclies servent à jeler quelque jour sur ce que nous avons dit plus liaul du rite et des mœurs des anciens Mexicains '. Nous ne saurions mieux laire connoitre le manuscrit intéressant connu sous le nom de Raccolta 3Ie/tdoza, qu'en rapportant ici l'explication que M. de Palin en a donnée dans son ouvrage siu' Vétude des hiéroglyphes. Nous sommes loin de souscrire sans exception aux rapprocliemens faits par cet auteur ingénieux; mais nous pensons que c'est une idée belle et l'éconde que de considérer tous les peuples de la terre comme appartenant à une même ftmillc, et de reconnoître, dans les symboles chinois , égyptiens, persans et américains, le type d'un langage de signes qui est comimm, pour ainsi dire, à l'espèce entière, et qui est le produit naturel des facultés intellectuelles de l'bomme.

« Le recueil , conservé par Purclias et Thévcnot , présente, en trois parties, la fondation de la cité et son accroissement par les conquêtes de ses piinces; son entretien par les tributs que payent les villes conquises; ses institutions, et le détail de la vie des citoyens. Tout cela s'aperçoit au premier coup d'œil : on distingue d'abord les dix chefs de la colonie fondatrice de l'Empire, ayant les symboles de leur nom marqués sur leur tète. Ils ariivent auprès des objets qui forment les ai moiries de la ville de Mexico ; cette pierre surmontée d'un figuier des Indes, sur lequel est un aigle', rappelle l'aigle perché sur un arbre, et la coupe que le dieu Asti-ochiton donna pour signes de reconnoissance du lieu Tyr ' devoit être bâtie. Une maison, une habitation désigne la ville nouvelle un bouclier avec des flèches, l'occupation à main armée''. Les symboles auprès de deux autres maisons entourées de combattans,

P=e. 78.

Pl. i.ïiri, %. 1.

' Nosnts, XI., ï. /,77Ô.

* Momint. do Rdsolle , et Denod , Pl. cxxxiii. MtoRiPOLL, II, 5, 12.

y-- !

ET MONUMENS DE L AMERIQUE. 285

nous apprennent les noms des deux premières villes conquises. Le reste de l'histoire est compose dans le même esprit et de parties semblables : partout on voit des armes, Tinstrument de la conquête, entre les figures du prince conquérant et des villes conquises, avec les symboles de leurs noms et des années. Ces dernières sont rangées auprès de la représentation de chaque événement, dans une sorte de cadre qui entoure les tableaux , et qui contient les hiéroglyphes d'un cjcle chronologique de cinquante-deux ans. «

« Les notes des contributions forment la seconde partie du Recueil de Mendoza, composée des noms des villes contribuables, et des objets que chacune d'elles ctoit tenue de délivrer en nature au trésor et aux temples designés à la téte de cette liste par le symbole de calli. Ces objets consistent dans toutes les productions utiles delà nature et de l'art; or', argent et pierres précieuses; armes, nattes, manteaux et couvertures ^ ; animaux et oiseaux, plumes; cacao, maïs et légunies; papier de couleur, lîorax, sel, etc. Ils étoient représentés, soit en figurant le contenant pour le contenu, par des vases^, corbeilles, charges, sacs, caisses et ballots de formes déterminées, soit par des indications de leurs propres formes. La quantité est exprimée au moyen de signe de nombre qui désignent les unités par des points et des boules; les vingtaines'' par un caractère qu'on rctiouve parmi les hiéroglyphes; quatre cents, ou vingt fois vingt, par un épi ^, un ananas ou une plume, dans laquelle on renfermoit le sable d'or; vingt fois quatre cents ou huit mille, par une bourse^', valeur déterminée, à ce qu'il paroît, par l'usage de renfermer tant de milliers de noix de cacao dans un sac : c'est de la même manière qu'une somme d'argent étoit désignée dans le Bas-Empire, et qu'elle l'est encore dans les états Ottomans. »

« Cette méthode et ces dénominations indiquent l'origine des symboles des nombres dans le livre mexicain. On voit combien ce tableau, qui représente un état de société primitive, ollie d'analogie avec les insciiptions historiques

' Pl. LVIII, %. 5.

' Pl. LVIII. fig. 9.

^ Pl. LVIII, fig. 6.

* Pl. LVIII, fig. 5.

' Pl. LVIII, fig. 10.

^ Pl. LYUI, fig. xG.

72

2^6 VUES DES C0KUIL1-È1\ES,

dans les ruines de Tlièbes, dont parle Taciie, et dans lesquelles une longue liste de contjui'tes ctoit suivie de même de celle des tributs payés en nature par les peuples soumis '. Les lois, comme les préceptes religieux des mystères, étoiont exposés dans l'intéiieur des temples et sur des caisses de momie; comme ces tableaux des mystères d'Eleusis, copiés de ceux d'Egypte, (pù rctiaçoient la vie depuis le berceau jusqu'aux portes de la mort'.»

« Des lois mexicaines forment la troisième partie du niaiiuscrit que nous examinons, et qui embi assc la vie entièie des citoyens en mettant sous leurs yeux le tableau de toutes les actions que la loi presciit, et dont elle montre d'avance le modèle. De même (|ue les liiéioglyplies d'amulettes supposent l'optatif, on n'a qu'à lire tout ce morceau à limpéialif ; rpie la mère Instruise l'enfant au berceau en lui adressant la parole liguréc par une langue; que l'enfant soit mis au Innceau dès le premier jour de sa naissance, marquée par une première flenr qui tient au berceau, et qui est suivie de trois autres; qu'après l'avoir voué aux dieux'' la sage-femme le lave le cinquième jour, dans la cour, au milieu des armes et des instrumens nécessaires aux travaux de son sexe. Cette cérémonie se (ait devant trois enfans (qui désignent des enfans en général): ils nomment le nouveau - ne et célèbrent sa naissance en mangeant du maïs^. Dans l'inscription de Rosette, un déciet ordonne la même chose, et par une pareille représentation; les trois célébrans y étant réunis aux tioîs fleurs pour former le caractère de la célébration du jour de naissance, <pre l'on représente aussi par le lever du soleil ^ Tous les détails de ce tableau ou de cette table de loi mexicaine rappellent le baptême des prosélytes du judaïsme, en présence de trois témoins et les dfX'^iS'^àfj.iaL des Giecs, l'enfant, le cinquième jour de sa naissance, étoit voué aux dieux et obtenoit un nom, après des cérémonies expiatoires. La loi ordonne encore dans cette première division que les païens présentent l'enfant au berceau devant le grand-prêtre et le maître d'armes, et qu'ils songent à sa destination future. Son éducation est preseiite par la peinture tles tables suivantes, qui exposent

' Leqehanltir et indicta gentibiis tributa , pondus ariit-rilî et nurï , nuincrus ariiinnim cijuoruniquif , et dona templis, eburalt/ue adores, ijuasque copias fruinenti et oiiinium iilensîliiun Cjitwijim natio pendciii. ° TuEMiSTiDs dans Stobée, Scrm. iig-, pag, io4.

3 Avec cinq prières aux dieux maîlres du cïel et de l'eau, à lous les dieux, à la lune et au soleil.

4 Pl. HX, %. 1.

^ Analyse de VInscr. de Rosette ^ p. i/jS.

ET MONUMENS DE l'amÉkIQCE. 287

Finstmction voibale et qui indiquent la ration tic la cleini-galetle, et de la galette entière à la marque Kermotique de sept' que les parens ont à donner aux enfans de trois et t|ualre ans. Les nombres d'années sont marques par des cercles, couune dans les hiérogU'pbes et dans la langue des Uoniains. A cinq ans, le garçon porte des fardeaux, et la fille regarde fder sa mère; à six, elle fde elle-même, et obtient, comme le garçon, une galette et demie par repas. A huit ans, les instnimens de punition sont montres aux enfans dèsobèissans et paresseux; on les menace; mais ce n'est ([u'à dix ans qu'ils sont punis'. A treize et quatorze ans, les enfans des deux sexes partagent le travail des parens; ils rament, ils pèchent ou ils font la cuisine et travaillent des ctofïes^. A quinze ans, le père présente deux fils à deux difierens maîtres du temple et du colli.-ge militaire; c'est l'âge de choisir un état : la fdie Tobtient en se mariaÈit. Dès-lors, les années ne sont plus comptées : on voit le jeune homme suivre et servir les jarùtres et les guerriers, en recevant des instructions et des chàtimens dans cette double carrière. Il parvlcirt aux honneurs des emplois, aux boucliers blasonnés (|ui sont les marques des belles actions, au ruban rouge dont est ceinte la tète du chevalier initié; aux autres distinctions que le souveiaiii accorde à la valeuL-, selon le nombre des pL-isonniers qui ont été faits : ces difïei ens grades sont désignés depuis le simple soldat jusqu'aux premiers chefs et aux généraux d'armée, même jusqu'au cacique rebelle et puni. L'histoire de ce cacique amène sur la scène des messagers d'état en fonction, des espions, des sergens, des juges, les grands tribunaux de Tempire, et enfin le souverain même, assis sur son tione. »

« Ces tableaux sont suivis de représentations de plusieuis métiers qui obtiennent des réglemens, et de plusieurs délits avec leur punition. Le tout est terminé par I homme et la femme à l'âge de soixante-dix ans, jouissant, sur le bord du tombeau , au milieu de leur postéritt-, du privilège royal persan de s'enivrer ou de se soustraire à la loi pour oublier leurs peines''. Le cercle qui désigne l'année est répété dans cet endroit, mais divisé par une double cioix grecque, et surmonté de la note numéraire de vingt, pour niarrjLier cha([ue vingtaine. Parmi d'autres caractères dans cette partie de l'ouvrage, on

Pl. i.ix , iii;. -J. 'Pl. MX, Ëg. 3 ei 4- 'Pl. Lviii, IÎ-. 12.

" Pl. MX, fiy. 7.

288 VUES DES CORDÏLLl',BES,

doit citer celui du ciel nocturne, (ju'observe un prêtre astronome Cette section du cercle, cet arc couvert de petits ronds avec des jeux, rappellent l'hiérogljplie egjptien du ciel et ses images couvertes d jeux \ »

Nous consignons ici les notes fjui, d'après le texte mexicain, se trouvent ajou- tées au Recueil de Blendoza dans les deux édilions de Purclias^ et de Thevenot''. Pl. T^vui , Fig. I. Les dix fondateurs de Tenoclitidan : Acacitii; h^, Quapan ;

c, Ocelopan; d, Aguexotl; Tecineuli; /; Tenuch; g, Xominitl; h_, Xocojol; ij, Xiubcaqui; k, Acotl. La ville de Ténoclititlan ou Mexico est indiquée par les armes qui ont servi à conquérir le terrain elle a été construite : on voit au-dessus de ces armes le tuna ou liguler d'Inde, 7??^ fixé sur un roclicr; et l'aigle, iij, perché sur le figuier. (Une ancienne prophétie portoit que les migiations des Aztèciues ne trouveroient leur terme que lorsque les chefs du peuple rencontreroicnt un aigle placé sur un cactus. L'endroit ce prodige auroit lieu, devolt être remplacement de la nouvelle ville.) Les lignes t qui forment une croix, indiquent ou des digues ou les canaux qui traversoient le pays marécageux habité par les fondateurs de Ténoclititlan.

Fig. 1. a, dix années du règne de Chimaipupuca h ; un bouclier c, et des daids pour désigner la coiK[uète de Tec[uixqniac d et de Chalco e. Moit de Chimaipupuca /.' Insurrection des babitans de Chalco g-. Ils biisent quatre bateaux ennemis //_, et tuent cinq Mexicains (On doit être étonné que la mémoire d'un si petit événement se soit conservé à travers des siècles. )

Fig. 3. Tiibut de huit cents peaux de tigres.

Fig. 4- li'ibut de vingt peaux de tigres.

Fig. 5. IVlljut (['(jr en barre et en poudre.

Fig. G. Trib. de quatre cents pots de miel tiré du Maguey, Agave amei-icana. Fig. •-j. Militaires de l'ordre des prêtres.

' Pl. i.vin, 8.

' Palin, de l'Etude des Hiéroglyphes, t. I, p. 88-1)7. texte de l'original cUint défiguré par des erreurs lypngraj'liiijnes, on u fiiil de légers ciiangemeiis , sjins lesquels plusieurs phrases auroienl été inintel-

Pdg,-im,iRfn-e hooks, Ï.III, p. 1068, 1071, loSs, J087, 1089, (091 el 1097. Rflalion de- dii'ers Tuj-ages curitux , par Mdchlsadsc T/ie\-cuol , T. II, i>,

ET MONUMENTS DE L AMERIQUE. 289

Fig. 8. «Uti des prlacipaiix prêtres, va la nuit, à la montagne pour y faire pénitence; il porte du feu et une bourse remplie de parfum de copal; il est suivi d'un novice, b. Un autre prêtre, c_, joue la nuit d'un instrument de musique nommé téponatztli. Un troisième prêtre, connoît l'heure qu'il est, en observant les étoiles, e. »

Fig. 9. Tribut d'étoffes servant de vêtement. Chaque ballot h c , d e) renferme quatre cents pièces, comme findique le chiffre inscrit.

Fig. 10 et n. Idem.

Fig. 12. Une mère, h, instruit sa fdlc, o, à tisser, q. Fig. i3. Un orfèvre instruisant son Uls.

Fig. i4- Tribut: dix fois quatre cents ou quatre mille nattes et autant de sièges de joncs.

Fig. i5. Tribut: quatre cents coquilles marines des côtes de Colima.

Fig. 16. Tribut: huit mille ballots de copal. Pl. nx. Fig. I. « La figure, a, est une femme qui vient d'accoucher. Son enfant étoit placé dans le berceau, c ; et, quatie jours apiès marqués par les quatre ronds, la sage-femme, (/, portoit l'enfant tout nu dans la cour de la maison de l'accouchée et le mettoit sur des joncs appelés Tule^ ï, étendus par terre : trois jeunes garçons, fj, g, 7i , assis procJie ces joncs, mangeoient de Vixicue ou maïs rôti mêlé de lèves cuites , que la ligure représente devant eux dans un vase. La sage-femme, a^ant lavé l'enfant, disoit à ces garçons qu'ils le nommassent à hante voix du nom qui lui seroit donne. Lorsqu'on portoit laver l'enfant, si c'étolt im garçon on lui mettoit à la iTiain les outils, e, dont son père se servoit dans le métier cpi'il exerçoit : une targe et des dards, par exemple, lorsque le père suivoit la profession des armes; et si c'étoit une hlie, une quenouille et un fuseau, /, un panier, ïïi, un balai, A. Après que cette cérémonie (de l'ablution et du baptême) étoit achevée, la sage-femme reportoit l'enfant à la mère. Si le garçon étoit fds d'un homme de guerre, on enterroit la targe et le dard, proche du lieu où. vraisemblablement il devoit un jour se battre contre les ennemis ; quant aux outils dont se servoicnt les biles, on les enterroit sous u\\ inetate ou pierre, sui-

73

VUES DES CORDILLÈRIiS,

laquelle on pctilt les galclles de niiiïs. Loisqnc le pèie, y, et hi mère, r, de l'enfant, o, vouloicnt qu'il se dediàt à iV'tat ecclésiastique, ils le portoient au temple le vingtième jour après Tablution. En le pre'sentaut à raulel, ils ajoutoient des oftiandes de riches étoffes et de comestibles. Quanti l'enfant ëtoit en âge, on le mettoit enlre les mains du grand-prêtre, h, pour Tinstrpire sur l'ordre des sacrifices. Si les parens vouloient que l'enfant portât des armes, on l'offioit au Teacliauch, p, dont la fonction etoit d'enseigner aux jeunes gens l'ai t de la guerre. » Fig. 2. « Ration ou novu'riture accordée aux enfans à clia<]ue repas : le père , a, donne des préceptes à son fds, c, âgé de trois ans marqués par les trois ronds, h. Le garçon de cet âge avoit à cIkh^uc repas la moitié d'une galette de maïs, J. La mère, e, donne des préceptes à la lille âgée de trois ans, la fille avoit aussi la ration d'une demi-galette , f. » Fig. 5 et 4- Punitions des enfans : on les pique avec des feuilles de

magnej ; on les expose à la lumée du piment. Fig. 5. La femme adultère et son amant , liés ensemble pour être lapidés. Vo^ ez le manuscrit Le Tellier de la Bibliothèque de Paris,

Pl. IV, llg, 1.

Fig. 6. «Le père, a, met un de ses fils, âgé de quinze ans, entre les mains du Tlaînacazt/tiij c, ou grand -prêtre du temple Cahnacac , pour l instruiie et en faire un prêtie. Un autre fils, Cj du même âge, h, est envo_)é par son père à l'école, g, pour y être instruit pai- le uiaftie (jui est préposé aux enfans. «

« Lorsqu'une fdle se marioit, V Jma7i(ezaj ou cntremetteui' du mariage, la portoit vers, le soir, sur son dos, w chez le garçon qui la devoit épouser : il étoit éclaiié par quatre lènuïies, Xj a_yant cliacune à la main une espèce de torche laite de bois de pin, marquée par les chiflVes i, a, 5 et 4- Les parens du garçon viennent lecevoir la lille à l'entrée de la cour de la maison, et l'introduisent dans une salle le garçon l'attend : ils s'y asse^-ent sui- des sièges rangés sur une natte, Oj et toute la cérémonie du mariage consiste à nouer un coin du bns de Fliabil du garçon, /,

I

1^

0

ET MONUMENS DE T.'amÉrIOUE. '2(Jl

avec un coin de celui de la fille, m. Ils offrent à leurs dieux, par forme de sacrifice, du parfum de copal, tprils brûlent sur un vaisseau il y a du feu. Deux vieillards, i^, r, et deux vieilles femmes, n, v^, sei-veut de témoins. Les nouveaux maries mangent, après, des viandes que l'on a servies, et boivent, dans des tasses, tj du puUjue représenté par le pot, s. Les vieillards et les vieilles femmes mangent aussi, et, après le repas, chacun exhorte en particulier les nouveaux mariés à bien vivre dans leur ménage. » Fig. ^. «La loi permet à un vieillard de soixante-dix ans, f_, de s'enivrer en public et en particulier. Sa femme, gj a le même privilège si elle est gi and'mère. «

PLANCHE LX.

Fragmens de peintures aztèques , tirés d'un manuscrit conservé à la Bibliothèque du T^atican.

Ces figures symboliques sont choisies parmi celles du manusci-it dont nous avons parlé au commencement de cet ouvrage, page 8^.

PLANCHE LXI.

J^olcan de JPichincha.

Cette vue a été prise à Chillo , maison de campagne du marquis de Selvalcgre, dont le fils nous a accompagn(?s dans notie voyage au Mexique et à la rivière des Amazones. On aperçoit le volcan au-dessus de la savane de Cachapamba : on distingue, dans mon dessin (i), Rucupichincha ou les sommets couverts de neiges qui entourent le cratère ; le cône de Tablahuma le Picaclio de los Ladrillos (5); la cime rocheuse de Guaguapîchincha (4), qui est le cacumen lapidewn des académiciens françois; enfin la cime sur laquelle est placée la funcuse croix qui a servi de signal lors de la mesure de la méridienne (5). Les hauteurs absolues de ces cimes sont, d'après mes observations, de deux mille trois cents à deux mille cinq cents toises; mais

293 VUES DES CORDILLÈRES,

comme la plaine de Ghillo est déjà élevée de mille trois cent quarante toises au- dessus du niveau de l'Océan, la vue du volcan de Picliincba est moins imposante du côté oriental que du cûté occidental, commencent les vastes foiêts des Esméi-aldas. Les distances et beaucoup d'angles de hauteur qui ont servi pour tracer ce dessin, ont été déterminés au moyen d'un sextant de Ramsden.

PLANCHE LXIL

Plan d'une maison fortifiée de Vlnca , située sur le dos de la Cordillère de VAssuay. Ruines d'une partie de l'ancienne ville péruvienne de Cliulucanas.

I. Le plan de la maison fortifiée du Cafiar a été relevé par M. de La Condamine en 17^9; on a tâché de rectifier, d'après les relèvemens que j'ai pris en i8o3, le dessin qui se ti'ouve à Paris dans les archives du Bureau des LongiUides, et qui a servi à la planche insérée dans les Mémoires de l'Académie de Berlin '.

A B. Terre-plein fait à la main, élevé de cinq à six mètres au-dessus de l'ancien niveau du sol.

C D. Logement carré dont nous avons donné le dessin à la Planche xx. On distingue, dans l'appartement occidental, des pierres cylindriques qui saillissent d'im demi-mètrè hors du mur à angle droit et qui semblent destinées à suspendre des aimes.

L. F. Terrasse qui soutient le terre-plein et cjui a pour base une seconde terrasse, J H, de deux mètres de large et de cinq mètres de haut. La plate -forme (jui termine le terre-plein, a la forme d'un ovale alongé, dont le grand axe fait, avec le méridien magnétique, l'angle N. 6'" O, la déclinaison de raignille étant supposée de 8" au noid-est.

S R. et L M. Deux rampes par lesf|uclles on monte à l'esplanade au sud et au nord de la Forteresse, la première aboutissant au milieu, la seconde au quart de la longueur de la plate-forme. A l'extrémité de la rampe septentrionale. M, commence la terrasse inférieure, G H.

' Mém. de l'Jcatl. cli: Berlin, 17/16, p. 448-^54.

ET MO?)BMENS DE l' AMERIQUE. 2g3

N O. Mur tiré d'un pignon à l'autre, et séparant le bâliment carré en deux appartemens.

P et Q. Les deux portes regardant les deux extrémités demi-circulaires, A D, qui terminent la plate-forme.

R S. Terrasse revêtue de pierres, plus basse do quatre mètj'es que la plate-forme ovale. Celte terrasse prend naissance à l'extrémité occidentale du terre-plein : elle avance d'abord en saillie , R , de quelques pieds au nord, comme pour barrer et terminer la fausse braie, G H : de elle tourne à angle droit vers l'ouest, et se prolonge sur une longueur de vingt- huit mètres, formant une courtine dont l'extrémité occidentale s'appuie à une espèce de bastion carré, T V, composé de deux flancs et d'une face. Au-delà de ce bastion il n'y a que les vestiges d'une muraille simple, sans aucune apparence de fortification. Celle muraille suivoit toujours la partie la plus élevée du terrain qui s'aplanit peu à peu, retournoit à l'est par le sud en faisant un demi-cercle, T Y, cl redevenoit ensuite parallèle à la longueur du lerre-plein. La partie V X de la muraille est bien conservée.

XYZWL. Enceinte assez irrégulière, divisée en quatre cours; la première, dont il reste des vestiges du coté de l'orient en rw et A r, est un cairé long de quatre-vingts pieds sur cent dix pieds : elle étoit, à ce qu'il paroît, entourée de petils corps-do-logis isolés, plus longs que larges, dont on distingue encore les londemens en quelques endroits.

r ^ ^ A. La seconde cour un peu plus petite cjue la première et sans vestige d'aucun bâtiment.

X Y Z ^ ^ j». La troisième cour, la plus grande de toutes , mais très- irrégulière. Les murs de cette partie de l'enceinte sont de cons- truction moderne, et il se pourroit que le petit bâtiment carré dont on voit les ruines, ,ti_, eût été primitivement hors de la forteresse.

a b c d e f. Six salles de la quatrième cour, renfermées dans l'enceinte irrégulière R S 1' V X , au sud et à l'ouest de la forteresse.

agzj. TUES DES CORDILLERES,

r et s. Vestiges de deux portes percées dans un mur qui ctoit parallMe au mur g i h.

g h. Galerie étroite par laquelle on parvient au bastion S T : elle est voisine de la rampe intérieure, I R, par laquelle on monte à la plate-forme de la forteresse du côté du sud.

k et /. Portes dos deux édifices d et e.

n et o. Portes ouvertes à l'est et au nord, conduisant aux petits édifices ej,f. Ces édifices, destinés au logement de la garde de flnca, paroissent construits avec beaucoup moins de soin que les précédens, et sans le secours de féquerro. M. de La Gondamine pense que le prince et sa femme babitoienl les édifices désignés par les lettres a et b. Les portes Pj (J j g et h ont la hauteur nécessaire pour le passage d'un homme assis dans un brancard et porté sur les épaules de ses domestiques. Les niches ' creusées dans les murs intérieuj s sont indiquées dans le plan.

Comme le but principal de cet ouvrage est de donner une idée exacte de l'état des arts chez les peuples civilisés de l'Amérique, nous avons préféré de présenter les ruines de la maison de fhica duCanar, telles qu'on les vojoit en 1739. Beaucoup de murs ont été abattus depuis cette époque, et j'ai eu de la peine à reconnoUi e toutes les divisions qui sont tracées dans le plan de M. de La Gondamiiie.

IL Les ruines de l'ancienne ville de Cliuhicanas sont très-remarquables à cause de l'extrême régularité des rues et de l'alignement des édifices. On les trouve sur le dos des Gordillères, à quatorze cents toises de hauteur dans le Paramo de Glinlucanas, entre les villages indiens d'Ayavaca et de Guancabamba. Le grand chemin de flnca, un des ouvrages les plus utiles, et en même temps des plus gigantesques que les hommes aient exécuté, est encoi'e assez bien conservé entre Cliuhicanas, Guamani et Sagique. Sur la crête des Andes, dans des lieux excessivement froids et qui ne pouvoient avoir de l'attrait que pour les habitans du Couzco, on voit partout les restes de grands édifices : j'en ai compté ncul' entre le Paramo de Chulucanas et le village de Guancabamba :

' \oyc7. plus haut, pay. 108 cl uG.

ET MONUMENS DE l' AMERIQUE. Q.q5

on les désigne, dans le p;iys, sous le nom pompeux de maison ou de palais de rinca , mais il est probable que la pkipart étoient des caravanserais construits pour faciliter les communications militaires entre le Pérou et le royaume de Quito.

La ville de Chulucanas paroît avoir été placée sur ïa pente d'une colline, au bord d'une petite rivière, dont elle étoit séparée par une muraille. Deux ouvertures prati(juées dans cotte muraille corresjjoiidoient aux deux rues prin- cipales. Les maisons, construites en porphyre, sont distribuées en huit cpiartiers formés par des rues qui se coupent en angle droit. Chaque quartier roiferme douze petites habitations, de sorte qu'il y en a quatre-vingt-seize dans la partie de la ville dont nous offrons le plan sur la soixante-deuxième Planche. Je préfère le mot d'habitation k celni de maison, parce que ce dernier fait naître l'idée de plusieurs appartemens communiquant entre eux et se trouvant dans une même enceinte, tandis que les habitations de Chulucanas, comme celles d'Herculanum , ne présentent qu'une seule pièce dont la porte donnoit proba- blement sur une cour intéiicuie. Au centre des huit r[uarliers que ïious venons de désigner, se trouvent les restes de quatre grands édifices de forme oblongue, et qui sont séparés par quatre petites fabriques carrées, occupant les quatre coins. A la droite de la rivière qui borde la ville, on découvre des construc- tions très-bizarres qui s'élèvent en amphithéâtre : la colline est divisée en six terrasses , dont ehacpie assise est revêtue en pierre de taille. Plus loin se trouvent les bains de iTucaj, dont je donnerai une description plus détaillée dans la Relation iiistoiitjuc de mon vojage. On est surpiis de trouver des bains sur un plateau dont les sources natui elles ont à peine une température de dix à douze degrés du tbermomètre centigrade , et l'air se refroidit jusqu'à six ou huit degrés.

PLANCHE LXIIL

Radeau Je la rivière de GuayaquiL

Ce dessin ofTie le double intérêt de présenter un groupe de fiuits de la zone équinoxiale, et de faire connoître la forme de ces grands radeaux {balzan)^ dont les Péruviens se servent depuis les temps les plus reculés sur les côtes

2g6 VUES DES CORDILLÈRES,

de la mer du Sud et à remboucluire de ]<-l rivière de Guayaquil. Le radeau, charge de fruits, est figure au moment il est mis à Tancre dans la rivière. On distingue, vers la proue, des ananas, les drupes pyriformes de l'Avocatier, les baies du Theoplirasta longifolia, des régimes de bananes, et des fleurs de Passiflore et de Lecjtliis ombragées de feuilles d'Heliconia et de Cocotier. Les radeaux employés, soit pour la pèche, soit pour le transport des marchandises, ont seize à vingt-cinq mètres de long; ils sont composés de huit à neuf solives d'un bois très-léger'. Don George Juan' a public des observations très-curieuses sur les manœuvres de ces embarcations fpii , lourdes en apparence, louvoient très-près du vent.

PLANCHE LXIV.

Sommet de la monlagne des Organos d'Aclopan.

La montagne poiph^yiique de Mamnncliota, célèbre au Mexique sous le nom de lus Organos, est située au nord-est du village Indien d'Actopan. La partie élancée du rocher a cent mètres de hauteur; mais l'élévation absolue du sommet de la montagne, les Organos commencent à se détacher, est de i585 toises. C'est dans le chemin de Mexico aux mines de Guanaxuato tju'on distingue de très-loin, et se détachant sur Thoiizon, le rocher de Mamanchota : il s'élève au milieu d'une forêt de chênes^, et oflVe un aspect très-pit tores c|ue.

PLANCHE LXV.

Montagjies de porphyre colonnaire du Jacal.

Cette vue a été prise dans la plaine de Copallinchîche qui fait partie du grand plateau mexicain, et qui est élevée de treize cents toises (253o mètres) au-dessus du niveau de l'Océan. Les montagnes de fOyamel et du Jacal, composées d'énormes colonnes de porphyre trapéen, sont couronnées de pins et de chênes. C'est entre la métairie du Zembo et le village iirdien d'Omillan que

' Bombax et Oclironia.

' F'ajage hislorù/ue de L'Amérique Méridionale , Tom. i, pag. 168. ' Essai poUliqtie sur la NouvclU- Espagne , Tom. 1, pag. 289.

_ A

1,;.»,

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ET MONUMEiVS DE l'amÉRTQUE. ^Q']

se trouvent les fameuses mines d'iztli ou d'obsidienne, exploitées par les anciens Mexicains. Cette contrée s'appelle, dans le pajs, la montagne des Couteaux^ el Cerro de las Nabajas. La cime du Jacal a seize cent trois toises (5ia4 mètres) d'élévation absolue. Mon dessin offre les contours du Cerro de Santo Domingo (i); du Mocaxetillo (2); des Orcones (5), et du Jacal, ou Cerro Gordo (4).

PLANCHE LXVI.

Tête gravée en pierre dure par les Indiens Muyscas. Bracelet d'obsidienne.

La tête sculptée est l'ouvrage des anciens habitans du rojanme de la Nouvelle - Grenade. La pierre regardée par c]uelques minéralogistes comme une smaragdite, n'est indubitablement qu'un quartz vert qui fait passage au Iiornstein. Peut-être ce quartz, d'une dureté extrême, est-il teint, comme la chrjsoprase , par l'oxide de nikel; il est perforé de manière que les ouveitures da trou cjlindiique sont situées dans des plans qui se coupent à angle droit. On peut supposer que cette perforation a été faite au moyen d outils de cuivre mêlé d'étain; car le fer n'étoit pas emplojé par les Muyscas et les Péruviens. Le bracelet d'obsidienne a été trouvé dans un tombeau indien, dans la province de Meclioacan au Mexique. Il est extrêmement difficile de se former une idée de la manière avec laquelle on est parvenu à travailler une substance aussi fragile. Le verre volcanique, parfaitement transparent, est réduit à une lame dont la courbure est cylindrique, et qui a moins d'un millimètre d'épaisseur.

PLANCHE LXVIL

J^ae du lac de Gaatavita,

Ce lac est situé au nord de la ville de Santa -Fé de Bogota, à la hauteur absolue de plus de quatorze cents toises sur le dos des montagnes de Zipaquira, dans un lieu sauvage et solitaire. On a indiqué dans le dessin

75

■2qS vijES des conD]i,],Kr\r,s,

les restes tViin escalier servant à la cérémonie tles ablutions, et une coupure (le montagnes. On avoit tente, peu de temps après la conquête, de faire cette brèche pour dessécher le lac et pour retirer les trésors que, selon la tradi- tion, les indigènes y avoient cachés, au moment Quesada païut avec sa cavalei'ie sur le plateau de la Nouvelle-Grenade.

PLANCHE LXVIII.

T^z/e (h la Sllla de Caracas.

Cette inontngiic granitique, très-difficile à gravir parce c|ne sa pente est couverte d'un gazon serré , a plus de treize cent cinquante toises de hauteur absolue. Depuis la cote de Paria jusqu'à la Sierra Nevada de Sainte- Marthe, il n'y a pas d'autre cime qui égale en élévation la Silla de Caracas, appelée aussi Montana de Avila. Les deux sommets arrondis portent le nom de Selle (Silla) : ils servent de marques pour rcconnoUre le port de la Gnaj-ra. J'ai dessiné cette montagne du côté du sud, telle qu'elle se présente à la plantation de cafiers de don Andrès Iharra.

PLANCHE LXIX.

Le dragonnîer de l Orotava.

Cette Plaiiclie représente le tronc colossal du Dracœna Draco de l'île de T(5nêiiire, dont tous les voyageurs ont parle, mais qui n'avoit point encore été figtn-é. Sa liauleur est de 5o à 6q pieds ; sa circonlércnce, près des racines de 45 pieds : il avoit déjà atteint la même grosseur lorscpie les Espagnols abordèrent à TéuériHe , pour la première fois, au cpiinzième siècle. Comme cette plante de la famille des Monocotjlédous croît avec une extrême lenteur il est probable que le dragonnier de l'Orotava est plus ancien que la plupart des monumens dont nous avons donné la description dans cet ouvrage.

ET MONUMENS DE l'aMÉRIQUE. 299

LETTRE DE M. VISCONTI,

MEMBRE DE L'INSTITUT DE FRANCE,

A M- DE HUMBOLDT,

SUR QUELQUES MONUMENS DES PEUPLES AMÉRICAINS.

En parcourant la paitïe de vos ouvrages qui concerne les monumens des peuples de TAmér ique , et dans laquelle vous avez bien voulu me donner un témoignage si précieux de votre amitié, j'ai remarqué, parmi le giand nombre de faits jusqu'à présent inconnus, et d'observations neuves que renferme ce volume, quelques articles mon opinion diïFère de la vôtre. Celte différence ne porte, à la vérité, que sur des particularités de peu d'importance, et mes remarques pouiront paroitie minutieuses; mais comme il s'agit d'une branche toute nouvelle de l'archéologie , si je puis me servir de ce terme pour désigner des recherches sur les monumens du nouveau monde, j'ai cru devoir vous transmettre . quek|ues observations à ce sujet; si elles sont justes, elles pourront contribuer à l'intelligence et à l'explication de quelques monumens très-curieux ; si elles ne vous paroissent pas telles , la confiance que j'ai dans vos lumières dissipera mes doutes.

Le premier objet qui a fixé mon attention est la figure de ronde bosse d'une prêtresse, ou, si l'on veut, d'une princesse aztèque ( PJ. i et 11). Vous avez pensé que l'ignorance du scLdptcur a supprimé les bras de cette figure, et qu'il a eu la maladresse de lui attacher les pieds aux côtés. Je n'ai pas plus que vous une grande idée de l'habileté du statuaire; mais il me semble rpie cette figure, pour être hors de toute pi'oportion, n'est cependant ni mutilée ni estiopii!*?. Je crois reconnoîtie que les cxtrémit('s que vous prenez pour les pieds, sont les mains de la statue. Elle me paroît être à genoux, et assise sur ses jambes et sur ses talons, ÔxAct^ KaÔH/isfii,

5oO VUES PKS CORnil,T,KRf'.S,

diroit Lucien'. Cette posture de repos, suggéri'e aux liommes par la nature elle-même , est décrite soigneusement par les lexicographes grecs, et spécialement affecte'e, dans les monumens des aits, aux fignres de femmes. Hés^'chins, v. û-AKvAoLi et oxAa^Éjv; Eiotlanus dans son Lexique sur lïippocrate, v. o'xAatnç, décrivent cette posture par des péiiphiases qui désignent l'attitude dans laquelle on est assis sur ses jambes et sur ses talons ; iw) tSv Tir^^vm yct^si^eiAoLi 'iTTi Tctç zf^'^aa; y-ttî rctç TrWpvctç KcLf^-^ctVTa. yovciTcL xaSiVai. Le savant Hemsterhuis conjecture que le verbe primitif qvii exprimoit cet état de repos étoit 'éam , et qu'il a été la racine d'un grand nombre de mots grecs qui sont passés ensuite dans d'autres langues \ Il suffira de citer les noms oxvoç, paresse ; et oinùç , maison ^ tant cette pose dans les soci(.'tés primitives et presque sauvages étoit familière aux hommes fatigués, pendant les momens tranquilles qu'ils passoient dans l intéiieur de leurs rustiques retraites.

On voit sur les monumens de l'Egypte un giand nombre de femmes représentées dans cette attitude, soit (pi'cUes allaitent leurs enfiins, ou qu'elles soient en prièie aux pieds de leurs idoles, ou qu'elles jouent de quelques ins- trumens, ou qu elles donnent des marques extérieures d'affliction aux funérailles de leurs parens ou de leurs compatriotes On trouve aussi sur les mêmes monumens, mais beaucoup plus lat émeut, des hommes représentés dans cette attitude''. On pourroit même penser que le précepte des Pythagoriciens, de prier assis, n'avoit trait dans les temps reculés qu'à cette posture usitée dans les rites des Égyptiens. Elle est si naturelle, particulièrement aux femmes, à cause de la souplesse de leurs membres , que dans plusieurs contrées d'Italie les femmes de la campagne la prennent habituellement à l'église. Nous ne devons donc pas nous étonner (pi'cUe ait été en usage chez les femmes aztèques. On la retrouve dans 4pn'lques-unes des peintures symboliques de ce peuple: à la Pl. aavi, la déesse de l'eau qui s'élance sur la terre pour la submerger, est repiésentée assise sur ses talons; et

' In Lexiphnne.

' Yoyex dam \' flésjchius ^Alherll les notes au mol oWiSSia,

' Voyez dans le superbe ouvrage, Description de l'Égjpte, auTom. i, le? Pbnclics su, n." 2 ; i.xii , r." 2 ; LXix, n." 1; i-xx, n." 2; lxxxi , xcvi et ailleurs; et dans le f''ojage dans la liasse cl lu Haute Êgyple, par M. Drwos, les Ptanelies txxvi, cxxsi et cxxxv.

* Scullun^ de la villa Borghcse, St. Viii, n.» /, ; Wi-NCKELïIASN , Hisl. de f J rl , e.lc. . édiliun de Ronje, ïoin. I, PI. vr.

ET MOiNUlMKNS DE l"aM liu I (^)UE. JOI

plusieurs autres figures SLir d'autics peinLuies mexicaines, sont à peu près dans la même pose, excepté qu'elles n'ont qu'un seul genou à teire. Et, pour ce qui a rapport à la statue dont j'ai l'honneur de vous entretenir, il me semble que le derrière de cette figure (Pi. n) présente une preuve certaine de ce que je viens d'avancer ; on y voit distinctement les pieds dont les doigts sont indiqués assez clairement; ils sont placés les uns contre les autres, et le elair- obscur fait sentir dans le dessin (PI. i) la saillie des genoux caeliés sous la draperie roide et unie c|ui enveloppe toute la figure.

Pour ne pas m'arrèter davantage sur ce reste curieux des arts d'un peuple qui a presc|ue disparu, je me bornerai à remarquer que la grandeur excessive de la tète est un défaut commun à la plupart des ouvrages de ce peuple. Ce même défaut est très- sensible dans les figures sculptées qui surmontent les couvercles des urnes cinéraires étrusques. Il semble ipie l'intention d'exprimer avec plus de précision et d'exactitude les traits de cette partie principale a été , pour des artistes ignorans , le motif de i'aggrandir au point de l'exagérer. Je passe à une autre observation qui m'a été suggérée par l'examen et par l'explication d'une des peintures hiérogljpbiques que je viens de citer , et sur laquelle vous avez lu un mémoire à notre classe : les quatre destructions du mondé j sont repré- sentées (Pl. XXVI ). Vous comparez ces périodes aux Cjuatre ùges de la mythologie des Grecs; et comme vous trouvez cinq âges du monde dans les traditions des Aztèques, vous tachez de faire disparoître cette dilTérence, en prouvant que l'âge de bronze dans Hésiode peut aisément se diviser en deux à cause des deux générations que le poète y décrit ( pag. 210, au ei-dessus). J'observe qu'Hésiode, ainsi que les Aztèques, comploit cinq âges, en tenant compte, ainsi qu'eux, de celui qui n'étoit pas encore consommé et dans lequel il vivoit. II le dit en termes exprès, ( Opéra et Dies j, v. 174) ■'

« O que le sort n'a-t-ii voulu que je ne me trouvasse pas avec les hommes du cinquième âge! >i

Cette tradition des cinq âges auroit été connue aux Cbaldéens , s'il est

76

302 VUES DES CORDILLERES,

permis de conjecturer sur les traces du Diinte', (juc le Colosse, vu en songe par Nabnchodonosor % nvoit trait à celte opinion. Il ctoit composé de cinq matières dilTcrentes et séparées -.l'or, l'argent, le bronze, le fer et l'argile.

Enfm, il me reste encore à vous laire part d'une autre observation aussi peu importante que les précédentes. Elle poi te sur la manière dont les Aztèques traçoient leurs biéiogljplics. Vous remarquez (page 213) que, pour en faciliter la lecture et l'intelligence, ils plaçoient quelquefois nu bout d'une ligue les premiers signes, ou, pour ainsi dire, les premiers caractères de la pln-ase biéioglyphique de la ligne suivante ; et qu'ainsi ces premiers signes s'y tiouvent répétés. Vous comparez, sur le témoignage de M. Zoèga, cette méthode à celle des Égyptiens qui, suivant lui, en usoient de même dans leur écriture biérogly pbique. Je ne puis vous dissimuler que mes reclierclies ne m'ont point convaincu de cette analogie. Si vous n'avez d'autre autorité que le passage du piofond ouvrage de l'antiquaire Danois sur les obélisques (pag. 4*^4)' ^^us avouerai que j'entends ses ospiessions tout autrement; et j'ajouterai que ma manière de les entendre semble être confuinée par l'examen des monumcns. M. Zucga, pour prouver que, dans l'écriture hiérogljpbiqLie , le sens dans lequel sont tournées les figures des hommes et des animaux, décide si la ligne hiéroglyphique doit être lue de droite à gauche ou de gauche à droite, se sert de certaines suites de signes, qui sont répétées dans le même monument, et qui tantôt se trouvent tracées tout entières dans la même ligne, tantôt le sont, moitié dans une ligne, moitié dans l'autre : par exemple, dans l'obélisque Sallustien ^, une de ces suites présente ia figure d'une colombe, suivie de celles d'un scarabée et d'un couteau, toutes sur la même ligne. Cette suite est répétée sur la même colonne, mais les biéiogljphes sont distribués sur deux lignes. En suivant la règle proposée par le savant antiquaire, les figures se reliouvent dans le même ordie, de sorte que le scarabée et le couteau sont à la suite de la colombe.

jMScmo,r.. 1/,.

' DiMEL, C. 2.

' Voyez, dans l'ouvrage de M. Zoega, de Origine et iisit obelixconini , l;iPlaiiclie , Ohfli.wiis Sui/iisliaiuis lat. septentrionale.

ET MONUAIENS DE I,AMEHIOUE. 5o5

Voilà ce <|ue dit M. Zoï-ga en tenues un peu moins clairs Mais si, par une consëciuence de cette remarque, je vous enlève une analogie heureuse, je vous dédommage à l'instant^ en vous pre'sentant une analogie pareille dans la méthode suivie par les Hébreux, en traçant leurs manuscrits. Lorsqu'ils ne peuvent placer un mot tout entier dans une ligue, ils y en tracent les premiers caractères, et Técrivent tout entier dans la ligne suivante; de sorte que ces premiers caractères sont liaccs deux fois, précisément comme vous l'avez remarqué, dans les manuscrits, ou, pour mieux dire, dans les peintures des AzLèques. Cette méthode a été suivie dans phisieurs éditions imprimées de la Bible en hébreu : tant il est vrai que l'esprit de rhomme, malgré la difleiencc des siècles et des climats, est disposé à agir de la même manière dans des circonstances pareilles, sans avoir besoin ni de tradition ni d'exemple.

Je rapporte à ce même principe Tinvention des machines propres à faire du feu, par le frottement de deux morceaux de bois'. Ce n'est point Mercure , à coup sûr, qui a enseigné l'usage du pyreïa ou igniaria aux Indiens de rOiénoque. Aucun monument grec ne nous présente cet usage des temps héroïques, tandis que vous en donnez deux fois la représentation dans les peintures hiéroglyphiques des Aztèques ^. Cependant il étoit familier aux anciens habitans de la Grèce, et les figures que vous publiez prouvent la justesse de la description que le scholiaste d'Apollonius nous a laissée de ces machines à feu ^. Il dit que le bois supérieur que l'on tourne, ressemble à un vilebrequin, TrctpctTrAn Vfai' T-puTTctvw. C'est l'idée qu'en donnent vos peintures. Aucun philologue n'a remarqué l'allusion qu'Apollonius fait dans cet endroit au passage de l'Iiymne homéiique à Mercure. Toutefois cette allusion me semble propre à dissiper les doutes que le savant Rhunkenius a élevés sur l'interpolation de ce passage ^.

' Piam prœter ijuocl /tac ratione nnleceduns figura setjuoili dorsum ob^ierterc et eam posl se rplinquere agnoscitiir, etiain in repclil/s inscriplioiiibus , duin propter îoci angustïam nota aîiqua ex superiorc spntia ad infenus sil remoaenda , hoc in ea fievi videnius quœ ex iîla nostra sentenlia ultima erat saperions spalii. (ZoEGi loco citalo.)

Pag. pgeljoo.

' Pl. XV, 11." 8, etPl.xLVii.

' Ep. cr;t.\,iid hjnm. in Marairium , v. aS.

3o4 VUES T)ES CORDILLKKES,

La ressemblance des pyreïa au vilebrequin doit fiiire remonter jusqu'à des époques très-reculces l'invention de ce dernier outil ; et on aurolt droit d'être étonné de la voir attribuer à Dédale', contemporain de Thésée, si l'invention de l'artiste atbénien no se rappoitoit plus précisément au trépan des sculpteurs, instrument bien plus perfectionné que le simple vilebrequin, par la rapidité que la corde et la traverse mobile donnent à son action. Ce rapport entre le pyreïon et le vilebrequin n'a point échappé aux écrivains anciens qui traitent de la culture des arbres ^ Ils se plaignent que l'action des tarières employées à l'incision , cause souvent des brûlures dans le bois, funestes au succès de l'opération. Ce fut pour éviter cet inconvénient que les Gaulois inventèrent une autre espèce de tarière ( terehra gallica) , (|ui étoit une véi itnble vrille, dont l'action plus réglée et moins rapide ne fait point craindre la combustion. II me semble que les commentateurs de Pline n'ont donné jusqu'à présent une idée assez juste, ni de l'invention de Dédale, ni de la tarière gauloise.

Voilà, mon cber confrère, les observations que je désirois soumettre à votre jugement. Votre amitié voudra bien, je l'espère, les considérer comme une preuve de la mienne et du vif intérêt que m'inspirent vos ouvrages.

E. Q. VISCONTI.

Paris, le 12 décembre 1812.

Pline, Liv. VII, S. 5;. '

' Pline , Liv. xvii , {. 2!j ; Columdla , Liv. n, v. sy.

NOTES.

Pac. 2^. La pyramide de Cholula portoit aussi des noms de Tokecatl, Ecaticpac et Tlachi- huatepetl. Je suppose que celte dernière dénomination dérive du \erbe mexieain tlachiani^ voir autour de soi, et de tepetl, montagne , parce que le Téocallï servoit de vigie pour reconnoitre l'approclie de l'ennemi dans les guerres qui avoient fréquemment lieu entre les ChoUiIains et les habitans de TIascala. Sur la question importante j si le temple, on plutôt la pyramide à gradins dédiée à Jupiter Belus, a servi de prototype aux pyramides de Sakhara et à celles de l'Inde et de la Chine, voyez Jules de Klaproth, Magasin asiatique^ Tom. i, pag. 486 (en allemand).

Pag. 72. On a révoqué en doute récemment si les Péruviens, outre les Quippus, avoient connu les peintures symboliques. Un passage tiré de VOrigen de los Indios del Nueno Miindo (Valencia 1610], ]». 91, ne laisse aucun doute à cet égard. Après avoir parlé des hiéroglyphes mexicains, le père Garcia ajoute : " Au commencement de la conquête, les Indiuns du Pérou se confessoient par des peintures et des caractères qui indiquoient les dix mandemens et les péchés'eommis contre ces mande- mens. On peut conclure de que les Péruviens faisoient usage de peintures symboliques, mais que celles-ci étoient plus grossières que les hiéroglyphes des Mexicains , et que généralement le peuple se servoit de nœuds ou de quippus. » Voyez aussi Acosta, Ilistoria luttural y moral de las Iridias, V\h. v, cap. S , p;ig. ^167,

Pac. 125. Le mot atl ou atel se retrouve dans l'est de l'Kurope. D'après l'observation de M. Frédéric Schlegel, le pays habité par les Madjares, avant la conquête de la Hongrie, portoit le nom d'Jtelhisu. Cette dénomination désignoic la Moldavie, la Bessarabie et la Walaehie, trois provinces limitrophes de l'embouchure du Danube qui portoit, de même que le Wolga , le nom de la grande eau, atel. (Voyez plus haut p. 162.) L'hiéroglyphe mexicain de l'eau, atl, indique, par les ondulations de plusieurs lignes parallèles, le mouvement des vagues, et rappelle le caractère phénicien de Veau, mem, qui a passé dans l'alphabet grec et peu à peu dans celui de tous les peuples occidentanx. Voyez l'ouvrage ingénieux de M. Hug , su/- l'invention des lettres, 1801, pag. 3o.

Le chevalier Boturini nous a transmis les noms des vingt jours d'un mois loltèque, d'après le calendrier des habitans de Chiapa et de Socouusco. Voici ces signes avec ceux qui leur correspondent selon le calendrier aztèque ;

Mox.

Cipaclli.

Baz.

Ozoniatll.

Igh.

Ehecall.

Eiiol).

Malinalli.

Votan.

Calli

Been.

Acatl

Ghanao.

Cuetzpalin.

IIIx.

Ocdoll.

AlMgll.

Colmatl.

Tziqiiin.

Q.iaul.tli.

Tox.

Miqiiiztli.

Clialiiii.

Cozcaquaiilitli.

Moxic.

Mazatl.

Cliit.

Olliu.

Lambat.

TochtU.

Chiimx.

Tecpatl.

Mulu.

Ail.

CaliOfili.

Quialiulll.

Elab.

hzciiinlli.

Agimal.

Xucliitl.

3o8 NOTKS.

On est suqiris de trouver, parmi des peuples de même race, des noms d'un caractère si dîfîérent. Les dénominations de Mox , Igh , Tox , Baz, Hix et Chic , ne paroissent pas appartenir à l'Amérique , mais à cette partie de l'Asie orientale qui est habitée par des peuples dont les langues sont monosylla- biques. (Voyez plus haut p. i44) Botiirini, Iilea de uua JdstoHa gênerai de Nueva Espana, pag, ri 8]. Nous observerons, à cette occasion , que la terminaison chinoise en tsin se retrouve dans un grand nombre de noms propres mexicains^ par exemple dans Tonantsin , Acamapitsin , Connacotsin , Cuitlahiiatsin et Tzilacatsin.

Selon les recherches savantes de JM. Klaproth , les Ouigours ou Uigburs n'out jamais bahilé les bords du Seiinga, comme l'admet M. Langlès, mais les montagnes Uliigh- tagli , lis rives du Ssir^ qui est l'Iaxartès des anciens et la Steppe de Rara-Run, à l'est du lae Aral. fVoycz plus haut p. i/ji, et Hammer, Mines de l'Orient, Tom. ii , pag. 194)-

Pag. 194- Pour jeter plus de jour sur les recherches qui font l'objet do mon nicnioire sur le calendrier mexicain, je rapporterai ici des observations très- judicieuses qui m'ont été communiquées jinr 31. .fomard. I-c nom de ce savant est avantageusement connu de ceux qiù s'occupent des anliquîtés de l'FgypLe et je m'empresse de donner ici l'extrait d'une lettre qu'il a bien voulu m'a dresser :

" J'ai reconnu dans voire mémoire sur la division du temps des peuples mexicains, comparée à celle des peuples asiatiques, des rapports très - frappans entre le calendrier toltf'que et des instilulions observées sur les bords du Nil. Parmi ces rapporis il y en a un qui n'est pas le moinj digue d'aitention. C'est l'usage d'une année vague de 365 jours, composée de mois égaux et de 5 jours épngoniènes, également employée à Thèbes et à Mexico, à plus de trois mille lieues d'intervalle. H est vrai que les Égyptiens n'avoicnt pas d'intcrcalalion j tandis que les Mexicains intercaloient i3 jours tous les Sa ans. Il y a plus; l'intercalation étoit proscrite en Égyptc à tel point que les rois juroient, en recevant ta couronne, de ne jamais soufl'rir qu'on la mit en pratique pendant le cours de leur règne. Malgré celte dissemblance, on voit un point essentiel d'analogie dans la longueur de la durée de l'année solaire. En effet, l'intercalation des Mexicains étant de i3 jours à chaque cycle de Sa ans, revient à celle du calendrier Julien, c'est-à-dire d'un jour en quatre ans, et suppose par conséquent la durée de l'année de 365 jours 6 heures. Or telle étoll aussi la longueur de l'année chez les t-gyptiens, puisque la période sothique étoit à la fois de 1460 années solaires et de 1461 années vagues : c'éloit en quelque sorte intercaler une année entière de 3GS jours lous les i4fio ans. La propriété de la période sothique de ramener les saisons et les leles au luùme point de l'année, après les avoir fait passer par tous les points successivement, est sans doute une des causes qui faisoieut proscrire l'intercalation, non moins que la répugnance des Égj'ptiens pour les institutions étrangères.- Or, il est remarquable que cette même année solaire de 365 jours 6 heures adoptée par des peuples aussi différcns, et plus éloignés peut-être encore par leur état de civilisation que par la distance terrestre, se rapporte à une époque astronomique très -réelle et appartient en propre aux Egyptiens. C'est un jioint que M. Fourier mettra hors de doute dons ses belles recherches sur le zodiaque d'Égypte. Personne n'est aussi bien que lui en état de traiter cette question sous le rapport astronomique, et lui seul peut mettre dans tout son jour les découvertes heureuses qu'il a faites. J'ajouterai ici que les Perses qui intercaloient 3o jours tous les 120 ans, les Cbaldéens qui usoient de l'ère de Nabonassar, les Romains qui ajoutèrent un jour tous les quatre ans, enfin les Syriens et presque tous les peuples qui ont réglé leur calendrier sur le

' Voyez les inlùressans Mémoires de M. Jui.iai-d, sur lekcde JIoerL* cmiiparù an lac <lï Faj'oum , sur S je ne et les Calaracles , sur l'ile d'EIéiaianliiic, sur Omhos et srs c.isijous, cl sur les auliijiiilL-a dEdfou tl (illcrnionlbis , iaisaiu jiarlie de la Description di l'ÈgypIi anvianns et moderne, iiuc Von doll h. la muiiiricciice du G,),n-crnemcnt Irançois. '

NOTES. 509 cours du soleil, me paruisseiit avoir egnlcnu-nt puisé en Ëgypte la notion d'une anni'e solaire de 365 jours juste, l'usage des mois égaux et celui des cinq épagomènes. Quant aux Mexicains, il seroît superflu de rechercher comment cette connoissance leur est venue j un pareil problème ne sera pas résolu de sitôt, mais le fait *Ie l'intercalation de i3 jours par cycle, c'est-à-dire l'usage d'une année de 365 jours i dépose nécessairement ou d'un emprunt fait à l'Égypte ou d'une communauté d'origine. Ajoutons que l'année des Péruviens n'est point solaire, mais réglée sur le cours de la lune, comme chez les Juifs, les Grecs, les Macédoniens et les Turcs. Au reste, la circonstance de 18 mois de 20 jours, au lieu de 12 mois de 3o jours, fait une différence très- grande. Les Mexicains sont le seul peuple qui ait divisé l'année de cette manière. «

« Un second rapport que je remarque entre le Mexique et l'Ëgyjrte, c'est que le nombre de semaines ou demi-lunaisons de i3 jours comprises dans un cycle mexicain est le même que celui des années de la période solhique ; ce nombre est 1461. Vous regardez un tel rapport comme accidentel et fortuit; peut-être a-t-il la même origine que la notion de la longueur de l'année. Si en effet l'année n'étoit pas de 365 jours 6 heures, c'est-à-dire de ~- jours, le cycle de Sa ans

ne renfermeroit pas

jours ; ce qui

perioui

jours.

II faut convenir toutefois que ces semaines de i3 joui-s, ces tialpilli de i3 ans, celte iutercalatiun de i3 jours au bout du cycle, enfin ces cycles de quatre fois i3 ans reposent sur un nombre jircmicr qui est absolument étranger au système égyptien, m

« Vous avez fait remarquer un fait plus important en ce qu'il tient aux mœurs des peuples, c'est la fête du solstice d'hiver, également célébrée par les Égyptiens et par les Aztèques. Les premiers, s'il faut en croire Acbilles Tatius, se livroient au deuil en voyant le soleil descendre vers le capricorne et les jours décroître; mais quand le soleil s'clevoit de nouveau vers le cancer, ils s'habilloient de blanc et portoient des couronnes. L'usage des Mexicains que vous avez décrit, est sans contredit analogue à la féle égyptienne ; on ne pourroït contester ce rapport qu'en plaçant à une autre époque le commen- cement de l'année mexicaine, ainsi que l'ont lait plusieurs auteurs. Mais vous avez mis hors de doute qu'au renouvellement du cycle, ce commencement tomboit au 9 janvier : par conséquent, en tenant compte des i3 jours intercalaires et des épagomènes avec lesquels commençoit la féte, le feu nouveau s'allumoit au solstice d'bïver. Il reste à expliquer pourquoi le phénomène de la diminution des jours n'effrnyoit les i\Iexicains qu'une fois tous les Sa ans', comme si, au bout d'un cycle, le soleil descendoit plus bas qu'à l'ordinaire! Est- ce que, faute d'une solennité, ils ne s'apercevoient pas de la plus courte apparition du soleil , et qu'ils attendoieut un signal pour s'abandonner au deuil et à la terreur. Je conçois que si la fêle avoit eu lien chaque année au même jour, ils se seroient plaints de la retraite du soleil, au moment il remontoit déjà visiblement; mais pour ne pas les faire gémir à contre-temps, il étoit facile d'avancer la fête tous les quatre ans d'un jour, de manière qu'en 52 années elle auroit occupé i3 jours différens. Une pareille difficulté m'arrête pour l'usage attribué aux Egj-ptiens. Acbilles Tatius ne désigne point l'époque à laquelle il se praliquoit : il se sert seulement de l'expression vague un jour, -îtotê (Uranol. pag. i46), et ajoute que c'étoit le temps des fêtes isiaques, sans dire si cette pratique avoit lieu tous les ans. S'il en eût été ainsi, on auroit vu, dans le cours d'une période sotbique, les Egyjitiens , dans la crainte d'être abandonnés parle soleil, se livrer à la douleur, arracher leurs cheveux et déchirer leurs habits, au moment même cet astre occupoit le zénith et dardoit ses plus grands feux. Avouer, Monsieur, que cela n'est guère probable. Acbilles Tatius nous en a dit trop peu pour que nous - puissions comprendre celte prétendue coutume des Egyptiens. Si la iele arrivoïL tous les ans au même jour, elle élolt

on des Grecs, qui; la féle n'avoil pas e pi^riode sotliique [^Uranol,, p. 34).

JIO NOTl'S.

aLsiirdc pendant quatorze siiVles el tkmi d'uiu' période siillii([no ; si (■Ile n'avoit licti que l'année du renouvellement de la période, pourquoi cette aunée-là préférablement? et enfin, si l'on avançoit la fètc tous les quatre ans d'un jour, il faut convenir que Ifs Egyptiens se désoloient bien à tort de la prochaine disparition du soleil, puisqu'à llièbes il s'élevoit an solstice d'hiver d'environ quarante degrés. »

" Vous avez comparé les noms des années et des jours mexicains avec les noms des signes du zodiaque tartare et des didérens zodiaques de l'ancien continent. Vous avez démontré qu'on disoit au IVlexiqtie le jour lapin, tigre ou singe, etc., comme on disoit en Asie le mois lièvre, le mois tigre, le mois singe, etc.; vous avez fait voir anssi que plusieurs de ces animaux sont également étrangers à la Tartarie et au Mexique, et celle dernière remarque donne à penser que l'usage des séries périodiques pour le calcul du temps, commun aux Mexicains et aux Asialiques, aussi bien que ces dénominations , pourroit venir d'un pays bien différent et bien éloigné. Ces questions sont du plus haut intérêt ; mais je ne m'attacherai ici qu'à la ressemblanf :e de l'un des signes des Aztèques, le signe Cipactli , avec le capricorne du zodiaque grec ou plutôt égyptien : c'est le seul des vingt noms de jours mexicains qui présente cette aualogie. N' est-il pas remarquable que Cipactli est le premier signe des jours , comme le capricorne est à la tête des catastérismes. Quelqiie divergence qu'il y ait dans l'ordre des signes des différens zodiaques,' celte analogie de position pour le premier de tous paroft consfcttée, et il me semble y voir une confirmation de l'origine du zodiaque égyptien. Qu'on ait observé ou non le colure du solstice d'été au premier degré du capricorne, il est certain aujourd'hui que le zodiaque dont nous faisons usage d'après les Romains et les Grecs, et que ceux-ci ont copié en Égypte, appartient essentiellement à ce dernier pays et .i lui seul, et qu'il n'a d'explication possible qu'en faisant remonter jusqu'au capricorne le solstice d'été. Or l'année rurale égyptienne commcu- cfiM au solslice d'été. Il ne faut donc pas s'étonner que le capricorne ail occupé autrefois la première place parmi les dodécatémories. Si l'on savoit à quelle époque commençoit jadis l'année en Tartarie, au Tibet ou au Japon, on pourroit déduire quelque chose d'analogue de la position du Verseau à la tète du zodiaque chez ces divers peuples. En effet, le premier signe est le rat qui correspond au verseau. Maliara , le monstre marin du zodiaque des Hindoux, correspondant au capricorne, y occupe le second rang, ce qui suppose encore le verseau au premier. Ainsi les positions successives du colure solsiicial dans le verseau, dans le capricorne, et plus tard dans la vierge, le lion et le cancer, seroient indiquées par les monumens les plus anciens et les plus authentiques, savoir les zodiaques des peuples. Mais je n'insiste pas sur cette idée qu'il ne m'est pas encore permis d'appuyer de ses preuves. Bornons - nous à remarquer que le capricorne placé à la téte des signes en Egypte et au Mexique, est un rapport de plus entre les deux pays. »

« Vous avez encore observé que les poissons du zodiaque égyptien sont accompagnes d'un porc, animal qui, dans le zodiaque du Tibet, remplace le catastérisme des poissons, et que la balance répond au dragon du zodiaque tartare, dont le nom a son équivalent dans le mot de cohiuill ou couleuvre; nom de l'iiu des jours mexicains. Ce signe de la balance, dont on a si mal à propos révoqtié en doute l'ancienneté, se trouve dans les dodécatémories des Indiens et dans leurs maisons lunaires, aussi bien que dans le zodiaque égy])tien. Ceux qui objectent que ce n'est point un ^mJ'i'oy ignorent apparemment que la balance est toujours portée par une figure humaine , comme l'épi par la vierge, et le vase par le verseau. Si la balance est un signe ajouté par les Romains , qui peut l'avoir sculpté à Eléphanla? 11 est vrai qu'avant Auguste, le scorpion rcmplissoît deux signes par son étendue dans le zodiaque des Grecs et des Romains. Vitruve est le premier écrivain on trouve le mot libra. Aratus, Eudoxe, Hipparque, pour désigner le signe de la balance, s'étoient servis du nom de X"^*') 1"' signifie serres de scorpion. Mais, depuis la conquête de Jules-Césarj les Romains visitèrent beaucoup l'Egypte: ils apcrrurciil sans doute la balance sur les monumens, et

NOTES. 5ll

ils cil adoptèrent l'usage. GermanicuSj qui, selon Tacite, examina les autiqiiilus d'Égyple, traduisit le pocrae d'Aratus, comme avoit fait Cicéroa, mais il ne rendit pas comme lui le mot j^MAai par chelœ. H se servit du mot libra , et Von voit que Virgile, Manilius, Vitruve, Hygin, Macrobe, Festus-Avienus, etc., tous postérieurs à la conquOce d'Lgypte, parlent tous aussi de la balance. On peut en dire autant de Ptolémee et d'Achilles Talius. Ce sont Its Chaldéens plutôt que les Egyptiens, qu'on pourroit soupçonner de n'avoir pas connu la balance , puisque Servius, en commentant ces vers si connus : Anne novum siihis tardis te mensibus addas , etc., observe que les Cbuldéens divisent le zodiaque en onze constellations, et les Egyptiens en douze. Le commenlaire de Germanicus met la question dans le plus grand jour, en montrant que la balance des Egyptiens étoit ce que les Grecs nommoient chelœ, et je trouve qu'Eratostliènes fournil la même remarque : X^hMi' 0 içi ^uj'Oï. auroit - il jiris ce rapprochement , si la balance n'existoit pas de son temps? Eiidoxe étoit grec : en parlant aux Grecs, il devoit employer le nom de chelœ qui leur étoit connu; mais Eratosthèncs écrivant en Egypte, expliquant la sphère grecque, étoit à portée de dire à quel signe égyptien ce nom répondoit. Nous savons encore, par le Zend Avesta, que les anciens Perses connoissoient la balance astronomique ; et Saint - Epiphane en dit autant des Pharisiens. Enfin, qu'y a-t-il de plus fort que ce passage d'Achilles Tatius : Les chelœ que les Égyptiens appellent balance {XJiano]. , p. i63). Je ne finirois pas si je cilois tous les auteurs. Quant aux monuraens, on en connoît si peu, et ils sont si récens, à l'exception de ceux de l'Egypte et de l'Inde, qu'ils n'apprennent rien sur l'antiquité de cet astérisme. Mais tout prouve cette antiquité. A Rome même, avant que la balance fût placée dans le ciel, son nom étoit connu. Cicéron emploie le nom de j'ugum, il en est de même de Varron ; Geminus se sert du mot ^vyàç. L'école d'Alexandrie n'ignoroit pas l'existence de ce signe; mais il l'alloit que la ruine de l'Egypte fût consommée pour mettre en quelque sorte les temples à découvert, procurer la connoîssance du planisphère égyplien,et fournir l'image de la balance que les Romains ont empruntée et transmise. »

(I Si je me suis arrêté sur l'ancienneté du signe de la balance, déjà démontrée par d'autres, c'est que ce point est lié intimement avec le système du zodiaque égyptien; ce qui paroit, Monsieur, n'être pas votre sentiment, puisque vous admettez plutôt l'antiquité de cet astérisme en Egj'pte que la notion du mouvement des fixes. Ce qu'il peut y avoir de hasardé dans l'époque attribuée aux nionumens de la Thébaïdc, c'est la détermi- , natiou d'une année précise , et non pas une approximation "de date , ayant une certaine latitude. Il ne (âut pas de grandes lumières en astronomie pour reconnoi'tre le point du ciel on la constellation qu'occupe le soleil au moment de son apogée; or, puisque ce point change perpétuellement, ,il est bien impossible qu'on le peigne à la même place pendant vingt et quarante siècles de suite. Qu'y a-t-il d'étonnant que le peuple pour qui ce point faisoit le commencement de l'année, l'ait désigné successivement par la vierge, le lion et le cancer, et antérieurement sans doute par d'autres signes. Je ne veux pas ôler pour cela aux Egyptiens le mérite de cette découverte et de toutes les autres que nous ont transmises les Grecs, si habiles à les dépouiller; mais seulement je veux dire que ce fut pour eux une chose fort naturelle et toute simple que de marquer l'ouverture de leur année ils la voyoient commencer. ))

CI Vous avez rappelé l'attenlion des savans sur le monument de Riancliini. Ce planisphère me fait souvenir que nous avons vu à Panopolis un zodiaque analogue, composé de cercles concentriques divisés en douze cases; Pococke l'ovoit aperçu en passant. Le temps n'a pas permis de faire les fouilles nécessaires pour en prendre la copie. J'y ai vu une figure d'oiseau comme celle que vous remarquez dans le planisphère de Rianchini, elle correspond au bélier; tandis que, dans le zodiaque tartare et japonnois, l'oiseau répond au taureau. II est possible que ce marbre, ainsi que la table isiaque, ait été sculpté en Egypte ou d'après un ouvrage égyptien, mais il l'a été certai- nement par une main étrangère et peu fidèle. «

Ces observations qu'offre la lettre de M. Jomard touchent pliisîetirs points très -importans de l'aslroTiomic ancienne, l'usage d'une année vagne de 365 jours 6 heures, les fêtes qui se trouvent liées à des phénomènes physiques, et les catastérismes du zodiaque solaire. Il existe, sans doute, une espèce d'astronomie élémentaire, qu'on pourroit appeler naturelle , et qui, au même âge de la civilisation, a se présenter à des peuples entre lesquels il n'a existé aucune communication directe. C'est à cette science qu'appartiennent les premières notions sur le nomhre des pleines lunes qui correspondent à une révolution solaire, sur le temps duquel cette révolution excède SG,") jours, sur les 27 à 28 parties égales du ciel que parcourt la lune pendant l'intervalle d'une lunaison , sur les étoiles qui disparoissent dans les premiers rayons du soleil, sur la longueur des ombres d'un gnomon , et sur la manière de tracer une méridienne par le moyen de hauteurs correspondantes ou d'ombres d'égale longueur. Une marque choisie k l'horizon , un arbre ou la cime d'un rocher, auxquels on compare le soleil levant ou couchant, une attention un peu suivie à des phénomènes qui se répètent à des intervalles de temps peu considérables, suffisent pour jeter les bases de cette astronomie naturelle. {Fréret , OEm-res complètes, Tom. xir, pag, 78). La dodécatémorie de Técliptiquc, les maisons lunaires, des intercalations d'un jour en quatre ans ou du multiple de ces nombres, des moyens tentes pour concilier l'almanach lunaire avec l'almanach solaire, et pour faire coïncider avec les mêmes saisons les mêmes termes des séries périodiques, l'usage des gnomons, l'importance donnée aux époques les ombres sont les pUis longues ou les plus courtes , les craintes marquées à la fin d'une grande année , l'idée d'une régénération au commencement d'un cycle, tout cela trouve sa source dans l'observation des phénomènes les plus simples et dans la nature individuelle de l'hominc.

Nous croyons devoir le répéter ici, il est extrêmement difficile de distinguer ce que les peuples ont puisé pour ainsi dire en eux-mêmes et dans les objets qui les entourent, de ce qui leur a été transmis par d'autres peuples plus avancés dans les arts. Les hiérogIy[)Iies et l'écriture symbolique naissent du besoin que l'on sent d'exprimer ses idées par des figures. Un tumultis ou des pyramides s'élèvent en accumulant de la terre et des pierres pour désigner un lieu de sépulture. Les méandres , les labyrinthes, les grecques se rencontrent partout, soit parce que les hommes se plaisent en général à une répétition rhythmique des mêmes formes, soit parce qu'ils ont pris pour modèle les figures régulières tracées sur la peau des grands serpens aquatiques et sur la carapace des tortues. Un peuple à demi-sauvage, les Araucains du Chili, a une année [sipanttt) qui offre encore plus d'analogie avec l'année égy^niennc que celle des Aztèques. Trois cent soixante jours .sont répartis en douze mois [ayen) d'égale durée, auxquels on ajoute à k fin de l'année, au solstice d'hiver [huamathi- pnntu), cinq jours épagomèncs. Les nyctliemères , comme ceux des Japonnois, sont divisés en douze heures [llagantu). Il se pourroit que les Araucains eussent reçu cette division du temps de l'Asie orientale, en la puisant à la même source de laquelle est venu aux Muyscas de Cundinamarca le cycle asiatique de 20 fois 87 siinas ou de soixante ans : mais rien ne s'oppose à admettre que le calendrier des Araucains ait pris naissance dans le nouveau continent. Beaucoup de peuples n'ont d'abord eu que des années de 36o jours, non parce que les révolutions solaires avoient jadis une plus courte durée, comme l'assure gravement un auteur d'ailleurs très -estimable, le comte Carli , mais parce que l'on s'étoit arrêté h un nombre rond, résultat d'un premier aperçu de la longueur de Vannée. Douze pleines lunes observées pendant l'intervalle d'environ 36o jours, conduisoient à des mois de trente jours, et les jours complémentaires furent ajoutés lorsqu'on s'aperçut de la confusion qui naissoit de l'emploi d'années trop courtes. Il en est des mœurs et des usages des peuples comme de l'analogie qu'offrent leurs langues entre elles ; il est de certaines marques auxquelles on reconnoi't directement l'identité d'origine ou les conmumieations qui ont existé de nation à nation. On conçoit par exemple que les signes de notre zodiaque solaire ont pu prendre leuis dénominations

en Égyple, on dans l'Inde, ou dans d'aiitrRs régions arrosces par de grands fleuves et placées sous le même parallèle} mais, ces dénominations une fois fixées, il n'est plus permis de révoquer en doute (jue les peuples qui emploient les mêmes catasterlsmes les ont reçues les uns des antres. C'est ainsi qu'on distingue dans les langues cette communauté de racines qui sont pour ainsi dire les signes arbitraires des choses , ou ces formes grammaticales qui paroissent fondées sur un simple caprice, de tout ce qui tient à l'harmonie iinitalive, à la structure de nos organes, et à la nature de notre intelligence.

Les prêtres d'Héliopolis, consultés par Hérodote, se vantoient que, les premiers de tous les hommes, les Égyptiens avoient inventé la division de l'année en douze parties. 'Ehiyov ôixaKoyiovTU irtfiiri, Trpoâltiç Aîyui^ii^ç «ïS-paVûJ» d-^âtlm t^ivpéiiv roy iymulàv, Jtiùij'ex.a. /tÉpect tfa.a-a.fiîin!: twp àpéeer aM\l>y. [Herod., Lib. il, ed. TVessel, p. io4-) Nous pensons que cette invention n'appartient pas plus aux Égyptiens que les modes de numération par groupes de cinq , de dix ou de vingt n'appartiennent ù un seul peuple qui les anroit transmis ù d'autres peuples dans des contrées très-éloignées.

Le calendrier des Egyptiens, après avoir été l'objet des savantes recherches de Fréret, de la Nanze et de Bainbridge, a reçu de nouveaux éclaircissemens de nos jours par les travaux de M, Ideler, qui réunit à une connoissance profonde des langues anciennes celle des calculs astronomiques. Nous ne discuterons point si, sur les bords du Nil, difFérens calendriers et différens modes d' intercala tions ont été en usage à la fois, comme plusieurs savans distingués l'ont avancé en se fondant sur des passages de Theon, de Strabon, de Vettius Valens et d'HorapoUon. {De la TSauze, Mém. de l'Acad. des Inscript. , Tom, xiv, pag. 35i ; Fréret , OEm<res , Tom. x, pag. 86 ; Tom. xr, pag. 3t8 ; Bainbridge Canicidaria, pag. aG; Scaliger de emendat. tempor. , Lib. ni, pag. 193 ; Gatterer Abriss der C/ironologie , jiaig. 33i ; Id. fF eltgescldclite bis Cynis , pag, an, So^ et ^67; Ideler Nistor. Untersuchmigen , ^ag. 100; Rode, iïber Dendera , pag, Nous nous bornerons ici à quelques

observations sur la mobilité des fêtes.

En Égypte et en Perse régnoit l'année vague, en Grèce et en Ilalie des inlorca- lations imparfaites dérangeoient souvent le calendrier , les fêtes qui avoient rapport à des phénomènes physiques dévoient perdre tout intérêt pour le peuple, si on les célébroit, tantôt dans une saison, tantôt dans une autre. Sur les bords du Nil, comme sur ceux du Tibre, on distinguoit sans doute les fêtes attachées à la date d'un mois [feriœ stativœ) de celles que les prêtres annonçoient aux époques désignées par les motifs de leur institution. Ces dernières fêles s'appeloient chez les Romains feriœ conceplivœ , et l'on distinguoit les sementivœ , les paganulia et les compitalia [Marini, Atti de Fratelli Arvali, Tom. ij pag- 126 En Égypte, la fête de Thoth , qui parcouroit avec le mois de ce nom toutes les saisons pendant la période solhique , ne eoïneidoit vraisemblablement pas avec une fête célébrée en fhonneur du lever héliaque de Sirius. Est -il probable que des processions, dans lesquelles on porloit des emblèmes de l'eau, eussent lieu dans les temps des plus grandes sécheresses? Le passage de Geminus , il est vrai, est très-positif : Bouï.ot'ÎKJ yàp {01 'Ai>U7r7(oi) ràç ^uffiaf raïç ^eoTç xalÀ tov a.înày xuifà* r5 inxulà yteirQ-aj , à^7\à. itià. ■^rtiffiSv tup tS ittault: «pSv J'uK^ût, «li yheaS-em Trit âsfniy éof,Tir xxi Xti/xipitÀv, x<ù ç^iyo'K'upiyiiii , xcti èapiyn» [Elem. Asttvnom., cap. 6). Geminus de Rhodes, qui vjvoit du temps de Sylla et de Cicéron, blitme Eudoxe et les Grecs en général d'avoir suppose que la fête d'Isis correspondoit constamment au solstice d'hiver, tandis qu'elle devoit, selon l'année vague, parcourir trente jours dans l'espace de cent vingt ans. Mais si l'on admet que toutes les fêles qui avoient rapport aux saisons et aux phénomènes astronomiques restoient liées aux dates des mois de Phameuolh, de Puchon ou de Mechir, que deviennent les explications ingénieuses données par

5,4 NOTES.

Plutarqne dans son Traité de Iside et Orîside , des motifs pour lesquels les Égyjiuens célébroient telle féte au printemps, telle autre au solstice d'été [Plut., Opéra omnia, ed. Reishe, Tom. vu, pag. 446, 452 et 484)? Ces rapports entre, les cérémonies pratiquées et les phénomènes physiques, cette liaison intime entre le symbole et l'objet, n'auroient donc eu lieu que dans la première année de chaque cycle sothique? L'observation très-juste que M. Jomard fait sur le passage d'Achilles Tatius, s'applique à toutes les fêtes statives. Celle d'isis, citée par Gemfiius et par Plutarque, étoit une fête lugubre; et, si elle n'étoit point conceptive, elle lomboit quelquefois à des époques les jours augmentoient depuis long -temps [Uranol., pag. ig^ nota 35). Le serment que les prêtres d'Égypte faisoient prêter au roi de conserver l'année vague [Comment, in Germon, interpret. Arati : sign. Capricomi; Hjgin.j ed. Basil. , i535, pag. i74-)j détèle-t-il pas la ruse d'une caste privilégiée qui, pour se rendre nécessaire au peuple et pour conserver son autorité, se ménage le droit d'aunoucer les fêtes liées à des phénomènes astronomiques?

PliUarque, vivant sous le règne de Trajan, se sert déjà de l'année fixe des Alexandrins, selon laquelle le premier Thoth correspond au 29 août du calendrier Julien [Ideler, Hist. Tint., pag. 127); et il rapporte Its noms des mois et les fêtes aux époques immuables des solstices et des éqiiinoxes. Achilles Tatius, chrétien, et peut-être même évêque, vivoit plusieurs siècles après Plularque : on n'a donc pas besoin d'adnietlre avec de la Nauzc l'existence d'une année fixe sous les Ptolémées, pour expliquer pourquoi Achiiles Tatius parle des gémissemens des Égyptiens, à la fête d'Isis, comme d'un usage immuablement lié à l'époque du solstice d'hiver. Si d'ailleurs, chez les Mexicains, nous ne voyons renaître cette crainte de la disparition prochaine du soleil qu'après Sa années vagues, on doit, sans doute, en attribuer la cause à l'importance que tous les peuples attachent à la fin d'un grand cycle. Nous observons aujourd'hui même que le dernier jour de l'an a quelque chose de solennel chez des nations fort éloignées des idées superstitieuses ( OEuvres de Boullanger, i7!)4) T. !I, p, 61 ).

A Mexico, comme à Tbèbes, le soleil est encore considérablement élevé à lépoque sa déclinaison australe commence à diminuer, et l'on dtroit que la crainte de la disparition totale de cet astre uuroit naitre plutôt dans ces régions de l'Asie, M. Railly place l'origine de l'astronomie, que chez les peuples voisins du tropique. Cependant , on conçoit comment, dans un culte dont les symboles ont rapport à fétat du ciel, des idées d'un abaissement progressif du soleil et de la diminution de la durée des jours, quelque peu sensibles que soient ces phénomènes, conduisent à des cérémonies lugubres, à l'expression de la douleur et de la crainte.

Quant au catastérisme auquel différens peuples ont assigné , à différentes époques , la première place dans le zodiaque, c'est un objet de recherche des plus inléressans pour l'hisloire de l'astronomie. Comme les années commencent ou par les solstices ou par les équinoxes , l'ordre des signes , ou plutôt la préférence donnée à l'un d'eux qui ouvre la marche des catastérismes , fixe le temps auquel remonte l'origine d'un Kodiaque. Sous ce rapport, par l'effet de la précession des équinoxes, la simple série des signes devient un monument historique non équivoque, si l'on suppose toutefois 1." que le peuple chez lequel on trouve ce monument ne se soit pas servi de l'année vague, ou 1.° qu'il n'ait pas voulu tracer, d'après des idées systématiques, l'ancien état des choses, le point de départ, le commencement d'un cycle. Les peuples de l'Asie orientale ont calculé, par des tables peu exactes, les positions des planètes pour des époques très-reculées : leurs livres parlent d'une conjonction de toutes les planètes, qui semble plutôt le fruit de leurs calculs que de l'observation. Ne seroit-il pas possible que l'on découvrit un jour dans l'Inde un monument 6ur lequel cette conjonction fût tracée, sans qu'on pût pour cela attribuer à ce monument une haute antiquité?

Aucun passage des anciens ne prouve directement que les Égyptiens aient en roniioissance de la précession des équinoxes. Hipparque fit cette découverte en comparant ses observations avec celli/ï

de Tiinoclians; il est presque certain, comme M. Uelanibrc l'a prouvé rcccniment, qu'il n'oLscrva jamais ou qu'il n'observa que très-peu k Alexandrie. Quoique Hipparque ne dût rien aux prêtres de l'Égypte, il est cependant plus que probable que ceux-ci auront fixé leur attention sur le rapport qui existe eutre le lever béliaqne de Sirius et le Jour du solstice d'été. Cette différence ' , dans un intervalle de i4oo ans, varioit de treize jours. Nous savons trop peu de l'astronomie des Égyptiens pour en juger défavorablement par le silence des Grecs et celui de Manellion, aussi peu instruit dans les sciences exactes que dans les règles de la versification. Cette matière importante pour l'histoire des progrès de l'esprit humain, sera bientôt discutée de nouveau par M. Fourier, dont les savantes recherches , attendues avec impatience , seront publiées dans la Description des Momtmens anciens de l'Égypte.

La haute antiquité de la Balance, avancée par l'abbé Pluche au milieu du dernier siècle, mais contestée récemn»ent par deux antiquaires distingués , MiVI. Testa et Hager, a été démontrée par les travaux de MM. Ideler et Buttmann ^. Je pense qu'il sera agréable aux savans qui s'occupent de l'astronomie ancienne, de trouver réunis ici tous les passages qui ont .rapport à la constellation de la Balance, et que j'ai vérifiés avec soin : Hipparchi Comm. in Arat., Lib, m, c. 2 (Petavii Uranolog., ed. 1703, p. i34); Geminus , Elem. Astmn. , c. 1 et 16 [UranoL, p. i3g); Karro de lingua latina, Lib. vi, c. 2 {Auctores lat. îiiiguœ , ed. Gothafred. i585, p. 48); Cicero de dii'in., Lib. 11, e. 46 [ed. Jos. Olivetiis , 1740, Tom. iri, p. 8i et 478); Germon. Cœsar in Amti Phœn., v. 89 [Hjgin. Opéra, Bas., i535, p. 164 et 187); f^itruv. de architect, Lib. ix, c. 4 Joannes de Lœt. Amst., i64g, p- 190); Blanil. Astron., Lib. 1, v. 60g, et Lib. iv,

V. 2o3 [ed. Mich. Fayus , Tom. i, p. 77 et 3i3); p'irgil. Georg. , Lib. i, v. 34; Servius Comment, in f^irg., Lib. v, p. 208 [ed. Pancrat. Mascivius, Tom. i, p. i3i); Plin.^ Hist. nat., Lib. xvni, c, 25, sect. Sg [ed. ffarduin., 1723, Tom. it, p. i3o); Ptolem., Lib. ix, c. 7J Plut, de plac. phiL, Lib. I, c. 6 [ed. Reiske, Vol. ix, p. 486); Manethonis Apoielesm., Lib. n, v. 137 { ed. Gronov., 1698, p. 23); Macrob. Comment, in Somnum Scip., Lib. i, c. 19, ^iSaturn., Lib. r, c. 12 et 22 ( Opéra omnia, ed. Gronov., 1670, v. 90, 244 et 3o6); Achilles Tatius, Jsagnge c. 23 et frag. [UranoL, p. 85 et 96); Theon, Comment, in Ptol. [ed. Bas. i538, p. 386) j Martianus Capella de mipt. philologiœ et Mercurii , hih. vm { ed. princeps , \l\g?t, fol. R. \n) Luc. Ampelius liber tnem. , cap. 1 [ed. Bipontina ad caîceni Flori , p. iSS); Kircher, OEdip. jEgj-pt., i653, Tom. ir, p. 2ofi.

Parmi les auteurs anciens qui font mention du signe de ta Balance (^u>ic, Ta ^uja, Xilfai, iugiim, libra), le seul qui soit antérieur à la réforme du calendrier par Jules-César, est Hipparque. Le passage du commentaire d'Hîpparque sur Aratus, a échappé aux savantes recherches de l'abbé Testa, qui assure qu'avant Geminus, le mot ^ujôïéloit inconnu aux astronomes grecs; il ajoute : « Ne tre libri del commentario d'ipparco sopra Arato, la libra non comparisce e non si nomina mai, corne ognuno puQ assicurarsene da per se ( Testa, del Zodiaco , p. 21 et 46). Je dois faire observer ici que le passage d'Hîpparque que j'ai cité, se trouve dans le commentaire divisé en trois livres, et non dansUe fragment qui paroît apocryphe, et qui est attribué tantôt à Hipparque, tantôt à Eratosthènes.

Il Le leïer liéliaque de Sirius ëloil éloisnc du solslicCj 2781 aimées HTant noire ère, de deui jours , el, i3a2 aniifes avant, noire ère, de treize jours; iSg ans après noire ère, la dUTéreuce s'élesoil déjà à Tiiigt-sîi jours: mais, par des compensa lions lieurcuseSj malgré la précessiou des équinaies, le lever de Sirius reatoit pendanl 3ooo ans lié au même jour du calendrier Julienu {Ideler, p. 88 el go).

Ideler, HUt. Untersuch, i8a6, pag. Syi. Sier/inomen, pag. 175. Pioche, Hist. durieli^ed. de 17^0), Tom. 1 , png. ai. Montucla, Hist. dis matkem. P. \, Lib. II, 5?, pag. 7g. UaiUy, Iiist.de l'Astr. , Vol. i, pag. 4g9 et 5oi. Schinidt, de Zod. origine, pag. 54, Aiîal. Reseankes , Tom. 11, pag, 3o3, et Tom. ir, pag. 347. Dupais, dans l.t Revue philos., iSoG. Mai, pag. 3ii, Su-an , Rech. sur l'orïgi::c dt la sphère, p. 99, Schaubaek Gesili der Griech. Astron., pag. aiî, agG et 370. Hoger , lllmtras. d'uno Zodiaco, pag.a5-35. Anquetil, Zend-Avesta , Tom, 11 , pag. Testa, Dissertai, sopra due Zodiaci dcll' Egillo iHoa , pog. ao , Sg et 43, Delamire , Astronomie , Tara. I , psg. 478.

5i6 NOTES.

Les mots ^ujôs- et itigum pourroieiit sans doute désigner un couple, tout ce qui est double on pair; mais les prosaïsU'S emploient dans ce sens plutôt ^eù-yoç que ^u>oV, et Ptolémce met ^i>jà en opposition avec x^^^-'j 1"'^^ feroit pas si Çu>ôç et ^vyi étoient l'explication de xy\Xa.i. » L'étoile, dit-il, qui, d'après eux (les Chaldéens), se trouve dans le bassin de la Balance, et, d'après nos principes (d'après notre manière de diviser le zodiaque J, dans les serres du Scorpion '.»

Pao. ig6. Tertres élevés à main d'homme. Dans les deux Amériques on se demande quel étoit le but des indigènes lorsqu'ils ont élevé tant de collines artificielles, dont plusieurs ne paroissent avoir servi, oi de tombeaux, ni de vigies, ni de soubassement d'un temple. Un usage établi dans l'Asie orientale peut jeter quelque lumière sur cette question imporlante. Deux mille trois cents ans avant notre ère, on sacrilioit en Chine, à TÈtre-Suprênie, Cban-ty, sur quatre grandes montagnes appelées \es Quatre Yo. Les souverains trouvèrent incommode d'y aller en personne, et ils lîrcnt élever, près de leurs habitations, à main d'homme, des érainences représentant ces montagnes, p^oyage de lord Macarlnej, Toni. i, pag. lviii. Hager^ Monument de ï u, 1802, p. 10.

Pag. 200, Plaine de Tapia, près de Lican. Pour ne pas faire naître de fausses idées sur le costume des Indiens de la province de Quito , je dois observer ici que ce costume est généralement noir, mais que les personnes un peu aisées, par exemple les Métis, portent des nianas de serge rayée (listado) qui couvrent la tunique indienne appelée capisajo. Ce sont ces ruanas qui se trouvent indiquées sur la Planche xxv, afin que les figures, tout en se détachant du fond du paysage, servent à en varier l'aspect. La coupe du vêtement est très-exacte, mais les couleurs du listado sont trop vives dans quelques épreuves.

Pac. 210. Système des Hindoiix. C'est à tort que j'ai dit, sur la foi de quelques Sastnis, que chez les Hindoux tous les jougas se terminoient par des inondations. M, Maier, dans son intéressant ouvrage sur les idées religieuses des peuples, observe que, d'après la doctrine des Banians , la première génération a été détruite par les eaux, et que la seconde a péri par l'effet des ouragans j que, dans le troisième âge, la terre entrouverte a englouti les hommes; et que le quatrième iige terminera par le feu. Friedrich Maier, Mjthologisches Taschenbuch, Tom. ii, pag. 299; et Allgemeines Mjthol. Lexlcon, Tom. 11, pag. lyji. Cette docliine, à l'ordre des destriiclions piès, offre une analogie frappanle avec la tradition mexicaine.

Pag. 218. nacnhuepanciiesccotzin. Rien ne frappe plus les Européens dans la langue aztèque, naliiiat! ou mexicaine, que l'excessive longueur des mots. Cette longueur ne tient pas toujours, comme quelques savans l'ont prétendu, à la circonstance que les mots sont composés, comme en grec, en allemand et dans le sanscrit, mais à la majiière de former le substantif, le pluriel ou le superlatif. Un baiser s'appelle tetennajniquiliztli , mot qui est formé du verbe tennamiqui, embrasser, et des particules additives te et liztli. De même : tlatoluna, demander, et tetlatolaniliztU j une demande; tlayhiouiltia , tourmenter ^ et tetlajhiouiltiliztli , tourment. Pour fonner le pluriel, les Aztèques redoublent dans beaucoup de mots la première syllabe : comme miztli, chat; mimiztin, les chats; iochtli, lapin; totochtin, les lapins. Tin est la terminaison qui indique le pluriel. Quelquefois la

/'/11/,™, ed. Bas., p. 333. TliEOn, J.ins sou Corn me ni aire, cmiiloic , na lieu de îu>cV Ct dc ^nyà, suuvent le mot Ailpai, siiziutiiiiLifiii qui ne laisse aucou doute sur la sigiiiFicalion de ^ujot. Manellion liil : « les serres du Scorpion que Us hommes saints iMnielleiil II- Iléau de la Ualaiicc , n et ce passage seroil Irès-reniirqiinble s'il étoit prouvé qoe Manctlion IWronome est identique avec 1 niileiir iii'n i\i-^uTr"AHKà. , el que pur consétjuenl il ait ïécn sous le règne de Ptoléméc PliiUdelphe. {Fabricii Bibl. grœca, 1795, Tom. iv, ).) Le mot ly-yit ne se trouve pas dans les Cataslérismes d'Éralostlièncs {ed. Sehauhach , c. 7, pag. 6), mais dans lp Commentaire sur Aralus { Uran., pag, i4a), qui porte fauasemeol le nom de cet ancien aslrooome, el qui paroit d'Achillcs Taliuï.

réthiiili cation se fini an milieu du moL ; pnr exemple : ichpochtli . fille; ichpopochtin, les filles ; telpochtli, ^iiiq,oi\ ; telpopochtin , les ^arr.ons. L'exeraiile le plus remarquable que je connojsse d'une véritable composition de mots se trouve dans le mot amatlacuilolitquitcatlaxtlahuilli, qui signifie la recompense que l'on donne au messager qui porte un papier sur lequel est indiquée, en caractères symboliques ou en peinture, quelque nouvelle que l'on veut transmettre. Ce mot qui, à lui seul, forme un vers alexandrin , renferme amatl, papier d'Agave americana, cuiloa, peindre, tracer des caractères significatifs, et tîaxtlahitilîi, le paiement ou salaire d'un ouvrier. Dans la langue aztèque manquent les lettres B, D, F, G et R. [Carlos de Tapia Zenteno, cura de Tampamolon, Arte novissima de Lingua Mexicana, 1753, pag. 7.) De même dans la langtie basque on ne trouve pas la lettre F, et aucun mot n'y commence par une R. Quelque isolées que paroissent au premier abord certaines langues, quelque extraordinaires que soient leurs caprices et leurs idiotismes, toutes ont de l'analogie entre elles; et ces rapports multipliés seront aperçus à mesure que l'on perfectionnera l'histoire philosophique des peuples, et l'étude des langues qui sont à la fois le produit de l'intelligence et l'expression du caractère individuel de l'bomme.

m

Pag. 226, Premier âge de la terre. Le moine franciscain, Andrès de Olmos, très -instruit en différentes langues du Mexique dont il a composé des grammaires, a laissé une notice très-curieuse sur la Cosmogonie d'Anahuae. [Marieta, Tercera parte de la Historia Eclesiastica, i5g6, pag. /|8.) Le dieu Citlalatonac étoit uni à la déesse Citlalicue : le IVnit de leur imirm fut nue ])icrre, un silex, tecpatl, qui tomba sur la terre près d'un endroit appelé les Sept Cavernes, Chicomoztotl. Ce bétyle se retrouve parmi les hiéroglyphes des années et des jours; c'éloit un aérolithe, une pierre divine, un teotetl qui, en se brisant, produisit 1600 dieux subalternes habitans de la terre. Ceux-ci se voyant sans esclaves qui pussent les servir, obtinrent de leur mère la permission de créer des hommes. Citlalicue ordonna à Xolotl, un des dieux de la terre, de descendre aux enfers pour y chercher un os, et c'est cet os qui, brise comme l'aérolilbe ou tecpatl, donna naissance au genre humain. [Torquemada , T. Il, p. 82.) D'après cette même tradition, le premier homme, IztacmixcuatL ou Iztacmixcohuatl , demeuroit à Chicomoztotl il parvint à un âge très-avancé. Il eut de sa femme, Ilancueitl , six fils desquels descendent tous les peuples d'Anahuae. Xelhua , l'amé de ses fils, peupla Quauhyuechola, Tzoca, Epatlan , Teopantla , Tchuacan, Cozcatla et Totcllan. Tenuch^ le second, étoit le père des Tenuclies ou Mexicains proprement dils. Ulmecall et Xicalancatl, de qui descendent les Olmèques et Xicalanques, peuplèrent les environs de TIascala, Cuatzucualco et Totomihuacan. Mixtecatl et Otomitl devinrent les chefs des Mixtcqucs et des Otomîtes. [Torquemada, T. I, p. 34 et 35.) Cette généalogie des peuples rappelle la table ethnographique de Moïse; elle est d'autant plus remarquable, que les Toltèques et les Aztèques, chez lesquels se trouve cette tradition, se regardoient eux-mêmes comme appartenant à une race privilégiée et très- différente de celle des Otomites et des Olmèques. C'est un essai par lequel on a cherché à réduire à un principe d'unité la diversité des langues, et à fexpliquer par l'origine commune de tous les peuples.

Pac. 227. Sortie d'Jztlan. Pour faciliter la lecture de cet ouvrage sur les monumens des anciens peuples du Mexique, je consignerai ici un fragment tiré du Précis de l'histoire d'Anahuae, que j'ai commencé à composer pendant mon séjour à Mexico. Ce fragment sera utile aux personnes qui , n'ayant pas le loisir de remonter aux sources , ont se borner à étudier l'histoire de l'Amérique de Robertson, histoire admirable pour la sagesse de la composition, mais trop abrégée dans la partie qui concerne les Toltèques et les Aztèques. J'ai cité avec soin les auteurs dont je me suis servi pour findlcalion des dates.

5i8

NOTES.

TABLEAU CHRONOLOGIQUE DE L'HISTOIRE DU MEXIQUE.

La région iiiontaiiiieusc du Mexique, semblable au Caucase, étoit liabitcc , dès les temps les plus reculés, par uo grand nombre de peuples de races différentes. Une partie de ces peuples peut être considérée comme le reste de tribus nombreuses qui, dans leurs migrations du Nord au Sud, avoïent traversé le pays d'Anahuac, et dont quelques familles, retenues par l'amour du sol qu'elles avoient défriché , s'étoient séparées du corps de la nation, en conservant leur langue , leurs mœurs, et la forme primitive de leur gouvernement.

Les peuples les plus anciens du Mexique, ceux qui se regardoicnt comme autoehthones, sont: les Olmèqnes ou Hulmèques qui ont poussé leurs migrations jusqu'au golfe de Nicoya et à Léon de Nicaragua, les Xicalanques, les Corcs, les Tépanèques, les Tarasques, les Mizlèques, les Tzapolèques et les Olomitcs. Les Olmèqnes et les Xicalanques, qui habiloient le plateau de Tlascala, se vantoieut d'avoir subjugué ou détruit, à leur arrivée, les géans ou quinametin , tradition qui se fonde vraisemblablement sur l'aspect des ossemens d'éléphans fossiles trouvés dans ces régions élevées des montagnes d'Anahuac. ( Torq., Tom. i, pag. et 364.) Bolurini avance que les Olmèques, chassés par les Tiascaltèques, ont peuplé les Antilles et l'Amérique méridionale.

Les Toltèques, sortis de leur patrie, Huehuellapallan ou Tlalpallan, l'an 544 notre ère, arrivent à ToUantzinco , dans le pays d'Anahuac, en 64B, et àTula, en 670. Sous le règne du roi toltèque, Txtlicuechabuac, en 70S, l'astrologue Huematzin composa le fameux livre divin, le Téo-amoxtli, qui renfermoit l'histoire, la mythologie, le calendrier et les lois de la nation. Ce sont aussi les Toltèqnes qui paroissent avoir construit la pyramide de Cholula, sur le modèle des pyramides de Téolihuacan. Ces dernières sont les plus anciennes de toutes, et Siguenza les croit l'ouvrage des Olmèques. [Clav., Tom. 1, pag. 126 et 129; Tom. iv, pag. 46-)

C'est du temps de la monarchie toltèque , ou dans des siècles antérieurs , que paroit le Rudha mexicain t Quetzalcohuatl, homme blanc, barbu et accompagné d'autres étrangers qui portoient des vètemcus noirs en forme de soutanes. Jusqu'au seizième siècle, le peuple employoit de ces habits de Quetzalcohuatl pour se déguiser dans les fêtes. Le nom du saint éloit Cuculca à Yucalan, et Camaxtii à Tlascala. {Torq., Tom. Il, pag. 55 et Soy. ) Son manteau étoit parsemé de croix rouges. Grand-prétre de Tula, il fonda des congrégations religieuses. « Il ordonna des sacrifices de Heurs et de fruits, et se bouchoit les oreilles lorsqu'on lui parloit de la guerre. » Son compagnon de fortune, Huemac, étoit en possession du pouvoir séculier, tandis que lui-même jouissoit du pouvoir spirituel. Cette forme de gouvernement éloit analogue à celles du Japon et du Cundinamarca ( Torq., Tom, 11, pag, 237 ) ; mais les premiers moines, missionnaires espagnols, ont gravement discuLé la question si Quetzalcohuatl étoit Carthaginois ou Irlandois. De Cholula, il envoya des colonies à la Mixteca , à Huaxayacac , Tabasco et Campèche. On suppose que le palais de Mïtia a été construit par ordre de cet inconnu. Du temps de l'arrivée des Espagnols, on conscrvoit à Cholula, comme des reliques précieuses, certaines pierres vertes qui avoient appartenu à Quetzalcohuatl; et le père Toribio de Motilinia vit encore sacrifier en honneur du saint au sommet de la montagne de Mallalcuye, près de Tlascala. Le même leligleux assista, à Cholula, à des exercices ordonnés par Quclzalcohual! , dans lesquels les pénitens se searifioient la langue, les oreilles et les lèvres. Le grand-prètre de Tula avoit fait sa première apparition à Paniico : il quitta le Mexique dans le dessein de retourner à Tlalpallan, et c'est dans ce voyage qu'il disparut , lion pas au nord, comme on devroit le sujjposer, mais ù l'est, sur les bords du Rio Huasacualcû. [Torq., Tom. ii, pag. 3o7-3i i.) La nation espéra son retour pendant un grand noniiii'c rie

4t

NOTES. 3 1 9

siêrles. r, Lorsque, en arrivout h Ti;iiochl.illan , jr passai par Xochimilco, dit le moine lîfirnard de Snhngim, tout le monde me demanda si je venois de '1 lalpallan. Je n'entendois pas alors le sens de cette question , mais je sus plus lard que les Indiens nous prenoient pour les descendans de Quctzaicoliuatl. » {Torq., Tora. n, pag, 53.) Il est intéressant sans doute de réimir jusqu'aux plus petites circonstances de la vie de ce personnage mystérieux qui, appartenant à des temps héroïques, est probablement antérieur aux Tchèques.

Peste et destruction des Toltèqnes en io5i. Ils poussent leurs migrations plus loin au sud. Deux enfans du dernier roi et quelques familles toltèqnes restent dans le pays d'Anahuac.

Les Cliichimèques, sortis de leur patrie Amaquemecan, arrivent au Mexique en 1 170.

Migration des Nahuatlaques (Analiuatlaques) en 11 78. Cette nation renlei'ma les sept tribus des Sochimilques, des Chalques, des Tépanèqucs, des Acolhues, des Tlahuiques, des Tlascaltèques ou Téocliicliimèqucs et des Aztèques ou Mexicains qui, de même que les Cliichimèques , parloient tons la langue tollèque. [Clav., Tom. i, pag. i5i ; Tom. iv, p. 48.) Ces tribus appeloient leur patrie Aztlan ou Teo-Acolhitacan , et la disoient voisine d' Amaquemecan. {Garvia^ Origen de los Indios , pag, 183 et 5o2.} Les Aztèques ctoient sortis d'Aztlan, d'après Gama , en io64; d'après Clavigero, en II 60. Les Mexicains ])roprement dits se séparèrent des Tlascaltèques et des Chalqucs, dans les montagnes de Zacatecas. (^Cîav., Tom. i, pag, i56. Torq., Tom. i, pag. 87. Gama, Descripcion de dos Piedras , pag. ai.)

Arrivée des Aztèques à Tlalixco ou Aeahualtzinco, en 1087; rélbrmc du calendrier, et première féte du feu nouveau depuis la sortie d'Aztlan, en ioqi.

Arrivée des Aztèques à Tula , en iig6; à Tzompanco, en 1216; et à Chapollcpec, en «Sous le règne de Nopaltzin, roi des Chicliimèqucs, un Toltèque, appelé Xîubtlato, seigneur de Quaultepec, enseigne au peuple, vers l'an laSo, la culture du maïs et du coton, et la panification de la farine de maïs. Le peu de familles toltèqnes qui babitoient les rives du lac de Ténoclitillan avoient entièrement négligé la culture de cette graminée, et le froment américain auroit été perdu pour toujours si Xiobllato n'en eût conservé qiielqnes gniins depuis sa première jeunesse. " ( Torq., Tom. 1 , pag. 74. )

Union entre les trois nations des Cbichinièqucs, des Acolbues et des Tollèques. Nopaltzin, lîls du roi Xolotl, épouse Azcaxocbitl, tille d'un prince toltèque; Pocholl, et les trois sœurs de Nopaltzin s'allient aux chefs des Acolhues. Il existe peu de nations dont les annales 'présentent un si grand nombre de noms de famille et de lieux que les annales hiéroglyphiques d'Anahuac.

Les Mexicains tombent dans l'esclavage des Acolhues, en 1314, mais ils réussissent bientôt à s'y soustraire par leur valeur.

Fondation de Ténochtidan , en i325.

Rois mexicains: 1. Acainapitzin , iSSs-iSSq; II. Huilzilihuitl , i38g-i4io; III. Chimalpopoca, 1410-1422; IV. IlzcoatI, 1423-1436; V. Motezuma-Ilhuicamina ou Motezuma premier, i436-i464; VI. Axajacatl, 1464-1477; VU. Tizoc, 1477-1480; VIII. Ahuilzotl, i48o-i5o2; IX. Motezuma- Xocojotzin ou Motézuma second, iSos-iSao; X. Cuitlahualzin, dont le règne ne dura que trois mois ; XI. Quauhtemotzin qui régna pendant neuf mois de l'année iSai. ( Clav.) Tom. iv, pag. 55-6i.)

Sous le règne d'Axajacall mourut Nezahualcojotl, roi d'Acolhuacan ou Tezcuco, également mémo- rable par la culture de son esprit et par la sagesse de sa législation. Ce roi de Tezcuco avoit composé , en langue aztèque, soixante hymnes en l'honneur de l'Ètre-Suprèine , une élégie sur ta destruction de la ville d'Azcapozalco, et une autre sur l'instabilité des grandeurs humaines, prouvée par le sort du tyran Tezozomoc. Le pelit-neveu de Nezahualcojotl, baptisé sous le nom de Ferdinand Alba Ixtilxochill, a traduit une partie île ces \ers en espagnol, et le chevalier Boturini posséda l'original de deux

de ses liymnes composés cinquante ans avant la conquête, et écrits du temps de Cortès, en caractères romains, sur du papier de metl. J'ai cherché vainement ces hymnes parmi les restes de la collection de Boturini, conserves au palais du vice-roi à Mexico. Il est encore bien digne de remarque que le célèbre botaniste Hemandez a fait usage de beaucoup de dessins de plantes et d'animaux, dont le roi Nczahualcojoll avoit orné son habitation àTczcuco, et qui avoient été faits par des peintres aztèques.

Arrivée de Cortès à la plage de Chalchicuecan , en i5ig. Prise de la ville de Ténochiiilan , en iSiï.

Les comtes de Motezuma et de Tula, résidant eu Espagne, descendent d'Ihuiteniotzin , petit-fils du roi Motezuraa-Xocojotzin qui avoit épousé Dona Francisca de la Cueva. Les maisons illustres de Cano Motezuma, d'Andrade Motezuma et du comte de Miravalle MexicoJ tirent leur origine de Tecuichpotzin , fille du roi Motezuma-Xocojotzin. Cette princesse, baptisée sous le nom d'Élisalieth , survécut à cinq maris, parmi lesquels on compte les deux derniers rois du Mexique, Cuitlahuitzin et Quauhtcmolzin et trois militaires espagnols.

Pag. 235. Cihnacohuatl. M. Maier pense que cette figure de la mère des hommes de même que celle indiquée Pl. xni ont rapport à l'histoire d'Ata-Entsik et de ses deux petits enfans, Juskeka et Tahuitzaron, célèbres parmi les Hurons et les Iroquois. Mjtholog., TascIienL, Tom, ii, pag. 241, et Tom. Il, pag. 2g4. {Creuxius , hist. Canad. seu JYovœ Franc , 1664, Lih. i, pag. ^rj.]

Pag. 236. Conformation du front. La tête de ïeocipactli , Pl. xxxvii , n." 6 , ressemble singulièrement à celle qui est représentée Pl. xi. D'après des renseignemens reçus du Mexique, depuis la publication de la première partie de cet ouvrage, cette sculpture remarquable n'a pas été trouvée à Oaxaca, comme je l'ai avancé à tort (pag. 47-5i ), mais plus au sud, près de Guatimala , l'ancien Quauhtenmllan. Cette circonstance éloigne encore plus les doutes que l'on pourroit élever sur Vorigine d'un monument si étrange. D'ailleurs les anciens habitans de Guatimala étoient un peuple très-cultivé, comme le prouvent les ruines d'une grande ville située dans un endroit que les Espagnols appellent el Palenqiie

Pag. 255. Les hiéroglyphes des nombres. M. Gatlerer, dans le Précis de son Histoire universelle, attribue aux Phéniciens et aux Égyptiens l'invention admirable d'exprimer les dixaines par la position des chiffres. Il alllrme positivement que, dans les manuscrits égyptiens écrits en caractères cursifs, on reconnoit neuf lettres de l'alphabet, indiquant neuf unités et un dixième signe faisant fonction du zéro des Hindoux et des Tibétains. Le même savant avance que Cécrops et Pythagore ont connu ce système de numération égyptien et qu'il a tiré son origine de farithmétique hiéroglyphique linéaire, dans laquelle des traits perpendiculaires ont une valeur de position, tandis que plusieurs rangées de barres horizontales désignent des dixaines et des multiples de dix. [Gatlerer, PP'eltgeschichte bis Cyrus ^ pag. 586 J. Selon cette hypothèse, la notation propre aux Hindoux auroit été introduite pour la seconde fois en Europe par les Arabes : mais ces assertions ne paroissent pas fondées sur des bases très-solides. [Kircher, Obel. Pamph. , pag. On sait que, chez les Romains, dont le système numérique

est infiniment plus imparfait que celui des Grecs, l'unité change de valeur selon qu'elle est placée avant ou après les signes de cinq ou de dix. Une véritable valeur de position se trouve dans la notation dont, au rapport de Pappus, se servoit Apollonius pour les myriades. (Dclambre, Arithm. des Grecs dans les Q£iwres d'Awhiméde , i^o-j,\ta^. ^j^) : mais aucun des peuples sur lesquels nous avons des notions certaines, ne paroft s'être élevé à cette méthode simple et uniforme qui, depuis une haute antiquité, est suivie par les Hindoux, les Tibétains et les Chinois.

Pag. 257. Douze Sntias. Les habitans (.l'Otaliili divisent i'aunée, 11011 en douze, mais en treize mois ou lunes auxquelles ils donnent les noms des fils du soleil. { Missionary f^qyage to t/ie Facile Océan, 1799, pag. 34i-344-) Cette division par treize est bien extraordinaire sans doute; mais nous savons que des peuples très-avnncés dans la civilisation se sont arrêtes long-temps dans leur calendrier aux nombres les moins propres à la division du temps. Voyez les belles Recherches de M. Niebuhr, sur l'anniîe romaine et étrnsijue. [Rœiniscke Geschichte /îom. 1, pag. 91 et 192.)

Pag. 26G. ISotice complète des peintures. Il est assez remarquable qu'un moine franciscain , Torquemada, ait déjà accusé de barbarie l'évéque Zurnaraga, trop célèbre par la destruction des peintures historiques des Aztèques. ( Mon. Ind. , Tom. i, pag. ^76. ) Un des rédacteurs de la Gazette littéraire de Gottingue {Année 1811, p. i553) rappelle qu'il existe cinq manuscrits mexicains dans la bibliothèque Bodleyenne à Oxford. {^Monthly Mag.j Tom. 11, pag. 337.J Le même savant, en rendant compte de mes recherches sur les monuraens des peuples indigènes du Mexique, compare le buste, représenté Pl. i et 11, à la téte gravée dans Tassie, Cat, Tom. vu, pag. 248.

TABLE

ALPHABÉTIQUE

AUTEURS ET OUVRAGES

CITÉS DANS CE VOLUME.

»

A.

AcHiLi.ES Tatius. Commentaire sur les Phéno- mènes d'Aratus, i8o, 5i5 et 3i6.

AcosTA. Histoire naturelle et morale des Indes , 63, 129, i3i , 17g, i83 et 507.

Adelung, ]\Iithridates. Ses observations sur l'ana- logie qui règne entre le persan et les idiomes germaniques, sur la difficulté de classer les langues du nord-est de l'Asie, 167.

Aguada (Pedro). Ses manuscrits ont servi à Piedrahita, 245.

Albategnius. De la science des èloiles , lyS.

Alva IxTLiLXOCMiTL. Ses manuscrits sur This- toire du Mexique, i85.

Alvarado Tezozomoc {Fernando de). Ses ma- nuscrits sur l'histoire du Mexique, 126.

Alzate (Joseph Antonio) y Ramirez. Descrip- tion des antiquités de Xochicalco, 4i.

Amiot. Mémoires concernant les Chinois, 126.

Ampelius. Livre dénotes, 5i5.

Anquetil. TraductioTi du Zend-Avesta, 207 et 3i5.

Apollonius de Rhodes. Argonauliquen , 100.

Aratus. Phénomènes, 5i5.

Archœologie ou ObscrvatioTis mêlées sur les an-

tiquités, publiées par la société des Antiquaires

de Londres , 5 1 . Aivhives pour l'ethnographie, 5g. Ar[stophane. Nuées, i55. Aristote. Météorologie, a 10. Arrien. Expédition d'Alexandre. Sa description

du temple de Bélus à Babyiouc, 55i. Art de vérifier les dates, 2S2. /^siatic Researches, 5i5.

B.

Bailly, Histoire de l'astronomie ancienne , 1 28, 1 2g , 1 Sa , 1 70 , 207 et 3 1 5 ; astronoiuie moderne, \^'], lôg et 182; astronomie in- dienne, i5g, i5g et 182.

Bainbridge. Canicularia, 5i5.

Babton. Sur les langues de l'Amérique septen- trionale, 110.

Beda. Histoire ecclésiastique, 72.

Bertucu. Lphémérides géographiques, 64.

Bianchini. Son planisphère, 170.

Blu m en BACH . -Description des cran es de sa collection, 5o.

BoETTiGER. Idées sur l'archéologie de la peiTilure des anciens, 266.

BoTuniNi - Benaducci. Essai historique sur la

024

Nouvelle -Espagne., 54, 69, 79 218, 382, 507 et 5oS.

BOULLANGER. (EuVItS , 5l4.

BuTTMAN-N. Note insérée dans l'ouvrage d'Ideler, i54 et SjB.

c.

Carf,y, filets portalif des États-Unis Amé- rique, igy. Carli. Lettres américaines , 18a, 186. Castellanos { Suas de ). Ses manuscrits ont

servi à Picdrahita, 24:'). Castillo (Christoval del). Ses manuscrits en

langue aztèque sur l'iiistoirc du Mexique, 1 26,

i3a et 185. Censorin. Dujournalal, 258. Cervantes, professeur de botaoîque à Mexico.

Ses découvertes eu botanique, 47. Chezy (de). Son observation sur le mot mécha,

160; sur le sravana du zodiaque indien, i65. Chimalpain (DoMiNtîo), Son manuscrit en langue

aztèque sur l'histoire du Mexique, 126. Choiseul-Gouffier. F^oyage pittoresque de la

Grèce f 55. Cicéron. De la divination, Ji5. CiEÇA (PiEDRO de) de Leos- Chronique du

Pérou. Sa description de l'éruption du Coto-

paxî, 46; notices qu'il donne sur les maisons

de rinca, 109, ii5, 116, 199 et 309. CrsNERos. Mercure Péruvien, 79. Clavigero, Histoire du Mexique, 5o, 70, 77,

78, 96, i83, 2o4, 224, 329, 281 , 282 et 519. Clément (Saint-) d'Alexandrie. Stromata- Sur

l'inscription de Tlièbes, 65. CoLUROOKE. Sur l'astronomie des Hindoux , i55

et iGG-

CoRTEZ. Lettres à l'empereur Charles - Quint.

Ce qu'il dit de Cholula, 27 et 28; son entretien

avecMontézuma sur l'origine des Aztèques, 3];

sa description des téocaliis, 33. Court-dk-Gecel[n. Monde primitif. Il prétond

qu'il existe, en Amérique, des inscriptions

phéniciennes, 5i, 60. Ctésias. Ce qu'il rapporte du tumulus de

Ninus, 55. Creuxius. Histoire du Canada, Sao.

TABLE ALPHABETIQUE

80, 204

CuviBR. Leçons d'anatomie comparée. Obser- vations sur l'os frontal des Mexicains, 5o; Mémoire sur des ossemens de mastodontes et d'éléphans fossiles, 3o5.

D.

Daniell. Oriental Scenery. Sa description delà

pagode de Tanjorc, 35. Davis. Hur le cycle de soixante ans, i 5G. Décade philosophique, 3i5. Deguignes. Histoire des Huns, 159. Dblambre. Sur l'arithmétique des Grecs, i43

et 32o; astronomie, 3i5. Denon. f^oyage en Egypte, 5, 59, 84, yS, 172,

365 et 272.

Description de l'Egypte ancienne et moderne, 3u8.

DiAZ (Brrn'Al). Hiatoire de la conquête du

Mexique, 53. Dictionnaire de Trévoux, s(36. DioDORE DE Sicile. Sa description du temple de

Botus à Babjlone, 33; de la pjramide de la

reine des Sc3'thes, Zarina, 54; ce qu'il dil

du tumulus de Ninus, 35, Dion Cassius. Son observation sur les noms des

jours de la semaine, i68. DixoN. Voyage, 49.

Du CiioUL. Discours de la religion des anciens Romains, 171.

Du Croh. Lettre insérée dans l'ouvrage de Gaubil, 182.

DuHALDE. Description de la Chine, 35.

Dupuis. Origine des Cultes, i5g, i63, 170, 174, i85, 207 et 260; Mémoire explicatif du zodiaque, 181, 19! et sio; il/t'/7io/>-é', dans la Décade philosophique, 3i5.

DuQUESNË (José Domingo ). Sa dissertation ma- nuscrite sur le calendrier des Muyscas, 244, 252 et suivantes jusqu'à 2(i5.

E.

Eguiara. Bibliothèque mexicaine, 84. Engel. Histoire d' Hongrie , 162- Eratosthéne. Catastérismes , 171 et 3i6.

DES AUTEURS.

0 23

F.

Fabrega. Manuscrits sur les aiiliquitcs aztèques,

75.

Fabricius. Bibliothèque grecque, 211, 3i6.

FiRMicus. Astrologie, lyô-iSi.

FoNTBNELLB. Histoire de l' Académie des sciences,

170 et 173. Frbret. (Euvres complètes, 3i2, 3)3.

G.

Gama. Description historique et chronologique de deux pie/res, 34, i3i, iSy, iS3 et suïv. jusqu^à ig4, 261, 282 et 3ig,

Garcia. Origine des Indiens , 3oj et 3[g.

Gabcilasso de la Vega. Ployez Vega.

Gatterer. Elémens de chronologie, 3i3; his- toire universelle avant Cjrus , 330.

GAUBtL ( LE Père). Observations mathéma- tiques sur la Chine, i5i, 107, iGo^ 16G, 17(3, a57, 265 et 2G7.

Gemelli Carreri. Tour du monde. Sa descrip- tion de la pyramide de Cholula, 37, 1S7 et 208; cet ouvrage défendu contre ses détrac- teurs, 233.

Geminus. Èlémens d'astroTiomie , 3(3, 3r5.

GÉORGi (Le ¥èKE). Alphabet libélain, 85, i4-2,

i5r, 2o3 et 207, Géorci (Jean-Tiiéoph.). Voyages en Russie, 162.

Germanicus CtisAR. Sa traduction d'Araius, 3i4, 3i5.

Gilbert Dëvarenne. Blason, 236. Gœtze. Curiosàès de la bibliothèque de Dresde, aôfi.

Gomara. Histoire de la conquête du Mexique , 63, 97, i3i, i37, 137, 17g, 187, 5o3 et 217.

H.

Hager. Explication d'un zodiaque oriental, 170, 172, 3i5; Mémoire sur les chiffies de la Chine, ^53; monument d'Yu, 3iG.

H.\MiLTON. Catalogue des Mss. sanskrits delà bibliothèque impériale , loi , 202.

FTahimer. Mémoire dans les Mines de l'Orient, 3o3.

Hërmann. Mythologie des Grecs, 202.

Hkrodotc. Son rapport sur les pyramides du lac Mœris, 25; sa description du temple de Bélus à Babylone, 33; sur le luniuius de Niiiua, 35; son observation sur les noms des jours de la semaine, 168; sur les quatre changemcns apparens arrivés dans les lieux du coucher et du lever du soleil, 210; sur l'intercalation usitée chez les Grecs, 258; sur le calendrier des Égyptiens, 3i3.

Hervas. Arithmétique de toutes les nations connues, 24g et suiv.

HiJsioDE. (Euvres et joumées, aïo.

HiPPARQL'Ë. Commentaire sur Aratus , 3i5.

Histoire générale des Voyages, 6g.

Homère. Hymne à Mercure, 100.

Hi'G. De l'invention des lettres, 3oy.

HuMBOLDT (Alexandre de). Tableaux de la nature. Description duCotopaxi, 47; sur les quadrupèdes carnassiers du Mexique, 160 ; Essai sur lu population priniitivedu Mexique, dans le journal do Berlin, i3i.

HvGis. Astfo/iondques , 171; commentaire sur Aratus, 3i4.

I.

Ideler. Recherches historiques sur les observa- tions astronomiques des anciens, 128, i54, 173, 177, 25S, 3i3, 3i4, 3i5; sur les déno- minations des catastérismes ib"], lôg, i63, 171,315.

Ixtlilxociiitl. Voyez Alva,

j.

Jamksoï*. Système de minéralogie, 201.

JuFFiîRSON. Notes sur la Virginie, 12.

JoMARD. Ses dilférens mémoires sur l'Égypte, 3o8.

Jones (William). Son opinion sur l'origine des premiers Égyptiens, 57 ; sur les communica- tions des Chinois avec ITndostan, i3o, i48; sur l'astronomie des Hindoux, i55, i66.

Juan (George). Voyage historique de l'Amé- rique méridionale, 2g6.

82

SaG TADI-E AT.,F

JuLiAN. Perle de V Amérique, la province de Saillie-Marthe, aa.

R.

K.î:mpff.r. Histoire du Japon, 149.

Kalm. F^oyage en Amérique, 69.

KiRCHER. Oedipus , 77, 168, 3i5; Obélisque

Pamfili, 320. Klaproth (Jules de). Magasin asiatique, 267,

307,

Krusenstern. T^oyage autour du monde, 273.

L.

La Condamine. Mémoire sur quelques anciens monumens du Pérou, 109,116,117; P''oyage à l'équateur, 24a , 174-

Lactance. Institutions divines. Sur les sacri- fices humains dans l'empire romain, 99.

Lafitau. Mœurs des Sauvages, 69, 71.

La Hontan. J'''ojage dans l' Amérique septen- trionale, 71.

Lalande. Astronojrde, 129.

Lambecius. Commentaires de la bibliothèque impériale de Fienne, 76.

La Nauze. Mémoire sur le calendrier des Égyp- tiens, 3i3,

Langlès. Observations sur le Voyage de Nor- den, 26, 67, 53; Dictionnaire mantchou, 64; Rituel des Tartares-Mantchoux, 85, 98 ; notes dans les Recherches asiatiques; sur le phallus, loi ; sur le calendrier persan, dans la nouvelle édition de Chardin, i43; Notes au voyage de Thunberg, 168.

Laplace. Exposition du système du monde, 7, 12g, i36, i4t, i85.

Lederer. F^oyage en Amérique, 71.

Le Gentil. Mémoire dans l'Histoire de l'Aca- démie, 129; Voyage dans les Indes, i53, iGo , 207, 269.

Lirsius (JusTt:). De Vétat militaire des Ro- mains, 236.

LoRENZANA. Histoire de la Nouvelle-Espagne ,

87.

LoRT. Mémoire sur 7ine ancienne inscription de TauntonRiver, dans l'Archéologie angloise, 60.

[AB|i:TII5UE

Lur.o (Bernard de). Grmnniairc de la langue générale du nouveau royaume dit Mosca,

247, 2J2.

M.

Macartney. Voyage à la Chine, 3i6. Macrobe. Saturnales, 172, 260, 3i5; Commen- taire sur le songe de Scipion, ibid, Mane thon. Apotclesmates , 3i5, 3(6. Maniltus. Astronomiques, 171, 3i5. Marchand. Voyage autour du inonde, 5i, 71. Mariëta. Histoire ecclésiastique, 317. Marini. Actes des frères Arvales , 3r3. Marquez (Pietrg). Deux monumens antiques

d'architecture américaine, 4i. Martianus Capella. Noces de la Philologie et

de Mercure, 3i5. Martini. Histoire de la Chine, 69. Mayer (Frédéric). Idées religieuses des peuples,

3i6, 320. Lexupie mythologique , 3i6, Medrano (Antonio). Ses manuscrils ont servi

à Piedrahita, 245. Menestrier. Nouvelle méthode raisonnée du

blason, 236. Mercatus. Des obélisques de Rome, Sa, Mill. Dissertations choisies, g4. Mines de l'Orient, 253, 3o8. MoNTFAUcoN. Monuiuens de la mo7iarchie fran-

çoise, 236.

Montucla. Histoire des matjiémaiiqucs , 3i5. MooR. Panthéon hindou, 202. MoziNO (Jose). Voyage à Noutha , ]q3, Munco-Parck. Voyage en yifrique, 25 1.

N.

Nessel. Catalogue de la bibliothèque impériale

de Vienne, 268. NiEREMBERGER ( Eusèbe). Histoire naturelle ,

190, 219, 259.

o.

Olmos (Andbès de). Ses manuscrits sur les

antiquités mexicaines, 126, 317. Origène. Contre Celsus, 181, 211.

DES AUTEURS.

Palin. De l'étude des hiéroglyphes , 254, 2G7, 284.

Pallas. F'oyage en Russie, 90.

Paolino di s. Bartolomeo. T^oyage aux Indes oricnt'des. Sur le temple de Bclus, Sy ; Manuscrits d'Ava, 100; Système brachma- nique, ti-2, 2o5.

Papillon. Histoire de la gravure en lois, 77.

Pausanias. foyage de La Grèce. Sa description du temple de Bélus à BabjlooCj 34; du tom- beau de Calisto, 36.

Pauvv. Recherches philosophiques sur les Amé- ricains , 24g.

Pet AU. De la doctrine du temps , 180; Urano- logie, 3i4, 3i5.

PiEoaAHiTA (Lucas FcRNANDiiz). Histoire géné- rale de la conquête du royaume de la Nouvelle- Grenade , n), 22, 345.

Pingre. Comélographîe , 3.82.

Platon. De la république, bo; Timée, 210; des Lois, ibid,

Pline. Histoire naturelle. Sur les pyramides de Porsenna, 25; sur Bclus, 34; sur la défiuise de l'empereur Claude de sacrifier des homnn gg; sur la facilité du lierre de s'enflammer, ic sur la constellation de la Balance, 3iu.

Pluche. Histoire du ciel, 3i5.

Plutarque. D'Ids et d'Osiris. Sur l'inscription de Tbcbes, 653; esplication qu'il donne des fêtes égyptienaeSj 3i4. jDes doctrines desphi- losophes; sur la constellation delà Balance, 3i5. PococKE. Voyage, 26.

PoLYHB. Histoire générale. Sa description du

climat de l'Arcadie, 2i5. PowNAL ( Thomas). Archeologia, 238. Ptolémée. ALniageste, 3i5, 3i6. PuRCiiAs. Collection de Voyages, 77, 87,88, 288.

QuATREMÈRE-DE-QuiNcv. Sur l'idéal dans les

arts du dessin, 216. QuESADA (GoNçALO Xlmenez de). Scs maiius-

crits ont servi à Piedrahita, 218.

327

Quinte- CuRCE. Sa description du temple de Bélus à Babylone, 34.

R.

Recherches asiatiques, 67, 93, 113, i3o, i48,

53, i55, i56, r58, i65 et 171. Recherches sur l'origine de la sphère grecque , 174.

RiioDE. Essai sur l'ancienneté du zodiaque , 174; sur Dendera, 3r3.

Rios (Pedro DE Los). Son manuscrit sur les an- tiquités mexicaines, 3o, 36, 77, 88, 121, 9o3.

RoDERïsoN, Histoire de l'Amérique , 76,

193, 11)8, 223, 22J.

s.

Sacy (Sylvestre de). Grammaire arabe, i42.

Sahagun (Bernardino de). Ses manuscrits sur les antiquités mexicaines, 12G.

ScALiGER, Notes sur M'anlius, 180; de la cor- rection du temps , 3i3.

ScnAUBACii. Histoire de l'astronomie des Grecs, 3i5.

ScHLEGEL (Fréd.). iSur la langue et la sagesse

des Indiens, 3o, 33, 98, 307. ScnLoizER, Preuve qu^il a fournie que l'histoire

du Nord ne remonte pas au delà du dixième

siècle, aS.

SciiMiDT- De l'origine du zodiaque, 3i5.

SÉNÈQUË, Questions naturelles ; syr l'origine du feu, ioo; sur la manière dont les Égyptiens dislinguoient les deux genres des mots, i4g.

Servius. Commentaire sur Virgile, 3i5.

Sextus Empiricus. Contre les mathématiciens, 181, 182.

Siguenza (Carlos de). Cyclographie, 126, 226; ses manuscrits sur les antiquités mexicaines, 85, 208.

SoNHERAT. Voyage aux Indes, i58.

SouciET (le PÈrë), Observations astronomiques

sur la Chine, i5i, i57, 161, iGG, 1G8, 182,

•2^1, 2G2, 265, 267 et suiv. Sriveti, poète indien, 171. Stolberg (Fréd.-Léop., comte de). Histoire

328

TADI-E AT.PHABETIQUE DES AL'TEURS.

de la religion de Jésus-Christ. Son hypothèse

sur l'origine du culte péruvien, gS. Stbabon. Géographie. Sa description du temple

de Bclus à Babylone, 34; son assertion sur

l'ignorance des Hindoux avant les conquêtes

d'Alexandre, 64. Suétone. Histoire des douze Césars. Sur la

défense de l'empereur Claude de sacrifier des

hommes, gij. SvvABZ. Kecherches sur l'origine de la sphère,

3i5.

T.

Tapia Zkntbno (Carlos de), ylrt de la langue mexicaine, 3 17,

Tertullien. jdpologie contre les Gentils. Sur les sacrifices humains dans l'empire romain, 99.

Testa. Dissertation sur deux zodiaques égyp- tiens, 3t5.

Tezozomoc. Ses manuscrits en langue aztèque

sur l'histoire du Mexique, 127. Théon. Commentaire sur Ptolémée, 3] 5. Thévenot (Melchisëdec ). Relation de divers

voyages curieux , 77, 7g, 98, 2H8, TiiuNBERG. Voyage au Japon, i3o. Thwrocz. Chronique des Uongrois, 163. TiTE - LivE. Histoire romaine, 2o4 ; son récit des

clous chronologiques des Etrusques, 2o4. ToRiBio DE Benavbnte. Ses manuscrits sur les

antiquités mexicaines, 126. Torquemada. Monarchie indienne, 53, 125,

126, 167, 179, i8r, i83, 187, 2o3j 2o4, 2i3,

218, 219, 239, 282, 317, 3i8. i Transactions philosophiques, i58. Truter. Voyage en Afrique, 64. TuRNER, Voyage au Tibet, 23 1.

u.

Ulloa ( Antonio). Notices américaines, 70, 197;

V oyage historique de l'Amérique méridionale, ig6. Voyez. George Juan.

V.

Valadès (Didacus ]. Rhétorique chrétienne , 63, i83.

Varron. De la langue latine , 3i5.

Vatkr. Sur la population de l'Amérique , 67,

69, 112, 162. Vega ( Francisco Nunez de la }, Constitutions

synodales, 73, i48. Vega (Garcilasso de laJ. Commentaires royaux.

Sur l'éruption du Cotopaxi, 46; sur la nation

des Pasioux, 86; sur le calendrier péruvien ,

i3o.

Vincent. Voyage de Néarque, 33.

Virgile. Bucoliques, 211; Géorgiques, 3i5.

ViscoiNTi. Mémoire sur le zodiaque égyptien, i54; Miscellanea du Musée Pio~Clémentin , i54; Observations sur le zodiaque de Bia?t- chini, 170.

ViTRUvE. De Varchitecture,Zib.

w.

W addilove. Description du Recueil de pein- tures aztèques de l'Escurial , jS, 19'! Warburton. Essai sur les hiéroglyphes , 77. W ilkins. Traduction du Bhagavat-guita , 186.

Zeni (les frères). Voyage, 72.

ZoEGA. De l'origine des obélisques. Son obser- vation sur l'analogie entre les téocallis mexicains et le temple de Bélus à Babylone, 33; son hypothèse sur le téocalli de Cholula, 37; sur les hiéroglyphes et l'origine de l'art d'écrire, 62 , 63, 65 j 82 , 91 , 101 , 121 , igo, 212 , 217.

Fin DE LA Table des auteurs.

TABLE

ALPHABÉTIQUE DES MATIÈRES

CONTENUES DANS CE VOLUME.

Acacitli, premier fondateur de Mexico, 288.

Acahualtzinco , ville des Aztèques, 137.

Acamapitzin, premier roi des Aztèques, Sig; hiéroglyphe indiquant son nom , 54-

Acatl, canne, signe du calendrier aztfiqiie, 189; hiéroglyphe qui le représente, i63,

Acalhuatzin, premier roi d'Azcapozalco , 53.

Acolkues^ peuple du Mexique, parlant, la même langue avec les Toltèques, les Cicimèques, les Tiascaltèques et les Aztèques, 24; leur union avec les Cicimèques et les Toltèques, Sig.

Acotl, dixième fondateur de Mexico, 288.

Adam des Mexicains. Voyez TonacateuctU.

Adoration. Conmient elle se faisoit chez les Mexi- cains , 83.

Adultère. Sa punition chez les Mexicains, 280; représentée sur une peinture hiéroglyphique , ago.

AeroUthe de Cholula,32, 208.

Aerolitlie , fils de Citlalatonac et de Citlalicue, qui, en se brisant, produit lâoo dieux su- balternes, 317.

Agave americana, plante qui a servi aux Aztèques pour la fabrication de leur papier, 52; aujour- d'hui on en tire la pulque, 52.

Age d'or des peuples d'Anahuac , 3o.

Ages, cinq, du monde. Tradition des Aztèques, 2o3. Durée du premier, 2o4; du second, 206; du troisième j ibid.; du quatrième, ilnd. Ils ren- ferment ensemble 18,028 ans, 307; ou, selon Alva

Ixtilxochitl , 1417 ans , 20g. Observations de M. Visconti sur leur nombre, 3oi.

Agiiexotl., quatrième fondateur de Mexico, 288.

Ahiiitzotl, roi du Mexique, fait construire le téocalli de Mexico, 118; époque de son règne, 319,

Aigle. Les Mexicains érigèrent des chapelles eu l'honneur de cet oiseau, 219.

Aigle déchirant un captif, ligures représentées sur une pierre américaine , l^o.

Aigle placé sur un cactus , prodige cpû indiqua la place Ténochtitlan devoit être fondé, 288.

Air, élément par lequel a péri la troisième géné- ration des êtres vivans, d'après la mythologie aztèque, 206; hiéroglyphe de cet élément, 208.

Alaminos {ytntonio^. Sou voyage aux côtes mexi- caines, 48.

Alaques (los), rivière au pied du Cotopaxi , ^5.

Aloés. Voyez Agave americana.

Alphabet f inconnu à tous les anciens peuples de l'Amérique, 5g; comment les Mexicaius le rem- placèrent, 66.

Altar, cime des Andes, est un volcan affaissé, 106 ; tradition des indigènes sur son élévation, 201.

Alva Ixtilxochitl , écrivain mexicain. Son système sur la durée des quatre âges, 210.

Alvarado l^Femandode) Tezozomoc , auteur d'une histoire du Mexique, en langue aztèque, 126.

Alvarado {Pedro de). Hiéroglyphe par lequel les Mexicains l'ont désigné, 55; carnage qu'il a fait parmi la noblesse mexicaine, i33 ; sa mort, repré- sentée sur une peinture hiéroglyphique, 281.

83

il

55o TABLE ALT

AlynUes, roi de Lydie. Son monument sépulcral , 35.

Amarsing, poète indien, l'ait mention des deux divisions de recliptiqnc , i5,3.

Anahuac , i>ays. Ses premiers liabitans furent les Cutlaltèques, les Olmèqucs, les Zacatèqiies et les Tarasques, Sa , 90. II est occupé par les ïoltèques, 24 , 90 , g3; après eux, par les Cliichimèques, f)3; ensuite parles Nahuatlaques, ihid.; les Acolhnes, ibid.; iës TIascaitèques, il>id.;\es Aztèques, ibid. Voyez tous ces mots. Histoire chronologique de ce pays, 3i8; dénombrement des peuples qui l'ont primitivement habité, ihid.

Anahuacatzin , roi d'Azcapozalco, 53.

Aniihiintlacs , peuple composé de sept tribus, 24.

Andes. Leurs cimes affectent trois espèces de formes principales, 106.

Andrade Motézuma , maison d'Espagne. Son ori- gine, 3ao.

Animaux sacrés chez les Mexicains, 219.

Annales des Toltèques, remontent au septième siècle après J. C, i36; ceux des Aztèques com- mencent au onzième, iS^ ; représentation de ces annales dans une peinture hiéroglyphique, 280.

Année civile des Mexicains. Sa forme, lay; sa ressemblance avec le calendrier rrani_'oi.s républi- cain, i3o.

Année mexicaine diffère de celle des Lgyptiens , 6 ; cycle de treize années, i3o; commencement de l'année, i3i ; comment les années sont indiquées parles hiéroglyphes, i38 et suiv.; Tannée étoit solaire, i-]"] ; opinions des divers auteurs sur son commencement, 1 83 ; son premierjour est toujours présidé par le signe qui correspond au Capri- corne, 193. Voyez Calendrier.

Année des Muyscas , civile, de vingt mois, 247 et 256; des prêtres, de trente-sept mois, aS'j ; agricole, de douze lunes, 25^-258; tableau des trois sortes d'années, 258; commencement de l'année civile, 25g.

Année des habitons de Noatka, est composée de quatorze mois de vingt jours, ig3.

Année civile des Péruviens. Sa forme, 129; son commencement, i3i.

Année solaire de trois cent soixante-cinq jours

'HAliÉTIQUF,

six heures, si elle est propre aux ÉgAptiens, 3o8.

^pachihuiliztli , grande inondation qui eut Heu, d'après la tradition des Aztèques, l'an ,'1800 du monde, 32.

Aposentos de Mulahalo , nom que Cieca donne à la pierre dont est construit le Callo, 198.

Aquaverde, nom d'un Espagnol représenté sur un tableau hiéroglyphique, 56.

Araiicains, peuple du Chili. Analogie qui se trouve entre leur année et celle des Égyjitiens, 3i2.

Arbre de lait de la mythologie aztèque, 211.

^rgzVe employée comme ciment par lesPéruviens, 198.

Arsenal Tcaîv.rmé dans un téocalli, 4o-

^rt du dessin. Son perfectionnement parmi les Aztèques , depuis l'arrivée des Espagnols au Mexique, 226.

Assuay ( Paramo del) , groupe de montagnes dans le royaume de Quito, 107,

Atahualpa. Grotte dans laquelle, d'après la tradi- tion, il a caché ses trésors, 114.

Atelkusu, nom de la seconde patrie des Madjares, 307.

Atemotztli, nom du dix-hiiilième mois de l'année mexicaine, i34.

.Atl, eau, nom du septième jour du mois, i44; sixième signe d'une série de neuf, i45; hiéro- glyphe du Verseau, 157 ; observation sur l'exis- tence de ce mot dans les langues orientales, Sot.

j^tlcahualcOf nom du troisième mois de l'année mexicaine, 182.

Atonatiuh, ige de Veau, nom du quatrième âge du monde, d'après la mythologie aztèque, 206.

Avila , montagne, 298.

jixajacail, roi aztèque. Son palais à Ténoclitillan, 7 ; hiéroglyphe rcprésenlant son nom , 64 ; '^^ victoire sur les Matlatzinques , 282; époque oii il a vécu , 3ig.

Azcapozalcn [rois d'). Leur généalogie en hiéro- glyphe, 53.

Azcapozalco [royaume d'-). Sa situation, 53, Il devient tributaire des Aztèques , ibid.

Aztèi/ues, peuple du Mexique parlant la même langue avec les Acolhues , les Toltèques, les Cicimèqucs et les TIascaitèques, 24 ; époque de leui'

DES MATIÈIVES.

arrivée diins la région équiiioxiale dt la SNouvellc- j Espagne, 21; quaud et comment les sacrifices humains furent introduits parmi eiix, g4; ils . obtiennent leur liberté des Colhues, q.^; Férocité qu'ils mettent clans leurs sacrifices , ; historiens . des Aztèques, 1265 leur calendrier, 127. Voyez Année^ Calendrier, Mois, Semaine, Cycle, Jours, Heures, Période. Leurs annales remontent au onxième siècle, 187; leur mythologie sur cinq âges du monde et autant de créations du genre humain, 2o3; leur histoire hiéroglyphique , 223; leur arrivée à Aztlan, 238; villes qu'ils construi- sirent, ibid.; époque de leur sortie d'Aztlan, 22g; observations sur la manière dontseformoieut, dans la langue aztèque, le substantif, le pluriel et le superlatif, 3 16; époques de leurs migrations, 3ig; noms des onze rois qui les ont gouvernés, 3 19. Aztîan, pays d'où sont venus les Tollèqucs, les Tlazcallèques , les Cicimèqucs j les Acolhues et les Aztèques, 3o.

B.

Bains de l'Inca, près des ruines de la ville de Chulucanas, ïq.'ï.

Balance, signe ajouté par Jules César au zodiaque romain, i54; se trouve chez les Indiens et chez les Égyptiens, 3io; indication de tous les passages des auteurs anciens et modernes qui s'y rapportent , 3i5.

Baptême d'un Indien rejirésenté sur une peinture

hiéroglyphique, 281. Baragan, cime de la chaîne centrale de la Cor- dillère de la Nouvelle-Grenade, i3. Basaltes de Régla. Leurs formes, I23. Bas-relief romain, représentant le zodiaque grec

avec un autre zodiaque qui ressemble à celui des

peuples tartares , 170. Bas-relief de la pierre des sacrifices de Iluitzili-

poehtli , 1 18. Beauharnois [le chevalier de). Envoie en France

une prétendue inscription trouvée au Canada, 5g. Been, nom d'un guerrier chiapanois qui désigne

un jour d'une petite période, 148. Bélus. Son temple à Babylone ressembloit aux

téocallis mexicains, 33.

Berlin. Description des manuscrits mexicains qui

s'y trouvent , 81. Betiin, ciment d'asphalte qu'emploient les Péru- viens, II G.

Bianchini. Planisphère antique décrit par ce

savant, 170. Bochica , personnage fabuleux des Indiens Muyscas , et leur législateur, 20, 246; il fait mutiler Fa- magata, 262. Bogota [Rio de). Sa cliute prés de Tequcndama, ig ;

sa largeur au-dessus de cette chute, 22, Bologne. Description du manuscrit mexicain qui

s'y trouve , 75. Borgia [ le cardinal) sauve le manuscrit mexicain

de la famille Giustiniani , 89. Borgia [musée de) h Vélétri. Description du ma- nuscrit mexicain qu'il renferme, 8i-8g; 11 a été commenté par Fabrega, go. Boluririi Benaducci [le chevalier). Aventures de ce voyageur, 52; sa collection de manuscrits aztèques, 7g; les débris se trouvent à Mexico, 80; étude qu'il a faite de l'histoire mexicaine, 126. Bracelet d'obsidienne d'une fille aztèque, i63, 297. Branciforte [marquis de), vice-roi du Mexique,

fait ériger une statue à Charles IV, 8. Briques servent à la construction d'une colline arti- ficielle, 32-36. Biieno [Ramon), franciscain, assure avoir découvert

dans une grotte une inscription, 61. Btignato , coupe particulière des pierres , se remarque dans les constructions péruviennes j i iG.

c.

Cabanes construites avec dos feuilles de vijao, 18. Cabeza del Inca , nom d'une masse de rocher

détachée du Cotopaxi, 46. Cacas , espèce d'oiseau de la Nouvelle-Grenade, 13. Caïo. Voyez Callo. ; Calantica [le)., voile égyptien, se retrouve sur

les monumens du Mexique, 5. : Caldera du Piton, nom du cratère du Pic de

Ténénife, 276. : Calendrier aztèque. Sources d'où Ton peut puiser des notions sur la chronologie mexicaine, i aS, 127.

552 TABLE AI, F

Calendrier civil ^ Tonnipolmalli , 127; division du temps, en jours j heures , 1 28 ; semaines , 12g; jours complémentaires, i3o, i34 et i35;mois, i32-i3^[; cycle de treize ans, i3o; cycle de cinquante-deux ans, i3o. Calendrier rituel, Melzlapohualli, i35, i36;époque oùil commence, 187 ; artifice des séries périodiques pour désigner lesannécs, i3g-i42 ; etles jours, i44) '7^) 212; seigneurs de la nuit, 146; concordance des ca- lendriers rituel et civil , i4 7 i calendrier de Chiapa, 148 ; Odin, ibid.; analogie entre la divi- sion du temps chez les peuples mexicains et celles des Tibétains, des Japons et des peuples tartares, 148-152; les noms des jours aztèques sont des signes du zodiaque tarLare, i53-iG5; le zodiaque solaire a tiré son nom du zodiaque lunaire, 1 33-i 56, 173 j 219; dans le système de l'astrologie asia- tique, avec lequel celle des Mexicains pnroi't avoir une origine commune, les douze signes du zo- diaque président, non seulement aux mois, mais aussi aux années, aux jours, aux heures, et même aux parties les plus petites des heures, 166; origine de la multiplicité des signes, 1G7-169, 171; analogie du zodiaque tartare et d'un zodiaque romain figuré par Eiancliini, 170-173; les zo- diaques sont-ils originairement des cycles? 174; signes des équinoxes et des solstices, i^S; inter- calation mexicaine, 177, 184, 186, 187; féte séculaire, 179-183 j pierre représentant le calen- drier et les fastes, 185-194. Calendrier chrétien représenté sur une peinture

hiéroglyphique, 283. Calendrier hiérogfyphitjue fait après l'an-ivée des

Espagnols au Mexique, 82, 283. Calendrier des Miij'SCas sculpté sur une pierre, 244; forme de leur année, leurs semaines, 247-

254; leur mois, 355 et sulv.; leur année, aSG; leurs cycles et analogie de leur calendrier avec celui des peuples de l'Asie orientale , 260. Calendrier rituel des Aztèques représenté sur un

manuscrit de Rome , 83. Calendrier toltètjue- Rapport entre ce calendrier

et les constitutions égyptiennes, 3o8. Calidas, poète indien, fait mention des deux divi- sions de l'écliptique, i53. ]

'HAUtTIOt^E

Cfiffi, maison, signe qui sert à l'indication du rycle des années, 1 39 ; et du premier jour du mois, 1 .'l'i; hiéroglyphe du feu, 208.

Callo , maison des incas , dans le royaume de Quito, ig5; description de sa ruine, 197.

Canar, forteresse péruvienne, 108; description dé- taillée de cet édifice, 292.

Canne, hiéroglyphe de l'eau, 208; signe qui sert à indiquer le cycle des années, iSg.

Canoas , ferme dans le royaume de la Nouvelle- Grenade, 22.

Cano- Motézuma , maison d'Espagne. Son origine,

320,

Caoutchou, offrande présentée aux Dieux chez les

Toltèques , g4. Capac-Urcn J montagne qui s'est écroulée, 106. Cargunirazo. Description de cette montagne, 2o5;

époque elle s'est écroulée, 106. Cargueros , porteurs d'hommes , 16; ils ont empêché

la réparation d'une route, 17, Carreri [Gemelli). Cet auteur est justifié contre

les reproches de Robertson, 223. Carte géographique construite au Mexique avant

l'arrivée des Espagnols, 4o- Cascade de Régla, 124.

Caspi {le marquis de) a été propriétaire du ma- nuscrit mexicain de Bologne , 75.

Castillo ( Bernai Diaz del ) , soldat de l'armée de Corlez. Son rapport sur le nombre de gradins des escaliers qui conduisirent aux divers tcocallis, 28.

Castillo [Cristovul del), Mexicain, auteur d'une histoire de son pays en langue aztèque, 126.

Catcitepetl, volcan du Mexique, 3o.

Catu, nom du marché chez les Péruviens, i3o.

Cauca [vallée de), séparée de la province dn Choco par la chaîne occidentale de la Cordiilèje de la Nouvelle-Grenade, i3.

Cajambe ouCajambe-Urcu , volcan de Quito, 241.

Cayamhur. Voyez Cajambe.

Cedar Creeh. Son pont naturel , 12.

Cèdres plantés par les rois aztèques, ii3,

Cehuehuetiliztli ,Y)inodc de cent quatre années, r3o.

Ceinilhuitlapohualiztli , calendrier rituel des Mexi- cains , i33.

DES ]\1 ATliatES.

Cempohunlilhuitl , calendrier civil des ToUèqiies j

3^, 11-] et suiv. Centeotl, la Cerès mexicaine , 97. Cercle divisé en quatre parties, hiéroglyphe du

jour, 138.

Céroxjlon andicola, espèce de palmier, ig. Cerro Gordo , chaîne de montagnes, 297. Cerro de las Nahajas , cliafne de monlagnes, 297. Cerro de Santo Domingo, chai'nede monlagnes, 297. Cervantes , professeur de hotiuiique à Mexico, 47- Ckalchiiihineja , déesse de l'ean , 207. Oialchuihtepehua ) préire azièque qui arrachoit le

eràne des victimes immolées à Huetzclipochlli, 1 20. Oialchuchtlatonac ^ chef des Aztèques au onzième

siècle, 137. Cliamaya , rivière, 222,

Chamho, rivière ayant nu pont de cordage, 23o. Champ des Géans , plaine dans le royaume de la

riouvellc-Grenade, 2o5. CKa«f('cOj chapelles érigées en l'honneur du loup, 2 19. Chapelet connu anx Mexicains avant Tan'ivée des

Espagnols , 89 ; représenté sur une peiiinire

mexicaine, 2o5. OiarleS'Quint fonde l'université de Mexico , 56. Charles If^, roi d'Espagne. Sa statue équestre à

Mexico, 8.

Cluïtimens des cnfans parmi les Aztèques, 78.

Chaussée construite par les Incas du Pérou, 108.

Chaussure remarquable, représentée sur un bub- relief mexicain , 120.

Chefs [les sept) des Iribus mexicaines sur une peinture, 211.

Chia , femme de Bochica, 20.

Chiapanois , leur calendrier, 148.

Chibcha , nom de la langue des Muyscas, 2^8 nombres dans cette langue et leurs hiéroglyphes, 252 ; rapport de ces mots avec ceux qui indiqi les phases de la lune, 253.

Chichimèques ou Cicimèques , second peuple étranger qui vint s'établir au Mexique , 3i9; leur union avec les Acolhues et les Toltèques, ibid.

Chichiuhalquehuitl , arbre de lait dans la mytho- logie aztèque, 211.

Chicomoztotl , endroit lomba sur la lerre l'aéro- lithe qui donna mn'ssanee au genre humain, 3ig.

Chiens mexicains marrons, se sont retirés dans les forêts les plus éloignées, 160.

Chimallij bouclier mexicain, 87.

Chiimilpain [Domingo], auteur d'une histoire du IMesique en langue aztèque, 126.

Chinialpapoca , troisième roi des Aztèques, 819 ; hiéroglyphe qui indique son nom, 54; son his- toire représentée par des peintures hiérogly- phiques, 288.

Chimborazo. Son élévation au-dessus du plateau de Tapaia, io4; descriplioii de cette montugue , io5 et 200.

Chimitj ancienne ville du Pérou , 29.

Chiriaar, nom d'un guerrier qui désiguoit un des jours du calendrier chiapanois, 148.

Chwgasa [Paramo de), une des plus hautes cimes de la Cordillère de la Nouvelle-Grenade, i3.

Chipa, montagne de la Nouvelle-Grenade, 23.

Chisinche, une des hauteurs de la Cordillère des Andes dans le royaume de Quito, 196.

Choco , province de la Nouvelle-Grenade, i3.

Cholollan. Voyez Cholula.

Cholohecatles , nom aztèque des habitans de

Cholula, 3i. Cholula, ville du Mexique. Sa population, 27;

:11e éloit regardée comme sainte, 33. Cholula ( pyramide de ). Voyez Pyramide de Cholula.

Chota [crevasse de). Sa profondeur, 9. Christianisme. Traces de cette religion que les

Espagnols ont cru reconnoître dans le Mexique, 85. Chronologie mexicaine. Sources l'on peut puiser

des notions sur elle, 125-127, ^'4-

du Pérou. Description sous les Tro-

Chulucanas , ancienne vi

de ses ruines, 2g4- Ciel. Sa couleur est fortement azur

piqiii'S, 200.

Cihuacohuatl, ou la femme au serpent, mère du

genre humain, 83 et 101 ;ses enfans jumeaux, 84;

sa figure sur des peintures aztèques, 235. Cihuatlanque , entremetteuse de mariages, 7g. Ciment. Preuve que les Péruviens l'employoient dans

leurs constructions, itG. Cinteotl, déesse du mais, un des signes d'une série

de neuf", i45 et i63.

'I

n

od4 table alp

CipaclU , animal marin, nom du tlix-iieiiviùmc jour du mois clicz les Mexicains, i44; il correspond an Capricorne , i57 ; préside loujoiirs au premier jour de l'année mexicaine , quel que soit le signe de celle-ci , ig3.

Ciseau de cuivre des Péruvieas, 117.

Citin, famille des rois d'Azcapozalco, 53.

Citlaliciie , déesse des Azlcques, épouse de Cilla- latonac, 317.

Citlalatonac , dieu des Azlèques, 317.

Cochiliztli , demi-lunaison, i35.

Codex Mexicanus de l'Escurial, 75; de Bologne, ibid.; de Vienne, 76; d'Oxford, 80; de Vélétri, 8 1 ; de Berlin , ibid.; de Rome , 82 ; de Paris , 27g.

Coffre de Perote, montagne du Mexique, 233.

Cohitatl, serpent, nom du iroisiènie jour du mois chez les Mexicains, i44) '5g.

CohuatUcnje , vêtement de serpens des idoles az- tèques, 218.

Colhuacan, pic des Cordillères du Mexique s'arrêta la barque de Coxcox,327.

Colhuacan, royaume. Les Aztèques lui sont sou- mis, 94.

Co//iiieJ-, peuple duMcxiqLie, asservissent les Az- lèques , g4 ; leur rendent la liberté , gS.

Colibri, rapporte à Coxcox une branche d'arbre en signe de la retraite des eaux, 227.

Colline artificielle construite par le géantXelliua,3:!.

Colombe distribuant des langues aux hommes nés après le déluge, 227.

Combeima , rivière, 17.

Comètes de i4go et iSsg représentées sur une peinture mexicaine, 281, 282.

Conchocaiido , titre du roi de Lican, igg.

Condamnation à mort. Comment elle étoït pro- noncée au Mexique, 55.

Copilli ou diadème, signe de la souveraineté, 54.

Coq. Si les Espagnols l'ont introduit au Mexique, 235.

Corazon, montagne de Quito. Description de cette montagne , 273.

Corazon [Llanosdel), plaine située au-dcsstis de Popayan , 220.

Cordillères. Réflexions sur leur coulîguralion, 4i- comparaison de ces montagnes avec celles de l'ancien continent, 4^; leur séparation en deux

lABÉTIQrE

chaînons, dans la Nouvelle-Grenade, 44 i confi- guration de ces montagnes dans le royaume de Quito , 1 02 ; leurs principales cimes dans ce pays, io.'|.

Cortez construit Mexico sur les ruines de Ténoch- tillan , 7; nom que porte sa famille, ibid.; fait pendre parles pieds le roi Quaubtiraozin, 54-

Cosmogonie des Mexicains, 8^,317; son ana- logie avec celle des Tibétains, 210. Voyez Êle'- mens , Ages du monde , Genre humain.

Costume des prêtres mexicains , représenté sur une peinture, 2i3; d'un guerrier de Guatimala, 5oj du bas peuple du temps de Monlézuma, 87.

Cotcitepetl, volcan. Hiéroglyphe par lequel il est représenté, 211,

Cotopaxi, le plus élevé des volcans des Cordillères, 43 ; exemples de ses éruptions dans le dix-huitième siècle, ibid. ; forme de cette montagne, 44 '^^ 106.

Couleuvre panachée, mise en pièces par ïezcat- lipoca , 84.

Courrier qui voyage en nageant dans la province de Jaen, 222.

Couteaux {^montagne des), 297.

Coxcox , le Noé des peuples mexicains , 1 44 1 1 58 ; peinture qui le représente llottanl sur l'eau dans un tronc d'arbre, 207 j comment il se sauva du déluge , 226 ; envoie successivement plusieurs oiseaux pour savoir si les eaux se sont relirccs, 227; représenté dans sa vieillesse dans des pein- tures azlèques , 236.

Cojote, loup mexicain, 219,

Cozcapetlatl, collier de perles, 88.

Cozcaquauhtli, nom du quatorzième jour du mois chez les Mexicains, i44-

Cozeliuatl , bottines mexicaines, 88.

Crânes attachés à la ceinture d'un guerrier mexi- cain , 5i.

Créations d'hommes; la mythologie aztèque en

admet cinq, 2o3. Crocodiles représentés sur le monument de Xoclii-

calc.o, 3g. Cuello , rivière, 17. Cuernavaca, ville d'Anahuac, 37. Cuesta [el piè de la), endroit situé à feutrée de

la montagne de Quindiu, 17.

DES MATIKHES.

335

Cuetzpalin, nom du second jonr d'une période dn

calendrier mexioiiin , i/j.^- Cuitlahuatzin , dixième roi des Azlcqnes, 3 19. Ciiillaltcqiies j premiers habilans du pluteau d'Ana-

huac, go, gS. Cuivre mOle d'elain , employé par les Péruviens dans

leurs outils, 117; et par les Mexicains, 121. Culebra ( camino de ) , sentier qui conduit au-dessus

de la cascade de Tequendama, 23. Cundinamarca , royaume fondé par Iluncnhua , ■246. Cutaco [crevasse de la). Sa profondeur, q. Cjcie tartare; il vient d'un pays jilus méridional,

161.

Cycles des Mexicains, de treize années, i3o; de

cinquante-deux ans, i3i. Cjcles des 3Iiijscas, 260.

Cjcles [les cinq] de l'âge du monde, d';:près la mythologie mexicaine, 20/1 et stiiv.

D.

Daneboda, reine Scandinave. Sa sépulture, 35.

Dantœ f pont prés de Tolonilco, 12.

Déluge d'Anahuac , d'après la tradition des Aztèques, 32 j il est repi'ésenlé sur des pein- tures hiéroglyphiques, 207, 22G.

Dindon représenté sur une peinture mexicaine , 235.

Dispersion des peuples après le déluge de Coxcox , 228,

Dix. Hiéroglyphe de ce nombre, i4i- Dragomiier de l'Orotava. Sa re])résentatiGn , 298. Dupre'^M.), capitaine au service du roi d'Kspagne.

Sou cabinet renferme le buste d'une prétresse

aztèque, 4; son opinion sur le bas-rehel de la

pierre des sacrifices, iig. Durée du monde j d'après les Mexicains, 207. Duquesne [Don José Domingo) a fait connoitre

le calendrier des Indiens Muyscas, 244-

Eau. Elle est hiéroglyphe du verseau , 157; son

hiéroglyphe est la caonc, 208. Ecaticpac , nom que porte lu pyramide de Cho-

lula , 307.

t'r/ipses. Preuve que les Mexicains en connois-

soient la cause, 282, Ecliptique. Les peuples de l'Asie en connoissent

deux divisions , i83. Écriture, comment elle étoit remplacée chez les

Aztèques, 66. Égyptiens. Analogie de leur calendrier avec celui

des Mexicains, 3o8; et encore plus avec celui

lies i\raueains, peuple du Chili , 3i3. Ehecatl, nom du vingtième jour du mois chez les

Mexicains, ii4; son hiéroglyphe, 20G. Ehecatonatiuh, âge de l'air, nom du troisième

âge du monde , d'après la tradition aztèque , 206. Éle'mens [les quatre), instnimens des quatre

destructions des êtres vivans, 206, 210. Éléphant. On reconnoi't une têle d'éléphant sur

le casque d'un prêtre dans une peinture mexi- caine, 93,

Elephans fossiles duns la Nouvelle-Grenade, 2o5, Litrod. , VI.

E manuel ^ roi de Portugal, doit avoir envoyé au pape le manuscrit mexicain de V-lenne, 76.

Empreintes de pieds. Iliéroglyjdie du mouvement du soleil, 1G4.

Enfant nouveau-né représenté sur une peinture hiéroglyphique^ 91,

En/ans, Lois relatives aux enfans mexicains, repré- sentées sur une peinture hiéroglyphique, 286J leur naissance, leur nourriture, leur éducation ei leurs punitions, représentées sur des peintures hiérogly])hiques, 290.

Epidémie de Mexico, représentée sur une peinture hiéroglyphique, 281.

Époque commence l'ère des Mexicains, 137.

Epoques de l'histoire mexicaine, indiquées d'après l'ère des Aztèques, 142, 3 18.

Epoques de la nature, d'après la mythologie azièque, 202.

Epouvante, surnom de Iluilzïlojioclitli , g6.

Équinoxes. Leurs signes dans le calendrier mexi- cain, ,75.

Escaupil, vêtement militaire que les Espagnols

imitèrent sur l'ichcahuepilli des Mexicains, 87. Escurial. Manuscrit mexicain qui s'y trouve, 75. Espagnols, sont pris par Montézuma pour les

536

TABLE ALPHABETIQUE

dcscendans de Qiiplzalcoall , 3i; leur enlrée à Ténoclitillan , reprtscntte par un hiéroglyphe, 1 38. Estrapade représentée sur une peinture mexicaine; 235.

Étendard, hiéroglyphe Jti nombre vingt, EtzalqualiztU ^ nom du huitième mois de l'année

mexicaine, i33. Ève mexicaine. Voyez Tomintzin. Ezoztli, nom du quatorzième mois de l'année

mexicaine, i33.

Fabrega [le père). Son commentaire sur le Codex Mexicamis de Vélétri , 127.

Faisceau, hiéroglyphe d'une période, i3o, r3i.

Femme au serpent. Voyez Tonantzin.

Femmes enceintes, objet d'épouvante pour les Mexicains, pendant les derniers cinq joins d'une période de einquante-deux ans, 179.

Féte séculaire des Mexicains, 17g, i83.

Feu, manière de l'allumer, représentée sur un lahleau hiéroglyphique, 100; c'est par le feu qu'a été détruite, d'après la tradition aztèque, la seconde génération des hommes, 206; hiéro- glyphe du feu, 208.

Feu nouveau, fête mexicaine, 199, 179.

Fin du monde. Tradition des Mexicains à cet égard, 17g, 3i4-

Force génératrice { Lingam ). Son emblème ne se trouve pas p.irmi les hiéroglyphes mexicains, 101.

Fomagata, génie du mal chez les IMuyscas, 261.

Frontdéprimé sur les figures qu'on voit dans les peintures aztèques, 236.

Funzha, rivière. Voyez Bogota.

Gama ( M. )■ Ses coUeetions de manuscrits , 52. Gamhoa^ chanoine de la cathédrale de Mexico,

a sauvé de la destruction la pierre des sacrifices

de Huitzilopochtli , liS. Garita deî Paramo le plus élevé du passage

de la montagne de Qiiindiu, 1 1, Ge'ans d'Anahuac, 32; tradition sur leur existence

dans les plaines de Thiscala , 2o4 ; Irudilion

péruvienne sur des géans qui ont débarqué à la pointe Sainte-Hélène, 2o5. GemeîU. Voyez Carreri.

Généalogie représentée sur un tableau hiérogly- jihique, 5i.

Genre humain. La mylliologic aztèque en admet cinq créations, ao3; destruction de la première génération, 2o5.

Gilhar [Narcisse) , religieux franciscain, trouve des peintures en forme de livres parmi les Indiens Panos, 72; donne à l'auteur un ciseau péru- vien, 1 17.

Giustiniani [princes), ont été possesseurs du ma- nuscrit mexicain de Vélétri , 89.

Gmelin, peintre allemand, a dessiné quelques-unes des vues de cet ouvrage, uo.

Goasacoalco, rivière du Mexique, à l'embouchure de laquelle QuetzalcoatI disparut, 3i.

Gormus , roi Scandinave. Sa sépulture, 35.

Grand-Esprit. Voyez Tezcatlipoca.

Grand-prêtre de Huitzilopochlli. Voyez Téoteuctîi.

Grande année des Aztèques, période de cinquante- deux ans , i3o.

Grande déesse. Voyez Cinteotl.

Grande semaine des Aztèques, i3i.

Grecques , ornemens du palais de Mitla , 273.

Grixalm. Son voyage aux côtes mexicaines, 48-

G"flc/(//ia/7g'OJ, bas-peuple mexicain. Son costume, g.

Guanacos [Paramo de), cime de la chaîne centrale de la Cordillère de la Nouvelle-Grenade, i3.

Guastajs, princes tributaires du roi de Lican , 199.

Guatavita [lac de). Description de ce lac, 297.

Guajaquil, rivière. Radeau dont on s'y sert, 296,

Guerriers mexicains. Leur costume, 87.

Guesa, nom qu'on donnoit à l'enfant que les Muyscasimmoloientau commencement d'un cycle de cent quatre-vingt-cinq mois, 260.

Gusman [Nunez de). Son départ pour la conquête de Xalisco, représenté sur une peinture hiéro- glyphique, 281.

Gutierez [Garci) de Toledo, trouve un trésor dans un tombeau péruvien , ag.

H.

Hache aztèque, chargée d'hiéroglyphes, 2i'|.

DES M.

IfaAluyt , ùnmùnier (\c l'ambassade angloise à Paris, envoie à Londres le Recueil de Mendoza, 77.

ffambato, v'iWe du royaume de Qullo. Tremblement de terre qu'elle a éprouvé, 106.

Hemandez de Cordova. Son voyage aux côtes mexicaines, 48.

Heures aztèques: elles étoicnt inégales,

Heures de la nuit étoient annoncées au peuple mexicain parles prêtres, 33.

Hiéroglyphes du monument de Xocliii-aleo , 3(); employés pour représenter une généalogie, Sa; pour servir de pièces de procès, 55; leur usage étoit commun aux divers peuples qui ont habité le pays d'Anahuac, 5g; différence entre les hiéro- glyphes des Égyptiens et ceux des Mexicains , 63 ; les Mexicains avoient trois sortes d'hiéroglyphes, des hiéroglyphes simples , des hiéroglyphes phoné- tiques et des composés, 64; comparaison de leurs hiéroglyphes avec ceux des rouleaux de papyrus qu'on a trouvés en Égypte, 65; ils remplaçoient les caractères alphabétiques, 66; ils sont dessi- nés sans aucune connoissance de l'an, 68; les hiéroglyphes sont portés .au Mexique par les ïoltèques , 70 ; ressemblance entre les hiéro- glyphes mexicains et ceux des Iroquois et des Hnrons, 71. Voyez aussi Manuscrits aztèques.

Historiens du Mexique qui ont écrit en langue aztèque, 126.

Hôtelleries construites sur le chemin de Couzco à Quito, par les Incas du Pérou, njS.

Huasteca^ province du Mexique. Costume de deux femmes de cette province, 88.

Huata, année péruvienne, 129; étymologie de ce mot, i3i.

HuehuellapaUan , patrie des Toltèques, 3o.

Huemac , chef" du pouvoir séculier dans le gou- vernement étabh par QuetzalcohuatI, 3:8.

Huematzin, astrologue toltèque du septième siècle, auteur du livre divin, 90, 3 18.

HuepiUij vétemeut des femmes chez les Aztèques, 79-

Hucymiccailhuitl , nom du onzième mois de

l'année mexicaine, i33. HueyquauJixicalco , édifice situé dans l'intérieur

du téocaUi, et les rois se reliroient pendant

une des létes du soleil, 190.

m ÈRES. 337

Huejtecuilhuitl , nom du dixième mois de l'année mexicaine, i33.

Huey Tozoztli, nom du sixième mois de l'année mexicaine, i33.

Huitxachtecatl , montagne se céiébroit la fête du feu nouveau des Mexicains, 179.

Huitzilihuitl , deuxième roi des Aztèques, 281, 319.

Huitzilopochtli ou Mexitli^ dieu de la guerre des Aztèques, aS, 94; son temple à Ténocluitlan, 7 ; il renfermolt un arsenal et servoit de place forte, 40; son image a précédé les Aztèques dans leurs migrations, g5 ; son idole en pierre, 318; pre- miers sacrifices humains qui lui sont offerts, 95 ; histoire mythologique de ce dieu, 96; son culte devint dominant dans le pays d'Anahuac, à mesure que fempire mexicain engloutissoit tous les étals voisins, 98; Description de son téocalli à Mexico, 118.

Huncahua, premier roi des Mnyscas ou de Cimdi- namarca , 246.

Hurons, descendent peut-être d'une irilm de Tol- tèques , 74-

Huythaca, femme de Bochica, 10.

I.

Ichcahuepilli , vêtement ou cuirasse des Mexicains, 5o, 87. Voyez Escaupil.

Icononzo, vallée, lOj description géologique de cette contrée, 1 1.

Idacanzas , nom que porte Bocliica, dans la my- thologie des MuyscaSj 20.

Idole trouvée à Mexico, ai6 ; les professeurs de l'université de Mexico la font enterrer, 218; l'évéque de Montercy la fait déterrer, 219; autre idole trouvée dans la ville de Mexico, 239.

Ilhuicamina , roi de Mexico. Hiéi-oglyphe expri- mant son nom , 64-

Ihuitemotzin , petit-fils du roi Motézuma Xoco- jotzin, souche des familles de Motézuma et de Tula, 320.

llinissa, montagne du Quito, 233.

Incas. Leur palais à Canar, 109.

Inga-Chungana. Description de ce monument , 1 1 3.

Inscription prétendue phénicienne, découverte dans le nord de l'Amérique, 60.

85

558 TADT.E Al.PI

Inscription préteiuhie tarUire, trouvée dans le Canada , 5c).

Inii- Gtiaicu , rocher près de Caîïar, sur lequel est gravée l'image du soleil, iii.

Imca , ville de Cundinamarca , résidence du grand- prêtre des Muyscas, 24^, 247-

Iroçuois. Conjecture sur leur origine, 71.

Itzcalli, nom du premier mois de l'année mexi- caine, l32.

Itzcuintîi, chien, nom du huitième jour du mois,

44, 159.

Ivrognerie permise aux vieillards d'après les lois

des Aztèques, 79, ■xr)i. Ixcuina, déesse de la volupté, lOi. Ixtilixochitl , petit-neveu de Nezahualcojotl, roi de

Tezcuco, 319. Ixtlicuechahuac , roi toUèque d'Anahuac, 3i8. Ixtozoîiztlij demi-lunaiso» , i35. Iztacmiacuatl , premier homme créé par Cilla-

licue, 317.

J.

Jacal, montagne du Mexique, 396, 397.

Jade, pierre dont on trouve beaucoup de haches

aztèques, 2i4- Japonnois. Leur calendrier a quelque analogie avec

celui des Mexicains, 149- Javirac , montagne située près de Quito, io5. Jomllo , volcan sorti de terre dans le dix-huitième

siècle, 245.

Jour civil. Il commen^oit chez les Aztèques au lever du soleil, 128; sa division en huit parties, ibid.; noms de ces divisions, ibid.; hiéroglyphe qui représente le jour, ibid.; noms des jours, 143 et suivantes ; ce sont peut-être ceux d'un zodiaque usité dans l'Asie orientale, iSa; signes des vingt jours de l'alraanaeh , i36, i44? i65, 212,

Jours complémentaires de l'année azlèqiie. Voyez Nemontemi.

Jours mexicains. Analogie entre leurs dénomina- tions et celles des signes du zodiaque tibétain, chinois, tarlave et mongol, 157.

Jours des 3Iujscas, divisés eu quatre parties^ 247.

lABÉTTQUE

Jours des Toltèques , leurs noms, 307. Jurujo. Voyez Jorullo.

h.

Langue indique dans les hiéroglyphes un homme

vivant, 54; et la puissance, 56, Langue aztèque. Observation sur la longueur des

mots de cette langue, 3i6. Langues. Leur diversité après le déluge de Coxcox ,

228.

Langues du nom'cau continent. Elles ofifrent beau- coup de formes grammaticales, 5g; elles ont peu d'analogie avec celles de l'ancien continent, 112; observations sur leur système de numération, ; 249 et suiv.

Lapin, hiéroglyphe de la terre, 208.

Lapin couronné dans les hiéroglyphes mexicains,

90; on y altache l'idée d'un sacrifice ex])ialoire,

191.

Leoha , nom que les Indiens Tzapotèques donnent aux ruines du palais de Mitia, 270.

Le Tellier, archevêque de Reims, a possédé un manuscrit mexicain qui aj^yparlient aujourd'hui a la bibliothèque de Paris, 27g.

Llactacunga , ville du royaume de Quito. Tremble- ment de terre qu'elle a éprouvé, 106.

Llano del Pullal, hautes plaines de l'Assuay, 108.

Lois mexicaines représentées sur des peintures mexicaines, 286.

Loup. Les Mexicains avoienl érigé des chapelles à cet animal, 219; ses prêtres formoient une congrégation particulière , ibid.

Lozano {Don Jorge), élévation qu'd a trouvée au pont supérieur d'Icononzo, 11.

Lune. Son origine d'après la mythologie des Indiens Muyscas, 20; ses vingt-sept maisons ou hôtel- leries, dans le calendrier des Hindoux, i83 ; son temple construit en coquilles , 190.

M.

Machines à produire du feu. Observations de

M- Visconti à leur égard, 3o3. Macuil-Malinalli , dieu mexicain. Fête qui se cé-

léhroit eu sou Iionneur, 192.

DES

Macuilxochitl^ ville du Mexique. Hiéroglyphe

exprimant son nonij 64- Maenza (^mai'quis de)., 46.

Main de justice dans les peinUires aztèques, 236. Malinaili, nom du dixième jour du mois chez les

Mexicains , i44- Malpays, district de l'intendance de Valladolid,

243.

Mamanchofa, montagne porphyritiquc du Mexique, 296.

Manuscrits trouvés parmi les Indiens de TUcayalc,

73.

Manuscrits aztèques. Ceux de Boturini , conserves au palais du vice-roi, à Mexico, Sa; matières sur lesquelles ils étoient écrits, 66; manière de les ployer, ibid.; contenu de ces manuscrits, 67 ; défauts d'art qui les caractérisent , 68 ; manuscrits aztèques qui existent à l'Esc u ri al , yS; à Bo- logne, ibid. j à Vienne, 76, 267; à Berlin, 234, 287, 280 ; à Vélétri , 81, 235; à Dresde, 266; au Vatican, 82; à Paris, 27g; collection de manuscrits aztèques faite par Mendoza, voyez Recueil de Mendoza ; collection faite par Bo- turini, voyez Boturini; collection de Pichardo, voyez Pichardo.

Manuscrits siamois. Ressemblance qu'ils ont avec ceux des Aztèques, 67.

Maquahuitl , sceptre terminé par une main, aSG.

Alariage. Comment il secélébroit chez les Aztèques j 79; ses cérémonies représentées sur une peinture hiéroglyphique, ago.

Afarin [Don Feliciano], évêque de Monterey, fait déterrer une idole aztèque que les professeurs de l'université de Mexico avoient enterrée pour la soustraire aux yeux delà jeunesse, 218.

Martin {Don Luis), architecte du Mexique, 271.

Matemecatl , bracelets mexicains, 88.

Macatltieje , déesse de l'eau, 207.

Maartlalt, ceinture mexicaine, 88.

Mazatl, nom du cinquième jour du mois chez les Mexicains, i44-

J[fechoacan, ancien royaume renfermant la pro- vince dcValladoIid. Costume de ses habitans, 275.

Médecine astrologique. On en trouve des traces dans les peintures hiéroglyphiques, gi.

Mendoza {^^nlonio de), marquis de Mondejar,

lTIÈRF.S. ojq

premier vice -roi du Mexique. Sou recueil de peintures mexicaines, 76, Voyez Recueil. MèredeDieiLv [pont de la), près deTotonïlco, 1 2.

3Iétempsjcose , doctrine connue aux TIa se a lté que s, 86.

Mexicains. Voytz A ztèques et Tbltèques. 3Iexico , ville. Sa construction par Cortez , 7; sa grande place, ibid.; fondation de son univereité, 56; sa cathédrale est située sur la place ëtoit anciennement le téocalii de Huitzilupocbili, 118; l'histoire de sa fondation et de ses couqut'tes^ représentée sur des peintures liiérogl y p'u'q nus, 288. Mexique, pays. Cinq peuples qui y oui })aru suc- cessivement, depuis le se[)tième jusqu'au dou- zième siècle , 24 ; au dixième siècle On y trouvoit une civilisation plus avancée que dans le nord de l'fciurope, 25. Miccailhuitzintli , nom du douzième mois de

l'année mexicaine, i33. Mictlancihuatl , déesse de l'enfer, f)3. Mictlanteulitli, seigneur du lieu des morts, repré- senté sur une sculpture mexicaine, 218; sur une peinture, 23G. Miijuizt/i, nom du quatrième jour du mois chez les Mexicains, i4'tî cinquième signe dVme série,

,45.

Mirai'alle [ Coude de), maison d'Espagne. Son ori- gine , 330,

Rlitla [palais de). Description de ses ruines, 270. Moines aztèques. Voyez Tlamazaques. Monde. Sa durée d'après la tradition aztèque, 207.

Monte-Leone {duc de) descendant de Cortcz, 7. Montufar {Don Carlos), ig5.

Motezuma Ilhuicaniina , o\\ Monte zuma I, cin- quième roi des Aztèques, 319. Motezuma Xocojotzin ou Montezu/na H , neu- vième roi des Aztèques, Sig; loge les Espagnols au palais d'Axajacatl , 7; endroit étoit situé son palais, 8; prend les Esjjagnols pour les dcsceudans de Quetzalcoatl, 3i; son image sur une peinture aztèque, 88. 3îujscaSj Indiens de la Nouvelle -Grenade. Leur tradition mythologique, %o; leur semaine étoitdc trois jours, 128; leur calendrier, 244i ^65; ils

54o TABLE ALPHABÉTIQUE

reçoivent des lois par Bochica , 246; leur Inngue . 24s ; représentation d'une tète en pierre dure, gravée par ce peuple, 297.

N.

IVahajas [Cerro de las). Chaîne de montagnes

Nahuatlaques, peuple sorti d'Aztlan, occupe le pays d'Analmac, g3; époque de leur migration, Sig,

Naissance des enfaris. .Cérémonies qui s'y obser- voient, 78; représentées sur des peintures hié- roglyphiques, 289.

Natagaymas , Indiens de la Nouvelle - Grenade. Leurs traditions mythologiques, 20.

jyègres. Leur révolte représentée sur une peinture hiéroglyphique, 281.

JYemontemi , jours complémentaires de l'année aztèque, i3o; étymologie de ce mot, i!\5.

Nepohualtzitzin , nœuds ou quipposqui, chez les Aztèques , remplar;oient l'écriture avant qu'ils connussent les hiérogly|ihes, 70; époque ils ont cessé de s'en servir, ibid.

Nezahiialcojotlj roi de Tezcuco, législateur et poète,

3,5.

Ninus. Son monument sépulcral, 35. Noé des peuples mexicains. Voyez Coxcojc. Nœuds remplaçant l'écriture. Voyez Nepohualt-

zitzin et Quîppos. Nombres cardinaux en quatre langues américaines

et trois langues tarlares, i4o- Noms des mois chez les Mexicains, i32 ; des jours,

i/|4; ces noms sont ceux d'un zodiaque usité

parmi les peuples de l'Asie orientale, i52. Noms propres. Comment ils sont indiqués dans

les hiéroglyphes, 54- Nourriture des enfans représentée sur des peintures

hiéroglyphiques, 290. N^ouveau feu, allumé au commencement d'un

nouveau cycle chronologique, gg. Nouvelle ' Grenade , royaume. Description de ses

montagnes, i3. Nudités très -rares dans les peintures mexicaines,

101.

Numération décimale, inventée, selon Gatterer, par les Phéniciens et les Egyptiens, 32o.

o.

instruit dans les préside aux nais-

Oaxaca, ville du Mexique. Sculpture en relief

trouvée dans les environs de cette ville, 47- Ocelopan, troisième fondateur de Mexico, 288. Ocelotl, tigre, nom du douzième jour du mois

chez les Mexicains, i4i , iSg. Oclipaniztli, nom du treizième mois de l'année

mexicaine, i33. Octli, boisson préparée avec la pite, 52. Odin , roi fabuleux des Scandinaves. Traces de cette

mythologie qu'on trouve en Amérique, 72. Oiseaux échappent à la seconde destruction des êtres vivans qu'admet la mythologie aztèque, 206.

Ollin, nom du quinzième jour du mois chez les Mexicains, 144, 1G2, 164 ; son hiéroglyphe, 164. Olmèques, habitans d'Anahuac avant l'arrivée

des Toltèques, 90, 93. Olmos [Andrès de), franciscai

longues américaines, 12G. Omecihuatl, déesse aztèque qu, sauces, 78.

Ometeuctli, dieu aztèque qui préside aux nais- sances, 78; il est le dieu du paradis céleste, 83. Onaqui Tonatiuh, coucher, commencement de hi troisième partie du jour civil des Aztèques, 138.

Oocelo, titre des généraux mexicains, 87. Orcones, montagne du Mexique, 297. Oreilles percées. Qui introduisit cette coutume

parmi les Aztèques, 3o. Organos (los), montagne du Mexique, 296. Origine tartare des peuples de l'Amérique; cir- constances qui la fout supposer, iSj. Orizitba, forme de cette montagne, 106. Orotava [dragonnier de Z'J, 298. Ossemens d'animaux perdus, 2o5. Ossemens d'un loup, trouvés dans un tombeau

mexicain, 219. Olejza ( M. ] a mesuré le Tonatiuh Yztaqual, 26. Otomites , habitans d'Analmac avant l'arrivée des

Toltèques, 93. Otomitl, sixième fils du premier homme, 317. Oa-ford. Sur un manuscrit mexicain qui se trouve à la bibliothèque de cette ville, 80.

DES BIATIERES.

Ojamel, montagne de porphyre, 29G. Ozomntli, singe femelle, nom du neuvième jour du mois chez les Mexicains, i5g.

Pachacutec, surnom de l'inea qui a réformé l'année

péruvienne, i3i. Pachtîi, nom du quatorzième mois de l'année

mexicaine, i33. Palenque^ ruines d'une ancienne ville, 273. Panchas , Indiens. Leurs traditions mythologiques,

20.

Panos , tribu d'Indiens de l'Ucayale. Peintures hiéroglyphiques qu'ils possèdent, ^S.

Panquelzaliztli , nom du dix -septième mois de l'année mexicaine, i34.

Papantla [pyramide de). Description de ce mo- nument, 26; rapport entre sa base et sa hauteur, 28.

Papier de magiiej, servit aux Aztèques pour leurs

peintures, Sï, 66. /^(Zjïoiijr, peuple américain , qui ne mangeoient pas

de viande, 86. Peaux de cerfs servirent aux Aztèques pour y

tracer leurs peintures hiéroglyphiques , 66. Peintures mexicaines. Voyez Hiéroglyphes et

Blanuscrits.

Pénitences ordonnées par Quetzalcoat], 3o; usitées parmi les Mexicains lors du sacrifice qui avoit lieu tous les quatre ans, 187.

Période de cinquante-deux ans, i3oj de cent quatre ans, ibid.

Pérote [Ciiffre de), montagne du Mexique, 233. Petite-vérole. Les ravages qu'elle cause , représentés

sur une peinture hiéroglyphique , 281. pic de Ténérijfe., 2-j5.

Pichurdo {Don José Antonio) à Mexico. Sa col- lection de peintures mexicaines , 81.

Pichincha , volcan. Description de cette montagne, agi. Voyez Rucu-Pichirtcha.

Pierre représentant le calendrier mexicain, trouvée dans les fondations de l'ancien téocalli de Mexico, 126, 188.

Pierre des sacrifices du téocalli de Ténochtitlan.

Description de ce monument, 118; opinion de l'auLeur sur sa destination, iig.

Pierre tombée du ciel à Cholula, 32.

Pite , planle qui a servi aux Aztèques pour la fabri- cation de leur papier, 526; elle sert aujourd'hui pour la préparation du pulque, ibid.

Pltniisphère de Bianchini. Description de ce mo- numentj 170.

Pont de cordages qui traverse la rivière de Chambo, 23o.

Ponts naturels de Céder Creck, 13, it); Leur élévation , 11.

Popnjan , ville de la Nouvelle-Grenade. Sa situa- tion , 220.

Popocatepec. Forme de cette montagne, 106.

Forsenna. Son labyrinthe à CUisitim, 34-

Porte, nom donné par les Muyscas à la victime humaine qu'on iinmoloil au commencement d'un cycle de cent quntre-vingt-ciuq mois, 260.

Portefaix^ représeulés sur des peintures mexicaines, 235.

Portes. Leur forme particulière dans les construc- tions péruviennes et égy])tiennes, 116. Poste aux lettres qui descend les rivières en na- t , 222.

Précession des éqiùnoxes. Si les Lgyjjtieus en avoient connoissance , 3i/|.

Prêtres mexicains, \oyez Téopixqui.

Procès , représenté par une peinture hiérogly- phique, 55,

Procession qui se faisait tous les cinquante-deux ans, représentée sur une peinture hiéroglyphique, 99; celle des prêtres Muyscas , lors de l'ouverture d'un cycle de cent qua Ire-vingt-huit mois, 261,

Pulque y boisson préparée avec le suc de l'Agave , 52.

Punitions des enfans , représentées sur des pein- tures hiéroglyphiques, 590.

Punelrostro [le comte de), ^6.

Purace, village de la Nouvelle -Grenade, fameux par les cascades de la rivière du Vinagre, 221.

Puniays , anciens habitans du Quito, 199.

PiisambiO) rivière acide. Ses cascades à Puracé,

221.

Pyramide de Cholula. Description de ce monu- ment, 37 ; rajiport entre sa base et sa hauteur, 86

TABLE ALP

28; son intérieur a servi de sépulture, 29; vue dont on jouit sur sa plate-forme, 32; sa struc- ture inlcrieure, 37; ses divers noms, 307; sa rejirésentation sur une peinture mexicaine, 211. Pyramides du Mexique. La tradition des Aztèques les attribue aux Tollèqucs , iS ; Siguenza les croit des Cuitlalti'ques et des Olmèques , 90, Voyez Choltdii , Téotihuacan. et Papanlla.

Q.

Qquichua, nom de la langue de l'Inca, a^*^.

Quapan, deuxième fondateur de Mexico, 288.

Quahuitîehua , nom du troisième mois de l'année mexicaine , i32.

Quatre destructions du monde admises par les peuples mexicains , 86.

Quauhtemotzin, dernier roi des Aztèqnes, 3 19.

Quaulitinchan , ville du Mexique. Hiéroglyphe ex- primant son nom, 64.

Quaiiluli, oiseau , nom du treizième jour du mois chez les Mexicains, i/j/j.

QuechoUi , nom dn seizième mois de l'année mexi- caine j i34-

Quesada [ Gonzalo Ximenès rfe), conquérant du royaume de la Nouvelle-Grenade, 20, 245.

Çuetzalcoatl y dieu de l'air des Aztèques, 29, 208; il a été leur législateur, 3o ; son voyage à Tlapallan, ibid. ; il prend le gouvernement de Cholula , 81 ; sa disparition , ibid.; les Espagnols conduits par Cortez passent pour ses descendans , 3i ; les Espagnols croient reconnoitre en lui l'apôtre Saini-Thomas , 84, 3i8i il avoit prèulié contre les sacrifices humains , 97,

Quiahuitlj nom du dix-septième jour du mois chez les Mexicains, i44î neuvième signe d'iuu: série de neuf, ïf\5.

Quihica, porte, dénomination donnée à la victime humaine que les Muyscas immoloient au com- mencement d'un cycle de cent quatre-vingt-cinq mois, 260.

Quilla, nom du mois péruvien, 129.

Quindiu, une des cimes de la chaîne centrale de la Cordillère de la Nouvelle - Grenade, i3 ; descrip- tion de la manière dont les voyageurs la passent, 1 4.

Quippus , nœuds, remplaçant, chez les Péruviens, l'usage de l'écriture, 6g; les Mexicains s'en ser- voient avant qu'ils connussent l'écriture hiéro- glyphique, 70.

Qzocuilltexèque , race de géans qui, d'après une tradition toltèque, a existé dans les plaines de Tlascala , 3o4-

R.

Radeau de la rivière de Guayaquil, 29G. Rations des cnl'ans mexicains, représentées sur des

peintures hiéroglyphiques, 290. Recueil de Mendoza. Histoire de cette collection

de peintures mexicaines, 76; l'original n'existe

pas à Paris, 77; description du Recueil, ibid.;

détails ultérieurs, 284. Régla. Basaltes qu'on y trouve, i23; cascade de

Régla, 124.

Relief d'Oaxaca, 47; doutes sur son origine, 48- Revillagigedo (comtede), vice-roi du Mexique;

ses soins pour embellir Mexico, 7, 118; il fait

transporter à l'Université de Mexico une idole

trouvée en cette ville, 218. Rieux f M. Louis de ), 241. Roue , emblème d'une période de temps, i32. Rucu-Pichincha , moaXa^ne de Quito , 44- Rumichaca , pont de terre dans la province de

los Pastos , 12.

s.

^lijice humain , représenté sur une peinture mexicaine, 92; cet usage étoit inconnu à tous les peuples d'Anahuac avant les Aztèques , g4 j son origine chez les Aztèques, ibid. et suit'.; détails sur les trois premiers sacrifices humains, g5; les Aztèques en offrent à tous leurs dieux, 97 ; tradition totonaque sur la cessation future de ces sacrifices , ibid. ; description du sa- crifice qui se faisoit lors de la fête du feu nouveau , chez les Mexicains , 180 ; chez les Muyscas, à l'ouverture d'un cycle de cent quatre- vingt-cinq mois, 260; représentation d'un sacrifice humain, 281.

Sahagun {^Bernnnlino de), religieux franciscain, instruit dans les langues américaines, 126.

Sangaj , volcan du Quito, 44-

Seigneurs de la nuit. Neuf signes qui forment nue série dans le calendrier mexicain, i45.

Semaine. Celle de sept jours étoit inconnue à tous les peuples de l'Amérique , ia8, 12g; elle éloit de cinq jours chez les Aztèques, 128; de trois chez les Muyscas , ibid. , 247 , 254 j de neuf chez les Péruviens, i3o.

Séries périodiques du calendrier mexicain, ayant pour objet de désigner les années, i3g-i42; et les jours , i445 ^'J^-j 2'^-

Serpent mis en pièces, représenté sur une pein- ture mexicaine , 100 j cette figure indique quelque- fois le temps, ibid.; quelquefois le génie du mal j

lOI.

Siècle des Aztèques. Son hiérogly[ilie, i3o.

Signes employés par les Mexicains pour exprimer le cycle des années, i3g; ordre dans lequel ces signes sont placés, 168.

Siguenza ^Carlos de), professeur de mathéma- tiques à l'université de Mexico. Sa collection de peintures hiéroglyphiques, 80; il attribue aux Tchèques les constructions pyramidales qu'on trouve dans le Mexique, 90; étude qu'il a faite des antiquités mexicaines, 126.

SiîeXy hiéroglyphe de l'air, 208.

Silla de Caracas, montagne granitique, 298.

Singes. Cette espèce d'animal n'a paru au Mexique , d'après la tradition, que dans le second âge du monde, 20G.

Soleil. Son culte est introduit par Bochica, parmi lesindicns Muyscas, 20; on le trouve au Mexique jusqu'au commencement du quatorzième siècle, 92, g3 ; son image gravée sur le rocher d'Inti- Guaicu, m.

Soleils. Tradition des Mexicains sur quatre soleils qui ont existé avant le soleil actuel, 2o3.

Solstice d'hiver. Fête célébrée par les Egyptiens et les Mexicains, 3oc),

Statue de bronze de Charles Description de ce monument, 8.

Statue d'une prêtresse aztèque, 4i ressemblance entre ses orncmens el le calanlica des tètes

MATIÈRES. 34 J

d'Isis, 5 ; observations de M. Visconti sur la posture de celte figure, 299. Summa Paz ( Paramo de la), une des plus hautes cimes de la chaîne orientale de la Cor- dillère de la Nouvelle-Grenade, i3. Siina, mois des Muyscas, 255.

T.

Tamhos , hôtelleries construites sur le chemin de Couzco à Quito , par ordre des Incas du Pérou, .i5, „jS.

Tapia , plateau situé an pied du Chimborazo , 10.^, 300; son élévation au-dessus de fOcéan ,

104.

Tarm-ques , habitansd'Anahuae avant les Toltèques, ij3.

Taunton-Rii'er ( pierre de)., contenant une pré- tendue inscription phénicienne , 60.

Tecineuh, cinquième fondateur de Mexico, 288.

Tecpaltzin, chef des Aztèques lors de leur pre- mière émigration d'Aztlan, 53.

Tecpatl , pierre à fusil, ou silex, signe qui sej't à indiquer le cycle des années, i3g ; nom du sei?.ième jour du mois , i44 i "n des signes d'une série de neuf, i45, i63; hiéroglyphe de l'air, ao8.

TecuilhuiliztU , nom du neuvième mois de l'année mexicaine, i33.

Tehuilojoccan , ville du Mexique. Hiéroglyphe re- présentant ce nom, 64.

Temalacatl, pierre sur laquelle se livroieot les com- bats des gladiateurs, 1 19, 120.

Tempête représentée sur une peinture hiérogly- phique ,281.

Temps, représenté par un serpent, 100.

Ténahuitiliztli , nom du treizième mois de l'année mexicaine, i33.

Ténochtitlan, capitale d'Anahuac. Époque de sa fondation, 7, 3ig; sa destruction , ibid.; son téocalli renl'ermoit un arsenal, 4°; ses dix fonda- teurs, indiqués sur une peinture hiéroglyphique, 288.

Tenuch, sixième fondateur de Mexico, 288.

544 TABLE ALP

Téo-amoxtli, livre divin, rédige par Iluemalziii , astrologue toUèque, go, 3i8.

Téocallis ou maisons des Dieux ^ ont une formi^ pyramidale chez les peuples du Mexique, 24; celui de TenochtitI an a été construit six ans avant la découverte de l'Amérique , i5. Voyez aussi Pyramides de Cholula et Huitzilopochtli. Ana- logie qu'a leur construction avec celle du temple deBélus, 33; ils sont orientés d'après les quatre vents cardinaux, 34; ils étoient en même temps des tombeaux, et des temples, 35,

Téocipactli, surnom de Coxcox, i44-

TéocualOj cérémonie mexicaine, dans laquelle les fidèles mangeoicnt leurs Dieux sous la Torme de farine de maïs pétrie avec du sang, i34.

Téoicpalli, chaise de roseaux sur laquelle est placée l'image d'Huilziiopochtli, qS.

Te'one'ncmi , marche des Dieux, procession des prêtres mexicains, 179.

Téopixqui^ nom des prêtres aztèques, 33; leur influence politique, 98.

Téoqiieckol, nom du flamant, i34-

Téojamiqui , femme du dieu de la guerre des Mexicains, 218, 236-

2Voteuctli, grand - prêtre de Hiiitziiopochlli. Son pouvoir, 98.

Téoiellj pierre dont étoit fuite l'image de la principale divinité des Tollèques, 94-

Téotihuacan [ pyramide de) , description de ce monument, 26; rapport entre leur base et leur hauteur, 28.

Téotlj nom du grand-esprit ou de rètre-supvème des Aztèques, iS, 94-

Téotleco , nom du quatorzième mois de l'année mexicaine, i33.

Tépeilhuitl, fête des Divinités agrestes, i33.

Tepeyollotli , dieu de l'intérieur des montagnes, huitième signe d'une série de neuf, i45.

Téponatztli , instrument de musique, 289.

Te'popochiiilizdi, nom du septième mois des Mexicains, i33.

Téquendama {cascade du), 19; la mythologie l'attribue à Bochita, 21; description de celte cascade, ibid-^ elle n'est pas, comme on la croit, la plus liaute du globe, 22.

Têquitl, tribut payé par les Mexicains à leurs

princes, 234- Terre. Son hiéroglyphe est un lapin, 208. Tête gravée par les Indiens Muyscas, 297. Tête de l'Inca, rocher du Colopaxi, Tête pointue , caractère des sculptures mexicaines,

5o.

Têtes. Observation de M, Visconli sur la grandeur

des tètes des figures aztèques, 3oi. Tétéionan, fille du roi des Colhues, immolée sur

l'autel de Huitzilopochtli, et placée parmi les

Divinités, 9g. Tetlacmancalmecac , couvent de la congrégation

des prêtres du loup sacré chez les Mexicains ,21g. Tetlama y village du Mexique, 4o- Tetlanman, partie intérieure de la chapelle du

loup sacré chez les Mexicains, 21g. Tetzakuîtl , surnom de Huitzilopochtli, 96. Tetzcatlipoca ou Grand-Esprit , première divinité

aztèque après l'être-suprème , 2$; donne l'immor-

talilé à Quetzalcoatl, 3o ; est représentée mettant

en pièces une couleuvre , 84- TezontU, nom aztèque de l'amygdaloïde poreuse,

26.

Tezozomoc , auteur mexicain. Voyez Aîvarado.

Tezpi, un des noms de Coxcox, 226.

Thevet (^Andrê), géographe du roi de France, a été possesseur du Recueil de Mendoza, 76.

Thibaut (/!/. J, architecte françois, 202.

Thomas {Saint-) , apôtre. Les Espagnols ont cru le reconnoître dans le Quetzalcoatl des Mexi- cains, 84-

Tiahiianaco, ville du Pérou. On y trouve des

constructions très-anciennes, igg. Tianquiztli, fête que les Aztèques célêbroient au

commencement de chaque subdivision du mois,

128.

Tigre. Les Mexicains lui êrigeoicnt des chapelles , 219.

Tilmatli , manteau d'homme chez les Azlèques , 79. TiopuUo, une des cimes des Cordillères dans le

royaume de Quito , 196. Titans aztèques. Voyez Tzocuiltixèques. Tititl , nom du premier mois de l'année mexicain ,

l32.

du Pérou, réfurmateu.

Tilu-JMancQ-Capac

du calendrier, i3i. Tijclpitzin, prince d'Azcapozalco , 53. Tizac , septième roi des Aztèques, 3 19. Tlacahuepancuexcotzin , dieu de la guerre des

Mexicains, représenté sur une idole de pierre.

218.

Tlacatecolatl , divinité mexicaine , représentée buvant le sang d'un cœur humain, 23^.

Tlacaxipehueliztli , nom du quatrièQie mois de l'année mexicaine, i3a.

Tlaloc , montagne sur laquelle se réfugièrent sept géans lors de la grande inondation d'Analiuac , 32.

Tlalocteuctli , principale divinité des Tollèques , 94; son image, placée sur la cime d'une mon- tagne , ibid. j fêtes célébrées en son honneur-,

911, 134.

Tlalpilli, cycle de treize années mexicaines, i3o. Tlaltonatiuh, âge de la terre, nom du premier âge du monde d'après la Mythologie mexicaine,

J04.

Tlamacaz(pies jOràvea religieux parmi les Aztèques, 33 , 98.

'Tlascaltéques , peuple mexicain, parlant la même langue avec les Toltèqucs, les Cicimèques, les Acolhues et les Aztèques , 24 ; se servoient de nœuds en remplacement de l'écriture, qui leur étoit inconnue, 70 ; ils reconiioissoient le dogme de la raélempsycose, 86.

Tîaxochimaco , nom du onzième mois de l'année mexicaine, i33.

2'lazolteolt , nom de la planète Vénus, 283,

Tlazolteucihua , déesse de la volupté , septième signe d'une série de neuf, i45.

Tletonatiuh , âge du feu, nom du second âge du monde dans la mythologie aztèque, 206,

Tochtli , lapin, signe d'une année, 109; nom du sixième jour du mois, iSg.

Toisa [don JMamiel)^ directeur de la classe de sculpture de l'Académie des beaux-arts de Mexico, auteur de la statue équestre de Charles IV, 8.

Toltèques , peuple mexicain , parlant la même langue avec les Cicimèques , les Acolhues, les TIascaltèques et les Aztèques, 24; la tradition des Aztèques leur attribue plusieurs monumens

pyramidaux qu'on trouve dans la Nouvelle-Es- pagne, aS; leur calendrier civil, 27; leur patrie, 3o; époque de leur arrivée au Mexique, 70; ils avoient des annales et une écriture hiérogly- phique , ibid.; les Hurons et les froquois en descendent peut-être, 71 j ils s'étendent jusqu'au lac Nicaragua, 72; fait qui paroft indiquer qu'ils ont pénétré dans l'hémisphère austral , ibid.; ont- ils les premiers introduit la peinture? 90 j ils ne connuissoient pas l'usage des sacrifices hu- mains , g4 ; nom et image de leur principale divinité , ibid. ; époque ils disparurent au Mexique, aS, i37; noms des vingt jours de leur mois, 3o7; rapport entre leur calendrier et des institutions égyptiennes, 3o8; leur destruc- tion par une peste, 31/4 ; union de leui-s débris avec les Acolhues et les Chichimèques, ibid. Tonacacihua ou 2'enantzin , l'Èvc des Mexicains,

représentée assise sur un siège, 83, 100, 235. Tonacajohtta , la Ccrès des Mexicains, 97. Tonacateuctli , l'Adam des Aztèques, 83; repré- senté sur une peinture hiéroglyphique, 100. Tonalamatl, calendrier rituel des Aztèques, 83. Tonalpohualli , calendrier civil des Mexicains, 127, i35.

7'onatiuli, nom du soleil chez les Aztèques, 26; il est représenté mettant en pièces une couleuvre panachée , 84 ; comment il est figuré sur les monumens, 18G.

Tonatiuh, ou le Soleil, surnom donné à Pedro Alvarado, 281,

Tonatiuh. Voyez Yquiza , Nepantia et Onaqui

Tonatiuh-Yztaqual , un des téocailis de Téoti- huacan , 26,

Topihzin , dernier roi des Toltèques, 53.

Top-xicalli 3 vase renfermant de l'encens, chez les Mexicains ,218.

Toribio de Benaveiite , franciscain instruit dans les langues américaines, 126.

Torquemada. Ses recherches sur les antiquités mexi- caines , 125.

Totonaques , peuple mexicain, distinguent deux

races de divinités, 97. Tour de Babel. Tradition aztèque qui la rappelle,

3-2.

87

546

Toxcatlj nom du septième mois mexicain , i33. Toxiuhmolpia , féte séculaire des Mexicains, 179, Tozoztontli , nom du cinquième mois des Mexi- cains, i33.

Traces de pieds. Ce qu'elles indiquent dans les

hiéroglyphes , 55j 164. Trésor trouvé dans un tombeau péruvien près de

la ville de Triixillo sur les côtes de la mer du

Sud, jig.

Tribut des peuples mexicains, représenté sur nue

peinture liiéroglypliïque , 234, ^85. Tsin, terminaison chinoise qui se retrouve dans un

grand nombre de noms propres mexicains, 3o8. Tsin ( dynastie de), en Cliine. Sa ruine coïncide

avec l'époque de l'arrivée des Toltèques au Mexique,

70.

Tuinametin, race de gcnns qui , d'après la tradi- tion , a existé dans les plaines de TIascala, 2o4-

Tida, maison ^'Espagne. Son origine, 320.

Tumulus , ou collines artificielles servant de sépul- ture, se trouvent dans différentes parties du monde, 35, 196.

Tungiirahtia , montagne du Quito, /|4. Tunj'a, ville de Cundinamarca, ftiiidée par Hun- cahua , 246.

Tupac Yupangi , inca du Pérou, fait la conquèlc de Quito, 36, m; son palais, 108;

Turbaco. Description de ce village, 239.

Tzapoteca. Costume d'un habitant de cette pro- vince, 88.

Tzonchichiltèque. Voyez Tletonatiiih.

Tzinteatl , surnom de Centeotl, g^.

Tzitzimimes , génies malfaisans, 179.

Tzocuillixèque , géans habilans originaires d'Ana- liuac , 52.

Uîniecatl, troisième fils du premier homme, 317. Université' fondée à Mexico, 56.

V.

allée d'Oaxaca ( marquis de Ut ). Voyez Alonte- Leone.

TAISI.E ALPHABETIQUE

frases de granit, de la côte des Honduras, 238. p'^atican ( bibliothèque du^. Manuscrits mexicains qu'elle renferme j 82.

autour envoyé par Coxcox pour explorer si les eaux s'étoient retirées , 227. f'eletri. Description du manuscrit mexicain qui s'y trouve , 81, 8g ; il a été commenté par Fabrega . go.

F eut. Un ouragan /ail périr la troisième généra- lion des hommes, d'après la Mythologie aztèque, 206.

J^énus , étoile représentée sur une peinture mexi- caine, 283.

F'erandrier découvre, dans le Canada, une pré- tendue inscription tartare, 5g, Pie. Comment les hiéroglyphes l'indiquent , 54- Vieillesse période de cent quatre ans chez les

Aztèques, i3o. P ienne. Description du manuscrit mexicain qui s'y trouve, 76.

Vijao, plante de la famille des Scitaminées; cabanes

que les Indieus en construisent, ibid. p inagre , rivière. Ses cascades, 221. P'inaque, ruines d'une ville du Pérou. On y trouve

des édifices très-anciens, igg. P ingt. Hiéroglyphe de ce nombre, 181 j hiéro- glyphes de ses multiples, 14 i- Volcans. Hiéroglyphe qui les indique, 54; ceux du Mexique sont tous placés sur une même ligne, 244. Voyez Cotopaxi, Tungurahua , Sangaj, Popocatepec , Orizaba. Forme de ceux qui sont encore aciifs, 106; et de ceux qui se sont alTaissés, ibid. l otan, chef d'un peuple que la tradition fait venir du Nord, 72; guerrier chïapannois doni le nombre désigne un jour, 148. p^ oittes. Par quelle espèce de construction les Az- tèques les remplaçoient , 2g,

Xelhua, un des sept géans qui échappèrent à la grande inondation d'Anahuac, 32; fils amé du premier homme , 317,

Xèques j prélres des Muyscas, 261,

HF,s iviatil:res.

^47

Xicatetîi, nom d'un guerrier mexicain, 4o.

Xilomanaliztli , nom du troisième mois de l'anncc , mexicaine, i34.

Xiquipilli , bourse d'encens, représentée sur une peinture mexicaine, iioibourse renfermant 8000 grains de cacao, ït^i.

Xîuhmolpia , l'été séculaire des Mexicains, 17g.

Xiiihmolpilli , période de cinquante -deux années, i3o; signes qui la représentent, i4o.

Xiuhteuctli , dieu du feu, 206; sa figure sur une peinture hiéroglyphique, 2i3.

Xiuhteiictli Tletl , un des signes d'une série de neuf jours, dans le calendrier mexicain,

Xochicalco, colline artificielle près de Cuernavaca, 3^; c'est un monument militaire , 3g; probable- ment un temple fortifié, Ï\G\ son nom veut dire maison des fleurs, 4o-

Xochilhuitl , nom du deuxième mois de l'année mexicaine, i32.

Xochimilques , peuple mexicain, vaincu par le roi de Colhuacan, assisté des Aztèques, g4-

Xochiquetzal , femme de Coxcox ou du j>!oé mexi- cain, représentée flottant sur l'eau dans un tronc d'arbre creusé en forme de barque, 207, 226, 227.

Xochitl, nom du dix-huitième jour du mois chez les Mexicains, ii4i troisième signe d'une série de neuf, i45.

Xocotlhuelzi, nom du douzième mois de l'anuée mexicaine, i33.

Xorullo , volcan. Voyez Jondlo.

Yngn-Chungana. Voyez Inga-Chungana.

\o (les quatre), montagnes l'on sacrifioit ( Chine à l'htre-Suprcme , 3 16.

z.

Zticatéqnes , habilans d'Analiuac avant l'arrivée des Toltèques, g3.

Zcique, titre du souverain des Muyscas, 246.

Zarina, reine des Scythes. Sa pyramide, 34-

Zippa , titre des princes de Bogota soumis aux 7.aqucs de Tunga , a47j ^^8.

Zocam, nom de l'année civile des Muyscas, 256.

Zodiaque. Les peuples qui ont fixé leur attention sur le ciel ont imaginé deux sortes de zodiaques, !'un lunaire, l'autre solaire, 173.

Zodiaque égyptien paroit être celui d'un peuple agricole, 2:20.

Zodiaque des peuples de l'Asie orientale. Ana- logie qui se trouve entre lui et le calendrier mexicain, 157, i6o; les signes du tigre et du singe, qui s'y trouvent, prouvent que les peuples de l'Asie orientale ont reçu ce zodiaque d'un pays plus méridional, 161.

Zodiaque tartare paroit être celui des peuples chasseurs et pasteurs, 21g.

Zumamga [Juan)., religieux franciscain , premier évèque de Mexico, fiiit briser les idoles de la plaine de Micoatl, 26; son arrivée et sa mort représentées sur une peinture hiéroglyphique, 281.

Y-

4

TABLE

DES MATIÈRES

CONTENUES

DANS CET OUVRAGE.

Introduction, pag. j.

Vues pittoresques des ConDiixÈnES f.t mon'umen's des peuples indigènes de l'Amérique, pag. i. Planches 1 et II. Buste d'une prêtresse aztèque, 4-

m. Vues de la grande place de Mexico, 7.

IV. Ponts naturels d'Icononzo, g.

V. Passage de la montagne de Quindïu , dans la Cordillère des Andes, i3.

VI. Chute du Tecpiendania, ig,

VII. Pyramide de Cliolula, a/,.

VIII. Masse détachée de la pyramide de Cholula, 36.

IX. Monument de Xocliicalco, 37.

X. Volcan de Cotopaxi, 4"-

XI. Relief mexicain trouvé à Oaxaca, 47-

XII. Généalogie des princes d'Azcapozalco, 5i ; pièce de procès en écriture hiérogly-

phique, 55.

XIII. Manuscrit hiéroglyphique aztèque, conservé à la bihlioilicque du Vatican, 5G.

XIV. Costumes dessinés par des peintres mexicains du temps de Monlézuma , 87.

XV. Hiéroglyphes aztèques du manuscrit de Veletri, 8g.

XVI. Vue du Chimborazo et du Carguairazo, 102.

XVII. Monument péruvien du Caiiar, 107.

XVIII. Rocher d'Inti-Guaicu, m.

XIX. Ynga-Ciiungana, près du Caùar, 112.

XX. Intérieur de la maison de l'Inca, au Caîiar, 114.

XXI. Bas-relief aztèque trouvé à la grande place de Mexico, 118.

XXII. Boches basaltiques et Cascade de Régla, 122.

XXIII. Relief en basalte représentant le calendrier mexicain, I25.

XXIV. Maison de l'Inca, à Callo, dans le royaume de Quito, igS.

XXV. Le CliimborazG, vu depuis le plateau de Tapia, 200.

XXVI. Epoques de la nature, d'après la mythologie aztèque, 202,

XXyiI- Peinture hiéroglyphique tirée du manuscrit borgien de Veletri , et signes de^ jours de l'almanach mexicain, 212,

TABLE T>ES MATIERES. XXVIU. Hache aztèque, 214.

XXIX. Idole aztèque de porphyre basaltique , trouvée soms le pavé de la grande

place de Mexico, 2i4-

XXX. Cascade du Rio Vinagre, près du volcan de Pm-acé, 320.

XXXI. Poste aux lettres de la province de Jaen de Braeairioros, 221.

XXXII. Histoire hiéroglyphique des Aztèques , depuis le déluge jusqu'à la fondation de

la ville de Mexico, 223.

XXXIII. Pont de cordage près de Pénipé, aSo.

XXXIV. CofTre de Perole, 233.

XXXV. Montagne d'iiinissa, ibid.

XXXVT. Fragmens de peintures hiéroglyphiques, déposés à la bibliothèque royale de Berlin, n34.

XXXVII. Peintures hiéroglyphiques du musée Borgia à Veletri, 235.

XXXVIII. Migration des peuples aztèques, peinture hiéroglyphique déposée à la

bibliothèque royale de Berlin, 23^.

XXXIX. Vases de granit, trouvés sur la côte de Honduras, 238. XL. Idole aztèque, en basalte, trouvée dans la ville de Mexico, 239. XLI. Volcan d'air de Turbaco, 239.

XLII. Volcan de Cayambe, 241.

XLIII. Volcan de Jorullo, 242.

XLIV. Calendrier des Indiens Muyscas, anciens habitans du plateau de Bogota, 24:?, « XLV. Fragment d'un manuscrit hiéroglyphique conservé à la bibliothèque royale de

Dresde, 26G.

XLVI, XLVII, XLVin. PcinUires hiéroglyphiques tirées du manuscrit mexicain conservé à la bibliothèque impériale de Vienne, n." i, 2 et 3, 267.

XLIX et L, Ruines de Miguitlan ou Mitla dans la province d'Oaxaca; plan et élévation, 2.70.

TjT. Vue du Corazon, 273.

LU et LUI. Costumes des Indiens de Méchoacan, 375. LIV. Vue de l'intérieur du cratère du Pic de Ténèriffe, ibid.

Supplément.

Planches LV et LVI. Fragmens de peintures hiéroglyphiques tirés du Codex Telleriano- Remensis, 279.

LVIL Fragment d'un calendrier chrétien tiré des manuscrits aztèques conservés à la

bibliothèque royale de Berlin, 283. LVIII et LIX. Peintures hiéroglyphiques de la Raccolta di Mendoza, 284- LX. Fragmens de peintures aztèques tirés d'un manuscrit conservé à la bibliothèque du

Vatican, 291. LXI, Volcan de Pichineha, ibid.

LXII. Plan d'une maison fortifiée de l'Inca , située sur le dos de la Cordillère de l'Assuay.

Ruines d'une partie de l'ancienne ville péruvienne de Chulucanas, 292. LXIII. Radeau de la rivière de Guayaquil, 2g5. LXIV. Sommet de la montagne des Organos d'Actopan , 29G. LXV. Montagnes de porphyre colonnaiie du Jacal, ibid.